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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1527/2023

ATA/10/2024 du 09.01.2024 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 19.02.2024, 1C_120/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1527/2023-FPUBL ATA/10/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 janvier 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Alireza MOGHADDAM, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES FINANCES, DES RESSOURCES HUMAINES ET DES AFFAIRES EXTÉRIEURES intimé



EN FAIT

A. a. A______, née le ______1968, a été engagée dès le 1er juillet 2002 en qualité de comptable collaboratrice à l’office des poursuites, actuellement office cantonal des poursuites (ci-après : OP), département des finances des ressources humaines et des affaires extérieures (ci-après : le département).

Elle a été nommée fonctionnaire dès le 1er juillet 2005.

b. Dans le cadre d’un entretien périodique et développement du personnel (ci‑après : EEDP) en décembre 2019 conduit par sa nouvelle supérieure hiérarchique, B______, le bilan a été considéré comme suffisant. Il a été constaté que l’objectif « assimiler le fonctionnement CFI et lien entre OPUS [nouveau programme informatique] et CFI n’avait pas été atteint ». A______ montrait une compréhension limitée des outils avec lesquels elle travaillait et commettait de ce fait de nombreuses erreurs. Elle devait améliorer sa gestion du stress et manquait encore d’autonomie du fait probablement de son manque de compréhension des procédures à disposition et des outils informatiques. Elle sollicitait beaucoup ses collègues afin de parvenir à effectuer ses tâches. Certaines de ses erreurs avaient coûté de l’argent à l’État. Ceci se produisait malgré une formation et la mise à disposition de procédures. Ses erreurs régulières touchaient en particulier le traitement des trop-perçus et l’affectation des fonds aux dossiers.

Elle avait omis à plusieurs reprises d’organiser et de prévoir son backup pendant ses congés.

De son côté, A______ avait relevé la clarté de la mission et des objectifs ; la répartition de la charge de travail, le climat de travail et le contact avec la hiérarchie étaient excellents. En revanche, dans ses observations écrites, elle a en substance contesté le bien-fondé des remarques de sa hiérarchie. Elle a notamment affirmé qu’elle se sentait méprisée et blessée, comme « une pestiférée » qui n’aurait de cesse d’agir négativement au nom de l’État.

B. a. En 2019, A______ a été absente pour cause de maladie pendant à tout le moins 39 jours et, en 2020, à 100% du 2 au 14 janvier, puis à 50 % du 15 janvier au 2 juin 2020. Dès le 3 juin 2020, elle n’a plus repris ses activités à l’OP.

b. Le 20 janvier 2021, la Dre C______ du service de santé du personnel de l’État (ci-après : SPE) a rendu un premier avis médical après avoir reçu l’intéressée en consultation le 15 janvier 2021, ainsi que sur la base des rapports de ses médecins de novembre 2020. La Dre C______ a estimé qu’un délai de l’ordre de quelques mois était prévisible pour une aptitude à la fonction. Le pronostic de l’affection médicale au regard d’une pleine capacité de travail en tant que comptable devrait être favorable au terme de la prise en charge thérapeutique en place.

La demande d’évaluation décrivait, sur le plan professionnel, un problème de prestations. Lors de la consultation, la Dre C______ avait relevé des difficultés interpersonnelles au travail.

c. Le 25 janvier 2021, à la demande de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : AI), le Dr D______, médecin psychiatre/expert, a rendu un rapport après avoir reçu A______ une première fois le 16 octobre 2020. Il en ressort que celle-ci souffrait d’un épuisement professionnel ou burnout auquel avaient succédé des crampes douloureuses abdominales, des oppressions respiratoires, une fatigue cumulée et des moments de tristesse. Cette assurée venait toutes les semaines ou à quinzaine et évoquait, dans un besoin de décrire, ce qu’elle avait enduré sur sa place et travailler avec un vécu d’injustice et d’ingratitude. Son époux était en cure de chimiothérapie à l’hôpital cantonal. Sa capacité de travail était nulle « horaire et rendement » et liée aux fluctuations de son quotidien, aux problèmes de santé de son mari, à l’avenir de ses deux filles, à la santé de sa maman et « bien sûr » à la solution qu’elle espérait pouvoir trouver concernant sa place de travail.

A______ était sous traitement de Cipralex depuis de nombreux mois. Bien qu’elle n’adhérât pas aux demandes d’AI, elle n’était pas opposée à des mesures d’aide au reclassement professionnel pour lui permettre de regagner son travail.

d. Selon un second avis médical du SPE du 16 mars 2021, établi sur la base des consultations médicales de la Dre C______ des 15 janvier et 8 mars 2021 ainsi que sur les rapports des médecins de A______ de novembre 2020, un délai de l’ordre de quelques mois était à anticiper pour le retour au travail, qui ne pouvait en l’état pas être « construit » vu l’état de santé de l’intéressée. Le pronostic de l’affection médicale au regard d’une pleine capacité de travail en tant que comptable devrait être favorable au terme de la prise en charge thérapeutique en cours.

e. Il ressort d’un deuxième avis du 19 mai 2021, émis à la demande de l’AI par le Dr D______, que l’état de A______ s’était amélioré, à l’écart de la source principale de son mal-être, à savoir ses conditions de travail. L’amélioration était symptomatique et confirmait, dans une certaine mesure, que son mal-être, certes important avec parfois des idéations suicidaires ou de se jeter par la fenêtre depuis le bureau de sa responsable, était quand même sur la voie d’une amélioration. Le diagnostic était celui de trouble de l’adaptation, réaction mixte, anxieuse et dépressive, en cours de rémission, bien avancée. Hélas, lorsqu’elle avait appris le projet d’un retour à l’emploi dès le 1er juin 2021, l’intéressée avait souffert d’une résurgence d’une symptomatique anxieuse.

f. Le 23 septembre 2021, la Caisse de prévoyance de l’État (ci-après : CPEG) a écrit à A______ et lui a demandé de remplir deux questionnaires, en vue du versement de prestations provisoires d’AI.

L’intéressée a répondu le 29 septembre 2021 à la CPEG qu’elle n’avait aucune intention d’être mise au bénéfice d’une prestation d’invalidité, même provisoire, et qu’elle se sentait apte à reprendre le travail dans un court délai, soit encore d’ici la fin de l’année en cours. Néanmoins, elle lui retournait les deux questionnaires dûment remplis.

g. Le 11 novembre 2021, le responsable des ressources humaines (ci-après : RRH) a informé A______ que son droit au traitement prendrait fin le 13 février 2022.

h. Au printemps 2021, le Dr E______, psychiatre consultant à F______, a été impliqué dans le suivi médical de A______ à la demande de l’État de Genève. Il a reçu A______ en entretien les 25 juin, 9 août et 12 novembre 2021 et a rendu un rapport le 21 novembre 2021, qui ne figure pas à la procédure.

i. Du 22 novembre 2021 au 13 février 2022, A______ a bénéficié d’une mesure de réinsertion financée par l’AI sous la forme d’un « entraînement à l’endurance » auprès de G______, à H______. Elle pouvait demander à l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) une décision sujette à recours si elle entendait contester cette mesure, ce qu’elle n’a pas fait.

A______ a par la suite affirmé que ce stage, essentiellement manuel, ne correspondait en rien à ses compétences professionnelles.

Selon l’OP, cette mesure de réinsertion visait à lui permettre de se confronter à nouveau au monde du travail et de tester sa capacité à effectuer des activités dans un environnement protégé.

j. Il ressort d’un troisième avis médical du SPE du 29 novembre 2021 intitulé « 730 jours d’absence », établi à la suite des consultations de la Dre C______ des 15 janvier, 8 mars et 26 novembre 2021, et sur la base des renseignements médicaux fournis en novembre 2020 par le médecin de A______, ainsi que sur l’expertise du Dr E______ du 21 novembre 2021, qu’il n’y avait aucune perspective de reprise au poste de travail de l’intéressée, et plus largement d’une activité à l’OP. En revanche, le pronostic d’une capacité travail dans une autre activité était favorable moyennant une reprise graduelle. La capacité de travail et les éventuelles autres limitations fonctionnelles devaient être évaluées au terme du stage organisé par l’AI.

k. Le 26 janvier 2022 s’est tenu un entretien de non-retour au poste de travail. A______ s’est plainte par la suite de ne pas y avoir été accompagnée par un avocat, dissuadée qu’elle aurait été par une infirmière du SPE lors d’une consultation le 17 janvier 2022. Son époux était présent.

Il ressort du compte rendu de cet entretien que l’objectif était de lui permettre d’envisager son avenir professionnel et non pas de revenir sur des aspects passés liés au travail (prestations ou contexte). Un dossier AI était ouvert et instruit.

A______ a été informée par sa hiérarchie qu’une procédure de résiliation des rapports de service était ouverte et que la procédure de reclassement était confiée à la cellule retour au travail (ci-après : CRT), dont le responsable lui a présenté le processus.

Selon l’annexe 1 jointe au compte rendu de l’entretien, la CRT ne garantissait en aucun cas qu’elle allait trouver un stage ni que ce dernier pourrait se transformer en un poste permanent. La CRT mettrait fin au processus notamment si le deuxième stage ne pouvait pas aboutir à un engagement à un poste permanent faute de budget. En cas d’impossibilité de la reclasser, le dossier serait transmis à la direction RH du département qui pourrait envisager de résilier les rapports de service.

A______ a renoncé à faire des observations complémentaires sous forme écrite concernant le compte rendu de cet entretien.

l. Le 14 février 2022 le droit au traitement a pris fin, mais A______ a bénéficié d’indemnités de l’AI.

m. Le 15 février 2022, elle s’est vu délivrer un certificat de travail intermédiaire.

n. Elle a fait un stage d’évaluation du 13 juin au 30 septembre 2022 à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), à un taux d’activité de 50%, au secteur attestations et tenue des registres. Elle devait traiter des demandes de renseignements. Elle a commencé un second stage dès le 1er octobre 2022, toujours à l’OCPM, qui aurait dû finir le 31 décembre 2022, mais auquel il a dû être mis fin le 10 novembre 2022, faute de poste vacant.

o. Partant, la CRT a clos la procédure de reclassement et renvoyé le dossier à la direction des RH du département.

p. Le 1er décembre 2022, le RRH a sollicité l’aide des directions RH des départements pour trouver un poste vacant dans le cadre de la procédure de reclassement. Toutes les réponses reçues ont été négatives.

Le RRH en a informé A______ à cette même date en relevant qu’elle devait de son côté également faire des recherches d’emploi.

q. Toujours à cette même date, l’OCAS a confirmé au RRH que les mesures de réadaptation allaient se poursuivre dès le 2 janvier 2023, avec versement d’une indemnité de l’AI.

r. Le 8 décembre 2022, le RRH a signalé à A______ un poste de secrétaire d’établissement primaire ainsi qu’un poste de secrétaire 2 mis au concours dans le bulletin des places vacantes de l’État (ci-après : BPV). Il a soutenu sa candidature à ces deux postes pour lesquels la réponse a toutefois été négative.

Tel a également été le cas pour un poste de comptable 2 à la direction générale de l’enseignement obligatoire signalé à l’intéressée le 15 décembre 2022.

Le 19 décembre 2022, A______ a fait acte de candidature à des postes de taxatrice 1, commise administrative 5 et comptable 1 au département, puis le 21 décembre 2022 de gestionnaire de paies et assurance au département, d’enquêtrice-superviseuse au département de la sécurité, de la population et de la santé et d’assistante RH au département de l’instruction publique. Ces candidatures, soutenues par le RRH, ont reçu des réponses négatives.

s. Le 30 décembre 2022, A______ a demandé au RRH de pouvoir reprendre son activité à l’OP puisqu’B______ allait quitter sa fonction.

Le RRH lui a répondu négativement en se référant à l’avis médical du SPE du 29 novembre 2021, de même qu’au compte rendu de l’entretien du 26 janvier 2022.

t. Le 13 janvier 2023, le RRH a signalé à l’intéressée un poste de commise administrative 4 au département des infrastructures. Il a soutenu sa candidature, qui toutefois n’a pas été retenue.

u. Le 18 janvier 2023, il l’a informée qu’il n’avait pas identifié de poste susceptible de correspondre à ses compétences dans le dernier BPV.

v. Le 24 janvier 2023 s’est tenu un entretien avec le RRH et une assistante des RH, A______ et son conseil ayant pour objet la clôture de la procédure de reclassement. Dans la mesure où ladite procédure n’avait pas abouti, l’employeur envisageait une résiliation des rapports de service.

A______ a évoqué le fait qu’elle était tombée malade à cause de sa supérieure hiérarchique. Elle n’était pas d’accord avec l’avis du SPE concernant l’impossibilité de retour à son poste, qu’elle souhaitait.

w. Dans le cadre de ses observations du 15 février 2023, A______ a notamment contesté le bien-fondé de la résiliation des rapports de service dans la mesure où elle avait donné satisfaction dans son stage à l’OCPM. Aucun poste n’avait été recherché à l’OP, alors que sa supérieure hiérarchique, qui était la cause de ses problèmes de santé, avait donné sa démission. Le « médecin expert » pourrait attester que son avis de non-retour au poste était dû à « la relation dégradée entre elle et sa supérieure hiérarchique qui seule causait un empêchement ».

x. La conseillère d’État en charge du département a, par décision du 17 mars 2023, résilié les rapports de service de A______ avec effet au 30 juin 2023 pour motif fondé, à savoir l’inaptitude à remplir les exigences du poste, pour des raisons de santé, faisant référence aux art. 21 al. 3, 22 let. b et 20 al. 3 de loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

Les démarches de reclassement n’avaient pas abouti. L’inaptitude de l’intéressée à occuper son poste et plus largement une activité à l’OP découlait de l’avis médical du SPE du 29 novembre 2021, qu’elle n’avait pas contesté. En revanche, le pronostic d’une capacité de travail dans une autre activité était favorable moyennant une reprise graduelle du travail.

Il ressortait du compte rendu de l’entretien de non-retour au poste de travail du 26 janvier 2022, que A______ avait signé le 3 février 2022, que le processus CRT valait reclassement, et de son annexe que la CRT clôturerait le processus si, notamment, le deuxième stage ne pouvait pas aboutir à un engagement à un poste permanent faute de budget, ce qui avait été le cas le 10 novembre 2022 à l’OCPM. Néanmoins, comme ce second stage aurait dû prendre fin le 31 décembre 2022, le RRH avait, à bien plaire, cherché activement un reclassement pour elle, au sein de l’administration cantonale.

Dès le 2 janvier 2023, elle était accompagnée par l’OCAS dans la recherche d’un stage d’une durée de trois à six mois, avec pour objectif un engagement, à défaut de quoi elle pourrait solliciter des indemnités chômage.

C. a. A______ a formé un recours le 5 mai 2023 contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Elle a conclu préalablement à ce que sa comparution personnelle soit ordonnée, de même que l’ouverture d’enquêtes comprenant en particulier l’audition de témoins, un délai devant lui être accordé pour l’établissement de sa liste, et à ce que soit ordonnée une expertise médicale de sa personne par un expert indépendant. Au fond et principalement, il devait être dit que la décision du 17 mars 2023 était contraire au droit, annulée et, partant, sa réintégration dans sa fonction de comptable 2 au sein de l’OP ordonnée. Subsidiairement, en cas de refus de réintégration, elle a conclu au versement d’une indemnité correspondant à 24 mois de son dernier traitement brut comprenant le 13e salaire pro rata avec intérêts à 5% à compter du 17 mars 2023.

Elle est revenue sur le contenu de ses EEDP du 9 octobre 2002 au 14 mai 2012. Elle a ensuite rappelé le contexte, notoire, de la bascule informatique (OPUS) et son « cortège » de dysfonctionnements à tous les niveaux au sein de l’OP ayant eu pour conséquence un environnement de travail singulièrement « instable, chaotique et flottant ». Outre la pression maximale subie par les collaborateurs du fait de cet environnement, une gouvernance pratiquant la « politique de terreur » avait été instaurée. Il était ainsi fréquent de voir des collègues congédiés du jour au lendemain. Il en était résulté un stress ambiant constant. Les collaborateurs devaient travailler dans des conditions impossibles avec un nouvel outil informatique qui présentait notoirement des dysfonctionnements majeurs et systémiques. Le taux d’absence avait drastiquement crû, dans la très grande majorité des cas en raison de burn out. Elle n’avait, malgré son courage et sa détermination, pas eu la force de « résister à la règle ». La dégradation de son état de santé s’était manifestée graduellement.

B______ et I______, son nouveau responsable hiérarchique direct, avaient procédé à son EEDP du 2 novembre 2017, sur lequel elle est revenue longuement, de même que sur l’EEDP du 23 janvier 2020, effectué par B______, devenue dans l’intervalle sa responsable hiérarchique directe à la suite du départ de I______. Elle a notamment relevé sa réaction d’alors : « Que l’on veuille bien me reprocher certaines erreurs commises, certes, j’accepte. Mais de là à prétendre – que dis-je affirmer – que mes erreurs coûtent cher à l’État, je me sens méprisée, blessée. D’autant qu’il y a dégâts et dégâts. Coûts et coûts. Surtout lorsque l’on songe un seul instant à certaines affaires portées par le biais des médias locaux à la connaissance de l’opinion publique […] ».

La remise, le 15 avril 2019, de son nouveau cahier des charges attestait qu’elle remplissait les exigences requises pour l’occupation du poste. « Durant cette période », elle avait appris que son mari souffrait d’une maladie grave. La dimension la plus importante ayant mené à son burn out était le comportement d’B______ à son égard dès le mois d’août 2019. Elle a à cet égard fait référence à un épisode d’arrosage de plantes le vendredi 9 août 2019, lors duquel sa supérieure hiérarchique avait tenu un propos rabaissant, à une scène en mars 2020 où B______s’était adressée à l’ensemble de l’effectif présent, excepté elle-même, dans le but de la discriminer, à l’envoi en mai 2020 de messages électroniques d’une teneur « violente et dégradante », au point qu’un collaborateur de la direction des saisies avait dû la soutenir alors qu’elle était en larmes. Le 29 mai 2020, B______ lui avait fait le reproche par courrier d’avoir averti tardivement le service d’une absence, ce qui l’avait conduite à la rupture nerveuse.

Le 2 juin 2020, B______ et le RRH avaient mené un entretien avec elle « juste en amont de [s]on arrêt maladie ». Elle y avait évoqué ses problèmes de santé, de même que d’importantes tensions, une attitude dénigrante à son égard ; elle se sentait apeurée, à peine tolérée, elle agaçait tout le monde. Le RRH avait relevé que si tel était son sentiment, elle devait aller voir le groupe de confiance (ci‑après : GdC), ce qu’elle avait fait en janvier. Elle avait indiqué qu’elle souhaitait faire un stage ailleurs, apprendre autre chose, devenir une « nouvelle A______».

Le 2 juin 2020, soit le jour où elle était tombée sérieusement malade en raison des agissements de sa supérieure hiérarchique, alors qu’elle était en pleine crise d’angoisse, trois de ses collègues avaient dû faire appel à son mari pour lui venir en aide.

Son droit d’être entendue avait été violé car l’OP ne lui avait pas accordé de prolongation de délai pour présenter ses observations à la suite de la réception du procès-verbal de l’entretien du 24 janvier 2023.

Son cas de figure ne correspondait pas au motif fondé figurant à l’art. 22 let. b LPAC. L’autorité intimée s’était uniquement basée sur l’avis médical du SPE du 29 novembre 2019, pourtant en contradiction flagrante avec les avis des 20 janvier et 16 mars 2021 et les autres diagnostics médicaux. Le Dr E______ lui avait dit lors du second entretien qu’il allait donner son accord pour qu’elle soit réintégrée à l’OP mais dans un autre poste de travail, eu égard à son conflit avec sa supérieure hiérarchique. Il était censé rendre rapidement son rapport pour que tel puisse être le cas dès le 1er septembre 2021. Il avait toutefois attendu le 11 novembre 2021 pour la recontacter, certainement mis sous pression par le SPE, pour lui fixer un nouveau rendez-vous, le 12 novembre 2021. Il lui avait alors dit avoir perdu son dossier et avoir beaucoup de peine de ce fait à se rappeler de sa situation. Il lui avait demandé si elle était prête à reprendre sa place de travail au service de la comptabilité. Sous le choc de ce revirement, elle avait craqué nerveusement. Il était indispensable d’auditionner ce médecin.

Elle avait de plus accompli à la pleine et entière satisfaction les stages à l’OCPM en dernier lieu à un taux d’occupation de 80%. Il y avait de plus un lien de causalité direct entre l’atteinte à sa santé et le mode de gouvernance « de terreur » à l’OP, « dûment » appliqué par sa supérieure hiérarchique. Au départ de cette dernière, il n’y avait plus d’empêchement, même sur le plan de l’opportunité, à sa réintégration à son poste.

La procédure de reclassement était viciée faute pour le département, qui employait plus d’un millier de personnes dans des fonctions diverses, d’avoir investigué réellement les possibilités de postes à repourvoir et vu la teneur du certificat de travail intermédiaire qui n’était pas de nature à prioriser un éventuel choix en faveur de sa candidature.

S’agissant de sa conclusion subsidiaire, l’indemnité à lui verser devait tenir compte de sa carrière pendant 20 ans au sein de l’OP et de l’absence de reproche sérieux à son égard, à savoir formulé à l’occasion d’un entretien de service menant à une sanction.

b. Le département a conclu au rejet du recours en abordant chacun des griefs de la recourante.

Un entretien de service n’était pas nécessaire au sens de l’art. 44 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) dans la mesure où l’entretien du 24 janvier 2023 avait pour objet de constater, non pas des manquements, mais le fait que la procédure de reclassement n’avait pas abouti. Partant, le délai de trois semaines mis à disposition de la recourante pour présenter des observations était suffisant, d’autant plus que son conseil avait participé audit entretien.

Ce n’était qu’au stade de la clôture de la procédure de reclassement que la recourante avait mis en doute le bien-fondé en particulier du plus récent avis médical de la Dre C______ du 29 novembre 2021, qu’elle n’avait pourtant pas contesté.

Lors de ses EEDP de novembre 2017 et décembre 2019, la recourante avait notamment indiqué que le contact avec la hiérarchie était excellent. À supposer que son environnement de travail exerçât alors une pression trop importante sur sa santé, elle n’avait « pas respecté son devoir de fidélité », puisqu’elle l’avait qualifié de « parfait ». Il était de plus surprenant qu’elle allègue qu’un « environnement singulièrement instable, chaotique et flottant » règne encore maintenant tout en demandant à être réintégrée à sa place de travail. Il ressortait clairement des nombreux échanges de courriels avec B______, notamment dès la fin de l’année 2017, au sujet des erreurs de saisie de la recourante que leurs rapports étaient des plus courtois. En réalité, au 3 juin 2020, lorsque A______ avait cessé ses activités à l’OP, elle ne maîtrisait pas encore OPUS, alors que cela faisait plus de quatre ans qu’il avait été mis en production et qu’elle avait bénéficié de la même formation que ses collègues. Malgré les nombreuses réclamations de ces derniers et des administrés, elle n’avait pas été en mesure de se remettre en question ni de combler ses lacunes.

A______ avait bénéficié d’une procédure de reclassement, par la CRT et le RRH, qui ne prêtait pas le flanc à la critique. Elle savait dès l’entretien de non-retour au poste que la CRT ne garantissait en aucun cas qu’elle allait trouver un stage, ni que ce dernier serait transformé en un poste permanent. Elle était de mauvaise foi en ne se plaignant qu’au stade du recours de la mesure de réinsertion, alors qu’elle avait indiqué, le 26 janvier 2022, qu’elle se passait bien. Elle l’était également en soutenant qu’il n’y avait pas eu d’investigation suffisante afin de lui trouver un poste pérenne, étant relevé qu’elle n’avait aucun droit à être automatiquement affectée à un poste vacant. Elle n’avait pas demandé une modification du certificat de travail intermédiaire établi le 15 février 2022.

c. Dans sa réplique du 16 août 2023, A______ est longuement revenue sur les difficultés rencontrées par le personnel avec la mise en œuvre d’OPUS et les problèmes et erreurs ayant pu en découler. Les captures d’écran de divers logiciels, produites par l’autorité intimée en annexe à sa réponse au recours, étaient systématiquement coupées en deux, ce qui rendait leur lecture impossible, de sorte qu’elles devaient être écartées du dossier ou une version complète exigée.

Dans la mesure où la résiliation des rapports de service tenait à des raisons de santé, il ne saurait être question de revenir sur de prétendus manquements dans son activité, alors même qu’ils n’avaient jamais fait l’objet d’un entretien de service. Ce procédé « fris[ait] l’illicéité » et violait son droit d’être entendue.

La procédure de reclassement avait été un pur exercice de style pour ne pas dire une parodie, ce qui était confirmé par le refus de l’autorité intimée de lui offrir une chance de retour au poste alors que sa supérieure hiérarchique, cause de l’atteinte à sa santé, ce que démontreraient les auditions de témoins, avait présenté sa démission.

d. Lors d’une audience devant la juge déléguée le 6 novembre 2023 :

d.a A______ a indiqué qu’elle avait bénéficié pendant environ deux mois d'un premier stage de l'AI depuis le mois de février 2023, dans une agence de voyage. On lui avait confié des tâches qui étaient en-deçà de ses compétences. Elle avait donc demandé à J______, qui travaillait avec l'AI, de lui trouver un autre stage. Elle avait ainsi été placée en mars ou avril 2023 chez K______, une société vendant du matériel médical où elle passait trois à quatre écritures comptables par matin et n’avait rien à faire les après-midi. Elle avait spontanément fait un tableau Excel de réconciliation des comptes et le patron l'en avait remerciée. J______ l’avait ensuite envoyée dans une policlinique au Cours de F______ mais il n’y avait eu aucune suite vu son inexpérience dans le domaine médical. Elle était retournée chez K______ « le lundi », sauf erreur en juin 2023, bien que son référent chez J______ lui ait dit qu’elle n’en avait pas besoin. Elle préférait rester active. Du 5 au 14 août 2023, elle avait été envoyée chez L______, une société active en pharmacologie, à M______. On lui avait demandé de travailler uniquement en anglais, dans un domaine qu’elle ne connaissait pas et avec uniquement un ordinateur portable, obsolète. Le 14 août 2023, son patron lui avait demandé d’accomplir nombre de tâches urgentes qu’elle n’était pas en mesure d'effectuer, en particulier avec le matériel informatique à disposition. Elle lui avait dit que le but n'était pas d'entrer en dépression une deuxième fois mais d'effectuer un stage dans le domaine qu’elle maîtrisait, que sa pression était trop élevée et qu’elle devait aller consulter. Son référent chez J______ l’avait reçue, le 5 septembre 2023, et lui avait dit qu'il contacterait une fiduciaire derrière la gare, mais elle avait attendu en vain un appel de la part de celle-ci. Elle travaillait depuis environ trois semaines dans une fiduciaire à N______ et cela se passait bien. Elle avait pour tâche la création de dossiers de sociétés et la vérification, par comparaison, des données sur les comptes bancaires des clients avec les factures qu’elle recevait « en vrac ».

On lui avait suggéré de prendre, dès le 13 novembre 2023, des cours de mise à niveau d'assistante comptable donnés par une structure travaillant avec J______.

Elle avait vu le Dr E______ les 25 mai et 9 août 2021 et en urgence le 12 novembre 2021. Elle n’avait vu aucun autre médecin que ses médecins traitants, le Dr E______, la Dre C______ du SPE, ainsi qu’une infirmière du SPE.

Elle avait reçu de la CPEG uniquement un courrier en lien avec le transfert de son libre-passage. Elle s’était entretenue par téléphone avec une personne à laquelle elle avait dit avoir pour intention de continuer à travailler.

Elle recevait une indemnité de l'OCAS correspondant au 80% de son dernier salaire a priori jusqu'au 30 mars 2024.

d.b Selon le représentant du département, le Dr E______ était le médecin externe que le SPE avait mandaté.

e. Le 10 novembre 2023, A______ a transmis à la chambre administrative trois certificats médicaux faisant état d’une capacité de travail de 80% du 3 octobre au 31 décembre 2022 inclusivement, deux décisions de l’OCAS du 12 septembre 2023 prolongeant la mesure de reclassement professionnel, en l’occurrence un stage dans le domaine administratif, du 1er septembre 2023 au 1er puis au 31 mars 2024.

f. Dans des observations après audience :

f.a Le département a notamment relevé que la résiliation des rapports de service était intervenue pour inaptitude à remplir les exigences du poste, puisque l’incapacité de travail de A______ n’était pas durable. En effet, celle-ci avait repris dès le 22 novembre 2021 une activité en réinsertion financée par l’AI. Le 12 janvier 2023, l’OCAS avait notamment indiqué que son mandat prendrait fin dès lors qu’une pleine capacité de travail serait confirmée. Dans le cas d’un non‑engagement, la recourante devrait s’adresser à l’office cantonal de l’emploi.

Dès le 1er janvier 2023, A______ n’avait plus présenté de certificat médical, de sorte que sa capacité de travail était pleine et entière. Dès février 2023, elle avait fait plusieurs stages de réadaptation AI. Elle travaillait désormais dans une fiduciaire. Partant, l’art. 26 LPAC ne s’appliquait pas et c’était à juste titre qu’il n’avait pas contacté le médecin-conseil de la CPEG.

f.b A______, se référant à l’arrêt ATA/348/2019 du 2 avril 2019 a fait valoir que l’art. 26 al. 3 LPAC consacrait une règle spécifique devant être respectée en cas de licenciement d’un fonctionnaire lié à son état de santé et ce quel que soit le fondement légal de la procédure de licenciement choisie par l’employeur public. Cette procédure n’avait nullement été respectée en l’espèce. Il ressortait de plus des certificats médicaux produits et des divers stages effectués que sa capacité de travail avait été et était toujours pleine et entière.

g. Les parties ont été informées, le 28 novembre 2023, que la cause était gardée à juger.

h. Leurs arguments et la teneur des pièces versées à la procédure seront pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de résiliation des rapports de service de la recourante pour motif fondé du 17 mars 2023 pour le 30 juin 2023.

Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; art. 61 al. 1 LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

3.             La recourante a conclu à sa comparution personnelle, à l’ouverture d’enquêtes comprenant l’audition de témoins, dont elle n’a pas précisé l’identité, à l’exception de celle des divers médecins ayant eu à connaître sa situation, et à une expertise médicale de sa personne.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, le dossier personnel de la recourante a été produit par les intimés. Les parties ont eu l’occasion de se déterminer par écrit à plusieurs reprises devant la chambre de céans et de produire toutes pièces complémentaires utiles à l’appui de leurs allégués.

La recourante a été entendue devant la chambre de céans. L’audition de témoins n’est pas nécessaire sur des faits dont elle dit qu’ils étaient notoires à l’OP, à savoir un dysfonctionnement à la suite de l’introduction de l’outil informatique OPUS ayant conduit à un important absentéisme. Comme il sera vu, la question d’une prétendue gouvernance pratiquant la « politique de terreur » n’a pas à être instruite davantage, pas plus que celle des manquements reprochés à la recourante dans l’exercice de sa fonction. Sur ce dernier point il n’y a donc pas de raison d’écarter de la procédure des captures d’écran « coupées en deux » ou d’en demander une version complète à l’autorité intimée.

Il n’est pas besoin d’une expertise médicale de la recourante, les pièces figurant à la procédure sur cet aspect s’avérant suffisantes pour trancher le litige, comme il sera vu ci-après.

Aussi, par appréciation anticipée des preuves, il ne sera pas donné de suite favorable aux demandes d’actes d’enquête formulées par la recourante.

4.             Dans un premier grief, la recourante se plaint de l’absence d’un entretien de service, tel que requis par l’art. 44 RPAC.

4.1 En tant que membre du personnel de l’OP, la recourante est soumise à la LPAC, au RPAC, à la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), ainsi qu'au règlement d'application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait – B 5 15.01).

4.2 Au chapitre IV « entretien de service – résiliation » et sous la note marginale « entretien de service » l’art. 44 RPAC prévoit les modalités de l’entretien de service entre le membre du personnel et son supérieur hiérarchique ayant pour objet les manquements aux devoirs du personnel, dont, après qu’il a eu lieu, la transmission par écrit par le supérieur hiérarchique au membre du personnel des faits qui lui sont reprochés en lui impartissant un délai de 30 jours pour faire ses observations (al. 7).

La précision de l’art. 44 al. 1 RPAC qu’un entretien de service a pour objet les manquements aux devoirs du personnel restreint le champ d’application de l’obligation pour l’employeur de procéder selon l’art. 44 RPAC et ne vise, au regard du texte clair de cette disposition réglementaire, que les manquements aux devoirs du personnel tels notamment énoncés aux art. 20 ss RPAC. Un entretien de service au sens de l’art. 44 RPAC n’est ainsi pas nécessaire avant la résiliation des rapports de service si aucun manquement aux devoirs du personnel n’est reproché au collaborateur concerné (ATA/993/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4f ; ATA/876/2016 du 18 octobre 2016 consid. 6b).

4.3 En l’espèce, la résiliation des rapports de service litigieuse n’est pas intervenue pour des manquements aux devoirs du personnel, mais en raison d’une inaptitude à remplir les exigences du poste. Partant, un entretien de service ne s’imposait pas.

Le droit d’être entendue de la recourante a été respecté par l’entretien de clôture de la procédure de reclassement du 24 janvier 2023, auquel, outre elle-même, étaient présents son conseil, le RRH et une assistante des RH. Il lui a alors été dit que dans la mesure où ladite procédure n’avait pas abouti, l’employeur envisageait une résiliation des rapports de service. Elle a ensuite disposé d’un délai de trois semaines pour présenter des observations écrites.

Ce grief sera écarté.

5.             L’autorité intimée a résilié les rapports de service pour motif fondé sur la base de l’art. 22 let. b LPAC, à savoir inaptitude à remplir les exigences du poste.

5.1 À teneur de l’art. 5 RPAC, le membre du personnel doit jouir d’un état de santé lui permettant de remplir les devoirs de sa fonction (al. 1). Il peut en tout temps être soumis à un examen médical pratiqué sous la responsabilité du SPE (al. 2).

5.2 Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATA/1219/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4g ; ATA/1168/2022 du 22 novembre 2022 consid. 6e).

5.3 Préalablement à la décision de résiliation, l'autorité compétente est tenue de proposer au fonctionnaire qu'elle entend licencier des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé (art. 21 al. 3 LPAC).

5.3.1 L’art. 46A RPAC traite du reclassement. Selon celui-ci, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). L’intéressé bénéficie d’un délai de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement (al. 4). En cas de reclassement, un délai n'excédant pas six mois est fixé pour permettre à l'intéressé d'assumer sa nouvelle fonction (al. 5). En cas de refus, d’échec ou d'absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6). Le service des RH du département, agissant d’entente avec l’office du personnel de l’État, est l’organe responsable (al. 7).

5.3.2 Selon la jurisprudence, l’autorité administrative est dispensée de l’obligation d’ouvrir une procédure de reclassement préalable à un licenciement si le médecin‑conseil constate que le fonctionnaire n’est pas médicalement apte à reprendre un emploi quelconque au sein de l’État de Genève à court et moyen terme, même si le fonctionnaire concerné est prêt à collaborer à la mise en place de cette mesure alors que le délai de protection de la résiliation des rapports de service pour temps inopportun est échu (ATA/1299/2015 du 8 décembre 2015 consid. 9c ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015 ; ATA/783/2014 du 7 octobre 2014).

5.3.3 L’État a l’obligation préalable d’aider l’employé et de tenter un reclassement, avant de prononcer la résiliation des rapports de service : il s’agit tout d’abord de proposer des mesures dont l’objectif est d’aider l’intéressé à retrouver ou maintenir son « employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau. Avant qu’une résiliation ne puisse intervenir, différentes mesures peuvent être envisagées et prendre de multiples formes, comme le certificat de travail intermédiaire, un bilan de compétences, un stage d’évaluation, des conseils en orientation, des mesures de formation et d’évolution professionnelles, un accompagnement personnalisé, voire un « outplacement » (ATA/78/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4a).

5.3.4 Il n’existe pas d’obligation pour l’État d’appliquer dans chaque cas l’intégralité des mesures possibles et imaginables, l’autorité disposant d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer et choisir les mesures qui lui semblaient les plus appropriées afin d’atteindre l’objectif de reclassement. L’intéressé peut faire des suggestions mais n’a pas de droit quant au choix des mesures entreprises (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 6.2 et l’arrêt cité).

5.3.5 Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 précité consid. 6.2 ; ATA/506/2022 précité consid. 9b). La loi n’impose toutefois pas à l’État une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/506/2022 précité consid. 9b). L’employeur est tenu d’épuiser les possibilités appropriées et raisonnables pour réincorporer l’employé dans le processus de travail et non de lui retrouver coûte que coûte une place de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 précité consid. 6.2).

5.4 La LPAC prévoit que les rapports de service peuvent être résiliés pour motif fondé (art. 21 al. 3 LPAC). Il y a motif fondé, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (art. 22 let. a LPAC), de l'inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 let. b LPAC) ou de la disparition durable d'un motif d'engagement (art. 22 let. c LPAC).

L'élargissement des motifs de résiliation des rapports de service, lors de la modification de la LPAC, en vigueur depuis le 31 mai 2007, n'implique plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (ATA/838/2019 du 30 avril 2019 consid. 3b ; ATA/783/2016 du 20 septembre 2016 consid. 5b). L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1190/2019 du 30 juillet 2019 consid. 5b ; ATA/240/2019 du 12 mars 2019 consid. 5b et les références citées ; MGC 2005-2006/XI A 10420).

5.5 Aux termes de l’art. 26 LPAC, le Conseil d’État peut mettre fin aux rapports de service lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure, pour des raisons de santé ou d'invalidité, de remplir les devoirs de sa fonction (al. 1). Il ne peut être mis fin aux rapports de service que s'il s'est avéré impossible de reclasser l'intéressé dans l'administration, au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire ou dans l'établissement (al. 2). L'incapacité de remplir les devoirs de service, à moins qu'elle ne soit reconnue d'un commun accord par le Conseil d’État, la caisse de prévoyance et l'intéressé, doit être constatée à la suite d'un examen médical approfondi pratiqué par le médecin-conseil de l'établissement en collaboration avec le médecin de la caisse de prévoyance et le ou les médecins traitants (al. 3).

5.6 Dans un arrêt de principe ATA/348/2019 du 2 avril 2019, la chambre administrative a eu à se pencher sur l'articulation entre les art. 22 et 26 al. 3 LPAC. Elle a retenu en particulier qu'en raison de la systématique du chapitre II de la LPAC consacré à la fin des rapports de service, du caractère particulier et ancien de la règle contenue à l'art. 26 al. 3 LPAC, et du fait que la ratio legis de l'art. 26 LPAC visait à assurer un lien entre la perte du salaire due à une atteinte à la santé du fonctionnaire et les prestations de la caisse de pension, la règle spécifique de l'art. 26 al. 3 LPAC devait être respectée en cas de licenciement d'un fonctionnaire lié à son état de santé, et ce quel que soit le fondement légal de la procédure de licenciement choisie par l'employeur public. Ainsi, à moins d'un accord au sens de l'art. 26 al. 3 in fine LPAC, l'incapacité durable de travailler du fonctionnaire, dont la résiliation des rapports de service pour ce motif est envisagée, doit résulter d'un examen médical approfondi pratiqué par le médecin-conseil de l'autorité publique concernée en collaboration avec le médecin-conseil de la caisse de prévoyance et le ou les médecins traitants, et ce déjà au stade de la procédure envisageant le licenciement. Une telle approche, conforme à la ratio legis de l'art. 26 LPAC, permet d'assurer, le plus tôt possible, un traitement global, cohérent et juste de la situation médicale du fonctionnaire concerné dont les droits, que ce soit à l'égard de l'employeur ou de la caisse de prévoyance, sont ainsi, sous réserve d'une évolution de son état de santé, préservés. Dès lors, le médecin-conseil de la caisse de prévoyance doit, en sus des médecins traitants, être contacté par le médecin‑conseil de l'autorité publique envisageant la résiliation des rapports de service d'un fonctionnaire pour des raisons de santé.

En l’occurrence, la chambre de céans avait annulé un licenciement fondé sur une incapacité durable de travailler due à l’état de santé. Elle a, dans un premier temps, retenu l’existence d’un motif fondé, soit la disparition durable d’un motif d’engagement (art. 22 LPAC let. c). Les parties divergeaient sur la question de savoir si la recourante disposait d’une capacité résiduelle de travail. La fonctionnaire considérait, contrairement à l’autorité intimée, que tel était le cas, en s’appuyant sur les certificats médicaux de son médecin traitant ainsi que sur une décision de l’AI, qu’elle avait toutefois contestée et qui se fondait sur le rapport d’expertise d’un spécialiste en orthopédie. La chambre de céans a toutefois retenu que l’incapacité complète et durable de travailler était établie par les préavis constants du médecin conseil de l’État. La divergence entre la position du médecin-conseil de l’autorité étatique et celle du médecin traitant de l’intéressée reposait davantage sur le souhait de la recourante de recommencer à travailler en raison de la précarité de sa situation financière que sur des raisons d’ordre médical. Le médecin conseil de l’État prenait par ailleurs en compte l’ensemble de la situation, soit les avis du médecin traitant mais aussi les conditions de travail. L’expertise AI se limitait à l’angle orthopédique. La disparition durable d’un motif d’engagement était réalisée. Vu la position du médecin conseil de l’État, l’employeur n’était pas tenu de procéder à un reclassement (consid. 4g in fine ; ATA/838/2019 du 30 avril 2019 consid. 4 in fine). La question de principe portait sur les suites, notamment l’application de l’art. 26 LPAC relatif à l’invalidité.

5.7 Dans l’ATA/212/2023 du 7 mars 2023, la chambre de céans a dû dans un premier temps déterminer si c’était à bon droit que l’autorité intimée avait licencié la recourante pour inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 let. b LPAC), celle-ci estimant que seule la disparition durable d’un motif d’engagement pouvait être invoquée (art. 22 let. c LPAC). Elle était en incapacité totale de travail depuis le 14 novembre 2019, attestée par son médecin traitant et n’avait depuis lors jamais repris son activité. Elle était au bénéfice de prestations provisoires d’invalidité versées par la CPEG depuis le mois de juillet 2021 et une demande était en cours auprès de l’AI.

Le médecin-conseil de l’État avait émis trois avis médicaux selon lesquels l’intéressée ne pouvait pas reprendre son activité à pleine capacité dans son poste actuel, ni à court ni à moyen terme. Une restauration de la capacité de travail à moyen terme demeurait envisageable. Cette reprise devait être initialement partielle (30%) et très progressive. La conduite de nouvelles tâches nécessiterait un accompagnement spécifique. Une reprise dans un autre environnement professionnel était fortement recommandée.

Dans des observations déposées dans le cadre du recours, la fonctionnaire avait revendiqué une capacité de travail à moyen terme et contestait être en incapacité durable de travailler. En mars 2022, elle avait exigé d’être maintenue en poste jusqu’à ce que l’AI rende sa décision. Elle affirmait être en mesure d’être reclassée en cas de refus de sa demande AI. Elle n’avait toutefois pas précisé les motifs qui lui permettaient d’envisager une amélioration de son état de santé par rapport au certificat médical de son médecin traitant du 8 avril 2022 évoquant son incapacité, en l’état, de collaborer à la procédure de reclassement et laquelle devait faire l’objet d’une coordination avec l’office AI. Enfin, l’intéressée avait, par courrier du 13 juin 2022, indiqué qu’elle était convoquée par l’AI à une expertise le 21 juin, « laquelle permettrait de déterminer clairement [s]es possibilités de reprise du travail ».

Dans ces conditions, la chambre de céans a constaté que tant le médecin-conseil de l’État, la recourante que son médecin traitant – qui n’excluait pas qu’une procédure de reclassement puisse ultérieurement se dérouler – considéraient que l’absence de la recourante pour cause de maladie n’était pas forcément durable. C’était dès lors à bon droit que l’autorité intimée n’avait pas fait application du motif fondé de l’art. 22 al. 3 let. c de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 (LOPP ‑ F 1 50) équivalent à l’art. 22 let. c LPAC.

Le cas d’espèce portant sur une inaptitude à remplir les exigences du poste, c’était en conséquence à bon droit que l’autorité intimée avait procédé à un reclassement au sens de l’art. 46A RPAC, en application de l’art. 21 al. 3 LPAC, principalement au vu de l’avis du médecin conseil de l’État et malgré l’avis du médecin traitant.

Autre était la question de savoir si l’intéressée remplissait les conditions d’un motif fondé de licenciement pour inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 al. 3 let. b LOPP équivalent à l’art. 22 let. b LPAC).

L’autorité intimée faisait référence aux absences fréquentes et régulières de l’intéressée depuis 2011 et de façon ininterrompue depuis le 14 novembre 2019. Durant les trois dernières années, elle n’avait pas été en mesure de travailler pour cause de maladie durant plus de 730 jours, si bien que ses absences ne lui permettaient pas de remplir les exigences du poste. L’office cantonal AI n’était pas en mesure de statuer sur sa demande avant de nombreux mois.

La chambre de céans a considéré que les éléments retenus par l’autorité intimée étaient établis et pertinents et qu’elle n’avait en conséquence pas abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant la réalisation du motif fondé pour inaptitude à remplir les exigences du poste.

5.8 Selon l'art. 54 al. 3 RPAC, lorsqu'une absence a dépassé 45 jours ininterrompus pour des raisons médicales, la hiérarchie signale le cas au médecin-conseil de l'État. Ce dernier peut prendre contact avec le médecin traitant du membre du personnel et décide de toutes mesures pour respecter tant la mission du médecin traitant que l'intérêt de l'État. Le médecin-conseil de l'État établit une attestation d'aptitude, d'aptitude sous conditions ou d'inaptitude à occuper la fonction. Il précise les contre-indications qui justifient son attestation.

Le rôle du médecin-conseil consiste à aborder la question de l’aptitude au travail sous un angle plus large qu’un médecin psychiatre par exemple, puisque son examen peut porter sur tous les aspects médicaux en lien avec le cas qui lui est soumis (ATA/1327/2018 du 11 décembre 2018), en connaissance des besoins et risques concrets afférents aux fonctions concernées, et que les différents paramètres qu’il prend en considération ne sont pas nécessairement de nature à changer au cours du temps (ATA/876/2016 du 18 octobre 2016 consid. 7c).

5.9 Le service de santé du personnel de l'État (ci-après : SPE) est le service spécialisé en matière de sécurité au travail, de prévention et de promotion de la santé (art. 3 al. 1 du Règlement concernant la protection de la santé et la sécurité du travail au sein de l’administration cantonale du 28 juillet 1999 [RPST - B 4 30.08]). À teneur du document « Mission et principes de fonctionnement du Service de Santé du personnel de l'État » de novembre 2014 et de son annexe, l'employeur est tenu de prendre – avec l’aide de spécialistes – toutes les mesures nécessaires pour protéger la vie et la santé du personnel. Il doit veiller en particulier à ce que tous les travailleurs soient informés et instruits de manière suffisante et adéquate des risques auxquels ils sont exposés dans l’exercice de leur activité, mais aussi des mesures à prendre pour les prévenir. Les missions du SSP visent à soutenir l'employeur dans l'accomplissement de ses obligations. Son rôle est essentiellement préventif et son activité est centrée sur l'interaction santé travail. Il n'assure pas de suivi thérapeutique ni de soutien psycho-social (hors urgence). Il a le devoir d'informer l'institution de toute situation préjudiciable aux personnes et à l'image de l'État. Dans le cadre de ses activités, le SSP peut solliciter les médecins traitants, les médecins conseil ou des experts pour des avis.

5.10 Selon l’art. 8 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20), les assurés invalides ou menacés d’une invalidité (art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d’accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d’octroi des différentes mesures soient remplies (let. b). Elles comprennent les mesures d’ordre professionnel, dont notamment le reclassement (art. 8 al. 3 let. b LAI).

L’assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée (art. 17 al. 1 LAI).

5.10.1 Sont considérées comme un reclassement les mesures de formation destinées à des assurés qui en ont besoin, en raison de leur invalidité, après achèvement d’une formation professionnelle initiale ou après le début de l’exercice d’une activité lucrative sans formation préalable, pour maintenir ou pour améliorer leur capacité de gain (art. 6 al. 1 du règlement du 17 janvier 1961 sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 - RAI - RS 831.201).

5.10.2 L’employeur collabore activement avec l’office AI. Il contribue à la mise en œuvre d’une solution appropriée s’inscrivant dans les limites du raisonnable (art. 7c LAI).

L'art. 7c LAI ne comporte aucune obligation pour l'employeur. On lui demande en quelque sorte « moralement » de contribuer à la mise en œuvre d'une solution appropriée s'inscrivant dans les limites du raisonnable. (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 2 à 4 ad art. 7c LAI, p. 92 s.).

6.             6.1 En l’espèce, les parties s’opposent sur le fondement de la résiliation des rapports de service avec effet au 30 juin 2023.

La décision a été prise par la conseillère d’État le 17 mars 2023, avec la référence expresse à l’art. 22 let. b LPAC. Elle retient une « inapt[itud]e [de la recourante] à remplir les exigences du poste, pour des raisons de santé » (p. 1 de la décision attaquée).

La question à trancher est celle de savoir si c’est à raison que l’autorité intimée a considéré que la recourante était inapte à remplir les exigences du poste et si elle devait faire ou non application de l’art. 26 LPAC.

6.2 La recourante s’est trouvée en arrêt maladie pendant à tout le moins 39 jours en 2019 puis, en 2020, à 100% du 2 au 14 janvier, puis à 50% du 15 janvier au 2 juin 2020. Dès le 3 juin 2020, elle n’a plus repris ses activités à l’OP.

Elle a, du 22 novembre 2021 au 13 février 2022, bénéficié d’une mesure de réinsertion financée par l’AI sous la forme d’un « entraînement à l’endurance ».

Le 26 janvier 2022 s’est tenu un entretien de non-retour au poste de travail, auquel un représentant de l’OCAS notamment a participé. La recourante a été informée par sa hiérarchie qu’une procédure de résiliation des rapports de service était ouverte et que la procédure de reclassement était confiée à la CRT.

Dans le cadre de la procédure de reclassement confiée à la CRT, elle a effectué deux stages d’évaluation à l’OCPM, du 13 juin au 30 septembre 2022, et dès le 1er octobre 2022, à un taux d’activité de 50% à 80%. Il a dû être mis fin au second stage le 10 novembre 2022, alors qu’il était prévu jusqu’au 31 décembre 2022, faute de poste vacant. La CRT a donc renvoyé le dossier de la recourante au RRH, conformément à ce qui était indiqué dans l’annexe 1 jointe au compte rendu de l’entretien du 26 janvier 2022, étant rappelé qu’il y était aussi précisé que la CRT ne garantissait en aucun cas qu’elle allait trouver un stage ni que ce dernier pourrait se transformer en un poste permanent.

L’autorité intimée considère que le processus conduit par la CRT a valu reclassement et qu’après le second stage s’étant terminé prématurément à l’OCPM, le RRH a, « à bien plaire », cherché activement un reclassement pour la recourante au sein de l’administration cantonale, en vain. Elle peut être suivie quant aux démarches entreprises, la question de savoir si elle l’a fait « à bien plaire » ou conformément aux art. 21 al. 3 LPAC et 46A RPAC pouvant rester indécise. Comme déjà dit, l’autorité intimée a confié le reclassement à la CRT à compter de la fin du mois de janvier 2022 et le RRH a repris le dossier à compter du 1er décembre 2022, jusqu’au 13 janvier 2023. Ce dernier a alors entrepris des démarches actives pour trouver un poste pour la recourante. Il a, le 1er décembre 2022, sollicité l’aide des directions RH d’autres départements pour trouver un poste vacant, mais a essuyé des réponses négatives. Le 8 décembre 2022, il a signalé à l’intéressée deux postes de secrétaire, puis le 15 décembre 2022 un poste de comptable, pour lesquels il a soutenu sa candidature. Le 19 décembre 2022, la recourante a fait acte de candidature à des postes de taxatrice 1, commise administrative 5 et comptable 1 au département, puis le 21 décembre 2022 de gestionnaire de paies et assurance au département, d’enquêtrice-superviseuse au département de la sécurité, de la population et de la santé et d’assistante RH au département de l’instruction publique. Le RRH a également soutenu ces candidatures, mais en vain. Il sera toutefois rappelé que l’employeur n’a pas d’obligation de résultat.

La procédure de reclassement a été close par l’entretien du 24 janvier 2023. La recourante ne peut ainsi pas prétendre que l’intimé n’a pas entrepris tout ce qui était raisonnablement exigible de sa part, pendant près d’une année, pour parvenir à son reclassement au sens de la LPAC, seul pertinent.

6.3 Quant au motif de résiliation, la recourante a été vue par la médecin du travail (SPE) trois fois, à savoir les 15 janvier, 8 mars et 21 novembre 2021. Il ressort du rapport de cette dernière du 20 janvier 2021, établi en outre sur la base des avis des médecins de la recourante de novembre 2020, qu’un délai de l’ordre de quelques mois était nécessaire pour une aptitude à la fonction. Selon son rapport du 16 mars 2021, établi sur la base de deux consultations et des mêmes rapports des médecins de l’intéressée de novembre 2020, un même délai était à prévoir pour le retour au travail, qui ne pouvait en l’état pas être « construit » vu l’état de santé de l’intéressée. Selon le troisième avis de cette même médecin du SPE, du 29 novembre 2021, établi à la suite d’une consultation supplémentaire et sur la base de l’expertise du 21 novembre 2021 du Dr E______, médecin conseil psychiatre extérieur à l’État, qu’il n’y avait aucune perspective de reprise à son poste de travail et plus largement au sein de l’OP. En revanche, le pronostic d’une capacité de travail dans une autre activité était favorable moyennant une reprise graduelle. La capacité de travail et les éventuelles autres limitations fonctionnelles devaient être évaluées au terme du stage organisé par l’AI.

La recourante a produit des certificats médicaux faisant état d’une capacité de travail de 80% du 3 octobre au 31 décembre 2022 inclusivement et n’a depuis cette dernière date plus fait état ni a fortiori démontré d’incapacité de travail. Dès le 2 janvier 2023, elle a été accompagnée par l’OCAS dans la recherche d’un stage d’une durée de trois à six mois, avec pour objectif un engagement, à défaut de quoi elle pourrait solliciter des indemnités chômage. Selon ses dires devant la chambre de céans, elle a bénéficié pendant environ deux mois d'un premier stage de l'AI depuis le mois de février 2023, dans une agence de voyage, dès mars ou avril 2023, dans une société vendant du matériel médical, du 5 au 14 août 2023, dans une société active en pharmacologie et depuis une date indéterminée en octobre 2023 dans une fiduciaire à N______ où cela se passait bien. Ainsi, lorsque l’autorité intimée a résilié les rapports de service le 17 mars 2023, la recourante était apte à travailler à 80% dans un autre poste que le sien.

L’absence de la recourante pour cause de maladie n’était donc pas durable, toutefois dans un autre poste que celui qu’elle occupait à l’OP. À cet égard, la recourante a demandé au RRH de pouvoir réintégrer son poste le 30 décembre 2022 car sa supérieure hiérarchique allait quitter sa fonction. Cette demande a été refusée vu l’avis médical du SPE du 29 novembre 2021 précité et le compte rendu de l’entretien du 26 janvier 2022.

Ce cas de figure est similaire à celui tranché dans l’ATA/212/2023 précité. C’est donc à bon droit que l’autorité a fait usage du motif de résiliation de l’art. 22 let. b LPAC, de sorte que l’art. 26 LPAC ne s’applique pas à la situation de la recourante.

Au vu de ce qui précède, l’état de santé de la recourante a été évalué de manière conforme à ce qui est attendu d'une autorité, laquelle a par ailleurs valablement suivi la procédure de reclassement avant de se voir contrainte de résilier des rapports de service pour inaptitude à remplir les exigences du poste.

6.4 Enfin, la recourante soutient que ses ennuis de santé et partant ses absences pour cause de maladie à compter de l’année 2019 seraient dus aux graves dysfonctionnements causés par l’introduction de l’outil informatique OPUS ayant conduit à un important absentéisme, une gouvernance pratiquant la « politique de terreur » et une mésentente avec sa supérieure hiérarchique directe. Si les difficultés rencontrées par le personnel de l’OP concerné par la réforme de l’outil informatique dont ils ont l’usage quotidien ne peuvent être niées, elles ne sauraient expliquer à elles seules les absences pour cause de maladie de la recourante depuis 2019. Comme relevé par l’autorité intimée, sans être remis en cause par la recourante, la teneur des courriels échangés avec sa supérieure, notamment dès la fin de l’année 2017 au sujet des erreurs de saisie de la première, ne laisse nullement entendre un manque de savoir-être de cette dernière. De plus, dans le cadre de son EEDP de décembre 2019, la recourante avait relevé la clarté de la mission et des objectifs. Elle avait qualifié d’excellents la répartition de la charge de travail, le climat de travail et le contact avec sa hiérarchie. Ce n’est qu’ensuite, dans des observations écrites, qu’elle a affirmé qu’elle se sentait méprisée, référence étant faite aux erreurs régulières qui avaient été reprochées lors de cet EEDP.

Enfin, lors de l’entretien le 2 juin 2020, pour mémoire le dernier jour de présence à l’OP, avec sa supérieure hiérarchique et le RRH où elle dit avoir évoqué ses problèmes de santé, de même que d’importantes tensions et une attitude dénigrante à son égard, se sentant « apeurée, à peine tolérée, elle agaçait tout le monde », le RRH avait relevé que si tel était son sentiment, elle devait aller voir le GdC. Elle avait dit l’avoir fait en janvier 2020, sans toutefois soutenir ni a fortiori démontrer dans la présente procédure qu’une suite aurait été donnée à sa démarche.

6.5 Dans ces conditions, la décision de résiliation des rapports de service du 17 mars 2023 est conforme au droit.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.-, tenant compte de la tenue d’une audience, sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

8.             Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 mai 2023 par A______ contre la décision du département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures du 17 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alireza MOGHADDAM, avocat de la recourante, ainsi qu'au département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :