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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3761/2022

ATA/287/2023 du 21.03.2023 sur DITAI/573/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3761/2022-PE ATA/287/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mars 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Yves Rausis, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________

 

 

 

 

 

Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 21 décembre 2022 (DITAI/573/2022)



EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______ 1995, est ressortissant du Kazakhstan. Il est arrivé en Suisse le 23 août 2008, afin de suivre une formation d’une durée de cinq ans au Collège B______.

b. Son autorisation de séjour temporaire pour études a été régulièrement renouvelée jusqu’au 31 juillet 2019, M. A______ ayant poursuivi des études universitaires.

c. Par ordonnance pénale du 9 août 2016, le Ministère public du canton de Genève l’a condamné à une peine de trente-cinq jours-amende à CHF 100.- et à une amende de CHF 1'360.-, avec un sursis de trois ans, pour conduite d’un véhicule automobile avec un taux d’alcool qualifié dans le sang et violation des règles de la circulation routière.

d. Le Conseil d’État a refusé la demande de naturalisation de M. A______ par arrêté du 22 novembre 2017, en raison de la condamnation du 9 août 2016. La chambre administrative de la Cour de justice a annulé cet arrêté le 19 mars 2019, estimant qu’il fallait examiner les circonstances dans leur ensemble, compte tenu de son jeune âge, sans prendre uniquement en considération l’infraction pénale.

e. Par décision du 6 décembre 2019, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a rejeté la demande de prise d’emploi de M. A______, au motif que tous les documents nécessaires à l’examen de sa demande n’avaient pas été fournis.

B. a. Par décision du 4 décembre 2020, l’OCPM a rejeté la demande d’autorisation de séjour et a prononcé le renvoi de l’intéressé de Suisse.

Les conditions d’un cas individuel d’une extrême gravité n’étaient pas réunies en l’occurrence. Ses attaches avec la Suisse n’étaient pas si profondes et durables au point de ne plus pouvoir raisonnablement envisager un retour dans son pays natal où il se rendait régulièrement pour voir ses parents. Par ailleurs, il était en bonne santé et ses diplômes lui permettraient de s’intégrer rapidement sur le marché de l’emploi au Kazakhstan. L’exécution de son renvoi apparaissait possible, licite et raisonnablement exigible.

b. Les recours formés par M. A______ contre cette décision ont été rejetés par le TAPI, le 16 septembre 2021, et la chambre administrative, le 11 janvier 2022, puis déclaré irrecevable, le 12 décembre 2022, par le Tribunal fédéral. L’intéressé n’a pas requis l’effet suspensif devant le Tribunal fédéral.

C. a. Le 28 avril 2021, M. A______ a été interpellé par les services de police et entendu en qualité de prévenu pour viol et acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Il a ensuite été placé en détention provisoire jusqu'au 9 juin 2021 par ordonnance du 30 avril 2021 du Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC).

b. Le 9 juin 2021, le TMC a refusé de prolonger la détention provisoire de M. A______ et a ordonné sa mise en liberté contre le versement de sûretés d'un montant de CHF 20'000.- et le dépôt de ses pièces d’identité.

c. Par jugement du 16 novembre 2022, le Tribunal correctionnel a déclaré M. A______ coupable d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup – RS 812.121) et l'a condamné à une peine privative de liberté de 24 mois, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans. Son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans était prononcée, le sursis n'empêchant pas l'exécution de l'expulsion pénale durant le délai d'épreuve.

D. a. Le 5 août 2022, M. A______ a déposé une demande de reconsidération de la décision du 4 décembre 2020 auprès de l'OCPM, invoquant des faits nouveaux survenus depuis la fin de la procédure de recours, notamment la conclusion d'un contrat de travail avec l'entreprise C______ et la rupture de ses liens familiaux au Kazakhstan l'empêchant de s'y réintégrer ainsi que son intégration remarquable en Suisse.

b. Par décision du 14 octobre 2022, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur sa demande de reconsidération. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Les faits nouveaux invoqués ne constituaient pas une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques de la décision du 4 décembre 2022 ayant pour conséquence qu'elle devait être remise en question.

c. M. A______ a recouru contre cette décision concluant, à titre préalable, à ce que sa comparution personnelle soit ordonnée et à ce que des mesures provisionnelles soient octroyées afin de lui permettre de demeurer en Suisse et d'y exercer une activité lucrative jusqu'à droit connu. À titre principal, il a conclu à l'annulation de la décision précitée.

L'absence d'effet suspensif le contraindrait à quitter brutalement la vie qu'il s'était construite en Suisse depuis plus de quatorze ans pour rejoindre un pays dans lequel il n'avait plus aucune attache, ses derniers liens ayant été rompus depuis plusieurs mois, et où il n'avait passé que son enfance. Outre les difficultés d'ordre psychologique et les contraintes pratiques associées à un tel départ, il perdrait l'emploi dans son domaine d'activité pour lequel il avait investi tant d'efforts et pour lequel il justifiait de compétences techniques pointues. Il se verrait dès lors livré à lui-même dans un pays qui lui était devenu totalement étranger et en proie à de violentes manifestations, en particulier dans sa région de provenance, où il ne pourrait bénéficier d'aucun soutien moral ou financier. Il n'avait plus d'économies, dès lors qu'il avait été contraint de vendre tout ce qui lui restait afin de verser les sûretés requises par le Tribunal des mesures de contrainte.

Il était dans l'obligation de demeurer en Suisse dans le cadre de la procédure pénale pendante, selon l'ordonnance de refus de prolongation de la détention provisoire et de mise en liberté immédiate prononcée par le TMC le 9 juin 2021, ses documents d'identité ayant été saisis.

Au fond, son droit d'être entendu avait également été violé, dès lors que la décision querellée avait été prononcée deux mois après l'introduction de sa demande, sans qu'il n'eut pu préalablement s'exprimer. Les motifs qu'il avait invoqués dans le cadre de sa demande portaient sur une modification de sa situation depuis le prononcé de la décision du 4 décembre 2020. Sa situation professionnelle s'était améliorée de manière significative. L'autorité avait établi les faits de manière erronée. Il n'avait pas seulement obtenu une promesse d'embauche, mais avait conclu un contrat de travail avec la société C______, avec une activité débutant au 1er août 2022. S'il ne travaillait pas en l’état, c'était en raison du refus de l'octroi d'une autorisation provisoire de travailler. Ses années de séjour en Suisse avaient conduit à la création d'attaches sociales et culturelles intenses, ce d'autant plus qu'il s'était investi à l'échelon communal. Son intégration était donc particulièrement marquée. S'il avait été condamné pour violation des règles de la circulation routière, cette circonstance ne devait pas anéantir une moitié de vie passée à se construire en Suisse. Dans la procédure pénale pendante, il pouvait se prévaloir de la présomption d'innocence. La rupture des ultimes liens qui le liaient à son pays d'origine constituait également un motif de reconsidération. Son renvoi constituerait un déracinement complet.

d. L'OCPM s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif.

e. Dans sa réplique sur mesures provisionnelles, M. A______ a relevé que l'OCPM n'avait pas examiné attentivement les arguments invoqués à l'appui de son recours et occultait le fait qu'il avait reçu l'injonction de demeurer en Suisse dans le cadre de la procédure pénale pendante, selon l'ordonnance prononcée par le TMC le 9 juin 2021, ce d'autant plus que cette juridiction avait saisi ses documents d'identité. On ne pouvait dès lors retenir qu'il avait refusé d'obtempérer à son renvoi. Au contraire, il était respectueux du droit et des procédures.

En outre, il avait fait appel contre le jugement du Tribunal correctionnel, de sorte que la présomption d'innocence s'appliquait. Il était dès lors dans son intérêt de demeurer en Suisse afin de pouvoir participer aux actes de procédure et à l'administration des preuves. L'autorité ne lui avait pas imparti de nouveau délai pour quitter la Suisse, ce qu'elle faisait normalement.

f. Dupliquant sur mesures provisionnelles, l'OCPM a relevé que la décision initiale de renvoi était exécutoire.

Le recours pénal n'avait pas effet suspensif et son expulsion pénale était exécutoire. La nécessité de sa présence sur le territoire aux fins de la poursuite de la procédure pénale n'était pas démontrée. L'expulsion judiciaire d'un étranger empêchait de toute façon qu'un quelconque titre de séjour lui soit accordé.

L’intéressé se limitait à énoncer des généralités quant à la situation dans son pays, sans démontrer qu'il serait lui-même mis en danger de manière particulière en cas de retour dans son pays d'origine. Enfin, tant l'exécution de l'expulsion pénale que celle du renvoi administratif était gérée par son « Secteur mesures », ce dernier s'occupant le cas échéant de la coordination entre ces deux institutions, étant précisé que l'expulsion pénale en force primait sur le renvoi administratif si celui-ci n'était pas encore exécuté.

E. a. Par décision du 21 décembre 2022, notifiée le 28 décembre 2022, le TAPI a rejeté la demande d’effet suspensif et de mesures provisionnelles.

Il a retenu que la décision de l’OCPM du 4 décembre 2020 était devenue définitive et exécutoire. Autoriser M. A______ à résider sur le territoire suisse et y travailler, jusqu’à droit jugé sur sa demande de reconsidération, compromettrait la sécurité du droit et équivaudrait à lui accorder une autorisation de séjour correspondant à ce qu'il demande sur le fond.

L’intéressé prétendait que le non-respect de la décision de renvoi découlait du respect des mesures de substitution prononcées par le TMC, notamment la confiscation de ses documents d'identité. Or, cette mesure n’avait pas été prolongée au-delà de six mois. La situation de l’administré découlait ainsi exclusivement de son refus de se soumettre à la décision de renvoi. Il existait ainsi un intérêt public prépondérant à faire appliquer cette mesure. Les allégations relatives à la dégradation récente des relations avec les membres de sa famille vivant au Kazakhstan, notamment avec ses parents, n’étaient pas étayées.

Dans ces conditions, l'intérêt public au renvoi ne devait pas céder le pas à l'intérêt privé de M. A______ à pouvoir demeurer en Suisse jusqu'à droit jugé dans cette procédure. Il pouvait, le cas échéant, se faire représenter par son avocat dans le cadre de la procédure pénale en cours ou obtenir un visa temporaire afin de participer aux éventuels actes de procédure nécessaires.

b. Par acte expédié le 12 janvier 2023 à la chambre administrative, M. A______ a recouru contre cette décision, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu à ce que le TAPI lui permette de demeurer en Suisse jusqu’à droit juge au fond du litige.

Le refus de mesures provisionnelles reviendrait à clore sa demande de naturalisation et à lui infliger un profond traumatisme. Il ressortait du courrier de son frère Amir du 14 novembre 2022 que sa relation avec sa famille s’était dégradée, ses parents l’ayant enjoint de quitter le domicile familial à Chambésy, à défaut ils cesseraient tout soutien financier. Il avait dû emprunter de l’argent de Monsieur D______ en vue de subvenir à ses besoins. Il avait également dû vendre, à cette fin, ses effets personnels. Son renvoi le contraindrait à quitter brutalement sa vie en Suisse. Il perdrait l’opportunité de travail qui se présentait à lui, qui ne pourrait être réparée en cas d’admission de son recours. Il n’avait pas pu s’exprimer après la duplique de l’OCPM. Celle-ci méritait clarification. En effet, il avait formé appel contre le jugement du Tribunal correctionnel. Les mesures de substitution avaient été prolongées le 7 juin 2022. Il ne pouvait, ainsi, lui être reproché d’avoir refusé d’obtempérer à la décision de renvoi. Il devait pouvoir rester en Suisse pour participer aux débats dans le cadre de la procédure d’appel.

c. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

d. Dans sa réplique, le recourant a insisté sur le fait que le refus de mesures provisionnelles aurait pour conséquence irréparable la fin de la procédure de naturalisation. Sa présence en Suisse était également indispensable dans la procédure pénale. Son intérêt privé devait donc prévaloir sur l’intérêt public à son renvoi immédiat. L’OCPM ne se prononçait pas sur sa demande d’autorisation provisoire de travailler. L’absence d’une telle autorisation, le privant de la possibilité d’exercer une activité lucrative, revenait à prolonger sa situation de détresse et à attenter à sa dignité humaine.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Les décisions du TAPI peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative (art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). La décision refusant l’effet suspensif ou de mesures provisionnelles étant une décision incidente, le délai de recours est de dix jours (art. 62 al. 1 let. b et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), délai qui a été observé en l’occurrence.

2.             Selon l'art. 57 LPA, le recours contre une décision incidente est recevable si un dommage irréparable peut être causé. Tel est le cas en l'espèce, le renvoi du recourant à l'étranger pouvant causer un tel dommage (ATA/191/2023 du 28 février 2023 consid. 2 ; ATA/1332/2020 du 22 décembre 2020 consid. 1b ; ATA/634/2020 du 30 juin 2020 consid. 1 b).

Le recours est ainsi recevable.

3.             Il convient d’examiner si le refus de restituer l’effet suspensif et d’accorder des mesures provisionnelles était fondé.

3.1 Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA). Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

3.2 Les demandes en reconsidération n’entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif (art. 48 al. 2 LPA).

3.3 Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

3.4 Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

3.5 L'effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation ou d'une autorisation. La fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344). Dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles est envisageable (ATA/191/2023 précité consid. 4.5 ; ATA/1369/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3a ; ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b).

3.6 En l’espèce, le recourant fait l’objet d’une décision définitive et exécutoire de renvoi. La décision de l’OCPM attaquée devant le TAPI constitue un refus d'entrer en matière sur une demande de reconsidération. N’étant plus en possession d'un droit de séjour, la restitution de l'effet suspensif demeurerait sans portée. Le TAPI a donc, à juste titre, traité sa requête comme une requête de mesures provisionnelles, ce que le recourant ne critique d’ailleurs pas, reconnaissant qu’il ne remplit pas les conditions permettant la restitution de l’effet suspensif.

4.             L'autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

4.1 Selon la jurisprudence, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1369/2018 précité consid. 3b ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4).

4.2 L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3). Elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (ibidem). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

4.3 Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

4.4 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

4.5 En l’espèce, octroyer au recourant, sous la forme de mesures provisionnelles, le droit de rester en Suisse durant la procédure par-devant le TAPI irait au-delà de ce que la juridiction pourrait ordonner en cas d’admission du recours, qui se limiterait à ordonner à l’autorité d’entrer en matière. Pour ce premier motif déjà, le TAPI a, à juste titre, refusé de faire droit à la requête de mesures provisionnelles.

La juge de première instance a procédé à la pesée des intérêts en présence, tenant compte de l’intérêt privé du recourant à demeurer en Suisse et de l’intérêt public à ce que les décisions rendues à son endroit soient respectées. L’intéressé ne s’était pas conformé à ces décisions, alors que rien ne l’en empêchait. En particulier, la mesure de substitution ordonnée par le TMC n’était plus valable depuis le 9 décembre 2021 et la dégradation récente de ses relations avec les membres de sa famille demeurés au Kazakhstan n’étaient pas étayée. Il pouvait se faire représenter par son avocat dans la procédure pénale en cours ou obtenir un visa temporaire de retour pour participer à d’éventuels actes de procédure.

Certes, la mesure de substitution concernant le dépôt des pièces d’identité était encore valable après le 9 décembre 2021. Cette erreur factuelle n’a cependant pas d’impact sur la pesée des intérêts effectuée par le TAPI. Celui-ci a correctement mis en balance l’intérêt public à l’exécution des décisions refusant une autorisation de séjour pour cas de rigueur, respectivement pour activité lucrative avec les intérêts privés avancés par le recourant. En tant que celui-ci souligne l’importance de rester en Suisse au regard de la procédure de naturalisation pendante, mais aussi de la distension des liens avec ses parents et de la situation sociale et professionnelle qu’il soutient avoir en Suisse, il se prévaut d’éléments qui résultent essentiellement de l’écoulement du temps, alors qu’il sait depuis 2019 qu’il ne dispose plus d’un titre de séjour en Suisse. Bien que le recourant s’en défende, il doit être tenu compte de cet aspect dans la pesée des intérêts, à laquelle le TAPI a dûment procédé. Enfin, au moment où le TAPI a rendu la décision querellée, la mesure de dépôt des pièces d’identité était levée, le Tribunal correctionnel ayant alors déjà rendu son jugement.

Par ailleurs et comme l’a relevé le TAPI, il pourra revenir en Suisse au bénéfice d’un laissez-passer dans l’hypothèse où sa présence dans le cadre de la procédure pénale serait requise.

Il est encore relevé que, le TAPI statuant sur mesures provisionnelles, il n’existait, dans ce contexte, pas un droit absolu à la réplique (arrêt du Tribunal fédéral 2C_316/2018 du 19 décembre 2018 consid. 4.2 et les références citées), de sorte que le droit d’être entendu du recourant n’a pas été violé du fait que le TAPI a rendu sa décision après l’échange d’écritures, singulièrement à réception de la duplique de l’OCPM.

Contrairement à ce que fait encore valoir le recourant, l’OCPM dans sa réponse au présent recours n’avait pas à se déterminer sur l’octroi d’une éventuelle autorisation de travail temporaire, valable durant la procédure. Cette question ne fait pas l’objet des mesures provisionnelles requises devant le TAPI. En outre, il découle implicitement de l’opposition de l’OCPM à l’octroi de mesures provisionnelles autorisant le recourant à séjourner en Suisse durant la procédure pendante devant le TAPI que cet office n’entend a fortiori pas donner son accord à ce que celui-ci puisse travailler jusqu’à droit jugé sur son recours.

Ainsi, au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, le TAPI n’a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant les mesures sollicitées.

Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision querellée confirmée.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 janvier 2023 par Monsieur A______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 21 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Rausis, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.