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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3129/2022

ATA/212/2023 du 07.03.2023 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3129/2022-FPUBL ATA/212/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mars 2023

 

dans la cause

 

Madame A______ recourante
représentée par Me Emilie Conti Morel, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ intimé

 



EN FAIT

A. a. Madame A______, née le ______ 1978, a été engagée, à partir du 1er mars 2006, comme surveillante de maison d’arrêts et de fin de peine et affectée à la maison d’arrêt de Riant-Parc. Elle a été nommée fonctionnaire le
1er mars 2008. Elle a été affectée, en 2012, à l’établissement de la Brenaz (ci-après : la Brenaz) en qualité d’agente de détention.

Le 1er mars 2018, elle a été promue gardienne principale adjointe à la Brenaz à 100 %. Son traitement mensuel s’élevait à CHF 7'602.-.

b. Dès 2011, Mme A______ a rencontré des problèmes médicaux, impliquant des absences et des reprises progressives, et a été suivie par le service de santé du personnel de l’État (ci-après : SPE).

Elle a été en incapacité totale de travailler depuis le 19 novembre 2019, ce dont son médecin traitant a régulièrement attesté.

Le médecin-conseil du SPE (ci-après : médecin conseil de l’État ou du SPE), la docteure B______ a, par avis des 31 août 2020, 26 février et 1er juillet 2021, considéré qu’une reprise progressive était possible. Dans son dernier avis, elle a indiqué qu’un retour au travail lent et progressif était envisageable. Toutefois, une reprise dans un autre environnement professionnel était fortement recommandée. La collaboration avec le médecin-conseil de la caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci-après : CPEG) avait été initiée le 22 janvier 2021.

c. Mme A______ a déposé une demande de prestations provisoires d’invalidité auprès de la CPEG le 7 décembre 2020. Son droit au traitement ayant pris fin le 11 juillet 2021, elle perçoit, depuis le 12 juillet 2021 lesdites prestations à hauteur de CHF 3'625,-/mois.

d. Un entretien de service s’est déroulé le 17 novembre 2021. Son employeur envisageait de la licencier pour inaptitude. Elle n’était plus en mesure, pour raisons de santé, d’occuper sa fonction, à court et moyen terme.

Se déterminant sur le contenu de l’entretien, Mme A______ s’est opposée à son licenciement.

e. Par décision incidente du 2 mars 2022, le conseiller d’État (ci-après : le conseiller d’État) en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé
(ci-après : le DSPS ou le département) a ouvert une procédure de reclassement.

f. Des divergences sont apparues entre les parties dans le cadre d’un échange de courriers postérieur à l’ouverture précitée :

Mme A______ considérait qu’elle devait être maintenue en poste jusqu’à la décision de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) et une coordination avec cette assurance devait être faite. La procédure de reclassement devait être suspendue dans l’intervalle. Il s’agissait de la seule façon de préserver « le principe de la continuité des revenus » au sens de l’art. 26 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). À défaut, en cas de décision négative de l’AI, elle serait sans revenus et sans emploi, et ne pourrait plus bénéficier d’un reclassement. Le maintien à son poste ne causait aucun préjudice à l’État, dès lors qu’elle percevait ses prestations de la CPEG.

L’office du personnel de l’État (ci-après : OPE) s’y est opposé. La LPAC ne pouvait pas régler la procédure de mise à l’invalidité, dès lors que cela était contraire à la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40), ce qu’avait rappelé la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) dans un arrêt du 17 juin 2021. La continuité des revenus était assurée à tout le moins jusqu’à la décision AI.

g. Selon un certificat médical de son médecin-traitant daté du 8 avril 2022, transmis à son employeur le 11 du même mois, Mme A______ n’était pas en mesure de collaborer à la procédure de reclassement, laquelle devait faire l’objet d’une coordination avec l’AI.

h. Par décision du 26 août 2022, le conseiller d’État a résilié les rapports de service de Mme A______ pour motif fondé, soit inaptitude à remplir les exigences du poste, pour le terme du 30 novembre 2022. Renseignements pris, l’office de l’AI ne pourrait pas rendre de décision avant plusieurs mois.

B. a. Par acte du 26 septembre 2022, Mme A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 26 août 2022. Elle a conclu à son annulation, à sa réintégration avec effet immédiat ainsi qu’à l’obligation du DSPS de se soumettre à la procédure de l’art. 26 al. 2 et 3 LPAC, subsidiairement à ce que sa réintégration immédiate soit proposée et qu’en cas de refus, une indemnité de CHF 182'448.- avec intérêts à 5 % l’an, à compter du dépôt du recours, lui soit allouée. Préalablement, il devait être ordonné à la CPEG et au SPE de produire l’intégralité de leur dossier.

Elle avait demandé en vain à trois reprises, les 8 et 24 novembre et 10 décembre 2021, copie de son dossier médical auprès du SPE, comprenant la prise de position du médecin-conseil de la CPEG.

Les art. 22 al. 3 et 23 al. 1 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 (LOPP - F 1 50) avaient été violés.

b. L’OPE a conclu au rejet du recours et de la demande de production du dossier de la recourante auprès du SPE. Préalablement, la CPEG devait être appelée en cause.

Le 23 décembre 2020, conformément à la pratique alors en vigueur, les ressources humaines (ci-après : RH) avaient demandé à la CPEG d’inviter leur médecin conseil à prendre contact avec le SPE en vue de procéder à un examen approfondi de l’incapacité de travail de l’intéressée. Le 13 juillet 2021, la CPEG avait confirmé à Mme A______ que, si son invalidité n’était pas reconnue par l’AI ou ne l’était que partiellement, elle conserverait la possibilité d’introduire une procédure particulière de mise à l’invalidité au sens de l’art. 34 du règlement général de la caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci-après : RCPEG). Le
11 octobre 2021, la CPEG avait informé l’OPE que, compte tenu d’un arrêt de la chambre des assurances sociales, elle ne donnerait plus suite aux demandes de collaboration fondées sur l’art. 26 al. 3 LPAC.

L’OPE et le SPE avaient adressé à Mme A______, en décembre 2021, l’entier de leur dossier. Il s’en rapportait à justice sur l’apport du dossier de la CPEG.

La situation juridique de la CPEG, qui ne s’estimait plus liée par l’arrêt de la chambre administrative du 12 septembre 2017, suite à l’arrêt de la chambre des assurances sociales du 17 juin 2021, était susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure.

Les art. 22 al. 3 LOPP, 23 al. 1 LOPP et 26 al. 3 LPAC avaient été respectés.

c. Dans sa réplique, Mme A______ s’en est rapportée à justice sur la demande d’appel en cause. Elle revenait sur les différences, de la LPAC et de la LOPP, entre l’inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et la disparition durable d’un motif d’engagement (let. c), jurisprudence à l’appui. Ni elle-même, ni son médecin ne prévoyaient de reprise d’activité à court terme. Le fait qu’elle ait pu reconnaître bénéficier d’une éventuelle capacité de travail n’était pas pertinent. Il ne lui appartenait pas de se prononcer sur son état de santé et sa propre capacité de travail. Seuls les médecins étaient compétents, raison notamment de
l’art. 26 LPAC. Cette dernière disposition devait s’appliquer indépendamment du fondement de la procédure de licenciement.

d. Dans sa duplique, l’autorité intimée a persisté dans ses conclusions.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante sollicite préalablement qu’il soit ordonné à la CPEG et au service de santé de l’État de produire l’intégralité de son dossier.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4).

2.2 L’autorité intimée a allégué dans sa réponse, sans être contredite, avoir transmis l’intégralité du dossier de la recourante à son conseil et précisé que celui du SPE l’avait aussi été. Cette demande a en conséquence été satisfaite.

Le dossier de la CPEG est sans pertinence pour l’issue du litige, compte tenu des considérants qui suivent. Il ne sera en conséquence pas donné suite à cette requête.

3.             L’autorité intimée sollicite l’appel en cause de la CPEG.

3.1  L’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure; la décision leur devient dans ce cas opposable. L’appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (art. 71 LPA).

3.2 En l’espèce, la situation de la CPEG n’est pas susceptible d’être influencée par l’issue du litige, conformément aux considérants qui suivent. Il ne sera dès lors pas donné suite à la demande d’appel en cause.

4.             La recourante invoque une violation de l’art. 22 al. 3 LOPP. Elle conteste être inapte à remplir les exigences du poste (let. b). Souffrant de problèmes de santé d’ordre physique et psychique incapacitants, seule la disparition durable d’un motif d’engagement (let. c), respectivement la mise à la retraite pour cause d’invalidité (art. 23 LOPP) pouvait en entrer en considération.

4.1 Le personnel pénitentiaire est soumis à la LPAC, et à ses dispositions d’application, sous réserve des dispositions particulières de la LOPP (art. 6
al. 1 LOPP).

Après la période probatoire, l’autorité compétente peut résilier les rapports de service de l’agent de détention pour motif fondé, soit notamment en raison de : a) l’insuffisance des prestations ; b) l’inaptitude à remplir les exigences du poste ; c) la disparition durable d’un motif d’engagement (art. 22 al. 3 LOPP).

L’art. 22 al. 3 LOPP a la même teneur que l’art. 22 LPAC.

L’art. 5 al. 1 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) dispose que le membre du personnel doit jouir d’un état de santé lui permettant de remplir les devoirs de sa fonction. Il peut en tout temps être soumis à un examen médical pratiqué sous la responsabilité du service de santé du personnel de l’État (art. 5 al. 2 RPAC). Suite à un examen médical, le service de santé du personnel de l’État émet un préavis médical spécifiant, s'il y a lieu, les limitations fonctionnelles (art. 5 al. 3 RPAC).

4.2 Dans deux arrêts du 2 avril 2019 portant sur un licenciement pour motif fondé pour raisons de santé, la chambre administrative a retenu, dans le premier cas, une inaptitude à remplir les exigences du poste, et dans le second, la disparition durable d’un motif d’engagement.

Dans l’ATA/346/2019, la chambre administrative a (consid. 8 b et c) cité les travaux préparatoires de 2007 et 2015 reprenant les définitions de l’inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et de la disparition durable d’un motif d’engagement (let. c). Elle a confirmé que l’employeur n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation en licenciant, pour cause d’inaptitude à remplir les exigences du poste, une personne, déclarée apte à travailler par le médecin conseil de l’État, présentant, depuis de nombreuses années, de multiples absences perlées, pour des causes diverses en lien avec son état de santé (fièvre, roséole, lumbago, douleurs aux oreilles, vomissements, insolation, mal au genou, migraines, inflammation, entorse, problème au ventre, gastro, refroidissement, etc) avec un taux d’absentéisme largement supérieur à la moyenne du taux d’absentéisme des autres agents employés (ATA/346/2019 du 2 avril 2019). Non soumise à la LPAC, la question du reclassement ne se posait pas.

Dans un arrêt de principe du même jour (ATA/348/2019), la chambre de céans a annulé un licenciement fondé sur une incapacité durable de travailler due à l’état de santé. Elle a, dans un premier temps, retenu l’existence d’un motif fondé, soit la disparition durable d’un motif d’engagement (art. 22 LPAC let. c). Les parties divergeaient sur la question de savoir si la recourante disposait d’une capacité résiduelle de travail. La fonctionnaire considérait, contrairement à l’autorité intimée, que tel était le cas, en s’appuyant sur les certificats médicaux de son médecin traitant ainsi que sur une décision de l’AI, qu’elle avait toutefois contestée et qui se fondait sur le rapport d’expertise d’un spécialiste en orthopédie. La chambre de céans a toutefois retenu que l’incapacité complète et durable de travailler était établie par les préavis constants du médecin conseil de l’État. La divergence entre la position du médecin-conseil de l’autorité étatique et celle du médecin traitant de l’intéressée reposait davantage sur le souhait de la recourante de recommencer à travailler en raison de la précarité de sa situation financière que sur des raisons d’ordre médical. Le médecin conseil de l’État prenait par ailleurs en compte l’ensemble de la situation, soit les avis du médecin traitant mais aussi les conditions de travail. L’expertise AI se limitait à l’angle orthopédique. La disparition durable d’un motif d’engagement était réalisée. Vu la position du médecin conseil de l’État, l’employeur n’était pas tenu de procéder à un reclassement (consid. 4g in fine ; ATA/838/2019 du 30 avril 2019 consid. 4 in fine). La question de principe portait sur les suites, notamment l’application de l’art. 26 LPAC relatif à l’invalidité, qui seront reprises ci-dessous.

4.3 En l’espèce, il convient dans un premier temps de déterminer si c’est à bon droit que l’autorité intimée a licencié la recourante pour inaptitude à remplir les exigences du poste, la recourante estimant que seule la disparition durable d’un motif d’engagement pouvait être invoqué.

La recourante est en incapacité totale de travail depuis le 14 novembre 2019, attestée par son médecin traitant. Elle n’a jamais repris son activité depuis la date précitée.

Elle est au bénéfice de prestations provisoires d’invalidité versées par la CPEG depuis le 12 juillet 2021. La demande auprès de l’AI est toutefois toujours en cours.

Le médecin-conseil de l’État a émis trois avis médicaux (les 31 août 2020,
20 février et 1er juillet 2021). Il considérait que l’intéressée ne pouvait pas reprendre son activité à pleine capacité dans son poste actuel, ni à court ni à moyen terme. Une restauration de la capacité de travail à moyen terme demeurait envisageable. Cette reprise devait être initialement partielle (30 %) et lentement progressive. La conduite de nouvelles tâches nécessiterait un accompagnement spécifique. Une reprise dans un autre environnement professionnel était fortement recommandée.

L’employeur a précisé, la première fois lors de l’entretien de service du 17 novembre 2021, et régulièrement par la suite, qu’il envisageait une résiliation des rapports de service en raison de l’inaptitude à remplir les exigences du poste et non de la disparition durable d’un motif d’engagement.

Dans ses observations du 24 décembre 2021, la fonctionnaire a revendiqué une capacité de travail à moyen terme et contestait être en incapacité durable de travailler. Par courrier du 11 mars 2022, elle a exigé d’être maintenue en poste jusqu’à ce que l’AI rende sa décision. Elle affirmait être en mesure d’être reclassée en cas de refus de sa demande AI. Elle n’a toutefois pas précisé les motifs qui lui permettaient d’envisager une amélioration de son état de santé par rapport au certificat médical de son médecin traitant du 8 avril 2022 évoquant son incapacité, en l’état, de collaborer à la procédure de reclassement et laquelle devait faire l’objet d’une coordination avec l’office AI. Enfin, l’intéressée a, par courrier du 13 juin 2022, indiqué qu’elle était convoquée par l’AI à une expertise le 21 juin, « laquelle permettra de déterminer clairement [mes] possibilités de reprise du travail ».

Dans ces conditions, force est de constater que tant le médecin-conseil de l’État et la recourante que son médecin traitant – qui n’exclut pas qu’une procédure de reclassement puisse ultérieurement se dérouler – considèrent que l’absence de la recourante pour cause de maladie n’est pas forcément durable. C’est dès lors à bon droit que l’autorité intimée n’a pas fait application du motif fondé de l’art. 22 al. 3 let. c LOPP équivalent à l’art. 22 let. c LPAC.

La recourante allègue que sa détermination ne peut être retenue, n’étant pas médecin. Même à considérer qu’à l’instar du second cas tranché par la chambre de céans le 2 avril 2019 (ATA/348/2019), la position de la recourante reposait davantage sur son souhait de recommencer à travailler en raison de la précarité de sa situation financière que sur des raisons d’ordre médical, le médecin conseil du SPE a, par trois fois, et de façon constante, considéré que l’intéressée pouvait reprendre, à certaines conditions, une activité professionnelle. La durabilité de l’incapacité n’est donc pas établie.

4.4 La recourante se réfère à plusieurs arrêts de la chambre de céans.

Dans l’ATA/838/2019 du 30 avril 2019, le licenciement pour disparition durable d’un motif d’engagement a été confirmé sur la base de l’avis médical du médecin-conseil de l’État qui considérait l’incapacité de travail comme durable. Aucun reclassement n’avait à être effectué.

Dans l’ATA/997/2021 du 28 septembre 2021, la chambre de céans a appliqué sa jurisprudence issue de l’ATA/348/2019 en retenant que l 'employeur, en l'absence d'un examen médical approfondi, ne pouvait pas considérer au moment du licenciement qu'existait une disparition durable d'un motif d'engagement. Il ne s'était pas valablement assuré, en s'adressant auprès de professionnels formés à cet effet, que le recourant n'était effectivement plus apte à exercer sa fonction à l'avenir.

Contrairement à ce que soutient la recourante, la question du dépôt d’une demande de prestations provisoires invalidité auprès de la CPEG est sans incidence sur l’analyse du bienfondé d’un licenciement pour inaptitude à remplir les exigences du poste (ATA/346/2019 du 2 avril 2019). Dans le cas précité, une violation de l’art. 26 LPAC n’était pas invoquée. Seul le bienfondé du licenciement était litigieux.

Ces cas ne peuvent en conséquence pas être comparés à la présente situation.

4.5 Selon la jurisprudence, l’autorité administrative est dispensée de l’obligation d’ouvrir une procédure de reclassement préalable à un licenciement si le
médecin-conseil constate que le fonctionnaire n’est pas médicalement apte à reprendre un emploi quelconque au sein de l’État de Genève à court et moyen terme, même si le fonctionnaire concerné est prêt à collaborer à la mise en place de cette mesure alors que le délai de protection de la résiliation des rapports de service pour temps inopportun est échu (ATA/993/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4g ; ATA/348/2019 précité consid. 4e ; ATA/1299/2015 du 8 décembre 2015 consid. 9c).

Le cas d’espèce portant sur une inaptitude à remplir les exigences du poste, c’est en conséquence à bon droit que l’autorité intimée a procédé à un reclassement au sens de l’art. 46A RPAC, en application de l’art. 21 al. 3 LPAC, principalement au vu de l’avis du médecin conseil de l’État et malgré l’avis du médecin traitant.

4.6 Autre est la question de savoir si l’intéressée remplissait les conditions d’un motif fondé de licenciement pour inaptitude à remplir les exigences du poste
(art. 22 al. 3 let. b LOPP équivalent à l’art. 22 let. b LPAC).

L’autorité intimée fait référence aux absences fréquentes et régulières de l’intéressée depuis 2011 et de façon ininterrompue depuis le 14 novembre 2019. Durant les trois dernières années, elle n’avait pas été en mesure de travailler pour cause de maladie durant plus de sept cent trente jours, si bien que ses absences ne lui permettaient pas de remplir les exigences du poste. L’office cantonal AI n’était pas en mesure de statuer sur sa demande avant de nombreux mois.

Les éléments retenus par l’autorité intimée sont établis et pertinents. Elle n’a en conséquence pas abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant la réalisation du motif fondé pour inaptitude à remplir les exigences du poste.

5.             La recourante se plaint d’une violation de l’art. 23 al. 1 LOPP.

5.1 Tout membre du personnel pénitentiaire qui est devenu incapable en permanence de subvenir aux devoirs de sa charge ou d’une charge dans l’administration cantonale pour laquelle il est qualifié peut être mis à la retraite par le Conseil d’État pour cause d’invalidité. L’art. 26 al. 3 LPAC s’applique par analogie.

L'incapacité de remplir les devoirs de service, à moins qu'elle ne soit reconnue d'un commun accord par le Conseil d'État, la caisse de prévoyance et l'intéressé, doit être constatée à la suite d'un examen médical approfondi pratiqué par le médecin-conseil de l'État, en collaboration avec le médecin de la caisse de prévoyance et le ou les médecins traitants (art. 26 al. 3 LPAC).

5.2 Dans l’arrêt de principe précité (ATA/348/2019), la chambre administrative avait retenu que le médecin-conseil de la CPEG n’avait pas été interpellé avant le licenciement de la recourante et il n’y avait, au regard du dossier, pas eu de collaboration entre ce médecin et le médecin-conseil de l’employeur public. L’autorité intimée n’avait donc pas respecté l’exigence posée à l’art. 26 al. 3 LPAC. Ce faisant, l’incapacité de travail de la recourante avait été certes examinée par le médecin-conseil de l’autorité intimée, mais pas en collaboration avec le médecin-conseil de la caisse de prévoyance. Cette question devait être à nouveau évaluée conformément à l’art. 26 al. 3 LPAC et était donc susceptible de conduire à une modification de l’appréciation sur la capacité de travail de la recourante, ce qui alors, en cas d’une capacité de travail résiduelle, devrait amener l’autorité intimée à procéder à la procédure de reclassement, puis le cas échéant à rendre une nouvelle décision suite à cette nouvelle instruction. Dès lors, le motif à l’origine de la décision de résiliation litigieuse ne pouvait, en l’espèce, être considéré comme établi, de sorte que la décision litigieuse ne reposait pas sur un motif fondé dûment constaté.

5.3 Dans un arrêt de principe du 17 juin 2021, statuant dans la même cause que l’arrêt précité de la chambre administrative, la chambre des assurances sociales a retenu qu’en procédant à une interprétation des dispositions statutaires de la CPEG, institution de prévoyance de droit public, l’entrée en matière sur une demande de mise à l’invalidité réglementaire ne pouvait se faire qu’une fois la décision de l’AI entrée en force. Par ailleurs, dans l’hypothèse où l’art. 26 al. 3 LPAC devait être interprété dans le sens qu’il prescrirait à la CPEG la procédure à suivre en cas de mise à l’invalidité réglementaire, cette disposition serait contraire au droit fédéral et n’aurait aucune validité en vertu du principe lex superior derogat inferiori. Enfin, la suppression ou la réduction des prestations provisoires suite au préavis de l’AI, au sens de l’art. 40 al. 3 RCPEG, présupposait que l’instruction soit terminée. Par conséquent, lorsque la décision de l’AI était annulée et que la cause était renvoyée à l’administration pour instruction complémentaire, le préavis était considéré comme annulé avec la décision. La situation de la recourante était en conséquence identique à celle qui prévalait avant que l’office AI ne rende son préavis. Elle avait droit à la reprise du versement des prestations provisoires. Les modalités étaient précisées (ATAS/655/2021).

5.4 En l’espèce, le motif fondé ne consiste pas en la disparition durable d’un motif d’engagement (art. 22 al. 3 let. c LOPP et 22 let. c LPAC), mais en l’inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 al. 3 let. b LOPP et 22 let. b LPAC).

L’application des art. 23 LOPP et 26 LPAC implique un état de santé durablement affecté, ce qui n’est pas le cas de la recourante.

L’ATA/348/2019 de la chambre de céans concernant l’articulation entre les art. 22 let. c et 26 LPAC est sans pertinence en l’espèce, à l’instar de la concertation, par le médecin conseil du SPE, du médecin conseil de la CPEG ou de l’apport du dossier de la CPEG.

Le recours sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à
CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 [LTF - RS 173.110]).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 septembre 2022 par Madame A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 26 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame  A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Emilie Conti Morel, avocate de la recourante, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot
Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :