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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2146/2023

ATA/196/2024 du 13.02.2024 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2146/2023-FPUBL ATA/196/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 février 2024

 

dans la cause

 

A______
représenté par Me Romain JORDAN, avocat recourant

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE
représenté par Me Nicolas WISARD, avocat intimé

 



EN FAIT

A. a. Le 1er août 1991, A______, né le ______1966, a rejoint la police pour un an à titre d’épreuve en tant que gendarme. Six ans plus tard, il a été nommé appointé, puis promu sous-brigadier le 1er janvier 2005, adjudant le 1er octobre 2012, lieutenant douze mois plus tard et premier-lieutenant le 1er avril 2015.

b. Selon la décision du Conseiller d’État en charge du département de la sécurité et de l’économie, devenu ensuite le département de la sécurité, de la population et de la santé, puis le département des institutions et du numérique (ci-après : le département), du 27 mars 2017, A______ a été élevé au grade de capitaine dès le 1er avril 2017, affecté au centre B______, en classe 25 position 5.

c. D’avril 2017 à décembre 2021, A______ a effectué 2’024 heures supplémentaires (400 d’avril à décembre 2017, 418 en 2018, 477 en 2019, 245 en 2020, 484 en 2021). 

d. Pour l'ensemble de ces heures supplémentaires, il a été rémunéré, chaque année, par une indemnité forfaitaire correspondant à 3% de son traitement annuel de base, sauf pour l'année 2020 (2%).

B. a. Le 9 juin 2022, le conseil de A______ a requis le paiement des heures supplémentaires effectuées pendant la période s'étendant d’avril 2017 à juillet 2022, au même taux horaire que celui des heures de la durée réglementaire de travail, sous déduction des indemnités forfaitaires déjà versées.

Pendant cette période, comme un grand nombre de ses collègues cadres supérieurs, il avait été contraint d'effectuer de très nombreuses heures supplémentaires. Or, il n'avait été rémunéré qu'à hauteur d'une indemnité forfaitaire de 3% par an, soit par le biais d'un traitement largement inférieur à la valeur des heures concernées et qui ne reposait sur aucune base légale formelle. À supposer que ce régime instauré par l’art. 7 du règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale du 22 décembre 1975 (RCSAC - B 5 05.03) fût valable, il devait bénéficier d'une majoration du taux d'indemnisation, comme le permettait le règlement applicable. À titre subsidiaire, il demandait une réévaluation à la hausse de sa fonction.

b. Le 7 septembre 2022, se référant à une précédente correspondance du 29 juillet, le conseiller d'État en charge du département a informé A______ que la problématique soulevée nécessitait de plus amples recherches que celles prévues et qu’il ne serait pas en mesure de répondre avant la fin du mois de septembre 2022.

c. Le 17 octobre 2022, le conseiller d'État a indiqué à A______ qu'il envisageait de rejeter sa requête.

La validité du régime instaurant une compensation forfaitaire pour les cadres supérieurs de l'administration cantonale avait été confirmée à plusieurs reprises par les juridictions. Ce régime excluait toute autre forme d'indemnisation ou de compensation pour les heures supplémentaires. En outre, la récurrence des heures supplémentaires effectuées par l'intéressé ne lui permettait pas de bénéficier d'une majoration des taux applicables.

Le conseiller d'État a invité A______ à transmettre d'éventuelles observations complémentaires.

d. Le 18 novembre 2022, A______ a persisté à contester la validité du régime d'indemnisation forfaitaire instauré pour les cadres et a notamment ajouté que l'indemnisation par la seule rémunération forfaitaire créait une inégalité de traitement, dès lors qu'un cadre supérieur à temps partiel, effectuant, par le biais d'heures supplémentaires, le même nombre d'heures supplémentaires que son homologue à temps plein ne percevrait pas un traitement identique.

Il a sollicité une copie intégrale du dossier de la cause, comprenant (1) tous les échanges entretenus et les informations récoltées dans ce cadre, « référence étant notamment faite [au] courrier [du conseiller d'État] du 7 septembre 2022 annonçant la poursuite de recherches plus approfondies que celles prévues », (2) le décompte des heures supplémentaires effectuées par les cadres supérieurs de l'administration centrale à compter de 2017, avec la précision du service auquel ils étaient rattachés, leur taux d'activité et le nombre d'heures supplémentaires retenues (3) ainsi que l'indication du nombre de cas dans lesquels il avait été fait application de la majoration prévue par voie réglementaire, avec les décisions correspondantes et l'indication des critères ayant justifié ladite majoration.

e. Le 30 mars 2023, le conseiller d'État a transmis à A______ :

-          un tableau récapitulatif par département du nombre de cadres ayant perçu des indemnisations forfaitaires pour les heures supplémentaires effectuées durant les années 2021 et 2022 ;

-          le procès-verbal de la séance du Conseil d'État du 5 décembre 2007 (sic) expliquant les raisons qui l'avaient mené à appliquer, et ce une seule fois, la majoration des taux applicables ;

-          un tirage des échanges entretenus et des informations obtenues dans ce cadre entre les différents services concernés en lien avec les demandes formulées par l'intéressé.

Le conseiller d'État a en revanche refusé de communiquer les décomptes individualisés des heures supplémentaires effectuées par les cadres supérieurs de tous les services de l'administration centrale, pour des raisons de confidentialité des données des collaborateurs concernés et au vu du travail excessif que la réunion de ces informations impliquerait. Il a imparti un délai à A______ pour se déterminer.

f. Le 1er mai 2023, A______ a prié le conseiller d'État de rendre une décision sur sa demande d'indemnisation. Il a contesté les motifs invoqués à l'appui du refus de ce dernier de transmettre les décomptes concernés.

g. Par décision du 26 mai 2023, le conseiller d'État a rejeté la demande de A______. Il a repris ses précédents arguments et ajouté ce qui suit.

Le régime applicable à l'intéressé déterminait de façon claire ses prétentions en rémunération, en excluant l'indemnisation supplémentaire qu'il sollicitait. C'était donc en vain qu'il invoquait le principe d'une juste rémunération pour remettre en cause ce régime, le principe invoqué n'ayant aucun ancrage juridique.

La disposition prévoyant la majoration des taux ordinaires relevait du pouvoir d'appréciation de l'employeur. Elle n'avait été appliquée qu'une seule fois et à l'ensemble des cadres de la fonction publique, fin 2007, au vu des bons résultats comptables de l'exercice et des efforts consentis par les cadres supérieurs.

Le régime applicable aux heures supplémentaires pour les employés non cadres supérieurs différait de celui applicable aux cadres supérieurs. Cette différence de régime ne constituait pas une inégalité de traitement puisqu'elle était transversale et propre à toute la fonction publique qui était fondée sur des classifications de fonctions dissemblables. Enfin, s’agissant d’une réévaluation à la hausse des fonctions et du traitement des cadres supérieurs de la police, le volume de travail effectué à titre d’heures supplémentaires ne constituait pas un paramètre de classification des fonctions selon l’art. 4 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15).

C. a. Par acte remis à la poste le 26 juin 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant principalement à son annulation, à ce que l'État de Genève soit condamné à lui payer, depuis juillet 2017 et jusqu'au jour du dépôt du recours, les heures supplémentaires effectuées, et ce au même taux horaire que celui des heures de la durée réglementaire de travail, et à ce qu'il soit constaté qu'il avait droit, pour le futur, à une rétribution des heures supplémentaires effectuées, et ce au même taux horaire que celui des heures de la durée réglementaire de travail. Il n’a pris aucune conclusion concernant la réévaluation à la hausse de sa fonction et n’a plus évoqué cette problématique. Préalablement, il a conclu à ce que le département produise l'intégralité du dossier de la cause, comprenant également tous les échanges entretenus et les informations « récoltées dans ce cadre, notamment concernant les recherches plus approfondies que celles prévues évoquées dans le courrier du conseiller d'État du 7 septembre 2022 », et à ce qu'il lui remette le décompte des heures supplémentaires effectuées par les cadres supérieurs de l'administration centrale depuis 2017, avec la précision du service auxquels ils étaient rattachés, leur taux d'activité et le nombre d'heures supplémentaires retenu.

Son droit d'être entendu, sous l'angle de ses droits d'accéder au dossier et d'offrir des preuves pertinentes, avait été violé. Sur le fond, le système d'indemnisation forfaitaire des cadres était contraire au principe de la légalité et violait sa liberté personnelle ainsi que son droit à la vie privée et familiale. Il était également arbitraire puisque la rétribution de ses heures supplémentaires était inversement proportionnelle à l'intensité des contraintes – non justifiées – imposées par l'autorité d'engagement. Il subissait également une inégalité de traitement vis-à-vis des cadres supérieurs qui n'étaient pas contraints d'effectuer des heures supplémentaires. Enfin, le département aurait dû, au vu des très nombreuses heures supplémentaires qu'il avait réalisées, majorer les taux d'indemnisation ordinaires.

b. Le département a conclu au rejet du recours, persistant dans les termes de sa décision et ajoutant ce qui suit.

Les prétentions de A______ afférentes aux périodes antérieures à juillet 2017 étaient prescrites. Les fonctions supérieures de la police impliquaient l'accomplissement d'un travail supérieur à la moyenne. Il n'était pas exceptionnel que les cadres supérieurs de la police effectuassent un nombre important d'heures supplémentaires pouvant dépasser les 400 unités et perçussent l'indemnité forfaitaire de 3 %.

Le régime de compensation forfaitaire des cadres de la police se justifiait par la nécessité d'assurer une gestion efficace et pragmatique des ressources humaines tout en favorisant une dynamique opérationnelle cohérente et équilibrée. La problématique liée à l'inégalité de traitement entre cadres était inhérente au caractère forfaitaire et schématisé de l'indemnisation instituée par la législation genevoise.

c. Dans sa réplique, A______ a persisté dans son argumentation et notamment précisé qu'il dénonçait l'obligation qui lui était imposée de mettre gratuitement son temps libre à disposition de l'État. Le système d'indemnisation forfaitaire était arbitraire lorsqu'il était appliqué à un cadre accomplissant un très grand nombre d'heures supplémentaires. Rien ne pouvait pourtant justifier que des seuils n'eussent pas été prévus pour les heures supplémentaires dépassant les 300 et 400 unités. Son cas n'était pas répandu au sein de l'administration.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA - E 5 10).

Les conclusions en constatation prises par le recourant sont en revanche irrecevables, faute notamment d'intérêt au prononcé d'une décision en constatation, le régime à appliquer à l'avenir dépendant en l'occurrence d’une situation de fait qui n’est pas encore connue (art. 49 al. 1 et 2 LPA ; ATA/560/2013 du 27 août 2013 consid. 3d et les références citées).

2.             Le litige consiste à déterminer si le recourant, cadre supérieur de l'administration cantonale, a droit à la rémunération des heures supplémentaires qu'il a effectuées entre juillet 2017 et le 26 juin 2023, date du dépôt du recours, au même taux horaire que celui des heures de la durée réglementaire de travail. Cela revient à analyser, d'une part, la conformité au droit du régime actuel, qui, comme on le verra infra, prévoit un système de rémunération forfaitaire des heures supplémentaires effectuées par les cadres supérieurs, et, d'autre part, sa correcte application dans le cas présent.

3.             Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner avant les griefs au fond, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu à plusieurs égards. Il soutient, d'une part, que son droit d'accès au dossier a été violé puisqu'il avait sollicité une copie intégrale du dossier de la cause, comprenant également les éléments relatifs aux « recherches plus approfondies que celles prévues », ce à quoi l'intimé n'avait pas donné suite. D'autre part, il allègue que l'intimé a violé son droit à offrir des preuves puisque ce dernier a refusé de lui transmettre le décompte détaillé des heures supplémentaires effectuées par les cadres supérieurs de l'administration centrale à compter de 2017.

Il sollicite devant la chambre de céans la production de ce document, ainsi que celle de « l'intégralité du dossier de la cause ».

3.1 Tel qu'il est reconnu par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier et d'offrir des preuves pertinentes (ATF 135 II 286 consid. 5.1). L'art. 29 al. 2 Cst. impose en particulier à l'autorité de donner suite à une offre de preuve lorsque celle‑ci a été demandée en temps utile, dans les formes prescrites et qu'elle apparaît de nature à influer sur le sort de la décision à rendre. Il n'y a toutefois pas violation du droit à l'administration de preuves lorsque la mesure probatoire refusée est inapte à établir le fait à prouver, lorsque ce fait est sans pertinence ou lorsque, sur la base d'une appréciation non arbitraire des preuves dont elle dispose déjà, l'autorité parvient à la conclusion que les faits pertinents sont établis et que le résultat, même favorable au requérant, de la mesure probatoire sollicitée ne pourrait pas modifier sa conviction (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_1/2019 du 22 juillet 2019 consid. 6.1 et les références citées).

3.2 En l'espèce, à l'exception du décompte détaillé des heures supplémentaires effectuées par les cadres supérieurs de l'administration centrale à compter de 2017, question qui fera l'objet d'une analyse séparée, l'intimé a transmis au recourant les pièces dont ce dernier a requis la production en procédure non contentieuse. Rien ne permet dès lors de considérer que l'intimé aurait retenu des pièces sur lesquelles il aurait fondé sa décision, étant précisé que le recourant ne requiert la production d'aucune pièce en particulier ni n'en désigne aucune, sous réserve dudit décompte. Il convient du reste de relever que l'intéressé fonde son reproche exclusivement sur le fait que l'intimé aurait annoncé, par courrier du 7 septembre 2022, la poursuite de « recherches plus approfondies que celles prévues ». Or, non seulement une telle annonce ne ressort pas de ce courrier, mais l'intimé a également transmis au recourant, et ce après l'envoi dudit courrier, les documents issus de ses recherches. Ainsi, sauf à faire un procès d'intention à ce dernier, on ne voit pas quel document n'aurait pas été porté à la connaissance du recourant. Le reproche est donc mal fondé, et la demande du recourant tendant à la production par l'intimé de l'intégralité du dossier de la cause sera rejetée puisqu'elle est de facto sans objet.

En ce qui concerne le décompte sollicité par l'intéressé, ce dernier fait valoir que les informations contenues dans ce document permettraient d'établir qu'il effectue beaucoup plus d'heures supplémentaires que les autres cadres et donc qu'il subit une inégalité de traitement. Or, comme on le verra ci-après, la connaissance du nombre d'heures supplémentaires effectuées par chacun des autres cadres supérieurs n'est pas de nature à influencer la décision dans un sens favorable au recourant. L'intimé n'a donc pas violé son droit d'être entendu en refusant de générer le document sollicité et de le lui transmettre. Aussi, par appréciation anticipée des preuves, il ne se justifie pas non plus d'ordonner à l'intimé de produire ce décompte, si bien que la requête y relative sera rejetée.

Au vu de ce qui précède, et en particulier dans la mesure où le recourant a eu un accès complet au dossier de la cause, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu sera écarté.

4.             L'intimé se prévaut de la prescription des « créances » du recourant afférentes aux périodes antérieures au mois de juillet 2017.

4.1 L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. Il correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/44/2024 du 16 janvier 2024 consid. 2 et les arrêts cités).

4.2 Lorsqu'il s'agit d'une créance de droit public, la prescription s'examine d'office. En revanche, elle ne s'examine que sur exception de l'État, lorsque c'est un particulier qui est créancier (ATF 138 II 169 consid. 2.2 = RDAF 2013 II 101 et les références citées ; ATA/849/2022 du 23 août 2022 consid. 10a et les références citées).

4.3 En l'espèce, le recourant a conclu au paiement des heures supplémentaires qu'il a effectuées d’avril 2017 jusqu'au jour du dépôt de son recours (au même taux horaire que celui des heures de la durée réglementaire de travail). Il est donc sans importance que les prétentions afférentes aux heures supplémentaires antérieures à juillet 2017 soient prescrites ou non, dites prétentions ne faisant pas l'objet du litige. L'exception soulevée par l'intimé est donc sans objet.

Aussi, dans la mesure où ce dernier n'a pas soulevé l'exception de prescription pour les prétentions faisant l'objet du litige, la chambre n'examinera pas si celles-ci sont prescrites.

5.             Le recourant se plaint de la violation des principes de la légalité et de l'interdiction de l'arbitraire, en lien avec une violation de sa liberté personnelle et de son droit à la vie privée et familiale. Il soutient que son obligation de mettre du temps à disposition de l'État, en dehors de la durée réglementaire de travail, restreint son droit d'entretenir des relations familiales et personnelles durant son temps libre. Eu égard au nombre important d'heures supplémentaires qu'il devait effectuer, sans rétribution, pour remplir son cahier des charges, les atteintes à sa liberté personnelle et à sa vie privée et familiale qu'il subissait étaient particulièrement graves. Or, aucune loi formelle ne permettait de telles restrictions. En outre, plus il effectuait d'heures supplémentaires, plus le montant moyen de rétribution de chacune d'elles diminuait. Or, le principe d'une rétribution dégressive ne reposait sur aucun motif sérieux puisque la rétribution devait être proportionnelle au travail fourni. La décision querellée était par ailleurs arbitraire dans son résultat puisque sa rétribution était inversement proportionnelle aux contraintes imposées par l'autorité d'engagement.

5.1 La loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997
(LPAC - B 5 05) définit les droits et devoirs des membres du personnel de la fonction publique qui lui sont assujettis (art. 2 al. 1 LPAC). L’art. 33 LPAC prévoit que le Conseil d’État prend, par voie de règlements, les dispositions d’exécution de la LPAC (al. 1).

5.2 Le personnel de la police est soumis à la LPAC et à ses dispositions d’application, en particulier son règlement d’application du 24 février 1999 (RPAC ‑ B 5 05.01), sous réserve des dispositions particulières de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05 ; art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 al. 1 let. b LPAC). Il est, de même, soumis à la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15) et à ses dispositions d’application (art. 18 al. 2 LPol ; art. 1 al. 1 let. d LTrait).

5.3 Outre les dispositions de la LPAC et du RPAC, les cadres supérieurs sont soumis au RCSAC (art. 1 al. 1 RCSAC ; s'agissant des heures supplémentaires : art. 3 al. 7 du règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 - RGPPol - F 1 05.07).

Sont des cadres supérieurs les fonctionnaires appelés, par leurs responsabilités hiérarchiques ou fonctionnelles, à préparer, proposer ou prendre toute mesure ou décision propre à l’élaboration et à l’exécution des tâches fondamentales de pouvoir exécutif ; leur fonction se situe à compter de la classe 23 de l’échelle des traitements (art. 2 al. 1 et 2 RCSAC). Les fonctions de cadre supérieur exigent de leurs titulaires, outre la préoccupation constante des intérêts de l’État et l’accomplissement des devoirs généraux liés à l’exercice de la fonction publique, le maintien d’un haut niveau de qualification et un sens élevé de la mission confiée (art. 3 al. 1 RCSAC).

Les cadres supérieurs ont droit à six semaines de vacances par an (art. 6 RCSAC).

Dans la mesure où elles n'excèdent pas cent heures par année, les heures supplémentaires effectuées par les cadres supérieurs ne donnent pas lieu à une rémunération, sauf circonstances exceptionnelles (art. 7 al. 1 RCSAC). Les cadres supérieurs qui, pour s’acquitter de leur mission, doivent effectuer plus de cent heures supplémentaires par année sont mis au bénéfice d’une indemnité forfaitaire correspondant à 2% de leur traitement annuel de base, à l’exclusion de toute majoration. L’indemnité correspond à 3% du traitement annuel de base lorsque le nombre d’heures supplémentaires effectuées dépasse deux cents heures par année (art. 7 al. 2 RCSAC) ; ces taux peuvent être majorés pour tenir compte de circonstances exceptionnelles (art. 7 al. 6 RCSAC). En règle générale, les heures supplémentaires ne doivent pas excéder 10% de l’horaire annuel réglementaire (art. 7 al. 3 RCSAC).

La chambre de céans a déjà jugé que la ratio legis qui sous-tend l'indemnisation forfaitaire des cadres supérieurs, à savoir que le niveau élevé de responsabilités et de traitement qui allait avec le statut de cadre supérieur entraînait nécessairement une augmentation du temps de travail et un investissement qui ne pouvait être compensé de manière complète et mécanique, pouvait être appliquée sans réserve aux cadres supérieurs de la police (ATA/1006/2014 du 16 décembre 2014 consid. 16).

La durée habituelle du travail dans une entreprise ne vaut généralement pas pour les cadres supérieurs car l'on attend d'eux qu'ils fournissent des prestations un peu plus importantes. Il est important de considérer que lorsqu'on occupe une position supérieure, ce sont avant tout l'ampleur et le poids des tâches à accomplir qui déterminent la contre-prestation de l'employeur, bien plus que la durée du travail hebdomadaire, conformément à leur degré de responsabilité et d'indépendance. Les cadres supérieurs peuvent par ailleurs aménager leur temps de travail relativement librement (ATF 129 III 171 consid. 3. 1 = JdT 2003 I 241, 243).

5.4 De jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral. Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit des cantons, ancré à l’art. 49 Cst. (ATF 138 I 410 consid. 3.1). D’une manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire à la Cst., aux lois et ordonnances du droit fédéral (ATF 145 IV 10 consid. 2.1). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonale des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (ATA/1202/2023 du 7 novembre 2023 consid. 3 et les références citées).

5.5 Le principe de la légalité, consacré à l’art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n’est pas un droit constitutionnel individuel du citoyen. Il s’agit d’un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire ou la violation d’un droit fondamental spécial (ATF 146 II 56 consid. 6.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.1).

5.5.1 Le principe de la séparation des pouvoirs impose en particulier le respect des compétences établies par la constitution et vise à empêcher un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe. Il interdit ainsi au pouvoir exécutif d’édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_38/2021 du 3 mars 2021 consid. 3.2.1). Les règlements d’exécution doivent ainsi se limiter à préciser certaines dispositions légales au moyen de normes secondaires, à en combler le cas échéant les véritables lacunes et à fixer si nécessaire des points de procédure (ATF 139 II 460 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_660/2021 du 28 juin 2022 consid. 5.2).

Le Conseil d’État, qui exerce le pouvoir exécutif (art. 101 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst‑GE - A 2 00), peut adopter des normes d’exécution, soit des normes secondaires, sans qu’une clause spécifique dans la loi soit nécessaire. Les normes secondaires ne débordent pas du cadre de la loi ; elles peuvent établir des règles complémentaires de procédure, préciser et détailler le sens et le contenu de certaines dispositions de la loi, éventuellement combler de véritables lacunes. Elles ne peuvent en revanche pas, à moins d’une délégation expresse, poser des règles nouvelles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles sont conformes au but de la loi (ATF 147 V 328 consid. 4.2 ; 139 II 460 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.2). Pour que le Conseil d’État puisse édicter des normes de substitution, ou normes primaires, il faut qu’une clause de délégation législative l’y habilite, pour autant que la constitution cantonale ne l’interdise pas dans le domaine considéré et que la délégation figure dans une loi au sens formel, se limite à une matière déterminée et indique le contenu essentiel de la réglementation si elle touche les droits et obligations des particuliers (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1 ; ACST/17/2023 du 26 avril 2023 consid. 5.2.2 et l'arrêt cité).

5.5.2 L'exigence de la densité normative n'est toutefois pas absolue, car on ne saurait exiger du législateur qu'il renonce totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient en premier lieu à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit, et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manœuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision l'on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 138 I 378 consid. 7.2). Ainsi, en raison de la subordination hiérarchique propre à l'activité et à la structure de l'État, les employés de celui-ci se trouvent dans un rapport de droit spécial avec leur employeur. C'est pourquoi si la loi n'énumère pas de façon précise et exhaustive les droits et obligations découlant des rapports de service, ceux-ci peuvent être réglés par la voie réglementaire sans enfreindre le principe de la légalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2015 du 22 décembre 2016 consid. 4.2). En ce qui concerne les droits reconnus aux fonctionnaires, le principe de la légalité se définit dans ce cadre, de sorte que la délégation du pouvoir réglementaire peut être largement admise (ACST/31/2020 du 2 octobre 2020 consid. 8c ; ATA/1684/2019 du 19 novembre 2019 consid. 9b).

5.5.3 Dans un arrêt de 2020, la chambre constitutionnelle de la Cour de justice a eu à connaître de la légalité des art. 7B RPAC (types d'horaires de travail du personnel), 8A RPAC (heures supplémentaires) et 8B RPAC (service de piquet). Elle a considéré que les art. 7B al. 1 à 4, 8A al. 7 et 8B al. 6 RPAC s'inscrivaient dans le cadre des compétences d'exécution dont disposait le Conseil d'État en application de l'art. 33 al. 1 LPAC, puisqu'ils fixaient en détail les questions organisationnelles découlant des rapports de service, sans créer de nouveaux droits et obligations pour les agents publics qui y étaient soumis, ce qui était admissible du point de vue du principe de la légalité. Ces dispositions étaient également suffisamment précises et permettaient aux personnes concernées de connaître les types d'horaires de travail auxquels elles pouvaient être soumises, les notions d'heures supplémentaires et leur calcul ainsi que la notion de service de piquet (ACST/31/2020 du 2 octobre 2020 consid. 9 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_789/2020 du 4 novembre 2021).

5.6 Une décision ou un arrêté est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’il ne repose sur aucun motif sérieux et objectif, n’a ni sens ni but (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 136 II 120 consid. 3.3.2) est manifestement insoutenable, se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_170/2022 du 21 décembre consid. 5.1). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 I 170 consid. 7.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_273/2022 du 8 février 2023 consid. 3.1).

5.7 La liberté personnelle garantit à tout être humain le droit à l'intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement (art. 10 al. 2 Cst.), le respect de la dignité humaine (art. 7 Cst.) et, de manière générale, toutes les libertés élémentaires dont l'exercice est indispensable à l'épanouissement de la personne humaine (ATF 133 I 110 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_429/2021 du 16 décembre 2021 consid. 4.1 et les arrêts cités). Sa portée ne peut être définie de manière générale mais doit être déterminée de cas en cas, en tenant compte des buts de la liberté, de l'intensité de l'atteinte qui y est portée ainsi que de la personnalité de ses destinataires (ATF 142 I 195 consid. 3.2).

L'art. 8 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), dont la portée est identique à celle de l'art. 13 Cst. (ATF 137 I 284 consid. 2.1), garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, c'est‑à‑dire le droit de toute personne de disposer librement de sa personne et de son mode de vie, le droit d'établir des rapports avec d'autres êtres humains et avec le monde extérieur en général ou le droit d'entretenir librement ses relations familiales et de mener une vie de famille. Le droit au respect de la vie privée protège notamment l'intégrité physique et morale, l'identité, le respect de la sphère intime et secrète (en particulier le domicile), l'honneur et la réputation d'une personne, ainsi que ses relations avec les autres (ATF 139 I 257 consid. 5.2.1 ; 139 I 155 consid. 4.1 ; 133 I 58 consid. 6.1).

5.8 Selon l’art. 36 Cst., toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).

Selon le Tribunal fédéral, les restrictions graves d’un droit fondamental supposent une base claire et explicite dans une loi au sens formel (art. 36 al. 1 2e phr. Cst.). Pour les restrictions légères, une loi au sens matériel suffit. Les dispositions doivent être formulées d’une manière suffisamment précise pour permettre aux individus d’adapter leur comportement et de prévoir les conséquences d’un comportement déterminé avec un degré de certitude approprié aux circonstances (ATF 139 I 280 = JdT 2014 I 118 consid. 5.1 et les arrêts cités).

5.9 En l'espèce, le recourant est devenu capitaine au centre des opérations et de la planification (art. 5 al. 1 let. b ch. 2 du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2023 - ROAC - B 4 05.10), le 1er avril 2017, fonction située en classe 25 de l'échelle des traitements. Il est donc, depuis cette date, un cadre supérieur au sens du RCSAC, si bien que ce règlement lui est applicable, ce que les parties ne contestent à juste titre pas.

Il n'est pas non plus contesté que, pour les périodes litigieuses, le recourant s'est vu indemniser ses heures supplémentaires conformément à l'art. 7 al. 2 RCSAC. L'intéressé s'en prend toutefois au régime instauré par cette disposition.

5.9.1 Il convient donc d'examiner si le régime mis en place par l'art. 7 al. 1 et 2 RCSAC constitue une atteinte à la liberté personnelle du recourant et à son droit à la vie privée et familiale et si, le cas échéant, cette disposition constitue une base légale suffisante permettant cette restriction.

En l'occurrence, s'agissant de la première question soulevée, il apparaît douteux que l'art. 7 al. 1 et 2 RCSAC constitue une atteinte aux droits fondamentaux précités, dans la mesure où le recourant conteste la rémunération des heures supplémentaires qu'il a effectuées et non pas le principe de devoir en accomplir. En outre, il semble également douteux que le fait de réaliser des heures supplémentaires (en moyenne neuf par semaine pour les périodes concernées), – qui sont au demeurant inhérentes au statut de cadre supérieur, ce qui découle implicitement de l'art. 3 al. 1 RCSAC, puisque cette disposition prévoit notamment qu'un cadre supérieur doit avoir un sens élevé de la mission confiée –, empêche l'intéressé de disposer librement de sa personne et de son mode de vie, d'entretenir librement ses relations familiales et de mener une vie de famille durant son temps libre.

En ce qui concerne la seconde question évoquée, la thématique des heures supplémentaires des cadres supérieurs est réglée exclusivement à l'art. 7 RCSAC. Se pose donc la question de savoir si, conformément aux considérations qui précèdent, cette disposition constitue une base légale suffisante. À l'instar de ce qu'a retenu la chambre constitutionnelle dans l'ACST/31/2020 précité pour des dispositions traitant notamment de la question des heures supplémentaires des fonctionnaires (art. 8A RPAC), soit une question liée à celle soumise à la présente cause, l'art. 7 al. 1 et 2 RCSAC s'inscrit dans le cadre des compétences d'exécution dont dispose le Conseil d'État en application de l'art. 33 al. 1 LPAC. La délégation législative issue de cette disposition s'étend largement, et doit notamment comprendre la possibilité pour le pouvoir exécutif de réglementer les droits et obligations en lien avec les heures supplémentaires des employés de l'État, y compris des cadres supérieurs. En effet, comme l'a déjà jugé le Tribunal fédéral, en matière de fonction publique, si la loi n'énumère pas de façon précise et exhaustive les droits et obligations découlant des rapports de service, ceux-ci peuvent être réglés par la voie réglementaire sans enfreindre le principe de la légalité. Une telle possibilité trouve sa justification dans le fait que les employés de l'État se trouvent dans un rapport de droit spécial avec leur employeur, en raison de la subordination hiérarchique propre à l'activité et à la structure de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2015 précité consid. 4.2).

L'art. 7 al. 1 et 2 RCSAC est par ailleurs suffisamment précis puisqu'il détermine notamment à partir de quelles unités les heures supplémentaires sont rémunérées (al. 1 et 2) et à quel taux (al. 2).

Dès lors, l'art. 7 RCSAC constitue une base légale suffisante permettant de restreindre la liberté personnelle ainsi que le droit à la vie privée et familiale des cadres supérieurs de l'administration. Une telle restriction est au demeurant justifiée par l'intérêt public à l'utilisation parcimonieuse des deniers publics et apparaît proportionnée, l'art. 7 RCSAC n'excluant pas la rémunération des heures supplémentaires effectuées par les cadres, hormis celles qui ne dépassent pas les 100 heures par année, soit un nombre toutefois raisonnable sur un an (environ deux heures par semaine) compte tenu de l'investissement que l'on est en droit d'attendre des intéressés (voir également dans ce sens l'art. 3 al. 1 RCSAC).

5.9.2 Il convient ensuite d'examiner si l'application de l'art. 7 al. 1 et 2 RCSAC contrevient au principe de l'interdiction de l'arbitraire.

L'art. 7 RCSAC prévoit une rémunération par pallier des heures supplémentaires effectuées par les cadres supérieurs. Jusqu'à 100 heures, celles-ci ne sont, sauf circonstances exceptionnelles, pas rémunérées (al. 1). De 100 à 200 heures, elles le sont à hauteur de 2 % du traitement annuel de base du cadre (al. 2) et, lorsqu'elles dépassent un nombre de 200, elles le sont à hauteur de 3 % dudit traitement.

Comme la chambre de céans a déjà eu l'occasion de le préciser, la justification de l'indemnisation forfaitaire des cadres supérieurs, y compris ceux du personnel de police, repose sur le fait que le niveau élevé de responsabilités et de traitement qui va avec le statut de cadre supérieur entraîne nécessairement une augmentation du temps de travail et un investissement qui ne peut être compensé de manière complète et mécanique. Ces motifs ne sont pas dénués de pertinence, ce d'autant plus que les cadres supérieurs sont les collaborateurs dont on attend le plus et qui travaillent très souvent le plus, sans compter leurs heures (voir l'intervention de Nathalie FONTANET, alors conseillère d’État chargée du département des finances et des ressources humaines, dans le cadre des discussions relatives au projet de loi 12943-A déposé le 12 août 2022, p. 6-7). Il convient également de souligner que, comme déjà évoqué, l'art. 7 RCSAC n'exclut pas la rémunération des heures supplémentaires effectuées par les cadres, sous réserve des 100 premières.

Pour toutes ces raisons, le système mis en place par l'art. 7 RCSAC est dénué d'arbitraire, et il est par conséquent sans importance qu'un autre système de rémunération puisse entrer en considération. De facto, l'application de l'art. 7 al. 2 RCSCAC au cas du recourant est également dénué d'arbitraire.

Les arguments contraires soulevés par ce dernier n'y changent rien. En effet, si le système prévu par l'art. 7 al. 1 et 2 RCSAC peut conduire à une rétribution par heure dégressive des heures supplémentaires, en particulier lorsque celles‑ci dépassent 200 heures par années, une telle rétribution se justifie par les motifs déjà évoqués, soit par le fait que le niveau élevé de responsabilités et de traitement qui va avec le statut de cadre supérieur entraîne nécessairement une augmentation du temps de travail et un investissement qui ne peut être compensé de manière complète et mécanique. De même, la comparaison que le recourant effectue, à l'appui de ses griefs, avec l'art. 3 RGPPOL, qui prévoit que, pour les policiers non cadres, chaque heure supplémentaire est majorée de 25% (al. 2) et que chaque heure supplémentaire effectuée pendant un jour de repos ou de congé est majorée de 100% (al. 3), n'est pas pertinente puisque ces dispositions ne s'appliquent pas aux cadres supérieurs et que les policiers n'ayant pas le statut de cadres n'ont au demeurant ni le même salaire de base ni le même degré de responsabilité que les cadres supérieurs, ce qui justifie un traitement différencié.

Mal fondés, les griefs devront être écartés.

6.             Le recourant se plaint d'une violation du principe d'égalité de traitement. Il soutient que le système mis en place et la décision querellée consacrent une inégalité vis‑à‑vis des cadres supérieurs qui ne sont pas contraints d'effectuer des heures supplémentaires. En effet, le cadre contraint d'effectuer des heures supplémentaires était rétribué à un taux horaire plus faible dès la première heure supplémentaire, et disposait de moins de temps libre. De plus, il avait effectué beaucoup plus que 200 heures supplémentaires durant les années concernées mais avait perçu le même traitement que tous les cadres supérieurs qui avait effectué exactement 200 heures supplémentaires. Rien ne pouvait pourtant justifier que des seuils n'aient pas été prévus pour les heures supplémentaires dépassant les 300 et 400 unités.

6.1 Le principe d'égalité de traitement, consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., s'adresse tant au législateur (égalité dans la loi) qu'aux autorités administratives et judiciaires (égalité dans l'application de la loi ou égalité devant la loi), qui sont tenus de traiter de la même manière des situations semblables et de manière différente celles qui ne le sont pas (ATF 139 V 331 consid. 4.3 ; 137 V 334 consid. 6.2.1).

Une décision viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1).

Le fait même qu'une loi, au moins au sens matériel, encadre l'activité administrative contribue déjà à assurer l'égalité de traitement entre administrés. Cependant, la loi ne saurait prédéterminer de façon absolue et précise toute action de l'administration et celle-ci dispose dans de très nombreuses situations d'un pouvoir d'appréciation plus ou moins large (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 596). Un contrôle différent (plus souple) est en particulier requis en présence de dispositions légales qui régissent des situations types de manière schématique et qui renoncent, dans la même mesure, à une structuration différenciée des conséquences juridiques. Il n’existe en effet pas de droit à ce que le législateur tienne compte de chaque inégalité réelle et prévoie pour celle-ci une conséquence juridique distincte (Ulrich HÄFELIN/Walter HALLER/Helen KELLER/ Daniela THURNHERR, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 10e éd., 2020, n. 755). Une certaine schématisation et simplification est inhérente à la loi, mais peut également être voulue par le législateur. Elle peut se justifier pour des raisons de praticabilité (en particulier d’aptitude à l’exécution) et de sécurité juridique. Aussi la jurisprudence du Tribunal fédéral accepte-t-elle des solutions schématiques dans divers domaines, notamment en matière de prélèvements (Bernhard WALDMANN, in Bernhard WALDMANN/Eva Maria BELSER/Astrid EPINEY [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Bundesverfassung , 2015, n. 37 ad art. 8 Cst.).

6.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que, selon le système instauré par l'art. 7 RCSAC, le cadre qui effectue plus que 200 heures supplémentaires perçoit la même indemnité que celui qui effectue 200 heures supplémentaires. Le recourant y voit une inégalité de traitement, dans la mesure où le premier se verrait rétribuer ses heures supplémentaires à un taux horaire plus faible que le second. Cette situation n'est toutefois pas constitutive d'une inégalité de traitement inadmissible. En effet, compte tenu du choix du Conseil d'État d'adopter une rémunération forfaitaire des heures supplémentaires effectuées par les cadres supérieurs, le schématisme qui en résulte se justifie valablement par les responsabilités hiérarchiques et fonctionnelles inhérentes à la qualité de cadres supérieurs, lesquels doivent tous faire preuve d'un sens élevé de la mission confiée (art. 3 al. 1 RCSAC). Par ailleurs, dans la mesure où la différence évoquée ne saurait être considérée comme significative, les cadres supérieurs effectuant plus de 200 heures supplémentaires percevant tout de même, à traitement de base égal, la même indemnité que ceux effectuant 200 heures supplémentaires, la jurisprudence selon laquelle il n’existe pas de droit à ce que le législateur tienne compte de chaque inégalité réelle et prévoie pour celle-ci une conséquence juridique distincte est pleinement applicable, si bien que le recourant n'est en tout état pas fondé à se prévaloir d'une inégalité de traitement.

Le grief devra donc être écarté.

7.             Le recourant reproche finalement à l'intimé un excès négatif de son pouvoir d'appréciation en lien avec l'art. 7 al. 6 RCSAC.

7.1 Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

Constitue un excès positif du pouvoir d’appréciation le fait que l’autorité prend une mesure que la loi ne lui laisse pas la liberté d’adopter (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 514). Constitue un excès négatif du pouvoir d'appréciation le fait que l'autorité se considère comme liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_144/2021 du 30 août 2022 consid. 2.1), ou qu’elle applique des solutions trop schématiques, ne tenant pas compte des particularités du cas d’espèce (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/1276/2023 du 28 novembre 2023 consid. 4.6 et les arrêts citées).

7.2 En l'espèce, durant la période litigieuse, le recourant a effectué entre 245 et 501 heures supplémentaires par année. Il soutient que ce nombre important, dépassant largement le seuil de 200 heures supplémentaires fixé par l'art. 7 al. 3 RCSAC, constituerait une circonstance exceptionnelle qui justifierait l'application de l'art. 7 al. 6 RCSAC et donc une majoration des taux de 2 % et 3 % prévus à l'art. 7 al. 2 RCSAC, ce d'autant que son cas ne serait pas répandu au sein des cadres.

L'art. 7 al. 6 RCSAC est une norme potestative dont l'application dépend du pouvoir d'appréciation du Conseil d'État et qui contient une notion juridique indéterminée, soit celles de « circonstances exceptionnelles ». L'intimé a expliqué que cette disposition n'avait été appliquée qu'une seule fois, vu les bons résultats comptables de l'exercice 2007 et les efforts consentis par les cadres supérieurs pour réaliser les objectifs de législature (cf. pièce 7 recourant). Dans cette situation, il apparaît que le Conseil d'État a fait dépendre l'application de la disposition précitée d'un contexte global, excluant ainsi des critères individualisés, tels que le nombre d'heures supplémentaires effectuées par un cadre supérieur en particulier. On ne discerne pas en quoi cette position serait arbitraire ou violerait un autre principe constitutionnel, ce d'autant plus qu'il semblerait contraire au principe de proportionnalité d'exiger de l'employeur qu'il effectue une analyse au cas par cas.

Or, le recourant ne se prévaut d'aucune circonstance autre que le nombre – important selon lui – d'heures supplémentaires qu'il a effectuées. Dès lors, en considérant que ce seul élément ne pouvait être considéré comme une circonstance exceptionnelle et en refusant ainsi de majorer les taux prévus à l'art. 7 al. 2 RCSAC, l'intimé n'a pas commis un excès négatif de son pouvoir d'appréciation. Il convient enfin de préciser que vu les conditions restrictives d'application de l'art. 7 al. 6 RCSAC rappelées ci‑avant, le fait que le recourant soit, toujours selon ses propos, le seul à effectuer un aussi grand nombre d'heures supplémentaires n'est en tout état pas pertinent puisqu'une telle occurrence ne saurait être considérée comme une « circonstance exceptionnelle » au sens de l'art. 7 al. 6 RCSAC.

Le grief sera donc écarté, et le recours, mal fondé, rejeté.

8.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 26 juin 2023 par A______ contre la décision du département des institutions et du numérique du 26 mai 2023 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Nicolas WISARD, avocat du département des institutions et du numérique.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. BALZLI

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :