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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3564/2023

ATA/178/2024 du 06.02.2024 ( PROC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3564/2023-PROC ATA/178/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 février 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ demandeur

contre


COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE

et

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES défendeurs



EN FAIT

A. a. Par arrêt du 13 mars 2018, la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté par A______ contre le jugement du 13 décembre 2016 du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) confirmant la décision du 16 janvier 2016 du service cantonal des véhicules, devenu depuis l’office cantonal des véhicules (ci‑après : OCV) prononçant à son encontre un retrait de permis de conduire toutes catégories et sous-catégories pour une durée de douze mois.

Le 11 septembre 2015, en roulant à moto, A______ avait dépassé la vitesse autorisée en localité de 26 km/h, marge de sécurité déduite, à 11h38 sur le quai Gustave-Ador. Il s’agissait d’une infraction grave à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). L’intéressé avait déjà subi un retrait de permis de conduire, prononcé en 2012 pour faute grave, au cours des cinq années précédentes. La durée minimale du retrait était dès lors de douze mois. L’autorité ne s’était pas écartée de ce minimum en raison des besoins professionnels de l’intéressé (ATA/234/2018 du 13 mars 2018).

b. Par décision du 14 mai 2019, l’OCV a interdit à A______ de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse à titre définitif et pour une durée minimale de cinq ans.

Le recours interjeté devant le TAPI contre cette décision a été déclaré irrecevable, l’avance de frais n’ayant pas été effectuée dans le délai imparti.

c. Par arrêt du 3 décembre 2019 la chambre administrative a déclaré irrecevable la demande de révision de l’ATA/234/2018 déposée le 3 octobre 2019 par A______ (ATA/1748/2019).

Il se prévalait d’avoir retrouvé son agenda de 2015, ce qui lui aurait permis de reconstituer les faits. Or, l’intéressé avait adressé une lettre recommandée et détaillée à l’OCV, le 11 décembre 2015, dans laquelle il reconnaissait avoir dépassé la limitation de vitesse et détaillait les modalités de cette infraction.

Outre que les allégués de l’intéressé étaient contradictoires à ses précédentes déclarations, celles-ci avaient été formulées en 2015 déjà, soit à une période où il était en possession de son agenda 2015 et l’utilisait quotidiennement. Les faits allégués dans la demande en révision n’étaient en conséquence pas nouveaux au sens de l’art. 80 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Il s’agissait de faits anciens que l’intéressé pouvait connaître et alléguer dans la précédente procédure déjà.

 

d. Le 9 février 2022, l’OCV a informé A______ qu’il avait reçu copie d’un rapport établi par la police indiquant qu’il avait conduit, le 3 février 2022 à 14h00, malgré l’interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur territoire suisse. En raison de cette infraction, la durée minimale avant toute levée de la mesure était prolongée de douze mois dès le 16 mars 2024, date de la fin du délai d’attente prononcé dans la décision du 14 mai 2019.

e. Le 30 juin 2022, l’OCV a répondu à A______ ne pas pouvoir donner de suite favorable à sa demande en restitution de son droit de faire usage de son permis de conduire étranger. Il rappelait que le délai d’attente avait été prolongé de douze mois suite à l’infraction du 3 février 2022.

f. Le 15 mai 2023, l’OCV a rejeté la requête de A______ tendant à être autorisé à conduire. Il ne le pourrait qu’à la fin du délai d’attente imposé, soit après le 16 mars 2025 et sur présentation d’un rapport d’expertise favorable quant à son aptitude à la conduite.

B. a. Le 25 octobre 2023, A______ a déposé une demande de révision de sa « condamnation prononcée par la chambre administrative ». Il a mentionné les références de l’arrêt du 3 décembre 2019.

Il avait été condamné injustement pour un acte qu’il n’avait pas commis, n’étant pas l’auteur des faits qui lui étaient reprochés. Il n’avait pas eu l’argent nécessaire, à l’époque, pour prendre un avocat ni le droit à l’assistance juridique. La décision devait être revue dès lors qu’elle l’empêchait d’exercer sa profession d’électricien indépendant. Il ne parvenait pas à trouver un emploi, alors qu’il était père de famille, divorcé, avec trois filles à charge. Il allait se marier prochainement. Sa compagne était enceinte et sans revenus. Il avait un besoin professionnel de son véhicule, y compris pour déplacer le matériel qui lui était nécessaire. Il convenait de « réouvrir son dossier ».

Il a joint copie des pièces produites devant la chambre de céans en octobre 2019.

b. L’OCV a rappelé les antécédents du demandeur et a persisté dans les termes de sa décision du 14 mai 2019. La levée de la mesure ne pourrait avoir lieu que sur présentation d’une expertise médicale favorable émanant du centre universitaire romand de médecine légale et ne pourrait intervenir avant la fin du délai d’attente du 16 mars 2025.

c. Le demandeur n’a pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été octroyé.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. La compétence de la chambre administrative est acquise, dès lors que la procédure vise à la révision de la « condamnation administrative » du demandeur et fait référence à l’un des arrêts de la chambre de céans. Sous cet angle, la demande de révision est recevable (art. 81 al. 1 in fine de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

1.1 En vertu de l’art. 80 LPA, une demande de révision suppose que l'affaire soit réglée par une décision définitive.

1.2 En vertu de l’art. 81 LPA, la demande de révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (al. 1) et au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision. Le cas de révision de l’art. 80 let. a LPA est réservé. Dans ce cas, la révision peut avoir lieu d’office, notamment sur communication du Ministère public (al. 2). Les art. 64 et 65 LPA sont applicables par analogie. La demande doit, en particulier, indiquer le motif de révision et contenir les conclusions du requérant pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (al. 3).

1.3 En l'espèce, il est douteux que la demande de révision soit recevable, dès lors que le demandeur n’invoque pas de découverte d’un motif de révision dans les trois mois précédant le dépôt de la demande, le 24 novembre 2023. La question du respect du délai souffrira toutefois de demeurer ouverte au vu de ce qui suit.

2.             2.1 Selon l’art. 80 let. b LPA, il y a lieu à révision lorsque des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le demandeur ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente.

L'art. 80 let. b LPA vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n'avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/627/2020 du 30 juin 2020 consid. 1b et 1c ; ATA/362/2018 du 17 avril 2018 consid. 1c ; ATA/294/2015 du 24 mars 2015 consid. 3c). Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c'est-à-dire de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5).

2.2 Une révision est également possible lorsqu'un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision (art. 80 let. a LPA), que, par inadvertance, la décision ne tient pas compte de faits invoqués et établis par pièce (let. c), que la juridiction n’a pas statué sur certaines conclusions des parties de manière à commettre un déni de justice formel (let. d), ou encore que la juridiction qui a statué n’était pas composée comme la loi l’ordonne ou que les dispositions sur la récusation ont été violées (let. e).

Les motifs de révision prévus par l'art. 80 LPA sont exhaustifs.

2.3 La révision ne permet pas de supprimer une erreur de droit, de bénéficier d'une nouvelle interprétation, d'une nouvelle pratique, d'obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors de la décision dont la révision est demandée ou de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATA/478/2021 du 4 mai 2021 consid. 2b ; ATA/362/2018 précité consid. 1d et les références citées).

2.4 Lorsqu'aucune condition de l'art. 80 LPA n'est remplie, la demande est déclarée irrecevable (ATA/232/2022 du 1er mars 2022 ; ATA/1748/2019 du 3 décembre 2019 ; ATA/1149/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2).

2.5 La voie de la révision par la juridiction administrative doit être distinguée de celle de la reconsidération par l’autorité administrative, qui constitue la voie à suivre en cas de « modification notable des circonstances » (art. 48 al. 1
let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c’est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l’état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l’autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/362/2018 précité consid. 1e ; ATA/294/2015 précité consid. 3e ; ATA/105/2014 du 18 février 2014 consid. 9).

2.6 En l’espèce, la chambre administrative a rejeté le recours, par arrêt du 13 mars 2018, dirigé contre la décision du 11 janvier 2016 portant sur un retrait de permis de conduire pour une durée de douze mois.

Elle a par la suite déclaré irrecevable la demande de révision déposée en 2019 en l’absence de faits nouveaux.

Les pièces produites par le demandeur à l’appui de la présente demande de révision concernent une nouvelle fois l’infraction d’excès de vitesse du 11 septembre 2015. Il s’agit des mêmes pièces que celles produites dans le cadre de la première demande de révision.

En l’absence de faits nouveaux la solution ne peut qu’être identique à la précédente procédure.

Il sera pour le surplus relevé que la « condamnation administrative » que le demandeur souhaite voir révisée porte sur un retrait de son permis de conduire pour une durée de douze mois, prononcée en 2016. La décision d’interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse à titre définitif et pour une durée minimale de cinq ans, prononcée le 14 mai 2019 par l’OCV, actuellement toujours en cours, dont la durée a été prolongée à la suite de l’infraction du 3 février 2022 a fait l’objet d’un recours, déclaré irrecevable par le TAPI, et n’a jamais été portée devant la chambre de céans.

La demande de révision sera déclarée irrecevable, le demandeur n’invoquant aucune des hypothèses de l’art. 80 LPA.

3.             Vu l’issue de la procédure, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de A______ (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette en tant qu’elle est recevable la demande de révision déposée le 25 octobre 2023 par A______ contre l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 3 décembre 2019 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément à l’art. 72 al. 2 let. b ch. 4 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière civile ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu’au service cantonal des véhicules.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Eleanor McGREGOR, juge, Louis PEILA, juge suppléant.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :