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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3977/2023

ATA/73/2024 du 23.01.2024 ( TAXIS ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.02.2024, 2C_138/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3977/2023-TAXIS ATA/73/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______1950, est au bénéfice d’un permis de conduire depuis le 20 avril 1972.

b. Le 16 août 2017, il a obtenu une carte professionnelle de chauffeur de taxi ainsi qu’une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP) correspondant aux plaques d’immatriculation GE 1______, valable jusqu’au 15 août 2023.

B. a. Par courrier du 5 janvier 2023, envoyé en A+, le service de police du commerce de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a informé A______ qu’une requête de renouvellement de son AUADP devait lui parvenir au plus tôt le 28 février 2023 et au plus tard le 31 mars 2023. Il n’entrerait pas en matière sur les requêtes déposées en dehors du délai. À défaut de procéder dans ces délais, son AUADP prendrait fin à sa date d’échéance, sans possibilité de renouvellement.

À teneur de la liste des destinataires de la Poste du 5 janvier 2023 et le suivi des envois, ce pli a été distribué le 6 janvier 2023.

b. A______ s’est acquitté au guichet postal le 30 mars 2023 d’un montant de CHF 816.65 en faveur de la PCTN.

c. Il a déposé une requête en renouvellement de son AUADP le 17 mai 2023, au guichet de la PCTN.

d. Le 30 mai 2023, la PCTN a retourné à A______ cette requête en renouvellement de son AUADP. Référence était faite au courrier l’informant de la prochaine échéance de son autorisation et de la période strictement définie par la législation durant laquelle il devait déposer une requête en renouvellement ainsi que les conséquences d’une requête formée hors de la période de renouvellement. S’il souhaitait requérir une nouvelle AUADP, il lui appartenait de s’inscrire sur la liste d’attente au moyen du formulaire de requête idoine.

e. À la suite de la contestation par A______ de ce courrier du 30 mai 2023, la PCTN a, par décision du 25 octobre 2023, constaté la caducité de l’autorisation liée aux plaques d’immatriculation GE 1______ délivrée le 16 août 2017 et ordonné à A______ de déposer les plaques auprès de l’office cantonal des véhicules une fois cette décision entrée en force.

Ce dernier n’avait pas déposé sa demande en renouvellement dans le délai légal fixé aux art. 13 al. 9 let. b de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) cum 21 al. 2 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01), soit entre 15 avril et le 15 mai 2023. Le courrier A+ du 5 janvier 2023, dont le numéro d’envoi était le 98.01.010136.56006402, lui avait été notifié le lendemain. Bien qu’il indique une période de renouvellement comprise entre le 28 février et le 31 mars 2023 en lieu et place du 15 avril au 15 mai 2023, la requête du 17 mai 2023 avait été déposée hors délai. Ses griefs quant à une violation des principes de la bonne foi, de proportionnalité, de liberté économique et de l’interdiction du formalisme excessif étaient rejetés.

C. a. Par acte du 27 novembre 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Il a conclu sur mesures super-provisionnelles et provisionnelles à ce qu’il puisse continuer à circuler au moyen de son AUADP jusqu’à droit connu. Préalablement, il a conclu à ce qu’il soit ordonné à la PCTN de produire son dossier personnel complet et à ce que la chambre de céans procède à l’audition des personnes responsables du guichet de ce service ainsi que de B______ (apparemment collaborateur à la PCTN). Au fond, il a conclu à l’annulation de la décision du 25 octobre 2023 et à ce que le renouvellement de son AUADP soit ordonné, subsidiairement le dossier renvoyé à la PCTN pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Il exerçait l’activité de chauffeur de taxi depuis près de 30 ans. Il attendait depuis le début de l’année 2023 le courrier l’informant de la prochaine échéance de son AUADP et de la période durant laquelle il devait déposer sa requête en renouvellement. Ses collègues avaient commencé à recevoir ce courrier à cette période. À la fin du mois de février 2023, il s’était rendu au guichet de la PCTN afin d’être renseigné sur la situation. La personne chargée de lui répondre avait regardé sa carte de chauffeur et consulté son ordinateur avant de lui dire qu’il avait encore « tout le temps », soit « jusqu’à avril ou mai », pour ce faire. Cette personne s’était donc comportée de manière fautive. À la fin du mois de mars 2023, il avait reçu une facture de CHF 816.65 en lien avec le renouvellement de son AUADP qu’il avait réglée le 30 mars 2023. Sans nouvelle au mois de mai 2023, il avait commencé à se faire du souci et avait appelé B______. Ce dernier l’avait informé de l’envoi en janvier 2023 du courrier qu’il attendait, ce que la personne au guichet aurait également été en mesure de lui dire. Lui-même ne l’avait toutefois jamais reçu. « Malgré les indications » de B______, il avait déposé une requête en renouvellement le 17 mai 2023.

Son droit d’être entendu avait été violé. Le 5 juillet 2023, il avait reçu de la PCTN, à la demande de son conseil, une copie de son dossier, lequel n’était toutefois pas complet, voire avait été modifié. Le numéro d’envoi du courrier mentionné dans la décision attaquée ne ressortait en rien du dossier reçu. Ledit dossier ne comptait qu’une vingtaine de pages, alors qu’il était chauffeur de taxi depuis près de 30 ans. En particulier le dossier remis ne contenait aucune information antérieure à son AUADP du 16 août 2017. Il avait donc été privé de la possibilité de se prononcer sur des éléments à l’évidence pertinents. La PCTN devait justifier les circonstances dans lesquelles le suivi de l’envoi [du 5 janvier 2023] aurait été retrouvé et produire tous les échanges en attestant.

L’art. 21 RTVTC et le principe de la bonne foi avaient été violés. Il n’avait pas reçu le courrier d’information du 5 janvier 2023, étant relevé que le prétendu suivi de l’envoi qui semblait avoir été retrouvé pour les besoins de la décision, dans la mesure où il ne figurait pas au dossier qui lui avait été présenté comme complet, ne pouvait pas être tenu comme probant. Il contestait que ce courrier fût entré dans sa sphère de puissance. Il était en effet tout à fait possible qu’il ait été distribué dans une boîte aux lettres voisine où ait été indiqué comme délivré par le facteur par erreur. Il était une personne méticuleuse, habitué aux démarches administratives dans la mesure où il était chauffeur de taxi depuis près de 30 ans et qu’il avait géré un restaurant pendant plusieurs années. Ces démarches démontraient qu’il n’avait pas reçu ce courrier, puisqu’il s’était rendu dès le mois de février au guichet de la PCTN et en mai 2023 s’était renseigné auprès de B______. Sur la base des informations reçues de ces personnes, en lesquelles il était en droit d’avoir confiance, il avait attendu pour formuler sa requête en renouvellement. Il avait même payé les frais de renouvellement de son AUAP le 30 mars 2023. De plus, l’indication de la période de renouvellement était fausse, de sorte que ces informations ne pouvaient pas être considérées comme valables et auraient dû faire l’objet d’une correction. L’autorité devait assumer les conséquences des informations inexactes communiquées de manière fautive par ses auxiliaires.

Les principes de la liberté économique, de la proportionnalité et de l’interdiction du formalisme excessif avaient également été violés. Le constat de la caducité de son AUADP devait être considéré comme une restriction grave à sa liberté économique. Au regard de l’importance de son renouvellement et de l’absence d’intérêts valables invoqués par l’autorité intimée dans la décision attaquée, cette atteinte devait être considérée comme disproportionnée et constitutive de formalisme excessif, partant illicite. Le caractère disproportionné du constat de caducité en raison de tardiveté de la requête reposait sur les travaux préparatoires lors desquels il avait notamment été énoncé « sous réserve d’infraction ou de mauvaise conduite, l’autorisation est acquise et le renouvellement est garanti ». Le fait que la conséquence de tardiveté soit prévue par un règlement ne remplissait pas l’exigence de densité normative, de sorte que la restriction à sa liberté économique ne reposait pas sur une base légale suffisante.

b. La PCTN s’est référée à sa décision et a conclu au rejet du recours.

c. La présidence de la chambre administrative a, par décision du 13 décembre 2023, admis la requête de mesures provisionnelles et dit que A______ continuait de bénéficier d’une AUADP jusqu’à droit jugé au fond.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite l’audition de deux collaborateurs de la PCTN.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, le recourant s’est vu offrir l’occasion de développer son argumentation et de faire valoir toute pièce utile devant la PCTN puis la chambre de céans. Par appréciation anticipée des preuves et comme il sera vu ci-dessous, l’audition de deux collaborateurs de la PCTN au demeurant non obligatoire, n’est pas nécessaire ni utile à la résolution du litige. La chambre de céans dispose d’un dossier complet et la procédure est en état d’être jugée.

Il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

3.             Le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu dans la mesure où le dossier qui lui a été adressé en juillet 2023 par la PCTN ne serait volontairement pas complet, voire contiendrait des informations erronées en lien avec le courrier d’information du 5 janvier 2023.

3.1 Tel qu’il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend également le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 28 novembre 2022 consid. 3 et les références citées).

3.2 En l’espèce, le recourant explique avoir reçu de la PCTN son dossier comportant des pièces seulement à compter de la délivrance de son AUADP du 16 août 2017 alors qu’il exerçait depuis plus de 30 ans. Le fait qu’il exerce comme chauffeur de taxi depuis environ trois décennies n’est pas remis en cause dans le cas présent, de sorte qu’il n’est pas pertinent que le recourant, respectivement la chambre de céans, soit mise en possession de pièces antérieures au mois d’août 2017.

L’autorité intimée a produit en pièces 2 et 3 de son bordereau du 11 décembre 2023 la liste des destinataires de ses courriers A+ du 5 janvier 2023, comportant, non caviardé, parmi six autres envois, le numéro concernant le recourant, lequel est identique à celui figurant en pièce 3, soit le suivi des envois démontrant une distribution de cet envoi le 6 janvier 2023. Une comparaison de ces deux pièces ne permet aucunement de remettre en cause la bonne foi de l’autorité s’agissant de l’envoi et de la distribution dudit courrier.

Le grief d’une violation du droit être entendu doit donc être rejeté.

4.             Le recourant soutient que la décision du 25 octobre 2023 de non renouvellement de son AUADP violerait la loi, de même que les principes de la légalité, de la proportionnalité, de la liberté économique et de l’interdiction du formalisme excessif.

4.1 L’art. 13 LTVTC règle les modalités de l’AUADP.

Selon son al. 1, les AUADP sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. L’al. 2 prévoit qu’elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires, l’al. 3 qu’elles sont strictement personnelles et intransmissibles, l’al. 4 que le Conseil d’État en fixe le nombre maximal en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif.

Il ressort de l’art. 13 al. 5 LTVTC que l’AUADP est délivrée sur requête pour six ans à une personne physique ou morale aux conditions énumérées sous let. a à c.

Selon l’al. 7 de cette disposition, l’AUADP est renouvelée lorsque la requête en renouvellement est déposée 3 mois avant l’échéance de l’autorisation (let. a) ; les conditions de l’al. 5 sont toujours réalisées (let. b).

4.2 L’art. 21 RTVTC prévoit que la PCTN informe les titulaires six mois avant l'échéance de l’AUADP de la nécessité de déposer une requête en renouvellement (al. 1). La requête peut être formée au plus tôt quatre mois avant sa date d'échéance, mais doit être formée au plus tard trois mois avant sa date d'échéance (al. 2). La PCTN n'entre pas en matière sur les requêtes en renouvellement déposées en dehors du délai (al. 3). La requête en renouvellement doit être déposée au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée et accompagnée des documents mentionnés dans ladite formule (al. 4). L'art. 5 est applicable pour le surplus (al. 5).

Selon l’art. 5 RTVTC, les requêtes en autorisation doivent être déposées auprès de la PCTN au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée par la requérante ou le requérant, et accompagnée de toutes les pièces mentionnées dans ladite formule (al. 1). La requête ne réalisant pas les conditions de l'al. 1 est retournée à la requérante ou au requérant, sans fixation d’un délai pour la compléter (al. 2). Les requêtes en autorisation valablement déposées sont traitées dans un délai de 2 mois (al. 5).

4.3 Le principe de la légalité, consacré à l’art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n’est pas un droit constitutionnel du citoyen. Il s’agit d’un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire ou la violation d’un droit fondamental spécial (ATF 146 II 56 consid. 6.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.1).

Le principe de la séparation des pouvoirs impose en particulier le respect des compétences établies par la constitution et vise à empêcher un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe. Il interdit ainsi au pouvoir exécutif d’édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_38/2021 du 3 mars 2021 consid. 3.2.1).

À Genève, le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif (art. 80 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE-A 2 00) et adopte les lois (art. 91 al. 1 Cst-GE), tandis que le Conseil d’État, détenteur du pouvoir exécutif (art. 101 Cst-GE), joue un rôle important dans la phase préparatoire de la procédure législative (art. 109 al. 1 à 3 et 5 Cst-GE), promulgue les lois et est chargé de leur exécution et d’adopter à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE).

Le Conseil d’État peut ainsi adopter des normes d’exécution, soit des normes secondaires, sans qu’une clause spécifique dans la loi soit nécessaire. Les normes secondaires ne débordent pas du cadre de la loi ; elles peuvent établir des règles complémentaires de procédure, préciser et détailler le sens et le contenu de certaines dispositions de la loi, éventuellement combler de véritables lacunes. Elles ne peuvent en revanche pas, à moins d’une délégation expresse, poser des règles nouvelles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles sont conformes au but de la loi (ATF 147 V 328 consid. 4.2 ; 139 II 460 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.2). Pour que le Conseil d’État puisse édicter des normes de substitution, ou normes primaires, il faut qu’une clause de délégation législative l’y habilite, pour autant que la constitution cantonale ne l’interdise pas dans le domaine considéré et que la délégation figure dans une loi au sens formel, se limite à une matière déterminée et indique le contenu essentiel de la réglementation si elle touche les droits et obligations des particuliers (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1 ; ACST/17/2023 du 26 avril 2023 consid. 5.2.2 et l'arrêt cité).

Une norme primaire est une règle dont on ne trouve aucune trace dans la loi de base, qui étend ou restreint le champ d'application de cette loi, confère aux particuliers des droits ou leur impose des obligations dont la loi ne fait pas mention (ATF 139 II 460 consid. 2.2 ; 136 I 29 consid. 3.3).

4.4 L'art. 27 Cst. garantit la liberté économique qui comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique privée et son libre exercice et protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 135 I 130 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 4.1 ; 2C_32/2015 du 28 mai 2015 consid. 5.1).

Une restriction à cette liberté est admissible, aux conditions de l’art. 36 Cst. Toute restriction doit ainsi se fonder sur une base légale (al. 1), être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3). Sous l’angle de l’intérêt public, sont autorisées les mesures de police, les mesures de politique sociale ainsi que les mesures dictées par la réalisation d’autres intérêts publics (ATF 125 I 322 consid. 3a). Sont en revanche prohibées les mesures de politique économique ou de protection d’une profession qui entravent la libre concurrence en vue de favoriser certaines branches professionnelles ou certaines formes d’exploitation (art. 94 al. 1 Cst. ; ATF 140 I 218 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_138/2015 précité consid. 4.1).

De plus, pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction à un droit fondamental doit être apte à atteindre le but visé, lequel ne peut pas être obtenu par une mesure moins incisive ; il faut en outre qu’il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_138/2015 précité consid. 4.1).

4.5 Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

4.6 La chambre constitutionnelle a rappelé que l’AUADP octroyée aux taxis ne conférait généralement pas de droits acquis, à moins de garanties spécifiquement obtenues concernant la poursuite de l’activité de location de plaques, ce qui n’était pas le cas dans les affaires dont elle était saisie (ACST/26/2022 du 22 décembre 2022 ; ACST/27/2022 du 22 décembre 2022).

4.7 Un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA).

L’art. 16 al. 1 LPA s’applique aux délais prévus par l’art. 13 al. 7 LTVTC et 21 al. 2 RTVTC (ATA/1110/2023 du 10 octobre 2023 consid. 4.5).

4.8 Le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de sa date incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1).

La jurisprudence établit la présomption réfragable que les indications figurant sur la liste des notifications de la Poste, telle que notamment la date de la distribution du pli, sont exactes. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : si ce dernier ne parvient pas à établir l’absence de la distribution attestée par le facteur, la remise est censée être intervenue à cette date (ATF 142 IV 201 consid. 2.3 ; ATA/852/2022 du 23 août 2022).

La prestation « A+ » offre la possibilité de suivre le processus d’expédition du dépôt jusqu’à la distribution. Elle comporte également l’éventuelle réexpédition à une nouvelle adresse, ainsi que le retour des envois non distribuables. Lors de l’expédition par « Courrier A + », l’expéditeur obtient des informations de dépôt, de tri et de distribution par voie électronique via le service en ligne « Suivi des envois ». Les envois « Courrier A + » sont directement distribués dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire. En cas d’absence, le destinataire ne reçoit pas d’invitation à retirer un envoi dans sa boîte aux lettres (ATF 142 III 599 consid. 2.1).

Dans le cas de la pose dans la boîte aux lettres ou dans la case postale d’un courrier A+, comme d’un avis de retrait d’un pli recommandé, une erreur dans la notification par voie postale ne saurait être d’emblée exclue. Pareille erreur ne peut toutefois pas non plus être présumée et ne peut être retenue que si des circonstances particulières la rendent plausible. L’allégation d’un justiciable selon laquelle il est victime d’une erreur de notification par voie postale et par conséquent sa bonne foi ne peuvent être prises en considération que si la présentation qu’il fait des circonstances entourant la notification en cause est concevable et repose sur une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.2 ; 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.3, et les références citées). La simple affirmation du recourant selon laquelle il a toujours pris en considération les avis de retrait et qu’il leur a donné suite en temps utile ne constitue pas une circonstance qui rend plausible une erreur de notification par voie postale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 précité consid. 5.2 ; ATA/725/2018 précité consid. 2c confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_799/2018 du 21 septembre 2018).

4.9 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d'égalité de traitement et n'est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

5.             5.1 En l’espèce, le recourant était au bénéfice d’une AUADP à compter du 16 août 2017, valable jusqu’au 15 août 2023. La PCTN a explicitement indiqué dans son courrier du 5 janvier 2023 qu’elle n’entrerait pas en matière sur les requêtes de renouvellement déposées en dehors du délai et qu’à défaut de procéder à temps, l’AUADP prendrait fin à sa date d’échéance, sans possibilité de renouvellement. Le recourant ne soutient à juste titre pas qu’il aurait déposé sa demande de renouvellement, reçue le 17 mai 2023 par la PCTN, dans le délai indiqué dans le courrier du 5 janvier 2023, prenant fin au plus tard au 31 mars 2023.

Le délai fixé par l’autorité intimée dans le pli du 5 janvier 2023 n’était toutefois pas conforme à la LTVTC et à son règlement qui veut que la requête soit formée au plus tôt quatre mois avant l’échéance de l’AUADP, mais au plus tard trois mois avant sa date d’échéance, le délai ayant couru in casu du 15 avril 2023 au 15 mai 2023, compte tenu de la date d’échéance au 15 août 2023 (art. 13 al. 7 LTVTC et 21 al. 2 RTVTC). Il n’est toutefois pas contesté que le recourant n’a pas déposé sa requête de renouvellement dans ce délai, ce qui implique que l’erreur de l’administration est sans conséquence sur l’issue du présent litige (ATA/1339/2023 du 12 décembre 2023).

5.2 Le recourant conteste avoir reçu le courrier de l’autorité intimée du 5 janvier 2023 par lequel son attention était attirée sur le fait que son AUADP arriverait prochainement à échéance, qu’il était nécessaire de déposer une requête en renouvellement au moyen de la formule officielle qui serait disponible sur son site Internet dès le 20 janvier 2023 et que cette demande devrait lui parvenir au plus tôt dès le 28 février 2023 mais au plus tard le 31 mars 2023. Ces dates sont mises en évidence en gras dans le texte.

Il n’est pas contesté que ce courrier a été envoyé par courrier A+. Une lecture parallèle de la liste de destinataires des courriers envoyés par courrier A+ le 5 janvier 2023 par l’autorité intimée, comportant spécifiquement le numéro d’envoi afférent au recourant de même que l’adresse de destination correspondant à son domicile, et du suivi des envois de la poste mentionnant ce même numéro d’envoi atteste de sa distribution au recourant le 6 janvier 2023 à 10h46. Conformément à la jurisprudence précitée, il est dès lors présumé que l’intéressé est entré en possession du pli concerné à cette dernière date. Le recourant ne donne aucun élément qui permettrait de renverser cette présomption, en particulier une défaillance du facteur qui se serait trompé de boîte aux lettre ou l’aurait par erreur indiqué comme distribué.

À ce titre, le paiement de l’émolument le 30 mars 2023 et son passage aux guichets de la PCTN à la fin du mois de février 2023 et « au mois de mai » ne sont pas de nature à remettre en cause le document établi par la Poste et attestant de la délivrance du pli le 6 janvier 2023. Le fait qu’un employé de la PCTN lui aurait dit, en février 2023, qu’il avait jusqu’en « avril ou mai » pour déposer sa demande de renouvellement n’y change rien, puisque précisément au terme de la LTVTC et du RTVTC, il avait jusqu’au 15 mai 2023 au plus tard pour déposer sa demande, délai qu’il n’a pas respecté.

Face à ces éléments, c’est à juste titre que l’autorité intimée n’est pas entrée en matière sur la demande de renouvellement et a constaté la caducité de l’AUADP délivrée le 16 août 2017, en application de l’art. 13 LTVTC.

Cette décision, conforme à la loi, ne viole pas les principes de proportionnalité, de liberté économique ni n’est constitutive de formalisme excessif. Elle permet au contraire d’assurer une égalité de traitement entre tous les candidats au renouvellement de leur AUADP. Autrement dit, si le recourant, actif comme chauffeur de taxi depuis près de 30 ans, avait respecté le délai fixé par la loi, il aurait vu son autorisation renouvelée sans autre.

Enfin, comme déjà relevé, la question du délai pour le dépôt d’une telle demande de renouvellement figure expressément dans une loi formelle, l’art. 13 al. 7 let. a LTVTC qui n’est que repris à l’art. 21 al. 2 RTVTC, de sorte qu’il n’y a aucune violation du principe de légalité.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 novembre 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 25 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Corinne CHAPPUIS BUGNON, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :