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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/837/2023

ATA/108/2024 du 30.01.2024 sur DITAI/147/2023 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/837/2023-PE ATA/108/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 janvier 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______, agissant pour lui-même et au nom de ses enfants mineurs B______, C______ et D______ , recourants
représentés par Me Sylvain ZIMMERMANN, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 4 avril 2023 (DITAI/147/2023)

 



EN FAIT

A. a. E______, née le ______ 1975, est ressortissante de Bolivie. Elle est arrivée en Suisse en mai 2002.

b. Le 6 décembre 2006, elle a déposé une demande de régularisation de ses conditions de séjour.

c. Le 22 mai 2010, elle a épousé A______, né le ______ 1987, de nationalité bolivienne.

d. Le couple a trois enfants nés à Genève : B______, né le ______ 2011, C______, née le ______ 2013, et D______, née le ______ 2016.

e. La famille a obtenu des visas de retour les 26 août 2011, 15 novembre 2012, 22 novembre 2017 et 3 avril 2019.

f. A______ a été condamné, le 18 avril 2013, par le Ministère public de l’arrondissement de La Côte (VD) pour conduite en état d’ébriété à une peine pécuniaire de 60 jours-amende avec sursis et à une amende de CHF 800.-.

B. a. Le 10 novembre 2010, A______ a déposé une demande de régularisation de ses conditions de séjour.

b. Le couple s’est séparé en 2019. E______ est partie habiter chez sa fille, F______, née en 1990 d’une autre union, et qui réside dans le canton, les trois enfants restant avec leur père.

c. A______ a annoncé cette séparation à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) en janvier 2020.

d. Par décision du 16 décembre 2020, l’OCPM a refusé de préaviser le dossier de E______ positivement auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et a prononcé son renvoi de Suisse. En raison de sa situation financière insatisfaisante, caractérisée par un cumul de dettes et d’actes de défaut de biens s'élevant à CHF 133'800.20, l’intéressée ne répondait ni aux critères de l’« opération Papyrus », ni à ceux relatifs à un cas individuel d’extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

e. Par acte du 19 janvier 2021, E______ et son époux ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’un permis humanitaire. Ce recours a été enregistré sous numéro de cause A/224/2021.

f. Par courrier du 11 mars 2021, l’OCPM a informé A______ qu’il était disposé à faire droit à sa demande de permis de séjour pour lui et ses trois enfants, la décision du SEM étant cependant réservée.

g. Par courrier du 21 mai 2021, E______ a indiqué avoir regagné le domicile conjugal et vivre à nouveau avec son mari et leurs trois enfants. Ce fait nouveau était de nature à modifier la décision du 16 décembre 2020. Elle a sollicité la reconsidération de ladite décision.

h. L’OCPM a indiqué que, compte tenu de ce fait nouveau, le SEM lui avait renvoyé le dossier d'A______ et des trois enfants, afin qu’une instruction soit reprise pour l’ensemble de la famille. Partant, l’OCPM proposait la suspension de la procédure pendante devant le TAPI jusqu’au prononcé d’une décision de sa part sur les conditions de séjour des intéressés.

i. L’instruction de la cause A/224/2021 a été suspendue le 8 juillet 2021.

j. Par décision du 14 septembre 2021, l’OCPM a refusé de soumettre au SEM avec un préavis positif le dossier d'A______ et de ses trois enfants et a prononcé leur renvoi de Suisse. Après le retour de E______ au domicile conjugal, la famille ne se trouvait pas dans une situation financière satisfaisante, l’épouse cumulant des dettes pour un montant de CHF 133'800.20.

k. Par décision du 1er octobre 2021, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération de la décision du 16 décembre 2020 concernant E______. Il était admis que la reprise de la vie commune avec son époux constituait un fait nouveau, mais celui-ci ne pouvait pas être considéré comme important, dès lors qu’il ne modifiait en rien la décision précitée, au vu des nombreuses dettes de l’intéressée.

l. Par acte du 15 octobre 2021, A______ et son épouse ont recouru auprès du TAPI contre la décision du 14 septembre 2021, concluant à son annulation et à l’octroi d’un permis humanitaire pour eux et leurs trois enfants mineurs. Ce recours a été enregistré sous numéro de cause A/3536/2021.

m. Par courrier du 18 octobre 2021, l’OCPM a sollicité la reprise de la procédure A/224/2021 et conclu au rejet du recours.

n. Par acte du 29 octobre 2021, E______ et son époux ont recouru auprès du TAPI contre la décision du 1er octobre 2021, concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l’OCPM, afin que ce dernier entre en matière sur la demande de reconsidération. Cette procédure a été enregistrée sous numéro de cause A/3711/2021.

o. Par courrier du 11 novembre 2021, les intéressés ont sollicité la suspension de la procédure A/224/2021 jusqu'à droit connu dans la procédure A/3711/2021.

p. Le 26 novembre 2021, le TAPI a rejeté la demande de suspension de la procédure A/224/2021 et joint les causes A/3711/2021, A/3536/2021 et A/224/2021, sous ce dernier numéro de procédure.

q. Par deux courriers du 13 décembre 2021, l’OCPM a, d’une part, maintenu son refus d’entrer en matière sur la demande de reconsidération, estimant qu’il n’y avait pas de modification notable des circonstances susceptible de remettre en cause la décision du 16 décembre 2020. D’autre part, la reprise de la vie commune des époux avait pour conséquence que la famille ne remplissait pas les critères de l’« opération Papyrus » ainsi que les conditions ordinaires d'un cas d'extrême gravité, vu les nombreuses dettes et actes de défaut de bien de l’épouse. Il ne ressortait pas du dossier qu’un retour en Bolivie confronterait les administrés à des difficultés plus graves que la plupart de leurs compatriotes retournant dans leur pays. Le mari ne pouvait pas invoquer le droit à la protection de la vie privée garanti par l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) pour s’opposer à son renvoi, les années passées en Suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance n’étant pas déterminantes.

r. Par courrier du 16 décembre 2021, l’OCPM a remis au TAPI un extrait du registre des poursuites du 9 décembre 2021 concernant E______, qui faisait état de 35 actes de défaut de biens pour un total de CHF 145'957.95, qui comprenait notamment une dette de CHF 73'804.25 à l’égard de l’Hospice général (ci-après : l'hospice) relative au remboursement de prestations financières indûment perçues par la précitée.

s. Par jugement du 5 mai 2022, le TAPI a rejeté les recours. La famille ne remplissait pas la condition de l’indépendance financière requise par l’« opération Papyrus », ni celles d’un cas de rigueur.

t. Par acte expédié le 4 juin 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), E______ et A______, agissant pour eux et leurs enfants, ont recouru contre ce jugement, dont ils ont demandé l’annulation. Ils ont conclu, principalement, au constat qu’ils remplissaient les conditions d’un cas d’extrême gravité, subsidiairement, au constat que leur renvoi n’était pas exigible.

u. Par arrêt du 20 décembre 2022 (ATA/1289/2022), la chambre administrative a rejeté le recours.

Ils ne remplissaient pas les conditions d'un cas d'extrême gravité. Il n’était pas contradictoire de considérer que la reprise de la vie commune des époux n’était, sur reconsidération, pas de nature à modifier l’appréciation portée sur la situation de E______, et de retenir que ce fait avait un impact sur la situation du reste de la famille. En effet, l’élément nouveau que constituait la reprise de la vie conjugale faisait partie des circonstances personnelles dont il fallait tenir compte dans l’appréciation de la situation de la famille dans son ensemble, d’une part, et la reprise de la vie commune n’avait, d'autre part, pas eu d’impact sur la situation financière obérée de la précitée.

Cet arrêt n'a pas été contesté.

C. a. Par courriel du 2 février 2023, A______ a informé l'OCPM qu'il n'envisageait pas de quitter la Suisse, que ses enfants ne connaissaient pas la Bolivie et que leur avenir était en Suisse. Il voulait y vivre paisiblement avec ses enfants. Il n'avait pas de dettes et continuait à travailler. E______ allait retourner en Bolivie, car ils avaient décidé de divorcer.

b. L'OCPM a traité ce courrier comme une demande de reconsidération. Il a refusé d'entrer en matière par décision du 3 février 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours (sic).

Les circonstances ne s'étaient pas modifiées de manière notable depuis que la décision du 14 septembre 2021 avait été rendue. A______ et ses trois enfants faisaient l'objet d'une décision de refus d'autorisation de séjour et de renvoi qui était en force, et ils devaient s'y conformer sans délai.

c. Le 6 mars 2023, E______ et A______ ont déposé auprès du Tribunal civil de première instance (ci-après : TPI) une requête commune en divorce.

d. Par acte du 7 mars 2023, A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre la décision de l'OCPM du 3 février 2023, concluant principalement à son annulation et à ce que l'OCPM entre en matière sur sa demande de reconsidération, et préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours.

Sur ce dernier point, l'exécution immédiate de la décision de renvoi aurait des conséquences terribles pour la famille. La restitution de l'effet suspensif s'imposait, faute d'intérêt public prépondérant à une exécution immédiate.

e. Le 20 mars 2023, l'OCPM a conclu au refus de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours. La situation d'A______ et de ses enfants était exclusivement due à leur refus d'obtempérer à la décision de renvoi, qui était définitive et exécutoire, si bien qu'il existait un intérêt public prépondérant à l'application de cette mesure.

f. Par décision du 4 avril 2023, le TAPI a rejeté la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles.

Une décision de refus d'entrer en matière sur reconsidération n'entraînait ni interruption de délai ni effet suspensif. La seule question qui se posait était l'octroi de mesures provisionnelles.

La demande en divorce était un fait nouveau, mais la chambre administrative avait retenu qu'il ne remplissait pas les conditions d'un cas d'extrême gravité pour d'autres motifs que les dettes de son épouse. Les autres aspects de sa situation existaient déjà au moment du prononcé de l'arrêt de la chambre administrative. La poursuite de l'intégration des membres de la famille résultait du seul écoulement du temps et ne pouvait être qualifiée de notable au sens de l'art. 48 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10)

L'octroi de mesures provisionnelles aboutirait à autoriser A______ et ses enfants à séjourner en Suisse, ce qui anticiperait le jugement définitif, contrairement à la finalité de telles mesures.

D. a. Par acte posté le 26 avril 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, concluant principalement à son annulation et à la restitution de l'effet suspensif ou au prononcé de mesures provisionnelles.

Il rencontrerait de grandes difficultés s'il devait retourner en Bolivie le temps qu'une décision soit prise dans le cadre de son recours contre la décision sur reconsidération. Il devrait quitter son travail, un logement convenable lui permettant d'accueillir ses enfants, de la famille en Suisse ainsi que ses amis pour regagner un pays dans lequel il n'avait plus d'attaches.

L'intérêt supérieur des enfants mineurs militait en faveur d'un maintien de leur séjour en Suisse pendant la procédure. L'aîné, B______, était désormais âgé de 12 ans et était donc entré dans l'adolescence au sens de la jurisprudence. Son renvoi en Bolivie, pays qu'il ne connaissait pas et dont il ne parlait pas la langue, serait particulièrement traumatisant et lui causerait un dommage irréparable. Il n'existait de plus aucune urgence à leur renvoi.

Son divorce constituait bien une modification notable des circonstances, justifiant une reconsidération du cas. De plus, la conclusion principale de son recours n'était pas l'octroi d'une autorisation de séjour mais l'entrée en matière sur sa demande de reconsidération.

b. Le 24 mai 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours, faisant siens les considérants de la décision attaquée.

c. Le 5 juin 2023, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 23 juin 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 21 juin 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requête ni d'observations complémentaires.

e. Le recourant ne s'est pas déterminé dans le délai précité

f. Par courrier du 29 septembre 2023, le recourant a communiqué à la chambre administrative le jugement de divorce rendu par le TPI le 15 septembre 2023.

g. Interpellé par le juge délégué, l'OCPM a indiqué, le 9 octobre 2023, que cet élément nouveau pouvant avoir une conséquence possible sur l'examen de la procédure au fond actuellement pendante devant le TAPI, il était désormais favorable à la restitution de l'effet suspensif au recours par voie de mesures provisionnelles.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Les décisions du TAPI peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative (art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). La décision refusant l’effet suspensif ou des mesures provisionnelles étant une décision incidente, le délai de recours est de dix jours (art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), délai qui a été observé en l’occurrence vu la notification de la décision attaquée pendant les suspensions de délai pascales (art. 63 al. 1 let. a LPA).

Selon l'art. 57 LPA, le recours contre une décision incidente est recevable si un dommage irréparable peut être causé. Tel est le cas en l'espèce, le renvoi du recourant à l'étranger pouvant causer un tel dommage (ATA/1203/2023 du 7 novembre 2023 consid. 1 ; ATA/191/2023 du 28 février 2023 consid. 2 ; ATA/1332/2020 du 22 décembre 2020 consid. 1b).

Le recours est ainsi recevable.

2.             Il convient d’examiner si le refus de restituer l’effet suspensif et d’accorder des mesures provisionnelles était fondé.

2.1 Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA). Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

2.2 Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

2.3 L'effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation ou d'une autorisation. La fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344). Dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles est envisageable (ATA/287/2023 du 21 mars 2023 consid. 3.5 ; ATA/191/2023 précité consid. 4.5 ; ATA/1369/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3a).

2.4 En l’espèce, le recourant fait l’objet d’une décision définitive et exécutoire de renvoi. La nouvelle décision de l’OCPM querellée devant le TAPI constitue un refus d'entrée en matière sur une demande de reconsidération, le recourant s'étant auparavant vu refuser une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Le recourant n’étant pas, avant ce refus, en possession d'un droit de séjour, la restitution de l'effet suspensif demeurerait sans portée. Le TAPI a donc, à juste titre, traité sa requête comme une requête de mesures provisionnelles, ce que le recourant ne critique d’ailleurs pas en tant que tel.

3.             L'autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

3.1 Selon la jurisprudence, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1203/2023 précité consid. 3.1 ; ATA/287/2023 précité consid. 4.1 ; ATA/1369/2018 précité consid. 3b).

3.2 L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3). Elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (ibidem). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungs-prozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

3.3 En l'espèce, on doit admettre la menace d'un dommage difficile à réparer, dès lors qu'un départ des intéressés pour la Bolivie, même temporaire, ferait perdre au recourant son travail et son logement, et compromettrait la scolarité des enfants.

L'intimé conclut désormais à l'admission de la requête de mesures provisionnelles au vu du prononcé du divorce, ce dont il doit être dûment tenu compte. On notera du reste que le prononcé du divorce n'est pas le seul élément pouvant avoir une influence sur le jugement que le TAPI est appelé à rendre. En effet, si la poursuite de l'intégration du recourant et de ses enfants résulte du seul écoulement du temps, le fait que l'aîné des enfants soit désormais âgé de 13 ans et donc entré de plein pied dans l'adolescence, ceci alors qu'il est – comme ses deux sœurs – né à Genève, constitue également une circonstance pouvant influer sur le sort du litige. Enfin, l'objet du litige (et la conclusion principale du recours) est l'entrée en matière sur la demande de reconsidération, si bien qu'un sursis à l'exécution du renvoi jusqu'à droit jugé sur le recours constitue un aliud admissible au regard de la jurisprudence.

Il résulte de ce qui précède que le recours sera admis et la décision attaquée annulée. Il sera, par voie de mesures provisionnelles, sursis à l'exécution du renvoi du recourant et de ses enfants jusqu'à droit jugé par le TAPI sur leur recours.

4.             Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument, étant précisé qu'en toute hypothèse, le recourant plaide au bénéfice de l'assistance juridique et est donc exempté de frais de justice (art. 87 al. 1 LPA ; art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et une indemnité de procédure de CHF 750.- sera allouée au recourant, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 avril 2023 par A______, agissant pour lui-même et au nom de ses enfants mineurs B______, C______ et D______ , contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 4 avril 2023 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du Tribunal administratif de première instance du 4 avril 2023 ;

dit qu'il sera sursis à l'exécution du renvoi du recourant et de ses enfants jusqu'à droit jugé par le Tribunal administratif de première instance sur leur recours ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 750.-, à la charge de l'État de Genève (office cantonal de la population et des migrations) ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sylvain ZIMMERMANN, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.