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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1485/2019

ATA/1684/2019 du 19.11.2019 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;EMPLOYÉ PUBLIC;FONCTIONNAIRE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;RÉSILIATION;INCAPACITÉ DE TRAVAIL;SALAIRE;SUSPENSION DANS LA PROFESSION;PERTE DE GAIN;LOI FORMELLE;JOUR;ANNUITÉ
Normes : RPAC.53.al1; LTrait.10.al1; RPAC.53.al2; LTrait.10.al2; RPAC.54.al1; RPAC.54.al2; RPAC.54.al3; RPAC.54.al5; Cst-GE.109.al4; LPAC.33.al1; LPAC.27; LPAC.28.al1; LPAC.28.al3; LPAC.10; Cst.8; LTrait.12.al1; LTrait.2.al4
Résumé : Recours d’une fonctionnaire contre le refus du département de lui payer tout montant supplémentaire à titre d’arriérés de traitement. La recourante a été suspendue, sans traitement, puis révoquée, avant que la décision de révocation ne soit annulée par la chambre administrative. La recourante, en arrêt maladie pendant de nombreux mois, a droit à son plein traitement pendant 730 jours, puis uniquement à hauteur de sa capacité de travail. Confirmation que l’art. 54 RPAC est une base légale suffisante. Un jour d’incapacité de travail compte comme un jour d’absence, quel que soit le taux d’incapacité. Confirmation du droit à l’annuité 2016.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1485/2019-FPUBL ATA/1684/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 novembre 2019

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me David Metzger, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE



EN FAIT

1) Madame A______, née en 1966, a été engagée le 27 mai 2002 en qualité de teneuse de compte, sous statut d'auxiliaire, au service C______ (ci-après : C______), rattaché d'abord au département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : DEAS), puis à compter du 1er juin 2018 au département de la cohésion sociale
(ci-après : le DCS ou le département). Elle y a ensuite été affectée à un poste de gestionnaire, d'abord sous statut d'auxiliaire, puis en 2004, sous statut d'employée.

Elle a été nommée fonctionnaire le 1er juin 2005.

2) En 2014, le traitement de Mme A______, laquelle exerçait ses fonctions à un taux de 100 %, en classe 13, annuité 13, s'élevait à CHF 7'557.20, hors treizième salaire.

3) Le 18 juin 2014, le C______ a adressé au procureur général une « dénonciation à l'encontre d'un collaborateur ». Sa direction avait reçu des informations concernant d'éventuelles malversations commises par Mme A______ dans le cadre de ses fonctions.

4) Le 19 juin 2014, après avoir entendu Mme A______, la directrice du C______ l'a libérée de son obligation de travailler.

5) À compter du 19 juin 2014, Mme A______ a été en incapacité de travail à 100 %, et ce jusqu'au 31 mars 2016.

6) Par décision du 29 juillet 2014, le conseiller d'État en charge du DEAS a confirmé la mesure visant la libération de l'obligation de travailler de l'intéressée, laquelle était sans incidence sur son traitement.

7) Le 28 octobre 2014, la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) a constaté la nullité des décisions des
19 juin et 29 juillet 2014 (
ATA/846/2014), seul le Conseil d'État étant compétent pour suspendre provisoirement un membre du personnel.

8) Par décision incidente du 24 décembre 2014, le conseiller d'État en charge du DEAS a bloqué avec effet immédiat le traitement de Mme A______.

9) Par arrêté du 4 février 2015, le Conseil d'État a ordonné l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de Mme A______. Cette décision était assortie d'une suspension provisoire, ainsi que de la suppression de toute prestation à la charge de l'État.

10) Par courrier du 6 février 2015, le conseiller d'État en charge du DEAS a annulé la décision incidente du 24 décembre 2014, sous réserve des dispositions prises par l'arrêté du 4 février 2015, et informé Mme A______ que son traitement pour les mois de décembre 2014 et janvier 2015 lui serait versé.

11) Le 6 juillet 2015, l'enquêtrice chargée de mener l'enquête administrative a adressé son rapport au Conseil d'État.

12) Le 29 février 2016, la responsable de secteur des ressources humaines du DEAS (ci-après : la responsable RH) a indiqué à Mme A______ que la fin du droit au traitement de celle-ci serait effective au 5 juin 2016, compte tenu du nombre important d'absences pour maladie.

Était joint un décompte de suivi des absences de l'intéressée, à teneur duquel celle-ci avait été absente sept cent trente jours civils entre le 1er septembre 2013 et le 4 juin 2016.

13) Par courrier du 7 mars 2016, la responsable RH a indiqué à Mme A______ annuler le courrier du 29 février 2016 et lui a transmis le formulaire de demande de prestations provisoires d'invalidité CPEG, ainsi qu'un décompte de suivi des absences, à teneur duquel elle avait été absente six cent quarante-trois jours civils entre le 12 avril 2013 et le 29 février 2016.

14) À teneur des certificats médicaux des 6 avril, 13 juin et 27 mai 2016 remis à son employeur, Mme A______ a présenté une capacité de travail de 30 %, « dans un autre service que l'actuel », durant les mois d'avril et de mai 2016, et de 0 % durant le mois de juin 2016.

À compter du 1er juillet 2016, Mme A______ a présenté, à teneur de différents certificats médicaux établis par son médecin, une capacité de travail de 30 %, dans un autre service, et ce jusqu'au 28 février 2018.

15) Par arrêté du 24 août 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Conseil d'État a révoqué Mme A______ avec effet au 4 février 2015.

16) Mme A______ a recouru le 26 septembre 2016 auprès de la chambre administrative contre cet arrêté, en concluant à son annulation, à ce qu'il soit dit que sa responsabilité disciplinaire était prescrite, que sa suspension soit levée et que l'État de Genève procède au versement des arriérés de son traitement à compter du 4 février 2015, avec intérêts à 5 % dès le 1er novembre 2015.

17) Le 21 février 2017, la chambre administrative a partiellement admis le recours de Mme A______ (ATA/215/2017). L'action disciplinaire à son encontre était prescrite. L'arrêté du Conseil d'État du 24 août 2016 a ainsi été annulé.

Ses conclusions en levée immédiate de sa suspension et en paiement du rétroactif de son traitement étaient exorbitantes au litige et en conséquence irrecevables.

18) Par courrier du 10 mars 2017, Mme A______ a indiqué à son employeur qu'elle continuait à offrir ses services, dans la mesure de sa capacité de travail. Elle restait en outre dans l'attente du paiement de ses arriérés de salaire dus depuis le mois de février 2015.

19) Par courrier du 24 mai 2017, le conseiller d'État en charge du DEAS lui a répondu que sa demande était prématurée en raison du recours que le Conseil d'État avait déposé auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt de la chambre administrative du 21 février 2017.

20) Par arrêt 8C_281/2017 du 26 janvier 2018, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par le Conseil d'État le 24 avril 2017.

21) Le 13 février 2018, Mme A______ a une nouvelle fois offert ses services au Conseil d'État. Elle l'invitait par ailleurs à lui verser au 28 février 2018 au plus tard ses arriérés de salaire dus pour les mois de février 2015 à février 2018, avec intérêts à 5 % dès le 15 septembre 2016, date moyenne.

22) Le 1er mars 2018, le conseiller d'État en charge du DEAS lui a répondu que son dossier avait été transmis au nouveau directeur des ressources humaines
(ci-après : directeur RH), lequel reprendrait contact avec elle.

23) À compter du 1er mars 2018, Mme A______ a recouvré une capacité de travail à 100 %.

24) Le 26 mars 2018, Mme A______ s'est plainte auprès du directeur RH du fait qu'elle n'avait toujours pas reçu ses arriérés de salaire. Elle lui rappelait être sans revenu depuis plus de trois ans et l'invitait à lui verser, d'ici au 31 mars 2018, CHF 294'730.- pour la période de février 2015 à février 2018, plus CHF 7'557.20 pour le mois de mars 2018.

25) Le 5 juin 2018, Mme A______ a écrit au conseiller d'État en charge du DCS, lui faisant l'historique de sa situation.

Elle n'avait toujours pas reçu ses arriérés de salaire dont le montant s'élevait, au 31 mai 2018, à CHF 324'959.60, avec intérêts à 5 % dès le
30 septembre 2016, date moyenne, les questions des annuités et augmentations de salaire étant réservées. Si ses arriérés de salaire, ainsi que le traitement du mois de juin 2018, n'étaient pas versés d'ici au 29 juin 2018, elle saisirait la chambre administrative d'une action pécuniaire.

26) Le 27 juin 2018, le conseiller d'État en charge du DCS lui a répondu que les arriérés seraient versés, sauf pour la période durant laquelle son droit au traitement avait pris fin, soit après sept cent trente jours d'absence pour raisons de santé. Elle était invitée à transmettre tout document utile attestant de son état de santé à compter du 5 août 2016. Tout revenu, de quelque nature que ce soit, serait par ailleurs déduit de son traitement.

27) Par courrier du 2 juillet 2018, Mme A______ a contesté le fait que ses jours d'absence pour maladie soient pertinents pour calculer son droit au traitement à compter du 4 février 2015. Par ailleurs, seuls pouvaient être déduits d'éventuels traitements ou honoraires liés à une activité lucrative, et non d'éventuelles rentes ou allocations, qu'elle devrait rembourser elle-même lorsqu'elle percevrait ses arriérés de traitement.

28) Le 3 août 2018, Mme A______ a transmis divers documents au conseiller d'État en charge du DCS et l'a, une nouvelle fois, invité à verser ses arriérés de traitement de février 2015 à juillet 2018. À défaut, elle saisirait la chambre administrative.

Les jours d'absence liées à l'incapacité de travail pour maladie étaient inférieurs au seuil légal et donc sans influence sur le droit à son traitement. Elle a également indiqué avoir été au bénéfice de prestations de la caisse de chômage pour une durée de « [nonante] jours du 30 août 2016 au 11 janvier 2017 » ainsi que de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) depuis le mois d'octobre 2017.

29) Le 10 août 2018, Mme A______ a introduit une action pécuniaire auprès de la chambre administrative en concluant, notamment, au versement immédiat, à titre d'arriérés de salaire pour la période allant du 4 février 2015 au 31 août 2018, de la somme de CHF 351'409.80 avec intérêts à 5 % dès le 15 novembre 2016, date moyenne, à charge pour l'employeur d'effectuer les déductions sociales idoines, ainsi qu'au versement de la somme de CHF 6'534.65 à titre d'arriérés d'annuités pour les années 2015, 2016, 2017 et pro rata temporis pour 2018, avec intérêts à
5 % dès le 31 octobre 2016, date moyenne, à charge pour l'employeur d'effectuer les déductions sociales idoines. Il devait également être ordonné au Conseil d'État de procéder au versement mensuel et régulier de son traitement dès le
1er septembre 2018 et jusqu'à nouvel avis.

30) Le 7 septembre 2018, le Conseil d'État, par l'intermédiaire de l'office du personnel de l'État (ci-après : OPE), a conclu à l'irrecevabilité de l'action pécuniaire, annonçant qu'il verserait les arriérés du traitement qu'il considérait comme dus et qu'il reprendrait le versement mensuel régulier du salaire dès septembre 2018.

31) Par ordonnance du 18 septembre 2018, le Ministère public a ordonné la mise sous séquestre à hauteur de CHF 30'000.- de la créance détenue par
Mme A______ à l'encontre de l'État de Genève, attendu qu'elle était prévenue d'abus de confiance, voire de gestion déloyale.

Ladite ordonnance n'a pas fait l'objet d'un recours.

32) Le 1er octobre 2018, l'OPE a transmis à la chambre administrative la copie d'un courrier du 28 septembre 2018 établi par le service des paies et assurances du personnel (ci-après : le service des paies), duquel il ressortait qu'un paiement d'un montant de CHF 166'691.90, avec une valeur au 28 septembre 2018, avait été effectué en faveur de Mme A______. Le détail de ce paiement et les décomptes y relatifs étaient joints à ce courrier, soit notamment les simulations de traitement de l'intéressée pour les années 2015 à 2018 établis par le service des paies.

Le détail du montant de CHF 166'691.90 était le suivant :

-          Traitement du 5 février au 31 décembre 2015 : CHF 76'691.90 ;

-          Traitement 2016 : CHF 48'852.95 ;

-          Traitement 2017 : CHF 25'434.30 ;

-          Traitement de janvier à septembre 2018 : CHF 52'370.30 ;

-          Intérêts moratoires de 5 % : CHF 20'852.95

Le service des paies avait par ailleurs retenu sur ces montants CHF 30'000.- en faveur du Ministère public, CHF 16'900.- en faveur de l'hospice,
CHF 5'992.20 en faveur de la caisse de chômage UNIA et CHF 4'528.- concernant les rentes de l'assurance-invalidité (ci-après : AI).

33) Le 5 octobre 2018, Mme A______ a sollicité formellement de l'OPE une décision sujette à recours concernant le calcul précis de ses arriérés de traitement pour la période du 5 février 2015 au 30 septembre 2018, avec motivation détaillée et indication des voies de recours.

34) Le 15 octobre 2018, Mme A______ a repris une activité professionnelle à
100 % au sein de l'État de Genève en qualité d'assistante administrative détachée au bureau de l'intégration des étrangers.

35) Le 16 octobre 2018, l'OPE a répondu à Mme A______ qu'il n'y avait pas lieu de notifier une décision sujette à recours sur le même objet litigieux que celui pendant devant la chambre administrative.

36) Par arrêt du 29 janvier 2019 (ATA/90/2019), la chambre administrative a déclaré irrecevable l'action introduite par Mme A______ le 10 août 2018, dès lors qu'il s'agissait d'une demande en paiement ne se référant à aucune décision alors que rien n'empêchait d'en rendre une, et a invité le Conseil d'État à rendre une décision formelle sur les prétentions financières formulées par l'intéressée.

37) Par décision du 18 mars 2019, le conseiller d'État en charge du DCS a considéré que les arriérés de salaire, comprenant les annuités et intérêts à 5 % dès le 1er février 2015 qui étaient dus à Mme A______ avaient été intégralement payés le 28 septembre 2018, de sorte que l'intéressée n'avait plus aucune créance envers son employeur.

Il était faux de prétendre qu'il ne fallait pas tenir compte de jours d'absence pour cause de maladie de Mme A______ pour le versement de son traitement entre le 5 février 2015 et le 31 août 2018. Le versement du traitement avait été effectué sous réserve de l'art. 54 du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01). Il fallait tenir compte du fait qu'elle était, tant avant, pendant qu'après l'enquête administrative, en incapacité de travail totale ou partielle. Il ressortait du dossier qu'elle avait été en incapacité de travail à 100 % du 16 juin 2014 au 31 mars 2016. Du 1er mai au 31 mai 2016, elle avait eu une capacité de travail de 30 %. Au mois de juin 2016, elle était en incapacité de travail à 100 %. Dès le 1er juillet 2016 et jusqu'au 28 février 2018, elle avait une capacité de travail de 30 %. Elle avait recouvré sa pleine capacité de travail à compter du 1er mars 2018. Elle avait été informée par courrier du 29 février 2016 qu'elle atteindrait les sept cent trente jours d'absence, sur une période d'observation de mille nonante-cinq jours, le 5 juin 2016 et que son traitement serait dès cette date calculé au prorata de sa capacité de travail.

S'agissant des retenues effectuées sur ses arriérés de traitement, elles étaient justifiées. Bien qu'elle s'opposât à toute compensation en faveur de l'hospice, Mme A______ avait signé le 5 octobre 2018 un ordre de paiement « priant le service des paies et assurances du personnel de l'État de Genève de bien vouloir verser à la Banque Cantonale de Genève (...) en faveur de l'Hospice général [ses] salaires du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018 (à concurrence des prestations d'aide financières versées par l'Hospice général pour cette période) ». Le montant retenu, lequel n'avait en soi jamais été contesté, avait été calculé selon ses décomptes de l'hospice. Concernant le montant versé à la caisse de chômage, une décision de cette dernière du 21 décembre 2018 lui était parvenue et faisait état des indemnités qui avaient été versées à l'intéressée entre le 1er septembre 2016 et le 11 janvier 2017. La subrogation automatique de la caisse étant prévue par la loi, aucune autorisation de la part de Mme A______ n'était nécessaire. S'agissant du montant de CHF 4'528.-, il correspondait aux rentes qui lui avaient été versées pour les mois d'avril et mai 2016, du fait qu'elle avait épuisé son droit au traitement. Or, ne pas tenir compte de ce montant, tout en versant son traitement à 100 %, revenait à lui permettre de recevoir, pour la même période, son salaire ainsi que des prestations de l'AI.

Il ne remettait enfin pas en cause son droit au versement des annuités 2015 à 2018, à l'exception de l'annuité 2016 que le Conseil d'État avait décidé de ne pas accorder. La décision concernant cette dernière était toujours valable, malgré l'arrêt de la chambre administrative du 13 juin 2018, deux recours étant pendant au Tribunal fédéral. Ses annuités 2015, 2017 et 2018 lui avaient ainsi été versées, avec intérêts à 5 % dès le 1er février 2015.

38) Le 12 avril 2019, Mme A______ a interjeté recours contre la décision précitée par-devant la chambre administrative en concluant à son annulation, à ce que l'État de Genève soit condamné à lui verser immédiatement à titre d'arriérés de salaire pour la période allant du 4 février 2015 au 30 septembre 2018 la somme de CHF 351'409.80 avec intérêt à 5 % dès le 15 novembre 2016, date moyenne, à charge pour l'employeur d'effectuer les déductions sociales idoines, sous déduction du montant de CHF 166'691.90 versé le 28 septembre 2018, ainsi qu'au versement de la somme de CHF 7'790.- à titre d'arriérés d'annuités pour les années 2015 à 2018, avec intérêt à 5 % dès le 31 octobre 2016, date moyenne, sous déduction des sommes déjà versées à ce titre pour la même période. La somme de CHF 10'000.- devait lui être alloué à titre d'indemnité pour les frais occasionnés par la procédure.

Ses absences pour maladie ne pouvaient être retenues comme la raison pour laquelle elle n'avait pas pu effectuer sa prestation de travail. Elle avait été suspendue et privée de tout traitement depuis le 4 février 2015. Ses absences étaient donc la conséquence directe de cette mesure de suspension dans la mesure où elle n'aurait dans tous les cas pas pu effectuer son travail, et ce quel qu'ait été son état de santé. Elle avait par la suite été révoquée, avec effet au 4 février 2015, de sorte qu'elle n'avait plus été autorisée à fournir sa prestation de travail jusqu'à l'arrêt de la chambre administrative notifié le 8 mars 2017 annulant l'arrêté de révocation. Elle présentait par ailleurs depuis le 1er avril 2016 une capacité de travail à 30 %, puis à 100 % depuis le 1er mars 2018, et avait indiqué à réitérées reprises à son employeur qu'elle était disposée à reprendre le travail à un poste adapté. L'autorité intimée avait toutefois refusé ses offres de service, jusqu'à sa reprise le 15 octobre 2018. L'arrêt maladie pour la période allant du 4 février 2015 au 8 mars 2017 n'était ainsi aucunement pertinent quant à son droit à l'intégralité de son traitement.

Durant l'année 2017, à compter du 8 mars 2017, ses jours d'absence pour maladie s'élevaient à 70 % de deux cent nonante-neuf jours, soit deux cent neuf jours. Pour la période du 1er janvier au 28 février 2018, ses absences pour maladie s'élevaient à 70 % de cinquante-neuf jours, soit quarante et un jours. Ajoutés aux jours d'absence pour maladie précédents sa suspension, soit du 19 juin 2014 au
3 février 2015 (soit cent nonante-six jours en 2014 et trente-quatre jours en 2015), elle cumulait quatre cent quatre-vingts jours d'absences, soit moins que les sept cent trente jours prévus par le RPAC. Son employeur étant donc tenu de lui verser l'entier de son traitement depuis 2015. L'attitude de ce dernier ayant rendu long et compliqué le processus de recouvrement était constitutif d'un abus de droit ou d'un abus d'autorité. C'était le comportement de son employeur, lequel avait provoqué son incapacité de travail en raison du conflit qui les liait et qui l'avait suspendue puis révoquée, qui l'avait empêché d'exécuter sa prestation de travail. L'autorité intimé ne pouvait donc se fonder sur une incapacité de travail fondée sur son propre comportement pour diminuer le droit à son traitement.

De surcroît, il convenait de relever que l'affirmation péremptoire selon laquelle un jour d'absence pour cause de maladie comptait comme un jour entier d'absence pour le décompte des sept cent trente jours, et ce quel que soit le taux d'absence, ne reposait sur aucune base légale ni règlementaire, mais sur une fiche du mémento des instructions de l'OPE (ci-après : MIOPE) ainsi que sur un document intitulé « droit au traitement durant les sept cent jours civil sur une période de 1095 jours civils en cas d'incapacité de travail pour cause de maladie et/ou d'accident non professionnel » (ci-après : document sur le droit au traitement en cas d'incapacité de travail) auquel ladite fiche renvoyait. Ceux-ci avaient été créés en 2016, respectivement 2017, soit postérieurement à son
« cas », et ne lui avaient pas été notifiés. Ils ne permettaient pas une interprétation conforme de l'art. 54 al. 2 RPAC, dès lors qu'ils aboutissaient à des résultats violant le principe de l'égalité de traitement. Il était choquant et non conforme à l'art. 54 RPAC qu'un fonctionnaire absent à temps partiel voie son traitement arrêté à la même date qu'un fonctionnaire absent à 100 %. En cas d'absence pour maladie avec incapacité partielle, le calcul des jours d'absence devait prendre en compte le taux réel d'absence. En procédant de la sorte, il apparaissait qu'elle n'avait pas atteint le seuil des sept cent trente jours et avait bien droit à son traitement. Elle n'avait par ailleurs pas été informée qu'elle atteindrait ledit seuil au 5 juin 2016, puisque par courrier du 7 mars 2016, son employeur avait annulé celui du 29 février 2016.

Enfin, même s'il devait être considéré que la fin de son droit au traitement était intervenue, elle aurait droit à 50 % de son traitement pour les mois de juin 2016 à juin 2017 et à 100 % de son traitement dès le 1er juillet 2017. Il ressortait en effet de la procédure et de la décision AI, dont l'intimé avait connaissance, que l'AI avait considéré que sa capacité de travail était de 0 % de juin 2014 à mai 2016, de 50 % de juin 2016 à juin 2017 et de 100 % dès juillet 2017.  

Ses arriérés d'annuités étaient de CHF 779.- en 2015, CHF 1'558.- en 2016, CHF 2'337.- en 2017 et CHF 3'116.- en 2018, soit un total de CHF 7'790.-.

39) Dans ses observations du 23 mai 2019, l'OPE a conclu au rejet du recours, dans la mesure où il était recevable.

En faisant valoir que ses absences étaient dues aux décisions de suspension et de révocation puis à l'attente d'une proposition de l'employeur de reprendre le travail, elle tirait comme conclusion que l'art. 54 RPAC ne s'appliquait pas. Or, son incapacité de travail avait débuté avant l'enquête administrative et avait perduré après celle-ci. Elle était restée soumise au régime d'indemnisation de cette disposition, de sorte qu'il était légitime de tenir compte de ses absences pour cause de maladie. Par ailleurs, ni la LPAC ni l'art. 54 RPAC ne prévoyaient une prise en compte du taux réel d'absence dans le calcul des jours d'absence. L'État offrait déjà un traitement plus avantageux que les employeurs privés. L'interprétation faite par la recourante conduisait à des situations ingérables, compte tenu des différents types d'horaires possibles, et était contraire aux intérêts de l'État. Une incapacité de travail de 10 % pouvait, par hypothèse, entraîner une prolongation du droit au traitement durant sept mille trois cent jours. La fiche MIOPE ne s'écartait par ailleurs nullement de l'art. 54 RPAC dans la mesure où elle permettait une application uniforme et égale du droit.

La recourante soutenait qu'elle avait cumulé quatre cent quatre-vingts jours d'absence depuis le 19 juin 2014. Or, elle avait été absente pour cause de maladie à diverses reprises avant le 19 juin 2014 déjà.

Il n'était pas contesté que le courrier du 29 février 2016 avait été annulé par celui 7 mars 2016. À ce nouveau courrier était toutefois joint un décompte de ses jours d'absence sur une période d'observation de mille nonante-cinq jours civils, permettant de comprendre qu'en cas d'incapacité de travail, son droit au versement de la totalité du traitement serait garanti pendant sept cent trente jours, soit cinq cent vingt jours de travail. Toutefois, dès lors que le versement de son traitement était suspendu et que sa révocation était envisagée, il aurait été contradictoire de lui confirmer à ce moment-là une fin de droit au traitement fondée sur ses absences maladie au 5 juin 2016. La situation était à considérer de manière différente depuis l'arrêt du Tribunal fédéral invalidant la révocation. Cela étant, elle ne pouvait prétendre sur la base de ces courriers à des prétentions de traitement dépassant le maximum règlementaire.

Enfin, il ne contestait pas le droit de la recourante à recevoir les annuités 2015, 2017 et 2018. Il apparaissait à la lecture des pièces jointes à sa lettre du 28 septembre 2018 qu'il avait tenu compte des annuités dues durant ces trois années. Il maintenait pour les raisons déjà évoquées que l'annuité 2016 n'était pas due.

Était joint un bordereau comprenant différentes pièces, soit notamment la fiche MIOPE 04.06.01 créée le 15 juin 2012.

40) Par réplique du 17 juin 2019, la recourante a persisté dans son argumentation et ses conclusions.

Dès lors qu'elle avait été libérée de son obligation de travailler entre le
19 juin et 19 novembre 2014, date à laquelle l'arrêt de la chambre administrative ayant annulé sa suspension lui avait été notifié, puis à nouveau dès le 4 février 2015, son employeur était responsable de son absence concrète. Il en allait de même après l'annulation de sa révocation par la chambre administrative. Dès le 10 mars 2017, elle avait offert ses services à plusieurs reprises à son employeur, qui les avait refusés. Elle avait à nouveau offert ses services le 13 février 2018, après la notification de l'arrêt du Tribunal fédéral, lequel avait retardé la reprise d'activité pendant encore plusieurs mois.

L'octroi de prestations de l'AI pour atteinte à sa santé psychique avec des périodes d'incapacité de travail dans toute activité de 100 % de juin 2014 à mai 2016, de 50 % de juin 2016 à juin 2017 et de 0 % dès juillet 2017 démontrait à lui seul la responsabilité de l'employeur dans l'incapacité de travail et l'absence de sa fonctionnaire. En invoquant à posteriori son incapacité de travail pour maladie, l'autorité intimée se défaussait de ses responsabilités et commettait un abus de droit.

Le système d'assurance perte de gain maladie de l'État de Genève ne reposait par ailleurs sur aucune base légale formelle suffisante, ce qu'avait déjà relevé la Cour des comptes dans un communiqué du 28 juin 2017. L'intimé renvoyait dans ses explications à l'art. 54 RPAC, lequel n'était toutefois pas une base légale formelle suffisante. Il ne pouvait dès lors être considéré que son interprétation était moins convaincante que celle de l'autorité. L'application rigide de l'art. 54 RPAC violait le principe de l'égalité de traitement. Il ne paraissait au surplus ni arbitraire ni choquant qu'un fonctionnaire continuant à travailler à 90 % bénéficie d'une assurance perte de gain à raison de 10 % pendant dix fois plus longtemps, l'État garantissant la totalité du traitement à concurrence de sept cent trente jours civils. Cette garantie de l'État devait être considérée comme un crédit en argent et non en temps pour respecter le principe de l'égalité de traitement, comme c'était d'ailleurs le cas en droit privé.

Enfin, la fiche MIOPE et le document sur le droit au traitement en cas d'incapacité de travail ne pouvaient restituer le sens exact de la loi, cette dernière étant elle-même muette au sujet de la prise en compte du taux d'absence. Ils consacraient par ailleurs une inégalité de traitement, de sorte qu'ils ne tendaient pas à une application uniforme et égale du droit.

41) Dans sa duplique du 15 août 2019, l'OPE a intégralement persisté dans ses précédentes conclusions.

Le fait que l'AI ait octroyé des prestations à la recourante démontrait uniquement que celle-ci se trouvait en incapacité de travail et non que l'employeur était responsable de son état de santé. L'ouverture d'une enquête administrative n'avait pas eu pour effet de la soustraire aux autres dispositions légales régissant son statut, soit en particulier l'art. 54 RPAC. Son droit à l'indemnité étant épuisé au 5 juin 2016, elle ne pouvait prétendre au versement de son traitement au prorata de sa capacité de travail.

La référence faite par la recourant aux assurances pertes de gain ayant cours dans le cadre des rapports de travail de droit privé n'avait pas lieu d'être dès lors que le système de l'État reposait sur un principe de base fondamentalement différent et offrait un droit au traitement plus généreux. Un renvoi au droit privé n'était par ailleurs pas prévu par la LPAC ou la RPAC, et n'était dès lors pas admissible.

42) Le 19 août 2019, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la décision du département considérant que la recourante n'a plus aucune créance salariale à son égard, les arriérés de salaire pour la période du 5 février 2015 au 31 août 2018, comprenant les annuités et intérêts à
5 % dès le 1er février 2015, qui lui étaient dus, ayant été intégralement payés le
28 septembre 2018.

Devant la chambre de céans, la recourante conclut au versement en sa faveur, à titre d'arriérés de salaire pour la période allant du 4 février 2015 au
31 août 2018, de la somme de CHF 351'409.80 avec intérêt à 5 % dès le
15 novembre 2016, date moyenne, sous déductions des charges sociales idoines, et de la somme de CHF 7'790.- à titre d'arriérés d'annuités pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018, avec intérêt à 5 % dès le 31 octobre 2016, sous déduction de la somme de CHF 166'691.90.

Il n'est en effet pas contesté que le département a procédé au versement de la somme de CHF 166'691.90 en faveur de la recourante en date du 28 septembre 2018. À teneur du courrier du service des paies du 28 septembre 2018, le département a considéré que le montant de CHF 203'259.50 était dû à la recourante pour la période du 5 février 2015 au 30 septembre 2018, auquel il convenait d'ajouter CHF 20'852.95 à titre d'intérêts moratoires. Il a toutefois procédé à différentes retenues en faveur du Ministère public, de l'hospice, de la caisse de chômage Unia et de l'AI pour un total de CHF 57'420.55.

3) Rattaché administrativement et hiérarchiquement au département, la recourante est soumise à la LPAC et à ses règlements d'application (art. 1 al. 1
let. a LPAC).

4) a. Le traitement du fonctionnaire est fixé dans les limites des lois et règlements (art. 53 al. 1 RPAC).

Le droit au traitement du fonctionnaire de l'État prend naissance le jour de l'entrée en fonction et s'éteint le jour de la cessation des rapports de service
(art. 10 al. 1 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 - LTrait - B 5 15 ; art. 53 al. 2 RPAC).

Le traitement est payé en treize mensualités égales (art. 10 al. 2 LTrait).

5) Par arrêté du 24 août 2016, l'intimé a révoqué la recourante avec effet rétroactif au 4 février 2015. Par arrêt du 21 février 2017, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral du 8 mars 2017, la chambre de céans a toutefois annulé l'arrêté précité au motif que l'action disciplinaire à l'encontre de la recourante était prescrite. Il n'est dès lors pas contesté que cette dernière est restée une fonctionnaire de l'État de Genève, avec les droits et obligations qui se rapportent à ce statut.

Les parties divergent en revanche sur l'étendue, respectivement les limites de son droit au traitement entre le 4 février 2015, date de la suspension de l'intéressée (y compris de son traitement) et le 31 août 2018, date après laquelle le versement de son traitement mensuel ordinaire a repris.

6) Aux termes de l'art. 54 RPAC, en cas d'absence pour cause de maladie ou d'accident attestée par certificat médical, le traitement est remplacé par une indemnité pour incapacité de travail (al. 1). Moyennant une prime payée par le fonctionnaire, l'État garantit la totalité du traitement à concurrence de sept cent trente jours civils, soit cinq cent vingt jours de travail (al. 2), étant précisé que la durée des prestations ne peut dépasser cette limite sur une période d'observation de mille nonante-cinq jours civils soit trois ans , correspondant à sept cent quatre-vingts jours de travail (al. 5). Lorsqu'une absence dépasse quarante-cinq jours ininterrompus pour des raisons médicales, la hiérarchie signale le cas au médecin-conseil de l'État, qui peut prendre contact avec le médecin traitant du membre du personnel et décider de toute mesure pour respecter tant la mission du médecin traitant que l'intérêt de l'État ; le médecin-conseil établit une attestation d'aptitude, d'aptitude sous condition ou d'inaptitude à occuper la fonction et précise les contre-indications qui justifient son attestation (al. 3). L'État récupère les prestations que le fonctionnaire reçoit des assurances sociales cantonales ou fédérales ainsi que d'une institution de prévoyance (al. 6).

7) a. L'OPE a édicté un corpus de directives, intitulée MIOPE passant en revue et explicitant l'ensemble des règles relatives aux rapports de service des collaborateurs de l'État.

Selon la fiche 02.02.07 du MIOPE, le fonctionnaire a droit, dès la 2ème année d'activité, à son traitement en cas d'absence pour cause de maladie durant sept cent trente jours civils sur une période de mille nonante-cinq jours civils. Pour cela, une prime de 0,1 % est prélevée sur le salaire du membre du personnel concerné (consulté le 11 novembre 2019 sur le site https://www.ge.ch/document/020207-droit-au-traitement-cas-maladie-accident). La fiche renvoie par ailleurs (consulté le 11 novembre 2019 à l'adresse suivante : https://www.ge.ch/document/droit-au, pour le détail du droit au traitement, au document sur le droit au traitement en cas d'incapacité de travail -traitement-durant-730-jours/telecharger). Ce document précise notamment qu'un jour avec absence compte comme un jour entier d'absence pour le décompte des sept cent trente jours, et ce quel que soit le taux d'absence.

b. Conformément à la jurisprudence, les dispositions du MIOPE ne constituent pas des règles de droit ; toutefois, du moment qu'elles tendent à une application uniforme et égale du droit, les tribunaux ne s'en écartent que dans la mesure où elles ne restitueraient pas le sens exact de la loi (ATF 133 II 305 consid. 8.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_95/2011 du 11 octobre 2011 consid. 2.3 et les références citées ; ATA/436/2019 du 16 avril 2019 consid. 6g et les références citées).

c. La chambre de céans a déjà eu l'occasion de dire qu'un tel écart n'existait pas et que la situation du fonctionnaire devait être examinée à l'aune de
l'art. 54 RPAC, tel qu'explicité dans la fiche 02.02.08 du MIOPE relative au paiement du salaire en cas de maladie (ATA/436/2019 du 16 avril 2019 consid. 6g ; ATA/54/2015 du 13 janvier 2015 consid. 6), depuis lors remplacée par la fiche 02.02.07.

8) La recourante considère que l'art. 54 RPAC ne constitue pas une base légale formelle suffisante, dès lors qu'il ne s'agirait que d'une disposition réglementaire d'exécution ne reposant sur aucune loi formelle.

9) a. Selon l'art. 109 al. 4 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE; RS 131.234), le Conseil d'État promulgue les lois, est chargé de leur exécution et prend à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires.

L'art. 33 al. 1 LPAC reprend cette règle en prévoyant que le Conseil d'État prend, par voie de règlements, les dispositions d'exécution de la présente loi. Pour le surplus, c'est à la lumière des principes constitutionnels généraux qu'il y a lieu de définir les limites de l'activité règlementaire du Conseil d'État. C'est ainsi, notamment, que les règlements d'exécution doivent se limiter à préciser certaines dispositions légales au moyen de normes secondaires, à en combler le cas échéant les véritables lacunes et à fixer si nécessaire des points de procédure (ATF 139 II 460 consid. 2.2 ; 130 I 140 consid. 5.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2015 du 22 décembre 2016 consid. 4.2).

b. L'exigence de la densité normative n'est toutefois pas absolue, car on ne saurait exiger du législateur qu'il renonce totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient en premier lieu à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit, et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manoeuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision l'on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 138 I 378 consid. 7.2 ; 131 II 13 consid. 6.5.1). Ainsi, en raison de la subordination hiérarchique propre à l'activité et à la structure de l'État, les employés de celui-ci se trouvent dans un rapport de droit spécial avec leur employeur. C'est pourquoi, si la loi n'énumère pas de façon précise et exhaustive les droits et obligations découlant des rapports de service, ceux-ci peuvent être réglés par la voie réglementaire sans enfreindre le principe de la légalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2015 précité consid. 4.2 ; Ulrich HÄFELIN/
Georg MÜLLER /Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 2005 p. 439 ; SJ 2015 I 331, 1C_251/2014, consid. 2.6). De même, en matière de fourniture de prestations (ou administration des prestations), les exigences requises sont moindres (ATF 138 I 378 consid. 7.2). En ce qui concerne les droits reconnus aux fonctionnaires, le principe de la légalité se définit aussi dans le cadre de l'administration des prestations et la délégation du pouvoir réglementaire peut être largement admise (Pierre MOOR, Droit administratif,
vol. III, 1992, n. 5.1.2. 3 p. 213).

c. Dans l'arrêt 8C_161/2015 précité, le Tribunal fédéral a relevé que la question du versement du traitement en cas d'incapacité de travail (maladie ou accident) n'était réglée ni dans la LPAC ni dans la LTrait. Il était évident qu'en droit public comme en droit privé, une réglementation était nécessaire pour fixer dans la durée le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler. Il s'agissait de répartir entre employeur et employé le risque de perte financière consécutive à cet empêchement. Le droit du travail ou de la fonction publique étaient étroitement liés au droit des assurances sociales, de telle sorte qu'une coordination entre ces deux domaines du droit était indispensable. On pouvait donc voir dans
l'art. 54 RPAC une simple concrétisation de ces principes de répartition du risque et de coordination, qui ne nécessitait pas forcément une base légale autre que celle qui figurait à l'art. 33 al. 1 LPAC. La même conclusion s'imposait si l'on considérait que le Conseil d'État n'avait fait que combler une lacune dès lors que la loi laissait sans réponse une question qui nécessitait de la régler (consid. 4.3).

10) En l'occurrence, il ressort des considérants qui précèdent que le Tribunal fédéral s'est déjà penché sur la question de savoir si l'art. 54 RPAC constituait une base légale suffisante, question à laquelle il a répondu par la positivement.

La recourante n'avance aucun argument pertinent de nature à remettre en cause le raisonnement tenu par le Tribunal fédéral. En particulier, la communication du 28 juin 2017 de la Cour des comptes, relative à la publication d'un nouveau rapport sur les charges de personnel de l'État de Genève et à laquelle la recourante se réfère, ne remet pas en cause la manière dont sont pris en compte les jours d'absence maladie des fonctionnaires ni même le principe de l'indemnité pour incapacité de travail, mais uniquement son financement par le prélèvement d'une cotisation sur le traitement des collaborateurs équivalant à 0.1 % du salaire brut.

Ce grief sera dès lors écarté.

11) La recourante soutient encore que son droit au traitement complet subsisterait au-delà du 5 juin 2016, indépendamment de son incapacité de travailler pour des raisons médicales, dans la mesure où elle a été suspendue de son obligation de travailler puis révoquée. Ses absences étaient donc la conséquence directe des mesures prises par son employeur et non de son état de santé.

12) a. En cas de manquement à ses obligations, un membre du personnel de l'État peut faire l'objet d'une procédure disciplinaire. Pour l'établissement des faits susceptibles de conduire au prononcé d'une sanction, l'autorité compétente peut ordonner l'ouverture d'une enquête administrative dont les conditions sont réglées à l'art. 27 LPAC.

Dans ce cadre, l'art. 28 al. 1 LPAC autorise ladite autorité à suspendre provisoirement l'activité de la personne visée par l'enquête dans l'attente du résultat de celle-ci. En outre, à teneur de l'art. 28 al. 3 LPAC, cette dernière suspension provisoire peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l'État ou de l'établissement.

b. La chambre de céans a déjà eu l'occasion de trancher, dans une affaire portant sur un contexte de faits similaire, que la mise en oeuvre des art. 27 et
28 LPAC n'avait pas pour effet de soustraire le membre du personnel de l'État aux autres dispositions régissant son statut, notamment sa rémunération. Si l'autorité compétente décidait de suspendre un membre de son personnel sans supprimer le droit de celui-ci à la percevoir, le versement de ladite rémunération restait soumis aux conditions ordinaires prévues pour sa perception, soit aux
art. 10 LPAC ainsi que 53 et 54 RPAC. Si, à la date de la décision de suspension provisoire, la prestation à la charge de l'État se trouvait être l'indemnité prévue à l'art. 54 al. 2 RPAC en raison d'une incapacité de travail pour maladie, le droit à la perception de celle-ci restait circonscrit à la durée de sept cent trente jours prévue à l'art. 54 al. 5 LPAC (ATA/54/2015 du 13 janvier 2015 consid. 8).

c. Statuant à la suite d'un recours contre l'ATA/54/2015 précité, le Tribunal fédéral a relevé que le comportement du recourant pendant la procédure de suspension, consistant à envoyer régulièrement à son employeur des attestations d'incapacité de travail, démontrait que de son point de vue, son traitement était dû en application de l'art. 54 RPAC. Il ne pouvait dès lors jouer sur deux tableaux en profitant d'un côté de la réglementation sur le droit au salaire en cas d'empêchement de travailler pour le cas où l'enquête aboutirait rapidement et, si tel n'était pas le cas, invoquer après coup un droit au salaire qui aurait dû lui être reconnu au titre de mesure accessoire de sa suspension de fonction (8C_161/2015 précité consid. 3.4).

13) En l'espèce, il ressort du dossier que la recourante a été en incapacité de travail à 100 % du 19 juin 2014 au 31 mars 2016, à 70 % du 1er mai au 31 mai 2016, à 100 % au mois de juin 2016, puis à nouveau à 70 % du 1er juillet 2016 au 28 février 2018. Elle a recouvré sa pleine capacité de travail à compter du 1er mars 2018. Ces incapacités de travail ont été dûment attestées par des certificats médicaux établis par son médecin traitant et régulièrement adressés à l'intimé.

Conformément aux dispositions légales précitées, le traitement de la recourante a été remplacé, à compter du 19 juin 2014, par une indemnité pour incapacité de travail. La décision de suspension prise en rapport avec la procédure disciplinaire n'a pas eu pour effet de rétablir un droit de la recourante à percevoir sa rémunération sous forme d'un traitement au sens de l'art. 10 LTrait en lieu et place d'une indemnité pour incapacité de travail. La recourante semble par ailleurs perdre de vue que même si elle n'avait pas été libérée de son obligation de travailler, puis suspendue et enfin révoquée, son employeur n'aurait pas été en mesure de la faire travailler, compte tenu de son incapacité de travail, dûment attestée par les certificats médicaux de son médecin traitant, à tout le moins durant la période du 19 juin 2014 au 31 mars 2016.

L'intéressée prétend par ailleurs que c'est le comportement de son employeur qui a provoqué son incapacité de travail, en raison du conflit qui les liait. Or, aucun élément au dossier ne permet de venir confirmer cet élément. En particulier, le fait que l'AI lui ait octroyé des indemnités durant une certaine période ne permet pas de considérer que son invalidité était due au comportement de son employeur, étant précisé que la décision AI figurant au dossier ne mentionne pas les motifs de l'invalidité de la recourante.

Force est ainsi de constater que la recourante se trouvant avant sa suspension, de même que durant et après celle-ci, dans l'incapacité totale ou partielle de travailler, elle est restée soumise au régime d'indemnisation de
l'art. 54 RPAC jusqu'à l'épuisement du droit à une telle indemnisation.

14) La recourante conteste avoir atteint le seuil de d'absence de sept cent trente jours civils, soit cinq cent vingt jours ouvrables, en date du 5 juin 2016. Elle critique pour ce faire la comptabilisation faite par l'intimé à teneur de laquelle un jour d'absence pour maladie compterait comme un jour entier d'absence, quel que soit le taux d'absence. Elle allègue que la fiche MIOPE et le document sur le droit au traitement en cas d'incapacité de travail, lesquels formalisent cette comptabilisation, auraient été adoptés en 2016, respectivement 2017, soit après la survenance de son « cas », sans lui avoir été notifiés, et qu'ils violeraient le principe de l'égalité de traitement.

15) Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 142 V 316 consid. 6.1.1 ; 138 V 176 consid. 8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_774/2014 du 21 juillet 2017
consid. 9.1 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, 2003, p. 260 ss).

16) a. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

b. Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n'est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d'une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L'autorité qui applique le droit ne peut ainsi s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d'autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e).

17) De manière générale, la jurisprudence reconnaît à l'administration une grande latitude pour s'organiser et un large pouvoir d'appréciation. Celle-ci dispose ainsi d'une très grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu'elle entretient avec ses agents (arrêt du Tribunal fédéral 2P_46/2006 du 7 juin 2006 ; François BELLANGER, Contentieux communal genevois in : L'avenir juridique des communes, Schulthess 2007, p. 149). Ainsi, l'administration doit bénéficier de la plus grande liberté d'appréciation pour fixer son organisation et créer, modifier ou supprimer des relations de service nécessaires à son bon fonctionnement, questions relevant de l'opportunité et échappant par conséquent au contrôle de la chambre administrative. Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas que l'autorité est libre d'agir comme bon lui semble. Elle ne peut ni renoncer à exercer ce pouvoir ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 1991, p. 35-36 n. 161 ss). L'exercice d'un contrôle judiciaire dans ce cadre-là garde tout son sens, même si le juge administratif doit alors observer une très grande retenue dans l'examen de la manière dont l'administration a exercé ses prérogatives. Le juge doit ainsi contrôler que les dispositions prises demeurent dans les limites du pouvoir d'appréciation de l'autorité et qu'elles apparaissent comme soutenables au regard des prestations et du comportement du fonctionnaire ainsi que des circonstances personnelles et des exigences du service. Seules les mesures objectivement insoutenables et arbitraires doivent être annulées, la chambre administrative vérifiant que l'autorité n'outrepasse pas son pouvoir d'appréciation et respecte les conditions de fond et de forme dont les textes imposent la réalisation (ATF 108 I b 209 publié in : JT 1984 I 331, consid. 2 ; ATA/57/2019 du 22 janvier 2019 consid. 9).

18) Le jour civil se définit comme un jour solaire moyen dont la durée est de vingt-quatre heures exactement, avec origine à minuit (Encyclopédie Larousse en ligne, https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/jour/63398, consulté le
13 novembre 2019).

19) À la lecture du texte de l'art. 54 RPAC, la durée de l'indemnité pour incapacité de travail, tout comme la période d'observation, sont calculés en « jours civils ». Cette dénomination ne laisse planer aucun doute sur le fait qu'il s'agit de jour entier. Rien ne permet dès lors de considérer que les jours d'absence pourraient être fractionnés afin de tenir compte des incapacités de travail partielles des fonctionnaires.

C'est d'ailleurs dans ce sens qu'a été rédigé le document sur le droit au traitement en cas d'incapacité de travail auquel renvoie la fiche 02.02.07 du MIOPE, lequel précise qu'un jour avec absence compte comme un jour entier d'absence pour le décompte des sept cent trente jours, et ce quel que soit le taux d'absence. Il sera rappelé qu'il a déjà été constaté par la chambre de céans que la réglementation prévue par la fiche 02.02.08 du MIOPE, depuis lors remplacée par la fiche 02.02.07, n'était pas contraire à l'art. 54 RPAC, et pouvait donc être appliquée. En outre, contrairement à ce que prétend la recourante, le principe selon lequel un jour d'absence pour maladie compterait comme un jour entier d'absence, quel que soit le taux d'absence, n'émane pas de documents créés en 2016 et 2017. En effet, à la lecture de la fiche 04.06.01 du MIOPE et de son annexe intitulée « procédure en cas d'absence », transmis par l'intimé, une telle comptabilisation existait déjà lors de la création de ladite fiche en date du 16 juin 2012.

La recourante considère qu'il serait choquant et contraire au principe de l'égalité de traitement qu'un fonctionnaire absent pour cause de maladie à temps partiel, par exemple 50 %, voie son traitement arrêté à la même date qu'un fonctionnaire absent à 100 %. La recourante soutient ainsi que ces deux situations ne seraient pas identiques et nécessiteraient un traitement différent. Celle-ci ne saurait toutefois être suivie. Il ne peut être retenu que la seule différence du taux d'incapacité de travail en cas de maladie taux qui pourrait d'ailleurs changer à plusieurs reprises durant la maladie d'un même fonctionnaire constitue une situation dissemblable telle qu'elle nécessiterait un traitement différencié quant au droit au traitement en cas de maladie. Il ne peut par ailleurs être admis, notamment pour des raisons pratiques évidentes comme le relève l'intimé, qu'un fonctionnaire présentant une capacité de travail de 90 % et une incapacité de
10 %, puisse toucher, par hypothèse, pendant sept mille deux cent jours soit vingt ans des indemnités pour incapacité de travail. Par ailleurs, l'interprétation de la recourante violerait de manière évidente l'art. 54 al. 5 RPAC puisqu'elle induirait un dépassement du délai d'observation de mille nonante-cinq jours civils.

Comme déjà mentionné, le fait que la recourante ait été libérée de son obligation de travailler, puis suspendue et enfin révoquée ces mesures ayant toutefois été annulées par la chambre de céans, confirmée par le Tribunal fédéral n'ont pas eu pour effet de sortir cette dernière de régime d'indemnisation de
l'art. 54 RPAC.

Il ressort du dossier que la recourante a été en incapacité de travail, parfois à temps complet parfois à temps partiel, de manière interrompue du 19 juin 2014 au 28 février 2018. Toutefois, avant même son arrêt de travail du 19 juin 2014,
celle-ci s'était retrouvé à plusieurs reprises déjà en incapacité de travail. À teneur du décompte des absences pour maladie, transmis en annexe au courrier de l'intimé du 29 février 2016, il apparaît que la recourante a atteint sept cent trente jours civils d'absence le 4 juin 2016, sur une période d'observation de mille nonante-cinq jours civils comprise entre le 1er septembre 2013 et le 4 juin 2016.

Il apparaît par ailleurs, à teneur des décomptes remis par l'autorité, que le paiement du traitement mensuel de la recourante a été effectué, à compter du
5 juin 2016, dans la mesure de sa capacité de travail, à savoir 30 % jusqu'au
28 février 2018 et 100 % à compter du 1er mars 2018, soit dès qu'elle a retrouvé une pleine capacité de travail. Cette manière de procéder n'apparaît pas critiquable et sera ainsi confirmée.

20) La recourante soutient encore qu'elle n'aurait pas été informée que son droit au traitement cesserait à compter du 5 juin 2016, ce qui justifierait le paiement de son traitement intégral même après cette date.

Par courrier du 29 février 2016, l'intimé a indiqué à la recourante qu'elle atteindrait le seuil pour le paiement de son traitement au 5 juin 2016. Était joint un décompte que la recourante ne conteste pas avoir reçu à teneur duquel elle avait été absente durant sept cent trente jours civils entre le 1er septembre 2013 et le 4 juin 2016. Par courrier du 7 mars 2016, le département a effectivement indiqué annuler sa missive du 29 février 2016. Était joint à cette dernière correspondance le décompte des absences pour maladie de la recourante, faisant état de six cent quarante-trois jours d'absence entre le 2 mars 2013 et le
29 février 2016. Même s'il est certes regrettable que l'intimé n'ait pas à nouveau attiré l'attention de la recourante sur le fait que son droit au traitement prendrait fin au 5 juin 2016, cet élément ne permet pas à lui seul d'étendre ce droit postérieurement à cette date. La recourante qui plus est représentée par un avocat était en mesure de comprendre, à la lecture des dispositions légales applicables, soit en particulier l'art. 54 RPAC, ainsi que des décomptes des absences pour maladie remis que son droit au traitement prendrait légalement fin au 5 juin 2016.

Infondé, ce grief sera dès lors écarté.

21) La recourante reproche également à l'intimé, à titre subsidiaire, de ne pas avoir tenu compte de ses incapacités de travail, telles que retenues par l'AI, soit
0 % de juin 2014 à mai 2016, 50 % de juin 2016 à juin 2017 et 100 % dès juillet 2017 dans la fixation de son traitement. L'intimé aurait à tout le moins dû lui verser 50 % de son traitement durant les mois de juin 2016 à juin 2017, puis 100 % de celui-ci dès juillet 2017.

Le grief de la recourante est manifestement infondé. À teneur des certificats médicaux figurant au dossier seul document expressément mentionné à l'art. 54 al. 1 RPAC pour établir le droit à une indemnité pour incapacité de travail la recourante présentait uniquement une capacité de travail à hauteur de 30 % du
1er mai 2016 au 28 février 2018 (à l'exception du mois de juin 2016 durant lequel la capacité était de 0 %), puis à 100 % dès le 1er mars 2018. Cette dernière n'a d'ailleurs eu de cesse de rappeler dans ses écritures qu'elle présentait une capacité de travail de 30 % pour la période du 1er avril 2016 au 28 février 2018 et que ses jours d'absence pour maladie ne devaient être pris en compte qu'à raison de 70 % et non 100 % durant cette période. Celle-ci a d'ailleurs procédé au calcul total du nombre de jours d'absence pour maladie en tenant compte de ce taux de 70 %. La recourante ne saurait dès lors, de bonne foi, prétendre, subsidiairement, qu'elle aurait dû recevoir à tout le moins 50 % de son traitement de juin 2016 à juin 2017.

Il sera encore relevé que la décision AI du 25 septembre 2018 dont se prévaut la recourante fait état d'un degré d'invalidité de 100 % du 1er avril 2016 au 31 août 2016 et de 50 % du 1er septembre 2016 au 30 septembre 2018. La chambre de céans, dont les prérogatives portent sur la fixation du droit au traitement d'une fonctionnaire, n'est pas liée par la motivation d'une décision AI rendue en matière d'assurances sociales, étant relevé que dans ce dernier domaine le degré d'invalidité ne se confond pas nécessairement avec le taux de l'incapacité de travail.

Ce grief sera dès lors également écarté.

22) La recourante sollicite enfin le versement de son annuité pour les années 2015 à 2018.

23) Au début de chaque année civile et après six mois au moins d'activité dans sa fonction, le membre du personnel a droit, jusqu'au moment où le maximum de la classe dans laquelle est rangée sa fonction est atteint, à l'augmentation annuelle prévue par l'échelle des traitements (art. 12 al. 1 LTrait).

Le calcul du droit à une annuité supplémentaire s'établit au 1er janvier de chaque année, à l'exception du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire, pour lequel la date de référence est le 1er septembre et du corps enseignant universitaire, pour lequel cette date est le 1er août. Les fractions d'années ne sont pas prises en compte dans le calcul (art. 2 al. 4 LTrait).

24) Le 18 décembre 2014, le Grand Conseil a adopté la loi 11545 sur la suspension des augmentations annuelles dues aux membres du personnel de l'État (LSAMPE 2015 - B 5 16), qui supprimait pour l'année 2015 les annuités des magistrats et des membres du personnel de l'État, des établissements publics, du pouvoir judiciaire et des institutions subventionnées régies par les normes salariales de l'État (ci-après : les membres du personnel), sauf pour ceux dont le traitement annuel brut, treizième salaire inclus et sans indemnités, était inférieur à CHF 86'868.-. Son entrée en vigueur était fixée au 1er janvier 2015 et son abrogation intervenait au 31 décembre 2015.

Elle a été promulguée par le Conseil d'État le 18 février 2015, avec effet au 1er janvier 2015.

25) a. Le 16 septembre 2015, le Conseil d'État a déposé le projet de loi PL 11721 sur la suspension pour l'année 2016 des augmentations annuelles dues aux membres du personnel, qui proposait de supprimer pour l'année 2016 les annuités des membres du personnel.

Le 17 décembre 2015, le Grand Conseil a adopté la loi 11721, nouvelle LSAMPE (ci-après : LSAMPE 2016), qui supprimait les augmentations annuelles des membres du personnel. Elle modifiait la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), donnant au Conseil d'État la possibilité d'accorder chaque année à ces derniers tout ou partie de l'augmentation annuelle prévue par l'échelle des traitements, en tenant compte de la situation économique et budgétaire. L'entrée en vigueur de la LSAMPE 2016 était fixée au 1er janvier 2016.

Le 26 février 2016, le Grand Conseil a adopté la loi 11834 abrogeant la LSAMPE 2016. Son entrée en vigueur était prévue le lendemain de sa promulgation. Par arrêté du 20 avril 2016, le Conseil d'État a promulgué la loi 11834, avec effet le lendemain de la publication dudit arrêté, intervenue le 22 avril 2016.

b. Par ATA/606/2018 et ATA/607/2018 du 13 juin 2018, la chambre administrative a considéré qu'au vu des circonstances particulières ayant conduit à l'adoption successive de la LSAMPE 2016 et de la loi 11834, l'effet voulu et compris de cette dernière était de rétablir directement la teneur des art. 2 al. 4 et 12 al. 1 et 2 LTrait au 31 décembre 2015. Une loi ne pouvait avoir d'effet rétroactif, sauf exception possible à des conditions strictes non réalisées dans le cas d'espèce. Il s'ensuivait que les mécanismes salariaux ordinaires prévus aux art. 2 à 14 LTrait, en particulier les augmentations annuelles, avaient repris de plein droit le 23 avril 2016. Dès cette date, la décision du Conseil d'État du
23 mars 2016 de ne pas accorder d'annuité en 2016 aux membres du personnel était contraire au droit.

Les recours formés contre ces deux arrêts ont été déclarés irrecevables par le Tribunal fédéral le 7 juin 2019 (8C_530/2018, 8C_531/2018 et 8C_532/2018).

26) En l'espèce, le traitement de la recourante en 2014, laquelle exerçait ses fonctions à un taux de 100 %, était fixé en classe 13, annuité 13. À teneur des simulations de traitement pour les années 2015 à 2018 établis par le service des paies, et joints à son courrier du 28 septembre 2018, il a été retenu que le traitement de la recourante se trouvait en annuité 13 durant les années 2015 et 2016, en annuité 14 durant l'année 2017 et en annuité 15 en 2018.

À teneur des dispositions précitées, aucune annuité n'a été accordée en 2015 au membres du personnel de l'État, à l'exception de ceux percevant un traitement annuel brut, treizième salaire inclus et sans indemnités, inférieur à CHF 86'868.-, ce qui n'était en l'occurrence pas le cas de la recourante. C'est donc à juste titre que l'intimé a considéré que la recourante était demeurée en annuité 13 durant l'année 2015.

S'agissant de l'annuité 2016, compte tenu des arrêts de la chambre de céans et du Tribunal fédéral précités, l'intimé devra effectivement verser à la recourante le montant correspondant au rattrapage de l'annuité 2016, à partir du 23 avril 2016, ainsi qu'aux montants découlant de sa répercussion sur les années 2017 et 2018.

Enfin, l'intimé a, à juste titre, octroyé une annuité supplémentaire à la recourante tant pour l'année 2017 que pour l'année 2018, aucune loi ne supprimant l'octroi de celles-ci. Il devra toutefois être tenu compte du fait qu'une annuité aurait dû être accordée en 2016, de sorte que le traitement de la recourante devra être établi sur la base de l'annuité 15 en 2017 et l'annuité 16 en 2018.

27) Pour le surplus, la recourante ne conteste pas, en tant que tels, les montants retenus par l'intimé pour déterminer les arriérés de traitement dus. À teneur des simulations de traitement de l'intéressée pour les années 2015 à 2018 établis par le service des paies, la recourante a bénéficié de son traitement mensuel entier entre les mois de février 2015 et de mai 2016, puis au prorata de sa capacité de travail soit 30 % de juin 2016 à février 2018, et enfin à nouveau de manière complète à compter du 1er mars 2018. À teneur de ses écritures, la recourante ne conteste plus les différentes retenues opérées par son employeur en faveur du Ministère public, de l'hospice, de la caisse de chômage UNIA et de l'AI.

Ainsi, les montants versés par l'intimé seront donc confirmés, sous réserve du rattrapage relatif à l'annuité 2016 et des montants dus, par ricochet, pour les années 2017 et 2018.

28) Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

La décision querellée sera annulée, en tant qu'elle refuse tout versement supplémentaire en lien avec l'octroi de l'annuité 2016, et confirmée pour le surplus. Le dossier sera renvoyé au département pour qu'il procède au paiement à la recourante du montant correspondant au rattrapage de l'annuité 2016, à partir du 23 avril 2016, ainsi qu'aux montants découlant de sa répercussion sur les années 2017 et 2018, avec intérêts à 5 %.

29) Un émolument de procédure de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe en grande partie (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité, réduite, de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève, lui sera par ailleurs allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 avril 2019 par Madame A______ contre la décision du département de la cohésion sociale du 18 mars 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du département de la cohésion sociale du 18 mars 2019 en tant qu'elle rejette toute prétention de Madame A______ en lien avec l'annuité pour l'année 2016 ;

la confirme pour le surplus ;

renvoie le dossier au département de la cohésion sociale pour qu'il procède au versement de l'annuité 2016 de Madame A______, à compter du 23 avril 2016, ainsi que des montants découlant de sa répercussion sur les années 2017 et 2018, avec intérêts à 5 % ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Madame A______ ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les

art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt (la présente décision) et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me David Metzger, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de la cohésion sociale.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :