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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3177/2023

ATA/92/2024 du 26.01.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3177/2023-EXPLOI ATA/92/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ Sàrl recourante
représentée par Me Rémy BUCHELER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé



EN FAIT

A. a. A______ Sàrl (ci-après : A______ ou la société) est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du Bas‑Valais, ayant son siège à B______, dont le but est notamment le conseil financier, la planification financière, la planification retraite et le courtage d'assurances.

b. Précédemment et jusqu'au 14 juillet 2021, elle avait son siège social à C______, dans le canton de Genève, où elle était inscrite au RC depuis le 31 mars 2021 et déployait une activité.

c. Selon le RC genevois, A______ SNC était une société en nom collectif, inscrite depuis le 12 avril 2019, ayant son siège à C______. Elle a été radiée le 28 mars 2022 et avait un but analogue à celui de A______.

B. a. Le 7 mai 2021, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci‑après : OCIRT ou l'office) a informé la société qu'il procédait à un contrôle systématique du respect du salaire minimum genevois. En vue de ce contrôle, il lui demandait de lui transmettre un certain nombre de documents, à savoir la liste de l'ensemble de son personnel depuis le 1er avril 2019, les contrats de travail de l'ensemble de son personnel actif depuis le 1er novembre 2020, les fiches de salaire, l'attestation des salaires AVS pour les années 2019 et 2020, le mode d'enregistrement de la durée du travail de son personnel et le mode de calcul des salaires annuels, ainsi que tout autre renseignement utile en lien avec le système de rémunération.

Le courrier était signé par D______, inspectrice du travail.

b. Le 1er juillet 2021, la société a transmis à l'OCIRT un certain nombre de documents et lui a fourni des explications quant à la rémunération de ses employés.

c. Le 20 octobre 2021, l'OCIRT a demandé de corriger les salaires d’employés concernés avec effet rétroactif au mois de novembre 2020 et de lui faire parvenir les justificatifs permettant d'établir que la société avait procédé à la mise en conformité demandée.

Un délai lui était accordé pour formuler d'éventuelles observations et lui transmettre ces documents.

Un tableau était annexé détaillant les calculs de la sous-enchère salariale pour chaque travailleur concerné.

d. Le 23 décembre 2021, la société a demandé à l'OCIRT, au vu de ses explications, de corriger le montant du rattrapage devant être effectué.

e. Le 5 janvier 2022, l'OCIRT lui a demandé la transmission des documents portant sur la cessation d’activité de A______ SNC à compter du 31 mai 2021.

f. Le 20 janvier 2022, la société a répondu que l'essentiel des relations de travail existantes entre A______ SNC et ses employés avait été repris par A______ nouvellement constituée. Elle lui a transmis divers documents.

g. L'OCIRT a procédé à des auditions les 6, 12, 31 janvier et 7 février 2022 de quatre anciens employés de la société sur leurs conditions de travail et de salaire.

Le 14 septembre 2022, l'OCIRT a maintenu sa demande de mise en conformité, à savoir la correction des salaires des employés concernés, selon un tableau en détaillant le calcul, avec effet de novembre 2020 à mai 2021. Un délai lui était accordé pour formuler d'éventuelles observations et lui transmettre les justificatifs.

h. Le 30 septembre 2022, la société a demandé que les procès-verbaux des auditions de ses anciens collaborateurs lui soient transmis. Elle contestait toute infraction à la législation sur l'inspection et les relations de travail et s'opposait à toute sanction.

i. Le 25 octobre 2022, l'OCIRT lui a transmis copies des procès-verbaux sollicités.

Un délai lui était octroyé pour exercer son droit d'être entendue ainsi que pour lui fournir les registres horaires de tous les employés de même que ceux de A______ SNC, pour la période du 1er novembre 2020 au 31 octobre 2021.

Le 22 novembre 2022, la société a contesté intégralement les déclarations de ses anciens employés. Elle a demandé l'audition de cinq personnes, dont trois stagiaires, et a remis des « rapports concernant les agendas » de trois personnes entendues par l'OCIRT.

j. Le 29 novembre 2022, l'OCIRT a relevé un grand nombre d'indices démontrant l'existence d'une identité économique entre A______ SNC et A______, vu l'exacte similarité des activités encore déployées à l'ancien siège à C______, les mêmes personnel et membres du conseil d'administration. La société se prévalait donc, de manière abusive, de son indépendance juridique d'avec A______ SNC dans le seul but d'échapper au contrôle et de ne pas s'acquitter des rattrapages dus.

Dans les procédures de contrôle du salaire minimum, les employés étaient des tiers à la procédure. L'OCIRT ne procédait donc pas à leur audition en présence de l'employeur. Il choisissait en outre si l'audition devait se faire par oral ou par écrit, en fonction des circonstances.

Le dossier comportait des éléments probants permettant à l'OCIRT d'établir la durée de travail contractuelle et effective. Aucune pièce figurant au dossier ne démontrait que les trois personnes employées en tant que stagiaires étaient au bénéfice d'une convention de stage tripartite. La société avait en outre eu l'occasion de se déterminer dans ses courriers. En toute hypothèse, l'audition des personnes sollicitée n'était pas nécessaire à trancher la question de l'existence d'un stage, l'OCIRT s'estimant suffisamment renseigné par les éléments du dossier. Il maintenait sa demande de mise en conformité et a imparti à la société un ultime délai pour y répondre.

k. Le 19 décembre 2022, la société a relevé qu’elle ne saurait être visée par une amende pour des faits prétendument commis par une personne juridiquement distincte. Elle prenait note de l'intention de l'OCIRT de la condamner sur la seule base de témoignages d'employés licenciés nourrissant de la rancune à l'égard de leur ancien employeur et de son refus d'instruire la procédure à décharge.

l. Entre le 16 janvier et le 3 mars 2023, l'OCIRT a procédé à l'audition de douze employés ou anciens employés de la société.

m. Le 6 mars 2023, il a informé la société qu'il avait reçu récemment des témoignages de douze employés se plaignant de la continuité de l'identité économique entre les deux sociétés. Il constatait que la société lui avait fourni de faux renseignements, et que les infractions au salaire minimum n'avaient pas cessé depuis mai 2021.

La société était par conséquent informée que la période sous contrôle était élargie et il lui était demandé de fournir les décomptes salaire de tout le personnel pour la période de juin 2021 à février 2023, ainsi que les contrats de travail de toute personne ayant été engagée pendant cette période, de procéder aux calculs des rattrapages du salaire minimum égal sur la base de la durée de travail effective de 40 heures hebdomadaires et de les soumettre à l'OCIRT pour approbation, avant de les verser aux travailleurs concernés.

Un délai lui était imparti pour la transmission des documents et calculs, et formuler d'éventuelles observations.

n. Le 19 avril 2023, la société a déposé à la réception de l'OCIRT les décomptes salaire de ses employés pour la période de juin 2021 à février 2023, les contrats de travail des personnes ayant été engagées pendant cette période, ainsi qu'un tableau récapitulatif.

o. Au mois d'août 2023, l'OCIRT a contacté par téléphone et courriels différents anciens employés de la société, leur posant des questions sur leurs conditions de travail et de salaire et leur demandant des documents à ce propos.

p. Le 31 août 2023, l'OCIRT a constaté que la société n'avait procédé à aucun rattrapage salarial aux fins de respecter le salaire minimum. Aucune observation n'avait été formulée à propos des douze nouvelles plaintes d'employés, qui avaient tous affirmé avoir toujours travaillé à plein temps, contrairement à ce que la société avait affirmé.

Au vu des déclarations concordantes de 26 employés, circonstanciées et étayées par des éléments probants matériels, il était retenu qu'entre le 1er novembre 2020 et le 31 décembre 2022, le temps de travail contractuel dans la société était de 40 ou 41 heures, selon les contrats de travail initiaux, écrits et/ou oraux.

L'OCIRT maintenait donc sa demande de mise en conformité et l'amplifiait au vu des nouveaux éléments du dossier.

L'office déplorait la mauvaise collaboration de la société à l'établissement des faits. Plusieurs employés ayant été actifs pendant la période sous contrôle ne figuraient ni dans la liste de personnes, ni dans les décomptes salaires, ni dans les contrats de travail transmis.

D'autres travailleurs non annoncés n'avaient pas pu être identifiés ni contactés. À leur égard, la sous-enchère n'avait pas encore pu être établie.

Par économie de procédure, l'OCIRT renonçait à contrôler les salaires de l'année 2023 ainsi que ceux des employés toujours actifs au moment de l'envoi du dernier courrier de l'intéressée.

Il était désormais avéré que la société n'avait pas tenu compte du premier avertissement du 20 octobre 2021, puisque la sous-enchère salariale s'était aggravée depuis, passant de CHF 142'444.85 brut pour la période de novembre 2020 à mai 2021, à CHF 565'537.54 brut pour la période de novembre 2020 à décembre 2022.

Le subterfuge afin d'échapper au salaire minimum légal consistait en la dissimulation de la réalité des faits par des contrats de travail à temps partiel, généralement à 30%. Les déclarations de tous les employés étaient unanimes, en ce sens que leur signature avait été obtenue par ruse et manipulation, tout en leur demandant oralement de travailler à plein temps.

Malgré l'avertissement reçu, la société avait persisté à ne payer aucun salaire les premières semaines, et même les premiers mois, voire aucune rémunération. Elle avait de plus enfreint la législation fédérale en matière d'étrangers et sur le travail au noir. Enfin, elle n'avait pas mis en place l'enregistrement de la durée du travail et du repos, ce qui devait être fait au 30 septembre 2023. Les salaires devaient être corrigés selon les montants détaillés selon son courrier et des justificatifs devaient être transmis, de même que divers renseignements et documents.

La société pouvait faire valoir d'éventuelles observations. À défaut de procéder dans le délai imparti, l'OCIRT prononcerait une sanction administrative.

q. Le 9 septembre 2023, la société, sous la plume de son nouveau conseil, a relevé que toutes les auditions figurant au dossier devaient être retirées et « détruites » dans la mesure où l'OCIRT n'était pas en droit de les mener. De plus, elles étaient nulles, puisqu'elles avaient été effectuées en violation du principe du contradictoire.

C. a. Le même jour, la société a sollicité de la direction de l'OCIRT la récusation de D______.

Elle avait récemment été informée par d'anciens employés que D______ avait adopté une posture pour le moins agressive dans sa recherche de témoignages à charge. Celle-ci procédait de manière orientée et cherchait à faire dire aux employés ce qu'elle souhaitait entendre. En outre, elle leur aurait transmis des informations potentiellement couvertes par le secret de fonction, à savoir le contenu des autres témoignages récoltés. Elle aurait, alors que l'enquête était encore en cours, indiqué qu'un rattrapage de salaire serait dû et qu'une amende allait être prononcée.

De tels agissements étaient extrêmement problématiques. Ce comportement s'apparentait à du racolage de témoignages, soutenu par la divulgation d'informations récoltées en auditions confidentielles et en faisant miroiter aux intéressés des possibilités de gain. Cela reflétait un parti pris évident de D______.

Trois courriels d'anciens employés étaient joints à la demande de récusation.

b. Par décision du 22 septembre 2023, l'OCIRT a rejeté la demande de récusation et maintenu les actes d'instruction auxquels D______ avait procédé.

La société se fondait sur des déclarations écrites de trois employés, contactés par D______, affirmant qu'elle aurait fait preuve d'insistance et de manque d'indépendance dans ses remarques et les questions posées, sans toutefois apporter de réelle substance à ces allégations, et alors même que deux d'entre eux avaient donné leur adresse électronique et accepté de répondre par écrit sans toutefois donner de suite. Ces accusations traduisaient plutôt leurs impressions et leur ressenti purement subjectifs de l'échange avec l'inspectrice, ce d'autant plus que les pièces produites – dont le contenu était identique aux messages envoyés en août 2023 à dix autres employés qui y avaient répondu – ne laissaient transparaître aucun début d'indice d'une volonté d'influencer leurs déclarations.

Leurs impressions, et les citations telles que rapportées par la société, étaient contestées par D______ et non conformes à la réalité.

Aucune partialité ne pouvait être valablement reprochée à l'inspectrice au vu de l'importance de l'instruction menée dans ce dossier depuis mai 2021, du nombre particulièrement important de déclarations recueillies auprès d'anciens employés n'ayant émis aucune des critiques dont se prévalait la société. L'indication de son appréciation dans le but de corroborer les éléments et le fait de demander des précisions sur la durée effective des horaires de travail n'étaient pas en soi de nature à faire suspecter la partialité de D______ au sens de la loi.

Au contraire, les démarches entreprises par D______ s'inscrivaient dans l'exercice normal de sa fonction et démontraient qu'elle avait pris toutes les mesures nécessaires pour objectiver la situation, sans excès, ni abus ni prévention à l'égard de la société.

D. a. Par acte du 2 octobre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation, à la récusation de D______ et à l'annulation et au retrait de tous les actes d'instruction qu’elle avait accomplis, subsidiairement de tous les témoignages récoltés.

E______, F______ et G______, trois anciens employés, devaient être entendus. Ils lui avaient indiqué par courriel que D______ posait des questions très insistantes, sous-entendant les réponses attendues, leur avait communiqué les propos tenus par les autres témoins, fait miroiter des rattrapages salariaux et communiqué les sanctions qui allaient être prises. Elle avait récemment été contactée par un autre employé, H______, qui avait indiqué que l'inspectrice l'avait poussé à dire qu'il travaillait beaucoup plus que ses heures et lui avait dit qu'en témoignant, il pourrait gagner de l'argent. Ce dernier devait également être entendu.

Lors de ses contacts avec les témoins, D______ avait posé des questions très insistantes, voire avait imposé les réponses à ses questions au vu de la formulation telle que par exemple : « Monsieur F______, vous ne faisiez pas les heures qu'indiquait votre contrat, vous faisiez plus que prévu, n'est-ce pas ? ». Ce seul constat établissait la partialité de l'inspectrice.

De plus, D______ semblait avoir communiqué aux témoins l'issue de la procédure alors en instruction, comme cela ressortait du courriel de G______. Ce seul constat établissait également la partialité de l'inspectrice.

L'envoi d'un courriel de l'inspectrice à un témoin à 20h18 donnait l'impression qu'elle en faisait une affaire personnelle.

Les actes de D______ devaient être considérés comme des erreurs de procédure lourdes et répétées dénotant une intention de nuire à la société. Elle avait procédé à de très nombreuses auditions alors qu'elle n'en avait pas la compétence légale, que ce soit de par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) ou la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05). Par ailleurs, la communication aux témoins de la teneur des témoignages précédents, afin de les influencer, était susceptible de tomber sous le coup de dispositions pénales, soit une violation particulièrement grave des devoirs de sa charge. Elle avait procédé à des auditions – illégales – en toute opacité, en n'invitant jamais la société à y participer. Or, celle-ci disposait d’un véritable droit à la participation à l'administration des preuves.

b. Le 6 novembre 2023, l'OCIRT a conclu au rejet du recours.

Les actes d'instruction avaient été conduits conformément aux exigences procédurales, puisque les personnes auditionnées ne devaient pas être considérées comme des témoins. Le droit d'être entendue de la société avait été respecté, dans la mesure où elle avait eu l'occasion de consulter le dossier, de déposer des observations et toutes pièces utiles, ainsi que de s'exprimer sur les déclarations des personnes entendues à titre de renseignement.

Les déclarations écrites apportées par la société ne pouvaient de manière plausible constituer des preuves de nature à faire suspecter la partialité de D______ ni de prévention à l'égard de la recourante. Ces allégations traduisaient essentiellement les impressions subjectives des trois employés interrogés. Les réponses écrites de H______, après avoir été sollicité par téléphone pour répondre aux questions sur ses conditions de salaire et de travail, à l'instar de neuf autres anciens employés questionnés à la même période, l'attestaient. Il en était de même de l'envoi du courriel à G______ « en dehors des heures du bureau ». Les dires prêtés à H______ et G______ sur de supposés gains une fois la société amendée correspondaient à des explications données sur le déroulement et la spécificité de la procédure administrative.

c. Dans sa réplique du 4 décembre 2023, la société a relevé que les 17 octobre et 6 novembre 2023, elle avait interpellé l'OCIRT à propos de possibles liens amicaux entre un ancien employé de l'entreprise et un/e employé/e de l'office, ce qui aurait conduit à l'ouverture de la procédure à son encontre. Par courriel du 7 novembre 2023, le directeur du service de l'inspection du travail (ci-après : le service), lui avait répondu que c'était délibérément qu'aucune suite n'avait été donnée à ses courriers, comme tel serait le cas pour les suivants. Il avait demandé de cesser d'importuner son service avec des requêtes qui ressortaient du harcèlement. L'échafaud de théories « farfelues sur le meuble sol d'ouï-dire lointains » lui appartenait et qu'il souhaitait en « gratifier » la chambre administrative également. Le seul plaisir ou la rémunération que l'avocat pouvait en retirer importait peu au directeur. Il signalait toutefois à l'avocat que le temps qu'il faisait perdre représentait notamment autant de contributions publiques gaspillées, à la préservation desquelles l'avocat aurait pu être plus attentif, au moins à titre de contribuable.

À la suite de ce courriel et d'une demande de l'avocat en question, la direction générale de l'OCIRT avait, le 15 novembre 2023, considéré la demande de récusation formée à l'encontre du directeur en question comme justifiée au vu du ton et des expressions qu’il avait utilisés. Dès cette date, la directrice générale de l’OCIRT assurerait personnellement la supervision de la procédure de contrôle en cours.

L'OCIRT n'avait toutefois pas répondu sur les liens qui auraient conduit à l'ouverture de l'enquête administrative, ce qui témoignait de l'opacité profonde dans laquelle était conduite la procédure depuis le début.

Dans la mesure où les personnes entendues par l'OCIRT étaient des anciens employés, susceptibles de percevoir une rémunération rétroactive, ils ne pouvaient pas être considérés comme des tiers. Ces personnes avaient été auditionnées comme des témoins, ce que le nombre de questions et le formalisme des entretiens systématiquement consignés par des procès-verbaux d'audition de cinq à dix pages démontraient.

Les faits survenus depuis le dépôt du recours renforçaient la prévention de D______ et sa partialité. L'OCIRT avait d'ailleurs admis la récusation du directeur du service.

d. Le 15 décembre 2023, la société a indiqué que l'OCIRT avait rendu le 13 décembre 2023 sa décision finale, signée par D______ et la directrice générale. L'OCIRT ne semblait pas avoir tenu compte de l'effet dévolutif du recours et avait préféré rendre une décision de sanction, soit une nouvelle erreur de procédure. Le cumul continu de telles erreurs était, à lui seul, un motif de récusation. Par courrier du même jour, la société avait demandé à l'OCIRT de retirer sa décision, à la suite de quoi un recours serait formé.

Elle a joint à son courrier la décision en question la sanctionnant d'une amende administrative de CHF 30'000.-, mettant à sa charge les frais de contrôle de CHF 12'150.- de même qu’un émolument de décision de CHF 100.-.

e. Le 22 décembre 2023, l'OCIRT a produit un tirage de son courrier invitant la société à faire valoir ses droits par la voie d’un recours et à demander la jonction des causes. La compétence de statuer sur le fond n'était pas passée à la chambre administrative.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b LPA).

2.             La recourante sollicite l'audition de quatre de ses employés, lesquels permettraient d'éclairer la chambre administrative sur les propos tenus par l'inspectrice du travail visée par la demande de récusation.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). La procédure administrative est en principe écrite, toutefois si le règlement et la nature de l’affaire le requièrent, l’autorité peut procéder oralement (art. 18 LPA). Le droit d’être entendu n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, la recourante a produit les courriels que lui ont adressé E______, F______ et G______ relatant leurs échanges avec l'inspectrice du travail durant l'été 2023. Ils ont ainsi apporté des informations sur le contexte de la prise de contact par D______, le comportement de cette dernière, les questions posées et sur leur ressenti. La chambre de céans ne voit pas quel élément supplémentaire leur audition pourrait apporter. La recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que les dires de H______ ne pourraient pas être prouvés par pièce, à l’instar des trois employés précités. Il ressort en outre du dossier qu'H______ a répondu à D______ par courriel du 22 août 2023 sur ses conditions de travail et de salaire.

En toute hypothèse, compte tenu des pièces figurant au dossier, la chambre administrative estime être suffisamment renseignée pour statuer en toute connaissance de cause sur les griefs invoqués par la recourante.

Il ne sera par conséquent pas donné suite à la demande d'actes d'instruction.

3.             L'objet du litige consiste à déterminer si l'intimé était fondé à rejeter la demande de récusation visant D______ et à maintenir à son dossier les actes d'instruction auxquels elle a procédé.

3.1 En vertu de l'art. 15 al. 1 let. d LPA, les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser s'il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité.

La demande de récusation doit être formée sans délai (art. 15 al. 3 LPA).

3.2 L’art. 29 al. 1 Cst. prévoit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. La jurisprudence a tiré de cette disposition un droit à ce que l’autorité administrative qui statue le fasse dans une composition correcte et impartiale (ATF 142 I 172 consid. 3.2 et les références citées).

Selon la jurisprudence, le droit à une composition correcte et impartiale permet notamment d’exiger la récusation des membres d’une autorité administrative dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur leur indépendance ou leur impartialité. Il tend à éviter que des circonstances extérieures à l’affaire ne puissent influencer une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. La récusation peut s’imposer même si une prévention effective du membre de l’autorité visée n’est pas établie, car une disposition interne de sa part ne peut pas être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération, les impressions purement individuelles d’une des personnes impliquées n’étant pas décisives (ATF 131 I 24 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_629/2015 du 1er décembre 2015 consid. 3.1 ; ATA/200/2022 du 22 février 2022 consid. 5b et l'arrêt cité).

3.3 De manière générale, les dispositions sur la récusation sont moins sévères pour les membres des autorités administratives que pour les autorités judiciaires. Contrairement à l'art. 30 al. 1 Cst., l'art. 29 al. 1 Cst. n'impose pas l'indépendance et l'impartialité comme maxime d'organisation. En règle générale, les prises de positions qui s'inscrivent dans l'exercice normal des fonctions gouvernementales, administratives ou de gestion, ou dans les attributions normales de l'autorité partie à la procédure, ne permettent pas, dès lors que l'autorité s'exprime avec la réserve nécessaire, de conclure à l'apparence de la partialité et ne sauraient justifier une récusation, au risque sinon de vider de son sens la procédure administrative (ATF 140 I 326 consid. 5.2 ; 137 II 431 consid. 5.2 ; 125 I 119 consid. 3f). Une autorité, ou l'un de ses membres, a en revanche le devoir de se récuser lorsqu'elle dispose d'un intérêt personnel dans l'affaire à traiter, qu'elle manifeste expressément son antipathie envers l'une des parties ou s'est forgée une opinion inébranlable avant même d'avoir pris connaissance de tous les faits pertinents de la cause (arrêt du Tribunal fédéral 8C_358/2022 du 12 avril 2023 consid. 4.2.2 ; 1C_228/2018 du 18 juillet 2019 consid. 6.1).

La notion de récusation des membres d’une autorité administrative doit être comprise dans un sens fonctionnel et englobe ainsi toutes les personnes agissant pour le compte de l’autorité et directement impliquées dans le processus décisionnel (ATA/107/2018 du 6 février 2018 consid. 3d).

3.4 Découlant de l'art. 29 Cst., la garantie d'impartialité d'une autorité administrative ne se confond pas avec celle d'un tribunal (art. 30 Cst.) dans la mesure où la première n'impose pas l'indépendance et l'impartialité comme maxime d'organisation d'autorités gouvernementales, administratives ou de gestion (ATF 125 I 209 consid. 8a ; 125 I 119 ; ATA/266/2021 du 2 mars 2021 consid. 5a ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 2011, p. 242 ch. 2.2.5.2). Il y a toutefois équivalence de motifs de récusation entre instances administratives et judiciaires lorsqu'existe un motif de prévention, supposé ou avéré, qui commande d'écarter une personne déterminée de la procédure en raison de sa partialité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_389/2009 du 19 janvier 2010 consid. 2 ; ATA/1089/2020 du 3 novembre 2020 consid. 6a).

Les soupçons de prévention peuvent être fondés sur un comportement ou sur des éléments extérieurs, de nature fonctionnelle ou organisationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_171/2007 du 19 octobre 2007 consid. 5.1 ; Florence AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 2014, n. 33 ad art. 34 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

3.5 Les art. 15 et 15A LPA sont calqués sur les art. 47 ss du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272 ; ATA/987/2019 du 4 juin 2019 consid. 2b ; ATA/578/2013 du 3 septembre 2013 consid. 7c, avec référence au MGC 2008-2009/VIII A 10995), ces derniers, tout comme les art. 56 ss du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), avec lesquels ils sont harmonisés, étant copiés, à l'exception de quelques points mineurs, sur les art. 34 ss LTF, si bien que la doctrine, et la jurisprudence rendue à leur sujet, valent en principe de manière analogique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6841 ss, spéc. 6887 ad art. 45 [devenu l'art. 47 CPC] ; Message du Conseil fédéral sur l'unification de la procédure pénale, FF 2005 1125 s.).

3.6 Selon la jurisprudence relative à la récusation de juges dans le cadre de l'application des art. 15A al. 1 let. f LPA – correspondant à l'art. 34 al. 1 let. e LTF – et applicable à tout le moins par analogie à la récusation des membres des autorités administratives (ATA/1089/2020 précité consid. 6c), d'éventuelles erreurs de procédure ou d'appréciation commises par une ou un juge ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de prévention (ATF 116 Ia 14 consid. 5b ; ATA/237/2017 du 28 février 2017 consid. 5c). Seules des fautes particulièrement graves et répétées pourraient avoir cette conséquence ; même si elles paraissent contestables, des mesures inhérentes à l'exercice normal de la charge de la ou du juge ne permettent pas de suspecter celui-ci de partialité (ATF 141 IV 178 ; 113 Ia 407 consid. 2 ; 111 Ia 259 consid. 3b/aa). Une partie est en revanche fondée à dénoncer une apparence de prévention lorsque, par des déclarations avant ou pendant le procès, la ou le juge révèle une opinion qu'il a déjà acquise sur l'issue à donner au litige (ATF 125 I 119 consid. 3a).

D'après la jurisprudence, une faute de procédure – voire une fausse application du droit matériel – ne suffit pas à elle seule pour donner une apparence de prévention. Il n'en va autrement que si le membre d'une autorité administrative ou judiciaire a commis des erreurs grossières ou répétées constituant une grave violation des devoirs de sa charge. Une personne qui exerce la puissance publique est nécessairement amenée à devoir trancher des questions controversées ou des questions qui dépendent largement de son appréciation. Même si elle prend dans l'exercice normale de sa charge une décision qui se révèle erronée, il n'y a pas lieu de redouter une attitude partiale de sa part à l'avenir. Par ailleurs, la procédure de récusation ne saurait être utilisée pour faire corriger des fautes – formelles ou matérielles – prétendument commises par une personne détentrice de la puissance publique ; de tels griefs doivent être soulevés dans le cadre du recours portant sur le fond de l'affaire (ATF 115 Ia 400 consid. 3b et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_358/2022 précité consid. 4.2.3 ; 2C_110/2019 du 9 décembre 2019 consid. 5.2).

Le Tribunal fédéral a encore rappelé que la procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure. Même dans ce cadre, seules des circonstances exceptionnelles permettent de justifier une récusation, lorsque, par son attitude et ses déclarations précédentes, la magistrate ou le magistrat a clairement fait apparaître qu'elle ou il ne sera pas capable de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction des opinions précédemment émises (ATF 138 IV 142 consid. 2.3). D'autres motifs doivent donc exister pour admettre que la ou le juge ne serait plus en mesure d'adopter une autre position, de sorte que le procès ne demeure plus ouvert (ATF 133 I 1 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_755/2008 du 7 janvier 2009 consid. 3.2 in SJ 2009 I 233).

La partie qui sollicite la récusation doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande. La partie doit se prévaloir de faits, ce qui exclut les critiques générales ou les simples soupçons ne se fondant sur aucun élément tangible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_648/2012 du 29 novembre 2012 consid. 2). Si la partie n'a pas à prouver les éléments qu'elle invoque, elle doit tout de même faire état, à l'appui de sa demande, d'un contexte qui permet de tenir pour plausible le motif de récusation allégué (arrêt du Tribunal fédéral 2C_171/2007 du 19 octobre 2007 consid. 4.2.2). Une motivation aux termes de laquelle le requérant se contente de présenter une demande de récusation sans autre explication est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 2F_19/2013 du 4 octobre 2013 consid. 2 ; ATA/1020/2022 du 11 octobre 2022 consid. 5a).

3.7 La récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, sous peine de déchéance (ATF 138 I 1 consid. 2.2). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l’invoquer qu’en cas d’issue défavorable ou lorsque l’intéressé se serait rendu compte que l’instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_278/2017 du 17 août 2017 consid. 3.1).

4.             En l’espèce, la recourante reproche à l'inspectrice du travail son attitude insistante et dirigée lors des échanges avec ses anciens employés.

Il ressort du dossier que l'inspectrice en question a d'abord contacté téléphoniquement d'anciens employés de la recourante, puis les a questionnés par courriel au mois d'août 2023 sur leurs conditions de travail et de salaire. Elle leur demandait la période au cours de laquelle ils avaient travaillé pour la société, la durée hebdomadaire de travail contractuelle et effective, leurs horaires et leur salaire, pièces à l’appui, telles que leur contrat de travail, les relevés d'heures travaillées, les décomptes salaire, le certificat de salaire et tout échange de courriel/SMS avec la recourante. Les questions posées par l’inspectrice sont ouvertes et on ne discerne à leur lecture aucun parti pris.

Trois anciens employés ont toutefois indiqué à la recourante, par courriels, que l'inspectrice avait été insistante et manqué de neutralité dans sa démarche. Il s'agit là uniquement d'impressions subjectives, corroborées par aucun élément objectif factuel au dossier. Le courriel du directeur du service du 7 novembre 2023 n'a engagé que lui, raison pour laquelle sa récusation a été admise au vu du ton et des expressions utilisées.

Pour autant que des questions insistantes ou orientées auraient été posées par l'inspectrice lors d’échanges oraux, celles-ci devraient être qualifiées de simples maladresses, non constitutives de prévention. S'agissant de l'heure d'envoi d’un courriel de relance à un employé le 18 août 2023 à 20h18, il peut être le résultat d’heures supplémentaires effectuées par l’inspectrice dans un dossier complexe concernant un important nombre de personnes. Il ressort au demeurant dudit courriel qu'il s'agissait d'un simple rappel de son précédent envoi, demandant une réponse rapide dans la mesure où l'inspectrice était tenue par des délais serrés, ce qui est plausible au vu du volume du dossier et des échanges entre les parties. L'heure d'envoi de ce courriel ne saurait donc prouver une apparence de prévention à l'égard de la recourante.

La recourante voit également un motif de récusation dans les indications données par l’inspectrice aux personnes entendues d’un rattrapage de salaire et du prononcé d’une amende. Le courriel sur lequel se fonde la recourante est toutefois plus nuancé, puisque sa collaboratrice y indique que l'inspectrice lui avait indiqué qu'elle pourrait percevoir des « indemnités éventuelles » en raison du fait que son employeur « ser[ait] amendable ». L'emploi du conditionnel et du terme « éventuelle » démontre au contraire que l'issue de la procédure n'était pas scellé avant la fin de l'instruction. Il s'agit là tout au plus d'explications données quant au déroulement de la procédure administrative telle que menée par le service et ses possibles conséquences pour les anciens employés et pour la société.

Aucune apparence de prévention ne peut être retenue à l’encontre de l'inspectrice dans la manière dont elle a pris contact avec les anciens employés et dans le cadre de leurs échanges.

5.             La recourante se plaint également d'erreurs graves et répétées de l'inspectrice dans la conduite de l'instruction, ce qui justifierait sa récusation. L'inspectrice aurait en effet procédé à de très nombreuses auditions alors qu'elle n'en aurait pas la compétence, communiqué aux personnes entendues la teneur des déclarations d'autres employés afin d'influencer leurs réponses et omis de l’inviter à participer à ces auditions.

5.1 L’autorité établit les faits d’office. Elle n’est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties (art. 19 LPA).

Conformément à l’art. 20 LPA, il appartient à l’autorité de réunir les renseignements et de procéder aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle recourt, s’il y a lieu, notamment aux moyens de preuve suivants : a) documents ; b) interrogatoires et renseignements des parties. Elle peut inviter les parties à renseigner notamment en produisant les pièces en leur possession à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet (art. 24 al. 1 LPA). Elle apprécie librement l’attitude d’une partie qui refuse de produire une pièce ou d’indiquer où celle-ci se trouve (art. 24 al. 2 LPA).

Selon l’art. 28 al. 1 LPA, lorsque les faits ne peuvent être éclaircis autrement, les autorités suivantes peuvent au besoin procéder à l’audition de témoins : le Conseil d’État, les chefs de départements et le chancelier (let. a) ; les autorités administratives qui sont chargées d’instruire des procédures disciplinaires (let. b) ou les juridictions administratives (let. c). L’art. 42 al. 1 LPA prévoit que les parties ont le droit de participer à l’audition des témoins, à la comparution des personnes ordonnées par l’autorité ainsi qu’aux examens auxquels celle-ci procède.

5.2 L'art. 39M LIRT prévoit que l'office et l'inspection paritaire des entreprises sont compétents pour contrôler le respect par les employeurs des dispositions du chapitre concernant le salaire minimum (al. 1). Tout employeur doit pouvoir fournir en tout temps à l'office ou à l'inspection paritaire un état détaillé des salaires versés à chaque travailleur et du nombre correspondant d'heures de travail effectuées (al. 2).

5.3 La doctrine précise que s'agissant des témoignages, ceux-ci sont codifiés aux art. 28 ss LPA, étant précisé que seuls le Conseil d’État, les chefs de départements, le chancelier, les autorités administratives qui sont chargées d'instruire des procédures disciplinaires et les juridictions administratives peuvent entendre des témoins (art. 28 al. 1 LPA). Les autres autorités administratives conservent toutefois la possibilité d'entendre des tiers, mais à titre de renseignements uniquement (MGC 1984 14/I 1565) (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 349 ad art. 20 LPA)

5.4 Dans un cas portant sur l’audition par l’OCIRT de chauffeurs d’une plateforme de diffusion de courses, la chambre de céans a retenu que ceux-ci n’ayant pas été entendus par une autorité au sens de l’art. 28 al. 1 LPA, ils ne pouvaient être considérés comme des témoins. L’OCIRT n’était en conséquence pas tenu de convier les recourantes aux auditions des chauffeurs. Cela étant, les procès-verbaux de ces auditions avaient été adressés aux recourantes avant le prononcé de la décision et celles-ci n’avaient pas sollicité l’audition des chauffeurs par la chambre administrative. En outre, si tant est qu’il fallût admettre une violation de leur droit d’être entendues, celle-ci avait été réparée devant la chambre administrative, les recourantes ayant pu se déterminer sur ces auditions devant celle-ci, étant relevé que la chambre administrative disposait d’une pleine cognition en fait et en droit (ATA/1151/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4bb). Le même raisonnement a été appliqué plus récemment à l’audition par l’OCIRT d’employés de maison et de voisins dans un cas de respect des conditions du contrat-type de travail de l’économie domestique (ATA/1268/2023 du 24 novembre 2023 consid. 4).

Saisi d’un recours contre l’ATA/1151/2020, le Tribunal fédéral a relevé que l'argument tiré de l'absence de la qualité de témoin n'était pas forcément décisif, dès lors que pouvait exister un droit de participer à l'audition de personnes appelées à fournir des renseignements par exemple. Cela étant, la jurisprudence retenait notamment, en procédure fédérale, qu'il n'y avait pas de violation du droit d'être entendu lorsque la partie avait eu la possibilité de prendre connaissance du procès‑verbal des auditions et de se déterminer à ce sujet (arrêt 1C_534/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.2). Le recourant ne démontrait pas que le droit de procédure cantonal genevois offrirait des garanties plus étendues. Les recourantes avaient reçu les procès-verbaux des auditions ; elles avaient pu se prononcer avant que la décision ne soit rendue puis dans le cadre du recours devant la chambre administrative. Elles auraient pu du reste demander l'audition des chauffeurs devant la chambre administrative, ce qu'elles n'avaient pas fait. Dans ces conditions, leur droit d'être entendues avait été respecté. En tant que les recourantes soulignaient, particulièrement dans leur réplique, que les témoignages des chauffeurs n'étaient pas probants, leur critique relevait de l'appréciation des preuves et non du droit d'être entendues (arrêt du Tribunal fédéral 2C_34/2021 du 20 mai 2022 consid. 4.2.2).

5.5 En l'espèce, pris individuellement, les reproches formulés à l'encontre de l'inspectrice pourraient être qualifiés de motifs d'ordre matériel, de sorte, qu'en principe, ils devraient être examinés avec la décision sur le fond dans le cadre de l'appréciation des preuves. Toutefois, la jurisprudence admet que des erreurs grossières ou répétées constituant une grave violation des devoirs de l'autorité administrative (ou judiciaire) peuvent donner une apparence de prévention, si bien qu'il convient de les apprécier.

La recourante sait depuis le 25 octobre 2022 que l'office, respectivement l'inspectrice, a procédé à des auditions, puisqu’elle a reçu les procès-verbaux signés des personnes entendues. La critique serait donc tardive. En tout état de cause, la doctrine précitée prévoit bien que les autorités administratives, autres que celles mentionnées à l'art. 28 al. 1 LPA, peuvent procéder à de telles auditions. Par ailleurs, dans la mesure où l'autorité établit les faits d’office et qu'elle n’est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties (art. 19 LPA), l'argument tiré de la lecture de l'art. 39M al. 2 LIRT n'est pas fondé. Une telle lecture rendrait tout simplement impossible pour l'autorité administrative d'établir les faits pertinents dans le cadre d'un contrôle du salaire minimum, à plus forte raison lorsqu'une société collabore peu ou pas du tout. Le reproche n'est donc pas fondé.

Pour ce qui a trait au fait que l'inspectrice aurait indiqué à deux anciens employés que leurs propos ne correspondraient pas à ce qu'avaient déclaré les autres anciens employés, il s'agirait au pire de simples maladresses – pour autant qu’elles doivent être qualifiées ainsi –, isolées au vu du nombre de personnes contactées (2 personnes sur 29 s'en sont plaintes). Il ne peut donc pas être retenu des erreurs grossières et répétées de la part de l'inspectrice dans le cadre de l'instruction.

Comme vu ci-dessus, les questions d'un éventuel rattrapage salarial et d'une amende font partie des renseignements que l'inspectrice était en droit de communiquer aux employés de la recourante, de sorte qu'elle n'a pas commis d'erreur sur ce point.

Même s'il devait être retenu que l'OCIRT avait commis une erreur en procédant à l'audition des collaborateurs de la recourante sans l'inviter à y participer, la communication des procès-verbaux, les 25 octobre 2022 et 6 mars 2023, ainsi que la consultation du dossier par la recourante le 6 octobre 2023, permettraient de considérer l'éventuelle violation de son droit d'être entendue comme étant guérie. Par cette communication, l'intéressée disposait de toutes les informations utiles pour se déterminer avant la prise de décision sur le fond de l'affaire.

Enfin, une décision rejetant une demande de récusation et maintenant les actes d'instruction auxquels avait procédé l'inspectrice est une décision de nature procédurale, prise en cours de procédure et qui n'y met pas fin. Elle doit être qualifiée de décision incidente au sens de l'art. 4 al. 2 LPA. Compte tenu de l'effet dévolutif (art. 67 LPA) seule cette problématique est passée dans le pouvoir de la chambre de céans, la compétence de l'intimé sur le fond de l'affaire demeurant.

Compte tenu de ces éléments pris dans leur ensemble, la recourante échoue à démontrer que l'inspectrice aurait commis des erreurs graves ou répétées constituant une violation de sa charge permettant de fonder objectivement un soupçon de prévention.

Au vu de ce qui précède, aucune apparence de partialité ne peut être retenue à l’encontre de l'inspectrice du travail dans la manière dont elle a géré le dossier qui lui était confié, comme l’a, à juste titre, retenu l'intimé. Dans cette mesure, l'office était en droit de maintenir les actes d'instruction auxquels cette inspectrice avait procédé.

En tous points infondés, le recours rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 octobre 2023 par A______ Sàrl contre la décision de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 22 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ Sàrl un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Rémy BUCHELER, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MEYER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :