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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2779/2012

ATA/560/2013 du 27.08.2013 ( EXPLOI ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2779/2012-EXPLOI ATA/560/2013

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2013

en section

dans la cause

 

P______ S.A.

représentée par Me Yves Jeanrenaud, avocat

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE L’INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL (OCIRT)

 


EN FAIT

1.                                La société P______ S.A., dont le siège se situe à Monaco, a notamment pour but d’offrir des prestations dans le domaine des services de traitement, de maintenance et d’entretien de véhicules.

2.                                En février 2011, à l'occasion d’un rendez-vous informel tenu dans les locaux de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après: OCIRT), un architecte mandataire de P______ S.A. a exposé son projet d’implanter une station de lavage à sec pour véhicules au deuxième sous-sol du parking du Mont-Blanc à Genève.

3.                                Divers échanges s’en sont suivis, P______ S.A. fournissant notamment à l’OCIRT des plans ainsi que le descriptif d’une journée de travail type des employés de la future station de lavage.

4.                                Par décision du 18 février 2011, l’OCIRT a refusé d'approuver ce projet de station de lavage. Son refus se fondait sur les art. 15 et 24 al. 5 de l’ordonnance 3 relative à la loi sur le travail du 18 août 1993 (OLT 3 – RS 822.113), selon lesquels les locaux et postes de travail devaient avoir un éclairage naturel et artificiel adapté tout en offrant une vue sur l'extérieur aux travailleurs permanents. Ceci était une nécessité, s’agissant en particulier d’une nouvelle entreprise.

Or, le projet soumis par P______ S.A. ne remplissait pas ces conditions auxquelles une dérogation n’était pas envisageable dans la mesure où aucun impératif technique ou de sécurité n’imposait l’exercice de cette activité à cet emplacement.

5.                                En date du 23 mars 2011, la société a recouru contre la décision de l’OCIRT auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) laquelle, par arrêt du 4 octobre 2011, a rejeté le recours et confirmé la décision de l’OCIRT.

6.                                Cet arrêt a été annulé le 29 mai 2012 par le Tribunal fédéral, sur recours de P______ S.A.

Selon le Tribunal fédéral, l’art. 6 al. 1 de la loi genevoise du 12 mars 2004 sur l’inspection et les relations du travail (LIRT - J 1 05) - qui avait servi de fondement à la décision de l'OCIRT et à teneur duquel « tout projet de construction, transformation ou aménagement concernant une entreprise soumise à la loi sur le travail ou à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981, doit recevoir l'approbation de l'office, qu'il soit ou non assujetti au régime de l'autorisation de construire » - n’était pas conforme à la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce (LTr - RS 822.11).

En effet, la LTr réglait de manière exhaustive la procédure d’approbation des plans par l’autorité cantonale compétente et n’exigeait une approbation préalable que pour les entreprises industrielles. Ainsi, dans la mesure où la loi genevoise prévoyait cette obligation pour n’importe quelle entreprise, même non industrielle, elle violait le droit fédéral. P______ S.A. n’étant précisément pas une entreprise industrielle, elle ne pouvait être soumise à une procédure d’approbation des plans.

7.                                Par courrier du 9 juillet 2012, soit postérieurement à l’arrêt du Tribunal fédéral, l’OCRIT s’est spontanément adressé à P______ S.A. Dans son courrier, il reprenait les termes de l’arrêt du Tribunal fédéral et confirmait qu’il ne disposait d’aucune compétence légale ou réglementaire pour interdire l’installation envisagée par P______ S.A. au deuxième sous-sol du parking du Mont-Blanc.

Ce nonobstant, en tant qu’organe d’exécution cantonal de la loi fédérale sur le travail, il lui incombait de contrôler les mesures prises par les employeurs afin de garantir la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Or, l’OCIRT persistait à considérer, comme dans sa décision du 18 février 2011, que l’installation de lavage à sec projetée ne respectait pas les conditions légales dans la mesure où les locaux de travail étaient dépourvus de lumière naturelle et de vue sur l’extérieur, ce qui était contraire aux articles 15 et 24 al. 5 OLT3.

Des mesures de compensation ne sauraient entrer en ligne de compte vu qu’aucune exigence technique ou de sécurité n’imposait que les locaux de travail soient implantés au deuxième sous-sol du parking du Mont-Blanc.

En conséquence, l’OCIRT faisait part à P______ S.A. de son intention de mettre en œuvre les mesures administratives prévues par les art. 50 et suivants LTr si cette entreprise persistait dans son projet d'installer une station de lavage à sec au deuxième sous-sol du parking du Mont-Blanc.

8.                                P______ S.A. n’a pas répondu au courrier de l’OCIRT.

9.                                En date du 9 août 2012, l’OCIRT a rendu une « décision constatatoire », en reprenant les termes de son courrier du 9 juillet 2012.

L’OCIRT se référait une nouvelle fois à l'arrêt du Tribunal fédéral, soulignant ne disposer, à ce stade de la procédure, d’aucune compétence pour rendre une décision formatrice visant à interdire l’installation de la station de lavage. Il avait cependant rendu décision constatatoire au sens de l’art. 49 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

Sur le fond, l’OCIRT réaffirmait sa position selon laquelle le projet de P______ S.A. d’installer une station de lavage à sec de véhicules au deuxième sous-sol du parking du Mont-Blanc violait plusieurs dispositions de la législation fédérale sur le travail, notamment celles relatives à la présence d’éclairage naturel et à l’obligation d’aménager une vue sur l’extérieur.

En conséquence, l’OCIRT révoquait sa décision du 18 février 2011 et constatait, par voie de décision au sens de l’art. 49 LPA, que l’installation par P______ S.A. d’une station de lavage à sec de véhicules au deuxième sous-sol du parking du Mont-Blanc était contraire aux prescriptions relatives à la loi sur le travail et à ses ordonnances d’application.

La décision mentionnait pour le surplus qu’elle était susceptible de recours auprès de la chambre administrative dans les trente jours à compter de sa notification.

10.                            Par acte déposé au greffe de ladite chambre le vendredi 14 septembre 2012, P______ S.A. a recouru contre cette nouvelle décision, dont elle sollicitait l'annulation. Elle conclut également à l’allocation d’une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours ainsi qu’au prononcé d’une amende à l’encontre du Canton de Genève en application de l’art. 88 al. 1 LPA.

11.                            La société recourante élevait plusieurs griefs.

Tout d’abord l’OCIRT, en rendant la décision querellée, avait outrepassé ses compétences telles qu’elles ressortaient de la législation cantonale interprétée à l’aune du droit fédéral, agissant ainsi en contradiction avec l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 29 mai 2012. P______ S.A. n’étant pas une entreprise industrielle, l’OCIRT ne disposait en effet d’aucune compétence, à ce stade de la procédure, pour se prononcer sur la conformité de son projet d’installation au regard de la législation sur le droit du travail.

En ce qui concernait les entreprises non-industrielles, le droit fédéral habilitait certes le législateur cantonal à prévoir une procédure de simple préavis destinée à vérifier a priori la compatibilité de l’installation projetée aux prescriptions sur la santé et la sécurité des travailleurs. Ce préavis ne pouvait toutefois contenir que des recommandations et ne devait en aucun cas aboutir à une procédure d’approbation préalable, laquelle serait contraire au droit fédéral. Or, la législation genevoise, singulièrement la LIRT et le règlement d’application de la loi sur l’inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01), n’aménageait pas une telle procédure pour les entreprises non-industrielles, si bien que l’OCIRT ne disposait d’aucune compétence pour préaviser le projet d’installation litigieux.

L’OCIRT était certes, en tant qu’autorité cantonale de surveillance de l’inspection des relations du travail, compétent pour sanctionner tout comportement contrevenant à la LTF et à ses ordonnances d’application. Toutefois, le prononcé de telles sanctions présupposait la constatation par l’OCIRT d'une violation concrète de la loi. Or, dans le cas d’espèce, aucune violation concrète de la loi ne pouvait lui être imputée puisque la station de lavage à sec n’était pas encore installée. L’OCIRT s'était donc prononcé sur la base d'une situation abstraite alors qu’il ne pouvait, à ce stade, se prévaloir de telles compétences.

En conséquence, l’OCIRT avait agi ultra vires, ce qui justifie l’annulation de sa décision en constatation.

En tout état de cause les conditions pour rendre une décision constatatoire n’étaient pas remplies. L’OCIRT ne pouvait se prévaloir d’aucun intérêt digne de protection: d'une part il lui était interdit de soumettre les entreprises non-industrielles à une procédure cantonale d’approbation des plans, d’autre part l’OCIRT ne fournirait aucune recommandation qui permettrait à P______ S.A. de se conformer à la législation.

En rendant sa décision constatatoire, l’OCIRT tentait de dissuader P______ S.A. de mener à bien son projet d’installation de station de lavage à sec, réintroduisant ainsi de facto et de manière détournée une procédure d’approbation préalable pour une entreprise non-industrielle, ce qui contrevenait à l’arrêt du Tribunal fédéral et à la LTr.

La décision querellée n'avait en outre aucune validité matérielle. L’OCIRT considérait à tort que l’installation projetée ne serait pas conforme aux prescriptions en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. A supposer par ailleurs que tel soit le cas, le projet de P______ S.A. comportait des mesures compensatoires adéquates permettant de déroger aux conditions légales prétendument violées.

A cela s'ajoutait que la décision de l’OCIRT violait à plusieurs égards le droit d’être entendu de P______ S.A., et consacrait une violation de sa liberté économique.

12.                            Appelé à se déterminer l’OCIRT a, par réponse du 19 octobre 2012, rejeté l’ensemble des griefs soulevés par P______ S.A. et confirmé la teneur de sa décision du 9 août 2012.

La décision constatatoire querellée se justifiait d'une part dans la mesure où la recourante était ainsi informée du régime juridique qui lui serait appliqué en cas d'aménagement de postes de travail dans les sous-sols du parking du Mont-Blanc, d'autre part en vue de permettre à P______ S.A. de préserver ses droits en lui ouvrant la voie du recours. Il ne s'agissait pas de donner des recommandations à la recourante mais de lui permettre d'agir en connaissance de cause, étant précisé que le projet litigieux impliquait nécessairement l'aménagement de postes de travail sans lumière naturelle ni vue sur l'extérieur ce à quoi l'OCIRT entend s'opposer.

Sur le plan matériel, le contenu de la décision était justifié. La recourante ne pouvait se prévaloir de contraintes techniques ou de sécurité l'habilitant à déroger à l'exigence de lumière naturelle et à prévoir des mesures compensatoires. La prétendue nécessité d'un emplacement au centre-ville n'était pas une nécessité justifiant une telle dérogation, en l'absence de laquelle les mesures compensatoires suggérées n'avaient pas à être examinées.

Le droit d'être entendu avait été respecté en l'occurrence : l'OCIRT se situait dans la lignée de l'arrêt du Tribunal fédéral puisqu'il ne soumettait pas la recourante à une procédure d'approbation de plans et qu'il a de surcroît révoqué sa décision du 18 février 2011.

L'atteinte à la liberté économique de P______ S.A. était justifiée par l'intérêt public que constituait la nécessité de protéger la santé des travailleurs. Quant à l'égalité de traitement, elle était respectée, en ce sens que l'exploitation d'une station de lavage en sous-sol ne saurait être comparée à celle de locaux de vente dans des sous-sols commerciaux, tandis que la situation de deux autres stations de lavage à Genève était irrelevante dans la mesure où la loi était appliquée correctement à l'égard de la recourante.

13.                            Un échange d’écritures supplémentaire n’est pas intervenu et la cause a en conséquence été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.                                Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ – E 2 05; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.                                Le recours porte en premier lieu sur la validité de la décision en constatation rendue le 9 août 2012 par l’OCIRT, P______ S.A. se prévalant de ce que les conditions pour rendre une telle décision ne sont pas remplies.

Dans le cas d'espèce, l’OCIRT n’était pas en mesure de rendre une décision formatrice d’approbation ou de refus d’approbation des plans puisque P______ S.A. n'est pas une entreprise industrielle (art. 7 LTr), ce qui ressort clairement de l’arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 2012 et n'est nullement remis en cause. L’OCIRT ne prétend d’ailleurs pas le contraire. Ce point n'a en conséquence plus à être examiné par la chambre de céans.

La question se pose de savoir si l'OCIRT était habilité à prononcer une décision en constatation comme il l'a fait, à défaut de pouvoir rendre une décision formatrice.

3.             a. Sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 1 al. 1 LPA, les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans un cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (art. 4 al. 1 let. b LPA).

b. L’autorité compétente peut, d’office ou sur demande, constater par une décision l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits ou d’obligations fondés sur le droit public (art. 49 al. 1 LPA). Ladite autorité ne donne suite à une demande en constatation que si le requérant rend vraisemblable qu'il dispose d'un intérêt juridique personnel et concret qui soit digne de protection (art. 49 al. 2 LPA).

c. Ces principes prévalent également sur le plan fédéral comme cela ressort des art. 5 al. 1 let. b et 25 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA - RS 172.021). Ainsi que le précise la jurisprudence fédérale, transposable en droit administratif genevois, une autorité ne peut rendre une décision en constatation que si la constatation immédiate de l'existence ou de l'inexistence d'un rapport de droit est commandée par un intérêt digne de protection, à savoir un intérêt actuel de droit ou de fait auquel ne s'opposent pas de notables intérêts publics ou privés, à la condition que cet intérêt digne de protection ne puisse pas être préservé par une décision formatrice, c'est-à-dire constitutive de droits ou d'obligations (Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-5682/2011 du 3 avril 2012, consid. 1.2.1 et références citées).

d. Selon la doctrine, l’intérêt au prononcé d’une décision en constatation fait défaut lorsque le régime à appliquer dans un cas concret dépend en partie d’une situation de fait qui n’est pas encore connue, ou qui n’est présentée qu’à titre purement théorique; l’intérêt n’est également pas donné lorsque la décision tend à constater, dans l’abstrait, l’irrégularité d’une norme (P. MOOR / E. POLTIER, Droit administratif, vol. II, Les actes administratifs et leur contrôle, Berne 2011, p. 187).

e. En outre il n’y a, en règle générale, pas d’intérêt digne de protection à obtenir (ou à rendre) une décision en constatation lorsque le prononcé d'une décision formatrice demeure possible en temps utile; en ce sens le droit d'obtenir une décision en constatation est subsidiaire, tout comme celui de l'autorité de prononcer d'office une telle décision (ATF 129 V 289 consid. 2.1, ATF 125 V 21 consid. 1b ; ATAF 2010/12 consid. 2.3 ; Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3549/2011 du 12 janvier 2012 consid. 1.3.1 et références citées; cf. également A. GRISEL, Traité de droit administratif, Vol. II, Neuchâtel 1984, p. 867; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, Genève-Zurich-Bâle 2011, p. 283).

f. Ainsi, l’exigence d'un intérêt digne de protection prévaut également lorsque l’autorité rend d'office une décision en constatation, une faculté que lui octroie la loi (art. 49 al. 1 LPA). Dans ce cas, l’intérêt à la constatation n’est pas privé (l'autorité n'agit pas sur requête de l'administré), mais public; il n'en demeure pas moins que la prise d'office d'une décision en constatation de droit ne ressortit pas au pouvoir discrétionnaire de l'autorité mais que cette mesure présuppose un intérêt digne de protection analogue à celui du particulier qui requiert une telle décision (ATF 137 II 199 consid. 6.5.1 = JdT 2011 I 157). A ce titre, le Tribunal fédéral a dénié à la commission de la concurrence le droit de rendre une décision se limitant à constater qu'un opérateur de téléphonie mobile occupait une position dominante sur le marché, indépendamment de toute prise de sanction (ATF 137 II 199 précité).

4.             a. En l’espèce, en tant qu’autorité de surveillance de l’inspection et des relations du travail désignée par les art. 2 al. 3 et 3 al. 1 LIRT, l’OCIRT est chargé de veiller à la correcte application de la législation sur le travail. Parmi ses attributions, l’OCIRT est habilité à rendre des décisions et à prendre des mesures administratives fondées sur les art. 50 à 53 LTr, pour le cas où il constaterait qu’un employeur manquerait à ses devoirs envers ses employés, notamment en matière de protection de la santé et de la sécurité. A cet égard, l’OCIRT peut signaler l'infraction à l’employeur et inviter ce dernier à respecter la prescription ou la décision qu'il enfreint (art. 51 al. 1 LTR); il peut également, si le contrevenant ne se conforme pas à cette intervention, prononcer une décision assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; art. 51 al. 2 LTr).

b. La loi place assurément dans la compétence de l’OCIRT la faculté de surveiller les installations auxquelles procèdent des entreprises, telles que la recourante, dans la perspective d'une correcte application de la législation sur le travail. Cela signifie en particulier que toute installation à laquelle procéderait P______ S.A., que ce soit en réalisation de son actuel projet au 2e sous-sol du Parking du Mont-Blanc ou d'un autre projet, pourra le moment venu être inspectée et surveillée par l'OCIRT, avec faculté pour cet office d'attirer l'attention de la recourante sur telle ou telle violation de prescriptions concernant la protection de la santé et de la sécurité des employés; si nécessaire, l'OCIRT rendra telle ou telle décision valant injonction de se conformer à la loi sous la menace des peines et sanctions de l'art. 292 CP. En d'autres termes l'OCIRT sera habilité, au gré des circonstances et nécessités d'une situation concrètement survenue, à rendre toute décision formatrice adéquate en vue de cristalliser une violation de la loi supposément commise par P______ S.A., laquelle décision étant cas échéant susceptible de recours.

c. En l’espèce, aucun intérêt public digne de protection dont pourrait se prévaloir l'OCIRT ne justifie la prise d'une décision purement constatatoire ayant, de surcroît pour objet un état de fait virtuel, voire hypothétique. Du reste, paradoxalement, l'OCIRT ne se prévaut pas de son propre intérêt mais bien plutôt de celui de la recourante à être informée « d'une situation illégale à venir » et à pouvoir « contester la position de l'administration à ce stade et non uniquement une fois que la construction sera terminée » (mémoire intimé du 19 octobre 2012, p. 6). En d'autres termes, l'OCIRT ne peut justifier d'aucun intérêt public à la prise d'une décision en constatation mais prétend agir en vue de la prétendue sauvegarde de ceux de P______ S.A. qui estime, quant à elle, qu'une telle décision n'est justement pas conforme à ses propres intérêts.

d. La décision litigieuse ne répond à aucun intérêt digne de protection, faute de situation concrète propre à justifier une intervention de l'OCIRT à ce stade, dont la vocation – ainsi l'a constaté le Tribunal fédéral en l'espèce – ne consiste pas à interférer dans le processus judiciaire de l'autorisation de construire. L'impossibilité qui en résulte à ce stade pour l'OCIRT, qui ne le conteste pas, de rendre une décision formatrice ne suffit pas à elle seule pour justifier la prise d’une décision en constatation: encore faut-il que les exigences prévalant pour ce type de décisions soient réalisées ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

e. Ainsi, en l'absence de toute nécessité (voire de toute utilité vu l'absence de situation concrète faisant intervenir le besoin de protéger la santé des travailleurs) de procéder à des constatations prises pour elles-mêmes en vertu de perspectives non réalisées, l'exigence de subsidiarité propre à la prise d'une décision en constatation n'est pas remplie : l'OCIRT sera en mesure de remplir sa mission dès le moment où P______ S.A. exploitera les installations prévues au prix d'investissements qu'elle assume aujourd'hui à ses risques et périls; il attirera alors, le cas échéant, l'attention de la recourante sur d'éventuelles violations concrètes de dispositions de la loi fédérale sur le travail et de ses ordonnances d’application, voire rendra une décision formatrice au sens des art. 50 à 53 LTr à l'encontre de laquelle P______ S.A. pourra faire valoir ses droits.

Cette approche est conforme à celle restrictive, préconisée par la jurisprudence quant aux conditions permettant de rendre une décision en constatation, étant souligné par comparaison que la décision en constatation récemment annulée par le Tribunal fédéral avait pour objet une situation concrète (ATF 137 II 199 précité), ce qui n'est pas même le cas de la décision litigieuse.

5.                                Par surabondance de motifs, il sera rappelé qu'en tout état de cause, l'autorité qui s'arroge la faculté de rendre une décision en constatation doit agir dans le cadre des compétences résultant de la sphère d’attribution dont elle bénéficie dans le domaine considéré (P. MOOR / E. POLTIER, op.cit., p. 188). Si tel n’est pas le cas, l’autorité agit sans base légale et viole le principe de la légalité en application duquel « le droit est la base et la limite de l'activité de l'Etat » (art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

En l'espèce, l'arrêt rendu le 29 mai 2012 par le Tribunal fédéral lie tant l'autorité de céans que l'OCIRT. Or, il en découle clairement que l’OCIRT ne dispose aucune compétence au stade actuel de la procédure pour délivrer une approbation préalable au projet de P______ S.A. (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_922/2011). En d'autres termes, l’OCIRT n'a pas à intervenir dans ce processus étant donné que P______ S.A. ne déploie pas d'activité industrielle, raison pour laquelle sa décision de refus du 18 février 2011 portant sur l'aménagement de la station de lavage est dépourvue d'effet (sa révocation par l'OCIRT dans sa décision du 9 août 2012 est inopérante).

Ainsi que l'a constaté une fois pour toutes le Tribunal fédéral dans son arrêt du 29 mai 2012, P______ S.A. n'est pas assujettie à la procédure d'approbation des plans de l'art. 6 LRIT, ce qui revient à ôter toute compétence de l'OCIRT à ce stade de la procédure. Or, lorsqu'il rend la décision en constatation querellée, l'OCIRT s'immisce clairement une nouvelle fois dans la procédure d'approbation des plans de laquelle il a pourtant été exclu, le Tribunal fédéral lui ayant dénié toute compétence d'intervenir à ce stade. En rendant la décision querellée en dépit de la situation procédurale créée par l'arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 2012, l'OCIRT contraint P______ S.A. à défendre ses droits pour des questions relevant exclusivement de la LRIT alors qu'il n'en a pas la compétence à ce stade, contrevenant de la sorte au principe de la légalité.

6.                                Le recours sera admis et la décision de l’OCIRT du 9 août 2012 annulée, sans qu'il ne soit nécessaire d’analyser les mérites des autres griefs soulevés par la recourante.

7.                                P______ S.A. a conclu à la condamnation de l’Etat de Genève au paiement d’une amende au sens de l’art. 88 al. 1 LPA qui condamne l’emploi abusif des procédures.

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, l’application de cette disposition doit être réservée à des cas d’abus manifestes (ATA/277/2002 du 25 mai 2002). On se trouve en l'espèce dans un cas limite dans la mesure où l'attitude de l'OCIRT s'assimile plus au comportement d'un « mauvais perdant » qu'à l'activité d'une autorité soucieuse de préserver l'intérêt public. Les conditions de mise en œuvre de l'art. 88 al. 1 LPA ne sont pas réalisées, raison pour laquelle il ne sera pas donné suite à la requête de la recourante sur ce point.

8.                                La recourante qui obtient gain de cause se verra octroyer une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à charge de l’Etat de Genève. Il ne sera pas mis d’émolument à sa charge (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE:

à la forme:

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2012 par P______ S.A. contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 9 août 2012 ;

au fond:

l’admet ;

annule la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 9 août 2012 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la recourante, à charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Jeanrenaud, avocat de la recourante et à l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, juge, M. Jeandin, juge suppléant

 

 

 

Au nom de la chambre administrative

 

le greffier-juriste:

F. Scheffre

 

le président siégeant:

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiqué aux parties.

Genève, le la greffière :