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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3790/2022

ATA/191/2023 du 28.02.2023 sur DITAI/562/2022 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.04.2023, rendu le 10.07.2023, RETIRE, 2D_7/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3790/2022-PE ATA/191/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 février 2023

 

dans la cause

 

Monsieur et Madame A______, agissant pour eux et leurs enfants
B______ et C______
représentés par Me Romain Jordan, avocat recourants

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


 

Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2022 (DITAI/562/2022)



EN FAIT

A. a. Par décision du 14 décembre 2022, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté la demande d’effet suspensif et de mesures provisionnelles formée par Madame et Monsieur A______, agissant pour eux et leurs enfants B______ et C______.

Le TAPI a retenu les faits suivants :

b. Monsieur A______, né le ______ 1982, et Madame A______, née le ______ 1981, sont ressortissants du Kosovo. Ils sont les parents de B______, née le ______ 2005, et C______, né le ______ 2009.

c. M. A______ avait fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse (ci-après : IES) valable du 9 septembre 2013 au 8 septembre 2015 et avait été renvoyé au Kosovo le 3 décembre 2013.

d. Le 7 mars 2014, M. A______ avait été condamné par le Ministère public du canton de Fribourg à une peine pécuniaire de vingt jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de deux ans, pour entrée et séjour illégaux. Le 4 novembre 2014, il avait été condamné par le Ministère public du canton de Genève à une peine pécuniaire de nonante jours-amendes à CHF 30.- le jour, pour entrée et séjour illégaux et activité lucrative sans autorisation.

e. Le 26 février 2018, M. A______ avait déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur pour lui, son épouse et ses deux enfants. Il séjournait en Suisse depuis fin 2007, de manière ininterrompue, était intégré et avait toujours gagné sa vie, sans dépendre de l’aide sociale.

f. L'OCPM avait dénoncé M. A______ au Ministère public du canton de Genève, car ce dernier avait joint à sa demande d'autorisation de séjour des documents dont l'authenticité était douteuse.

g. M. A______ avait été interpellé par la police et prévenu d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 14220) et de faux dans les titres. Il avait reconnu les faits.

h. Par décision du 13 avril 2021, l'OCPM avait refusé d'octroyer l'autorisation de séjour sollicitée et prononcé le renvoi de Suisse de la famille, un délai au 13 juin 2021 étant imparti pour ce faire.

M. A______ avait produit des documents falsifiés, notamment des certificats et des fiches de salaire, dans le but de l'induire en erreur et d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Sa situation et celle de sa famille ne répondaient pas aux critères stricts de l'« opération Papyrus ». Il cumulait des poursuites et des actes de défaut de biens pour un montant de CHF 22'779.50. Son intégration n'était pas remarquable. Ses enfants étaient arrivés en Suisse en janvier 2019. Ils étaient âgés de seize et douze ans et en bonne santé. Bien que scolarisés, l'un d'eux n'était pas encore adolescent, de sorte que son intégration n'était pas déterminante, et bien que l'autre soit adolescente, elle était en échec scolaire ou fréquentait encore des classes d'accueil et de développement. La réintégration dans leur pays d'origine ne devait pas leur poser de problèmes insurmontables.

i. Par jugement du 21 décembre 2021, le TAPI avait rejeté le recours formé contre cette décision, confirmant les motifs contenus dans celle-ci.

j. L'OCPM avait ensuite fixé à M. A______ et sa famille un délai au 3 juillet 2022 pour quitter la Suisse et l'espace Schengen.

k. Par courrier du 19 avril 2022, M. A______ avait formé une demande de reconsidération de la décision du 13 avril 2021 auprès de I'OCPM. Il avait expliqué qu'il n'avait jamais eu le dessein de tromper les autorités, que les faux documents correspondaient à des périodes durant lesquelles il avait œuvré à Genève, qu'il avait désormais réglé ses dettes, résidait en Suisse depuis plus de vingt ans et était gérant de son entreprise. Un retour au pays serait un déracinement pour sa famille, en particulier pour les enfants scolarisés, actuellement en pleine adolescence et bien intégrés.

l. Par décision du 3 juin 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM avait refusé d'entrer en matière sur cette requête et confirmé les termes de sa décision du 13 avril 2021. Les circonstances ne s'étaient pas modifiées de manière notable depuis sa décision de refus et les conditions de l'art. 48 al. I de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n'étaient pas remplies, les éléments invoqués n'étant pas des faits nouveaux et importants susceptibles de modifier sa position.

m. Le 13 juin 2022, M. A______ avait été invité à se présenter auprès des guichets du service protection, asile et retour (ci-après : SPAR) le 24 juin 2022, muni des billets d'avion pour sa famille et lui-même pour un vol au plus tard le 3 juillet 2022.

n. Le 8 juillet 2022, il avait demandé un report du délai de départ au 31 août 2022, dès lors qu'une nouvelle demande en reconsidération serait déposée.

o. Par courriel du 18 juillet 2022, l'OCPM avait rappelé à M. A______ qu'une demande de reconsidération n'entraînait ni interruption de délai, ni effet suspensif et qu'il était par conséquent tenu, ainsi que les membres de sa famille, de quitter la Suisse dans les plus brefs délais.

p. Le 20 juillet 2022, M. A______ avait formé une seconde demande de reconsidération de la décision du 13 avril 2021.

Sa situation avait changé de manière notable. Il avait entièrement surmonté ses difficultés financières. Son centre de vie et ses intérêts se trouvaient en Suisse, mais de manière plus forte encore eu égard à l'épanouissement de ses enfants auprès de lui. Son redressement financier, l'établissement de sa famille au complet à Genève ainsi que la scolarisation réussie de ses enfants, établis en Suisse depuis près de quatre ans, constituaient des changements notables impliquant une prise de décision en faveur du bien de ceux-ci. Exiger de ces derniers un retour immédiat dans leur pays d'origine, dans une phase aussi cruciale de leur développement, constituerait un déracinement contraire à leurs intérêts et mettrait à mal le parcours exemplaire et la progression fulgurante dont ils avaient fait preuve depuis leur arrivée.

Les conditions d'admission étant manifestement remplies, il convenait de les autoriser à séjourner en Suisse durant la procédure. Il avait joint une copie de son contrat de travail auprès de D______ du 14 février 2020, des décomptes de salaire et une attestation de non poursuite de l'office des poursuites du 20 juillet 2022.

q. Par courriel du 28 juillet 2022, l'OCPM avait rappelé à M. A______ qu'une demande de reconsidération n'entraînait ni interruption de délai ni effet suspensif et qu'il devait se présenter immédiatement aux guichets du SPAR, muni des billets d'avions pour le premier vol disponible.

r. Par décision du 21 octobre 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM avait refusé d'entrer en matière sur cette seconde demande de reconsidération et confirmé les termes de sa décision du 13 avril 2021.

Les circonstances ne s'étaient pas modifiées de manière notable depuis sa décision de refus et les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA n'étaient pas remplies, les éléments invoqués n'étant pas des faits nouveaux et importants susceptibles de modifier sa position.

s. Les époux A______ avaient recouru contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour, subsidiairement, au renvoi du dossier à l'OCPM pour nouvelle décision. À titre préalable, ils avaient sollicité la restitution de l'effet suspensif et la convocation d'une audition de comparution personnelle et l'audition de témoins.

L'intérêt public à leur éloignement n'était pas contesté, mais devait cependant être fortement nuancé par le fait que les infractions commises, pour lesquelles il avait d'ores et déjà exécuté sa peine, l'avaient été dans un moment de détresse découlant de l'impossibilité de prouver la continuité de son séjour en Suisse, tout comme par le fait qu'il avait aujourd'hui largement outrepassé ses difficultés financières. Cet intérêt devait céder le pas à celui de sa famille à ne pas devoir quitter la Suisse pour attendre l'issue de la procédure à l’étranger. Le fait que le retrait de l'effet suspensif avait pour conséquence d'interrompre la scolarité des enfants, en deuxième année de maturité et en 10 du cycle d’orientation, avant la fin de l'année scolaire en cours, était susceptible de causer une atteinte importante et irréversible à leurs intérêts fondamentaux. Elle serait d'autant plus grave eu égard à leur évolution scolaire très favorable, à leur intégration exceptionnelle, tout comme au fait qu'ils se trouvaient à un âge charnière au cours duquel la rupture brutale que constituerait un renvoi de Suisse nuirait indéniablement à leur développement. Dès lors que des circonstances nouvelles et particulières étaient survenues et que l'OCPM avait manifestement violé plusieurs normes et principes fédéraux et internationaux, le recours n'apparaissait pas manifestement dénué de chances de succès. Leur intérêt privé à la restitution de l'effet suspensif l'emportait sur l'intérêt public à leur éloignement.

Ils avaient fait valoir une violation de leur droit d'être entendus pour motivation insuffisante et une violation de l'art. 48 al. 1 let. b LPA, des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) et du principe de la proportionnalité, d'un abus du pouvoir d'appréciation et d'une appréciation arbitraire des preuves par l'autorité intimée. Étaient notamment joints des attestations et bulletins scolaire de B______ et C______ et des lettres de recommandation du doyen et du responsable de groupe de B______.

t. L'OCPM avait conclu au rejet du recours et de la requête de mesures provisionnelles. Les motifs allégués dans le cadre de la deuxième demande de reconsidération avaient déjà été examinés lors de l'instruction complète de la demande initiale et lors de la première demande de reconsidération. Les intérêts privés de sa famille ne pouvaient contrebalancer l'intérêt public à l'exécution de la décision prononcée à leur encontre. En tant que leur situation actuelle était exclusivement due à leur refus d'obtempérer à leur renvoi définitif et exécutoire du territoire, il existait un intérêt public prépondérant à faire appliquer cette mesure.

u. Dans leur réplique, les recourants avaient sollicité la tenue d'une audience publique au sens de l'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101.

L’OCPM n'avait pas examiné à suffisance les griefs. Les motifs allégués n'avaient pu entrer en ligne de compte dans le cadre de la première demande, dès lors que les enfants n'avaient alors que peu d'attaches en Suisse et étaient tous deux scolarisés en classe d'accueil. La situation avait changé puisque B______ avait achevé sa scolarité obligatoire avec d'excellents résultats et presque terminé sa formation gymnasiale et C______ arrivait au terme de sa scolarité obligatoire. Un retour au pays, en particulier à leur âge, constituerait une atteinte importante et irréversible à leurs intérêts fondamentaux. L'argument selon lequel l'intérêt prépondérant à l'exécution immédiate de leur renvoi se justifiait par le fait que la situation actuelle serait due à leur refus d'obtempérer perdait de vue que les conséquences de la décision atteignaient à plus forte raison les enfants, auxquels on ne saurait imputer un tel comportement, et dont l'intérêt devait être pris en compte de manière accrue.

Le recours n'était pas dénué de chances de succès, au regard notamment de la situation des enfants. Compte tenu de l'intégration exemplaire de la famille, il n'existait manifestement aucun intérêt prépondérant à l'exécution 'immédiate de la mesure et l'intérêt privé des enfants à la restitution de l'effet suspensif devait suffire à lui seul à l'emporter sur l'intérêt public à leur éloignement jusqu'à droit jugé.

B. a. Dans sa décision, le TAPI a considéré qu’aucune situation d’urgence n’exigeait que les intéressés demeurent en Suisse. Ils savaient depuis le 13 avril 2021 qu’ils devaient quitter ce pays. La décision du 3 juin 2022 avait déjà retenu que les circonstances ne s’étaient pas modifiées de manière notable. L’intérêt prive de la famille à demeurer en Suisse avait déjà été examiné. En fixant un nouveau délai de départ au 22 juillet 2022, l’OCPM avait suffisamment tenu compte de l’intérêt des enfants à pouvoir terminer l’année scolaire. La situation actuelle découlait uniquement du fait que la famille ne se conformait pas aux décisions rendues. L’intérêt public à les faire respecter ne devait pas céder le pas à l’intérêt privé de la famille.

b. Par acte expédié le 22 décembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, les intéressés ont recouru contre cette décision, dont ils ont demandé l’annulation. Ils ont conclu, « sur effet suspensif », à ce qu’il soit sursis à tout acte d’exécution relatif à leur renvoi jusqu’à droit juge au fond du litige à l’octroi de l’effet suspensif, préalablement, à leur audition et, principalement, à l’octroi de l’effet suspensif.

Leur recours présentait des chances de succès, au vu des faits nouveaux survenus et de la violation par l’OCPM de plusieurs normes et principes fédéraux et internationaux. Leur renvoi aurait pour conséquence le déracinement de leurs enfants, l’interruption de leur formation et la précarité de la famille, qui se retrouverait dépourvue de moyens financiers. Ils proposaient d’ailleurs d’être entendus à ce sujet afin que la chambre administrative puisse appréhender de la manière plus complète possible l’impact de la décision querellée sur leur situation. Leur intérêt privé l’emportait sur l’intérêt public à leur éloignement. La pesée des intérêts en présence n’avait pas correctement été effectuée. La décision privait les recourants de la « garantie juridictionnelle », la décision préjugeant du fond. Elle portait également atteinte aux art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), 3 al. 2 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 2 novembre 1989 (CDE - RS 0.107) et 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

c. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

d. Dans leur réplique, les recourants ont contesté que la situation des enfants avait déjà été examinée. Celle-ci avait évolué. Ils ont repris les arguments déjà avancés.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Les décisions du TAPI peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative (art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). La décision refusant l’effet suspensif ou de mesures provisionnelles étant une décision incidente, le délai de recours est de dix jours (art. 62 al. 1 let. b LPA), délai qui a été observé en l’occurrence.

2.             Selon l'art. 57 LPA, le recours contre une décision incidente est recevable si un dommage irréparable peut être causé. Tel est le cas en l'espèce, le renvoi des recourants à l'étranger pouvant causer un tel dommage (ATA/1332/2020 du 22 décembre 2020 consid. 1b ; ATA/634/2020 du 30 juin 2020 consid. 1 b ; ATA/453/2020 du 7 mai 2020 consid. 1b et les références citées).

Le recours est ainsi recevable.

3.             Dans la mesure où la présente procédure a trait à l’octroi de mesures provisionnelles, il ne sera pas procédé à l’audition des recourants. Ceux-ci n’exposent d’ailleurs pas en quoi leur audition permettrait d’apporter des éléments supplémentaires à ceux qu’ils allèguent. Il sera donc statué sans procéder à celle-ci.

4.             Il convient d’examiner si le refus de restituer l’effet suspensif et d’accorder des mesures provisionnelles était fondé.

4.1 Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA). Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

4.2 Les demandes en reconsidération n’entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif (art. 48 al. 2 LPA).

4.3 Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

4.4 Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

4.5 L'effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation ou d'une autorisation. La fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344). Dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles est envisageable (ATA/1369/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3a ; ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b ; ATA/603/2011 du 23 septembre 2011 consid. 2).

4.6 En l’espèce, les recourants font l’objet d’une décision définitive et exécutoire de renvoi. La décision de l’OCPM constitue un refus d'entrer en matière sur une nouvelle demande de reconsidération. N’étant plus en possession d'un droit de séjour, la restitution de l'effet suspensif demeurerait sans portée. Le TAPI a donc, à juste titre, traité leur requête comme une requête de mesures provisionnelles.

5.             L'autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

5.1 Selon la jurisprudence, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1369/2018 précité consid. 3b ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4).

5.2 L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3). Elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (ibidem). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

5.3 Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

5.4 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

6.             En l’espèce, octroyer aux recourants, sous la forme de mesures provisionnelles, le droit de rester en Suisse durant la procédure par-devant le TAPI irait au-delà de ce que la juridiction pourrait ordonner en cas d’admission du recours qui se limiterait à ordonner à l’autorité d’entrer en matière. Pour ce premier motif déjà, le TAPI ne pouvait faire droit à leurs conclusions.

Le premier juge a procédé à la pesée des intérêts en présence, tenant compte de l’intérêt privé des recourants à demeurer en Suisse et de l’intérêt public à ce que les décisions rendues à leur endroit soient respectées. En considérant qu’ayant fait l’objet d’une décision refusant l’octroi d’une autorisation de séjour, devenue définitive à la suite du rejet du recours formé contre celle-ci, ainsi que d’une première décision de refus d’entrer en matière sur leur demande de reconsidération, l’intérêt public au respect de ces décisions l’emportait sur l’intérêt privé des recourants à ne pas voir ces décisions exécutées. Cette pesée des intérêts ne prête pas le flanc à la critique. En tant que les recourants soulignent l’importance de la poursuite de la scolarité de leurs enfants et de leur intégration en Suisse, ils se prévalent d’un élément qui résulte exclusivement du fait qu’ils ont fait fi des décisions, y compris de justice, rendues à leur encontre. Bien qu’ils s’en défendent, il doit être tenu compte de cet aspect dans la pesée des intérêts, à laquelle le TAPI a dûment procédé.

Par ailleurs, les circonstances du cas d’espèce diffèrent de celles de l’arrêt invoqué par les recourants. En effet, dans celui-ci, l’OCPM était entré en matière sur la demande de reconsidération – ce qui n’est pas le cas en l’espèce – et un fait nouveau important était survenu, à savoir la nationalité suisse nouvellement acquise par le père de l’enfant concerné par la décision contestée, ce qui n’est pas non plus le cas en l’espèce.

Dans la mesure où la décision querellée ne porte aucunement atteinte à la vie familiale des recourants, ceux-ci n’étant pas séparés par les effets du refus des mesures provisionnelles, la décision querellée ne viole pas l’art. 8 CEDH ni l’art. 13 Cst. Il est, enfin, relevé qu’aucune prétention directe à l'octroi d'une autorisation de droit des étrangers ne peut être déduite des dispositions de la CDE (ATF 126 II 377 consid. 5 ; 124 II 361 consid. 3b).

Ainsi, au vu de ce qui précède, le TAPI n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant les mesures sollicitées.

Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision querellée confirmée.

7.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants, et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 décembre 2022 par Monsieur et Madame A______ agissant pour eux et leurs enfants B______ et C______, contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de Monsieur et Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Michon Rieben, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.