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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3998/2023

ATA/1386/2023 du 22.12.2023 sur JTAPI/1370/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3998/2023-MC ATA/1386/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 décembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Magali BUSER, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 décembre 2023 (JTAPI/1370/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1984, originaire du B______, est arrivé en Suisse en 2002.

Il a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour pour étudiant jusqu'au 30 juin 2005. En raison de son mariage avec une Suissesse, le 13 juillet 2007, il a obtenu une autorisation de séjour du 18 octobre 2007 au 12 juillet 2009, étant précisé que le divorce du couple a été prononcé le 6 juin 2009. De ce mariage est né, le ______ 2007, C______.

b. Par courrier du 15 octobre 2018, le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) a informé l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) que A______ n'avait ni l'autorité parentale ni aucun droit de visite sur son fils depuis plusieurs années. Son enfant était placé dans une famille d'accueil depuis de nombreuses années ; la garde avait été retirée à la mère qui avait quitté la Suisse.

c. A______ a été condamné à douze reprises entre 2011 et 2019, principalement pour brigandages, vols, dommages à la propriété, rixe et lésions corporelles simples, contraintes, injures, voies de fait, contraventions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Deux condamnations ont été prononcées par d’autres cantons.

d. Par arrêt du 10 mars 2020, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR) a confirmé le jugement du Tribunal correctionnel du 27 août 2019 qui le déclarait coupable notamment de brigandage et le condamnait à une peine privative de liberté de 36 mois, ordonnait qu'il soit soumis à un traitement institutionnel des addictions et suspendait l'exécution de la peine privative de liberté au profit de la mesure, notamment. Il a simultanément ordonné l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), notamment en raison du brigandage.

e. Le 15 juin 2021, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a ordonné la levée, pour cause d'échec, du traitement institutionnel des addictions ordonné le 10 mars 2020.

f. Par jugement du 13 février 2023, le Tribunal correctionnel a acquitté A______ de tentative de meurtre, subsidiairement de tentative de lésions corporelles graves ou de lésions corporelles simples aggravées. Il l'a en revanche déclaré coupable notamment de vol, de dommages à la propriété, d'empêchement d'accomplir un acte officiel et de consommation de stupéfiants. Sa libération immédiate a été ordonnée.

g. Le même jour, A______ a été remis aux services de police.

h. Le 13 février 2023, à 18h20, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de A______ pour une durée de quatre mois, sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI). Au commissaire de police, A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au B______.

i. Entendu le 16 février 2023 par le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI), A______ a déclaré être toujours opposé à son expulsion au B______. Il suivait un traitement psychiatrique à la Consultation ambulatoire d’addictologie psychiatrique (CAAP) D______, comprenant la prise de médicaments et un suivi psychothérapeutique. Avant son incarcération, il vivait chez sa tante, E______, qu'il considérait comme sa mère, à la rue de F______ ______. Il y avait pratiquement toujours vécu, soit pendant vingt-trois ans, sauf lorsqu’il avait habité avec son ex-femme. Il avait obtenu un droit de visite sur son fils depuis avril 2021, à raison d'une journée tous les quinze jours. Son fils était désormais placé dans un foyer et souffrait d'une leucémie. Durant sa dernière incarcération, son fils était venu le voir à quatre reprises. D'autres visites avaient dû être annulées en raison de son traitement chimio-thérapeutique. Sa tante exerçait aussi un droit de visite sur son fils et le voyait régulièrement. Il entendait suivre sérieusement son traitement médical dans la perspective d'obtenir un élargissement de son droit de visite. Il pourrait aller vivre chez sa tante. Il allait également pouvoir travailler comme jardinier à G______ ou pour l'entreprise H______. Durant sa détention, il avait fait trois tentatives de suicide. Il avait eu beaucoup de peine à supporter cette incarcération, notamment en raison de la maladie de son fils et du décès d’un ami.

La représentante du commissaire de police a indiqué que la réponse des autorités B______ en vue de la délivrance d’un laissez-passer pouvait prendre entre quatre et six mois. Le processus d'identification pourrait aller relativement vite si A______ chargeait sa famille résidant au B______ de s'adresser à la direction des affaires consulaires et sociales du B______, à I______.

j. Par jugement du 17 février 2023, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative du 13 février 2023, pour une durée de quatre mois, sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI). Sans minimiser la détresse de l'intéressé, il fallait constater qu’il ne se trouvait pas dans une situation psychologique permettant de retenir que l'expulsion serait impossible. Ses difficultés ne pouvaient pas plus conduire à sa remise en liberté, étant rappelé qu'il avait la possibilité de recevoir des soins au centre de détention. Il ne ressortait pas des rapports médicaux versés à la procédure de contre-indication à sa détention. Un examen médical aurait lieu avant le départ pour s'assurer de son aptitude à voyager et un accompagnement médical lors du vol pourrait être envisagé.

k. Par arrêt du 7 mars 2023, la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) a rejeté le recours de A______ formé contre ce jugement.

Il avait fait l’objet d’une décision d’expulsion pénale de la CPAR le 10 mars 2020. Il avait été condamné pour brigandages et recel, soit des crimes. Les conditions légales justifiant sa détention administrative étaient donc remplies. L’assurance de son départ effectif de Suisse répondait à un intérêt public certain, notamment au vu de ses multiples condamnations et de leur gravité. Son souhait de poursuivre son suivi médico-thérapeutique auprès du CAAP, louable, était tardif au vu de son refus de se soumettre au traitement médical ordonné par la CPAR. Il s’était par ailleurs évadé de la clinique psychiatrique J______ le 29 novembre 2021. Son souhait de poursuivre désormais son traitement ne pouvait dès lors pas primer, étant de surcroît relevé qu’un traitement ambulatoire et d’urgence était disponible dans l’établissement. Il n’avait pas, lorsqu’il était libre, entretenu des relations suivies avec son enfant. Il n’avait qu’un droit de visite limité, qui n’avait pu s’exercer que trois fois en 2022. Le fait d’être père ne l’avait par ailleurs pas empêché de commettre des crimes, quand bien même la dernière grave accusation portée à son encontre n’était pas fondée. L’hospitalisation de son enfant compliquait les visites. Au vu de ces circonstances et du fait que des contacts pouvaient être maintenus par les moyens informatiques modernes, cet élément n’était pas de nature à modifier à lui seul le résultat de la pesée des intérêts. Il indiquait qu’il pourrait résider chez sa tante et travailler. Depuis 21 ans qu’il se trouvait en Suisse, il n’avait jamais réussi à stabiliser sa situation, en travaillant et sans commettre de délit. Une assignation à résidence ne permettrait en conséquence ni de garantir sa présence lors de son renvoi, le recourant ayant régulièrement affirmé ne pas vouloir retourner au B______, et son opposition aux décisions de l’autorité allant jusqu’à une évasion de la clinique psychiatrique J______, ni de sauvegarder la sécurité et l’ordre publics au vu des multiples récidives. La pesée des intérêts aboutissait à faire primer l’intérêt public, impliquant la mise en détention de A______, sur son intérêt privé à être immédiatement libéré, voire assigné à résidence chez sa tante.

l. Le 18 avril 2023, A______ a requis du TAPI sa mise en liberté, subsidiairement la réduction de la durée de sa détention et, préalablement, divers actes d’instruction.

Arrivé en 2001 à Genève, il y avait des attaches. Son frère, sa cousine, son neveu, son fils et son compagnon K______, également détenu au sein de l’établissement L______ (ci‑après : L______), y résidaient. Son homosexualité, réprimée par le code pénal B______, faisait obstacle à son renvoi dans son pays. Les autorités étant par ailleurs hostiles à cette orientation, il serait tenu de la dissimuler en permanence, si bien qu'un renvoi vers ce pays constituerait une violation des art. 2, 3 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et s'avérerait manifestement illicite et inexigible au sens de l'art. 83 al. 3 et 4 LEI.

Le 8 avril 2023, un détenu au sein de l'établissement M______ (ci-après : M______) avait mis fin à ses jours en raison de ses conditions de détention et du fait qu'il devait être renvoyé en Autriche plutôt que dans son pays. Le 12 avril 2023, on lui avait annoncé qu'il pourrait être fait usage de la force en vue de son renvoi. Il s'était ainsi senti contraint de signer un document et auto‑mutilé le même jour avec un rasoir. Sur quoi, il avait été hospitalisé près d'une semaine auprès de l'unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire N______. Il faisait l'objet d'un suivi psychologique et en addictologie de longue date, dont il ne bénéficiait manifestement pas suffisamment en détention. Cet état de fait démontrait que les détenus, lui compris, étaient en danger à M______, dont bon nombre d'associations de même que la Commission nationale de prévention de la torture (ci-après : CNPT), exigeaient depuis longtemps la fermeture. Dans la mesure où sa santé était clairement en danger et que M______ n'était pas à même de le protéger en respectant les standards minimaux en matière de détention, il y avait lieu de constater l'illégalité des conditions de sa détention et de le libérer avec effet immédiat. La décision de renvoi apparaissait manifestement inadmissible, de sorte que son exécution, illicite et inexigible, ne devait pas être assurée par des mesures de contrainte.

m. Le 21 avril 2023, A______ a sollicité un transport sur place. Les conditions et modalités de détention avaient été récemment épinglées par la presse suite à une audience devant le tribunal, en date du 18 avril 2023. L'accès aux soins était notoirement indigent et se résumait généralement à une médication lourde. L'absence d'unité médicale sur place faisait que des situations d'urgence n'étaient pas diagnostiquées. Il voyait un psychiatre de manière aléatoire et irrégulière, lequel se bornait à lui prescrire des médicaments. Son fils allait entamer une radiothérapie vers la fin du mois de mai 2023 et suivait un traitement d'immunothérapie. Cet état de fait cumulé à son état de santé, à ses tentatives de suicide, aux événements récents à M______ et à des conditions de détention illicites depuis plus de deux mois, impliquait la fin immédiate de la détention. Le 20 avril 2023, un parloir sollicité pour le lendemain, avait été refusé à son conseil au motif qu'il n'était pas nommé d'office. Seule une visite, selon les conditions octroyées aux tiers non avocats, pouvait lui être proposée le dimanche 23 avril 2023.

n. Le 21 avril 2023, l’OCPM a transmis son dossier au Tribunal. Il en ressort les faits suivants :

-          le 14 mars 2023, les autorités suisses ont obtenu de l'ambassade du B______ un laissez-passer et réservé une place sur un vol à destination de O______ en faveur de A______, pour un départ prévu le 2 avril 2023, lequel a toutefois été annulé suite à son refus de partir ; il avait invoqué avoir vécu pendant vingt-cinq ans en Suisse, vouloir revoir son fils qui habitait Genève et obtenir un dédommagement de la part de la justice suite à une erreur ;

-          selon le courriel du 5 avril 2023 d'un gestionnaire de l'OCPM, après une longue discussion avec A______, le 4 avril 2023, celui-ci avait décidé de signer une déclaration de départ « volontaire » moyennant une indemnité de CHF 500.-, pouvoir rencontrer (jeudi) son fils ainsi que sa tante (samedi) avant son départ ;

-          selon un rapport de M______ du 5 avril 2023, à 10h10, A______ avait été aperçu allongé au sol ; à 10h12, l'agent de détention avait fait appel à l'équipe médicale P______, laquelle avait répondu qu'elle ne pouvait pas venir par manque d'effectif ; à 10h15, il avait été fait appel au 144 ; A______ avait été conduit au local parloir pour les premiers soins ; à 10h36, une ambulance était arrivée, puis à 10h39 la police était arrivée ; à 10h50, l'ambulance avait transporté le détenu aux urgences ; suite à cet incident, A______ avait été hospitalisé à N______ ;

-          le 14 avril 2023, les autorités B______ ont délivré un nouveau laissez-passer en faveur de A______ et une place à bord d'un avion a été réservée pour le 1er mai 2023.

o. Le 25 avril 2023, devant le TAPI, A______ a indiqué qu’il avait été transféré la veille à L______. Depuis la découverte de son ami décédé, qui lui avait servi d’interprète, il avait l'impression que la mort le poursuivait. Il avait très mal vécu son incarcération à Q______. Il avait été acquitté du chef d'accusation de meurtre et de tentative de meurtre. Il avait également très mal vécu son enfermement à M______. Il s’était automutilé car il subissait trop de pression. Il devrait pouvoir voir son fils le 27 avril 2023, à L______. À M______, il avait vu un médecin généraliste trois ou quatre fois ainsi qu'un psychiatre également à trois ou quatre reprises, les vendredis. Les rendez-vous avec le psychiatre de M______, de dix minutes à peine, n'avaient rien à voir avec ceux dont il avait bénéficié à Q______. Désormais, il faisait tout ce qui était en son possible pour se soigner et être présent pour son fils. On devait lui enlever des kystes. Il était retourné dans son pays pour la dernière fois en 2014, pour un enterrement. Son père était décédé et il n'avait plus de contact avec sa mère biologique qui vivait au B______. Il ne pourrait pas vivre son orientation sexuelle librement dans son pays et risquerait pour sa vie.

Son conseil a notamment versé à la procédure, outre des pièces portant sur son état de santé, une copie d'une demande de report de l'expulsion pénale déposée le 24 avril 2023 auprès de l'OCPM ainsi que d’un courrier recommandé adressé au SEM le 24 avril 2023 lui demandant auprès de quel centre il pouvait se présenter pour déposer une demande d'asile en Suisse.

La représentante de l'OCPM a précisé qu’une place sur un vol sous escorte et avec assistance médicale était réservée le 1er mai 2023.

p. Le 26 avril 2023, l'OCPM a indiqué que le vol DEPA prévu le 1er mai 2023 était annulé en raison de la demande d'asile déposée par A______.

q. Le conseil de A______ a réagi en relevant que cette annulation rendait l'éventuel vol de retour de son client hypothétique et imprévisible, de sorte que la détention ne se justifiait plus. En outre, selon un entretien téléphonique avec un chirurgien proctologique, une opération était prévue dans six semaines.

r. Par jugement du 26 avril 2023, le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté et confirmé, en tant que de besoin, la détention jusqu'au 12 juin 2023 inclus.

s. Par arrêt du 16 mai 2023, la chambre administrative a rejeté le recours formé par A______ contre ce jugement.

Il avait révélé son homosexualité après qu’un vol eut été réservé. Celle-ci n’apparaissait pas évidente et ne constituait pas un cas de nullité ou d’impossibilité du renvoi. Dans une procédure d’asile, le Tribunal administratif fédéral (ci‑après : TAF), rappelant qu'il n'y avait pas lieu d'admettre une persécution systématique des personnes homosexuelles au B______, avait estimé que le préjudice ayant résulté des atteintes contre un citoyen B______ (gifles, coups et insultes dans la rue ainsi que menaces de mort du frère de son compagnon) n’était pas suffisant pour constituer une persécution ou une pression psychique insupportable et a confirmé le refus de l’asile ainsi que l’exigibilité du renvoi (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ATAF] E-3824/2019 du 30 août 2021 consid. 4 et 8). Les chances de la demande d’asile de A______ n’apparaissaient pas évidentes. Le dépôt de la demande d’asile apparaissait de toute évidence destiné à retarder l’exécution du renvoi – ce qu’elle avait d’ailleurs provoqué, puisque le vol prévu le 1er mai 2023 avait été annulé sur instructions du SEM. Ainsi sa détention administrative était-elle également fondée sous l’angle de l’art. 75 al. 1 let. f LEI.

t. Le 30 mai 2023, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative A______ pour une durée de trois mois.

u. Le 31 mai 2023, par l'intermédiaire de son avocat, A______ a déposé au TAPI notamment les documents suivants, en sollicitant par ailleurs l'audition du Dr R______, psychiatre auprès de l'établissement de L______ :

-          une plainte déposée en son nom auprès de la Fondation romande de détention LMC afin d'attirer son attention sur les tentatives de suicide et les automutilations qu’il avait commises, sur le fait que sa détention apparaissait contraire au droit et posait différentes questions sur l'aptitude médicale à la détention ainsi que sur le suivi envisagé ;

-          la réponse de la Fondation romande de détention LMC du 19 mai 2023 transmettant sa requête à l'OCPM comme objet de sa compétence et donnant des informations sur le suivi dont il bénéficiait auprès du Dr R______ et de deux infirmières assurant une présence du lundi au vendredi ;

-          une attestation du 23 mai 2023 intitulée « à qui de droit » et signée par le Dr R______, indiquant, en substance quelle prise en charge il avait pu mettre en place pour A______ et le fait que celui-ci présentait un tableau clinique inquiétant sur le plan psychiatrique, ce qui, dans le contexte de son incarcération mais aussi lors de son renvoi, le mettait à risque d'un nouveau passage à l'acte auto-agressif dans le court terme.

v. Le 6 juin 2023, lors de l'audience devant le TAPI, A______, très ému, a expliqué qu'il avait eu le matin même des nouvelles de son fils de la part d'une connaissance. Le simple fait d'avoir des nouvelles était émouvant, mais aussi le fait que son fils avait des fréquentations qu'il ferait mieux d'éviter. Sa situation personnelle avait évolué depuis la dernière audience. Sa situation à L______ était très pénible. Il était mis à l'écart et intimidé par d'autres détenus qui étaient de nationalité algérienne et formaient un clan. Il n'avait pas de contacts faciles avec d'autres détenus et de manière générale il y avait énormément de bruit, les gens parlaient fort et cela lui était très difficile à supporter. Il préférait rester seul dans sa cellule, entouré des photos de son fils. Il avait vu le Dr R______ trois ou quatre fois. Il respectait son traitement médical mais il ne le supportait pas très bien. Il avait par exemple très mal dormi la nuit précédente et avait cru voir son fils dans sa cellule. Cela allait moins bien depuis qu'il avait dû mettre fin au suivi au CAAP, lequel impliquait des entretiens réguliers avec un psychologue et des infirmiers spécialisés. Il a par ailleurs produit une attestation signée le 5 juin 2023 par sa tante, E______, laquelle indiquait pouvoir l’héberger, s'occuper de lui et subvenir à ses besoins en veillant à ce qu'il suive son traitement médical.

L'OCPM a produit la réponse apportée à l'attestation du Dr R______ du 23 mai 2023, rappelant à celui-ci les possibilités de transfert de A______ dans un établissement tel que l'UHPP ou N______ en cas de nécessité. À la suite du courriel que la Fondation romande de détention LMC lui avait adressé le 19 mai 2023, l'OCPM lui avait renvoyé la plainte que lui avait adressée A______ le 17 mai 2023 comme objet de sa compétence. Dans la mesure où l’OCPM avait déjà répondu au courrier du Dr R______ du 23 mai 2023 et où A______ faisait l'objet d'une prise en charge médicale, l'OCPM n'entendait pas y donner d'autre suite. L'OCPM ne remettait pas en question le point de vue médical exprimé par le Dr R______. À ce stade, l'OCPM n'avait pas de nouvelles de la procédure d'asile ouverte sur demande de A______. Il n'avait pour l'instant pas apporté de réponse au courrier du conseil de A______ du 24 avril 2023 relatif au report de son expulsion judiciaire et entendait a priori se déterminer seulement après qu'il aurait reçu une réponse du SEM sur sa demande d'asile.

Le Dr R______, médecin-psychiatre consultant à L______, a indiqué être amené à rencontrer les détenus lorsqu'ils arrivaient à L______ et qu'ils bénéficiaient d'un traitement psychiatrique. Il consultait tous les lundis après-midi et était tout d'abord amené à déterminer le trouble dont souffrait éventuellement le patient et ses demandes. S'il y avait besoin d'un suivi, il pouvait être mis en place lors de ses passages dans cet établissement le lundi après-midi, bien que souvent, vu le renvoi régulier des détenus, ce suivi était rapidement interrompu. Il pouvait être amené également à se rendre auprès d'un détenu en dehors de cet horaire en cas d'urgence et, le cas échéant, il était habilité à ordonner une hospitalisation, que ce soit avec ou sans l'accord du patient.

Même si les infirmières présentes à L______ étaient des infirmières somatiques, il leur arrivait tout de même d'intervenir auprès des patients qui avaient des besoins de nature psychologique et leur offraient un espace de parole et d'échanges. Cela pouvait d'ailleurs être le cas des gardiens.

Il avait assez rapidement identifié chez A______ un trouble de la personnalité de type émotionnellement labile : cela signifiait qu'il existait chez lui une impulsivité extrêmement importante et une difficulté à contenir ce qui se passait à l'intérieur de lui. Il débordait soit par la parole soit par des menaces de se faire du mal. Ce qui se passait pour lui était trop difficile à contrôler. Il avait un passé de consommation importante d'alcool avec des passages à l'acte assez importants. La prise en charge de ce genre de trouble était assez compliquée dans un contexte d'incarcération et de vie avec d'autres détenus. Ce qui compliquait encore la chose était la perspective de son renvoi de Suisse alors qu'il avait installé sa vie ici, notamment avec la présence de son fils.

La difficulté de la prise en charge de A______ consistait à évaluer la meilleure réponse possible aux menaces qu'il proférait contre sa propre vie. Il savait d'expérience que s'il ordonnait son hospitalisation, il serait de retour à L______ dans les douze heures. Il pouvait également envisager un traitement médicamenteux plus intensif, étant souligné que la médication en cours était déjà très forte, ou demander aux infirmières d'être plus présentes auprès de lui. Quoi qu'il en soit, ce qui était compliqué en tant que soignant, c'était d'évaluer le risque que A______ parvienne réellement dans un moment de débordement à commettre ou à tenter un suicide.

Son courrier spontané du 23 mai 2023 constituait pour lui une démarche plutôt exceptionnelle, par laquelle il entendait attirer l'attention des autorités sur la situation extrêmement délicate dans laquelle il se trouvait en tant que médecin‑psychiatre auprès de L______, à devoir gérer seul le risque suicidaire de détenus, quand bien même il n'avait pas de solution particulière à proposer. Il souhaitait néanmoins rappeler que ce risque existait bel et bien, comme l'avaient montré les suicides récents de personnes migrantes. Bien qu'il n'y eût pas eu de suicide à L______ pendant les douze années où il y avait exercé, il y avait néanmoins eu quelques tentatives. Il pouvait estimer à environ une fois par année, sur ses douze ans d'exercice à L______, le nombre de ses interventions du même genre. Ses interventions étaient peut-être un peu plus fréquentes durant les six premières années, et les quelques fois où il avait reçu une réponse positive, celle‑ci ne concernait en tous les cas qu'un détenu spécifique et n'était pas de nature institutionnelle.

En ce qui concernait le courrier du 23 mai 2023, il avait reçu de l’OCPM une réponse « incendiaire » qu'il n'avait pas du tout appréciée et qui consistait en substance à le renvoyer à sa pratique. A______ provenait d'un centre de suivi ambulatoire et c'était le suivi qu'il préconisait. L'incarcération était un facteur de risque et de stress supplémentaire.

w. Par jugement du 8 juin 2023, le TAPI a prolongé la détention administrative de l'intéressé jusqu'au 12 septembre 2023 inclus.

x. Par arrêt du 27 juin 2023, la chambre administrative a rejeté le recours formé par A______ contre ce jugement.

Il faisait l’objet à L______ d’une attention particulière. Il avait été vu plusieurs fois par le Dr R______ et suivait le traitement médical que ce dernier lui avait prescrit. Le Dr R______ était disponible, connaissait de manière approfondie sa situation et avait décrit les difficultés de sa prise en charge et les différentes mesures envisageables (hospitalisation, traitement plus puissant, présence accrue des infirmières). Le directeur de L______ avait indiqué qu’il était vu régulièrement par les deux infirmières et à sa demande par le médecin généraliste et le psychiatre. Conscients qu’il présentait des fragilités importantes, tous les gardiens de L______ restaient très attentifs à son état de santé physique et mental et passaient beaucoup de temps avec lui quand il montrait des signes d’anxiété.

y. Le 20 juillet 2023, le SEM a rejeté la demande d'asile formée par A______. Celui-ci a recouru contre cette décision le 17 août 2023 devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF).

z. Le 17 août 2023, à la suite d'une décision rendue dans le cadre d'un autre dossier, il a été décidé de suspendre l'organisation du renvoi de A______ jusqu'à l'entrée en force de la décision du SEM. Ainsi, un vol DEPA prévu le 23 août 2023 à destination du B______ a été annulé.

aa. Le 28 août 2023, le TAF a rejeté le recours interjeté le 16 août 2023 par A______ contre la décision du SEM du 20 juillet 2023.

bb. Par requête motivée du 28 août 2023, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de A______ pour une durée de trois mois.

cc. Le 4 septembre 2023, l’OCPM a transmis au TAPI un extrait de la base de données SYMIC concernant A______ ainsi que la demande de réservation de vol avec escorte policière (DEPA) accompagnée du certificat OSEARA, précisant qu’il ressortait de l’extrait précité que le TAF avait, par arrêt du 28 août 2023, rejeté le recours de A______ contre la décision du SEM du 20 juillet 2023. Il ressort du certificat OSEARA que le patient concerné était un dénommé S______.

dd. Le même jour, le conseil de A______ a adressé au TAPI un chargé de pièces complémentaires comprenant un rapport médical du Dr R______ du 2 août 2023, une feuille de transmission du 8 août 2023 (hospitalisation de l’intéressé) et un rapport médical du Dr T______, spécialiste FMH en médecine interne générale, également médecin auprès de L______, du 16 août 2023, en lien avec un kyste sacro-coccygien.

ee. Le 6 septembre 2023, devant le TAPI, A______ a déclaré être toujours opposé à son renvoi au B______. Il avait subi une opération pour un kyste sacro‑coccygien et était toujours suivi en raison de cette intervention. La situation avait évolué négativement concernant son fils, lequel avait des problèmes de comportement depuis qu’il était lui-même en détention administrative. Son placement en foyer était envisagé. Son fils avait notamment indiqué à la juge du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) que si son père était renvoyé au B______, il faudrait le renvoyer avec lui, ce qui démontrait leur fort attachement. Son fils avait 16 ans et il avait encore besoin de son père. Il ne lui était pas possible d’avoir un suivi post-opératoire adéquat à L______. Cet établissement ne disposait en effet pas de douches avec jet d’eau. Il confirmait pour le surplus l’ensemble des explications fournies au Tribunal jusque-là.

Le représentant de l’OCPM a expliqué s’être rendu compte que les informations médicales transmises au Tribunal le 4 septembre 2023 ne concernaient pas A______. Une nouvelle demande avait dès lors été adressée au service compétent. Les dernières pièces médicales versées par le conseil de A______ seraient prises en compte dans ce cadre. En principe, il fallait compter environ une semaine pour l’établissement de ce type de rapport. À réception dudit rapport et si A______ était déclaré apte au voyage, ils pourraient procéder à la réservation d’un vol à destination du B______ après l’obtention d’un nouveau laissez‑passer.

ff. Par jugement du 6 septembre 2023, le TAPI a prolongé la détention administrative de A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 12 décembre 2023.

Hormis le fait que sa demande d’asile avait été refusée par le SEM le 20 juillet 2023, aucun changement quelconque des circonstances pertinentes dans sa situation n’était intervenu depuis la précédente procédure. Le courrier du Dr R______ du 2 août 2023 n’apportait pas un éclairage nouveau à sa situation médicale, se limitant en substance à rappeler sa fragilité psychique, dûment prise en compte. Il ressortait des autres documents médicaux que l’opération du kyste sacro-coccygien du 4 août 2023 s’était déroulée sans complications et que les médecins hospitaliers avaient jugé possible la poursuite des soins ambulatoires à L______. La proportionnalité de la détention avait été examinée et confirmée par le Tribunal et la chambre administrative, sans qu'aucune circonstance nouvelle intervenue depuis lors ne justifie une autre appréciation. La situation médicale de A______, la présence de son fils mineur à Genève, le dépôt d’une demande d’asile et la possibilité d’être logé chez sa tante avaient été pris en compte par les juridictions précitées, sans qu’elles ne considèrent que l’un ou l’autre de ces éléments justifierait sa mise en liberté, respectivement son assignation à résidence. Aucune violation des art. 2 et 3 CEDH ne saurait être retenue.

gg. Le 25 septembre 2023, les autorités n'ayant pas obtenu de laissez-passer, le vol DEPA prévu le lendemain à destination du B______ a été annulé.

hh. Le 26 septembre 2023, la chambre administrative a rejeté le recours interjeté par l'intéressé contre le jugement du TAPI du 6 septembre 2023.

ii. Par arrêt du 27 septembre 2023, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par A______ contre l'arrêt de la chambre administrative du 27 juin 2023.

jj. Par requête motivée du 30 novembre 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de A______ pour une durée de trois mois, faisant valoir qu’une rencontre entre le SEM et les autorités B______ était prévue le 6 décembre 2023. Lors de celle-ci, une discussion aurait lieu autour de la situation de A______.

kk. Le 5 décembre 2023, lors de l'audience devant le TAPI, le représentant de l'OCPM a confirmé que le jour suivant auraient lieu des discussions entre le SEM et les autorités du B______ concernant notamment le cas de A______. Cette discussion avait été fixée suite à la décision des autorités B______ de refuser il y avait environ deux mois de délivrer un laissez-passer pour celui-ci malgré la réservation d'un vol DEPA. Selon un entretien téléphonique qu'ils avaient eu avec les collaborateurs du SEM, ce refus faisait suite vraisemblablement à un appel de A______ au consulat du B______ lors duquel il avait fait état de sa situation précaire en Suisse, de ses problèmes de santé et de l'existence de son enfant. Ils n'avaient pas de détails depuis, mais la délivrance de ce laissez-passer demeurait sujette à négociations. Ils interpelleraient dans la semaine le SEM afin de connaître le contenu de cette discussion. A______ a répondu qu'il avait effectivement écrit à l'ambassade du B______, mais uniquement pour leur faire part des problèmes que rencontrait son fils. Ce dernier était actuellement à U______ et A______ était le seul à pouvoir s'en occuper. Il pourrait loger chez sa tante avec son fils. Il s'opposait toujours à son retour au B______, ce afin de pouvoir s'occuper de son fils ici. Il avait des justificatifs attestant qu'il avait versé de l'argent à son fils. Il a également montré au TAPI un arrangement de paiement auprès de l'administration fiscale cantonale du 10 novembre 2023 d'un montant de CHF 67.65.

Le représentant de l'OCPM a demandé la confirmation de la demande de prolongation pour une durée de trois mois. Le conseil de l'intéressé s'est opposée à la demande de prolongation et a conclu à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à une assignation à résidence chez sa tante et à une obligation de se présenter régulièrement à un poste de police le temps que son départ puisse être organisé.

ll. Par jugement du 7 décembre 2023, le TAPI a prolongé la détention administrative de A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 12 février 2024 inclus.

La légalité de la détention avait été confirmée à plusieurs reprises par la chambre administrative ainsi que par le Tribunal fédéral le 27 septembre 2023. Elle ne saurait être remise en cause sur le principe, aucun changement quelconque des circonstances pertinentes n’étant intervenu depuis lors dans la situation de A______.

La proportionnalité de la détention avait également été examinée et confirmée par le Tribunal fédéral, qui avait relevé que A______ pouvait mettre fin à la mesure privative en acceptant de monter dans un vol à destination de son pays d'origine, sans qu'aucune circonstance nouvelle intervenue depuis lors ne justifie une autre appréciation. La situation médicale de A______, la présence de son fils mineur à Genève et la possibilité d’être logé chez sa tante avaient en particulier été pris en compte par les juridictions précitées, sans qu’elles ne considèrent que l’un et/ou l’autre de ces éléments justifieraient sa mise en liberté, respectivement son assignation à résidence.

Le renvoi ne saurait être considéré comme impossible du seul fait que les autorités B______ aient refusé de délivrer un laissez-passer. Il ressortait du dossier que ce refus avait vraisemblablement fait suite au contact de A______ avec les autorités B______ et des explications qu'il leur avait données, notamment s'agissant de son fils. Toutefois, si un entretien avait été prévu entre le SEM et les autorités B______, cela signifiait bien que la délivrance de ce laissez-passer demeurait sujet à négociations, cet entretien ayant pour but de clarifier la situation et pour les autorités suisses d'exposer la réelle situation de l'intéressé ici, notamment la relation plus que ténue qu'il entretenait avec son fils. En tout état, A______ restait libre de contacter lui-même le Consulat du B______ en vue d’un départ volontaire, lequel pourrait alors être finalisé dans un délai très bref.

La prolongation de la détention administrative pour une durée de trois mois ne pouvait être avalisée, sauf à vider les dispositions sur le contrôle de celle-ci de toute substance et aux fins de respecter le délai prévu à l'art. 79 al. 1 LEI précité. En effet, l’entretien entre le SEM et les autorités B______ ayant eu lieu la veille, l'organisation d'un nouveau départ devait pouvoir se faire rapidement et il appartiendrait aux autorités compétentes de poursuivre sans relâche les démarches utiles en vue de l'exécution de ce renvoi, ce que le TAPI serait à même d'examiner le cas échéant en cas du dépôt par l'OCPM d'une nouvelle demande de prolongation de la détention administrative.

B. a. Par acte remis à la poste le 18 décembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation, au constat que l’art. 5 § 1 let. f CEDH avait été violé, à sa libération immédiate. Subsidiairement, sa libération immédiate devait être assortie de la condition qu’il réside chez sa tante E______.

Le principe de proportionnalité et l’art. 5 § 1 let. f CEDH avaient été violés. Il était détenu depuis presque une année. L’OCPM n’avait pas de nouvelles des discussions qui avaient eu lieu entre les SEM et le Consulat du B______. Celles-ci n’avaient pas permis d’aboutir à la délivrance d’un laissez-passer. Son renvoi effectif ne paraissait pas suffisamment prévisible. Il y avait donc une impossibilité matérielle de le renvoyer.

Subsidiairement, des mesures moins incisives que la détention étaient possibles. Le TAPI n’avait pas examiné la possibilité de l’assigner à résidence auprès de sa tante et commis une violation du principe de proportionnalité.

b. Le 21 décembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Le recourant n’avait eu de cesse d’entraver de toutes les manières possibles son renvoi de Suisse. Il serait libre depuis huit mois s’il avait accepté d’embarquer dans le vol du 21 avril 2023 qui devait le ramener au B______.

Par courriel du 19 décembre 2023, le SEM avait confirmé que les discussions avec l’Ambassade du B______ en vue de la délivrance d’un laissez-passer étaient toujours en cours et que le laissez-passer serait délivré sans autre si le recourant exprimait la volonté de retourner au B______ volontairement.

c. Le 21 décembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il existait bel et bien une alternative à sa détention : la possibilité d’hébergement existait réellement. Les précédentes décisions ne dispensaient par les autorités de démontrer que le renvoi restait possible. Les négociations avec les autorités B______ semblaient clairement ne pas aboutir.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 19 décembre 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).

3.             Le recourant conclut principalement à l’annulation de la prolongation de sa détention administrative pour une durée de deux mois et à sa mise en liberté immédiate.

3.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

3.2 Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie notamment à l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI, l'autorité compétente peut mettre en détention afin d'assurer l'exécution d’un renvoi ou d'expulsion la personne condamnée pour crime (let. h) ou la personne qui menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (let. g).

3.3 En l’espèce, la chambre de céans a déjà constaté dans les arrêts ATA/216/2023 du 7 mars 2023, ATA/694/2023 du 26 juin 2023 et ATA/1058/2023 du 26 septembre 2023 que le recourant a fait l’objet d’une décision d’expulsion pénale de la CPAR le 10 mars 2020. Il a, par ailleurs, été condamné pour brigandages (ordonnance du Ministère public genevois du 29 août 2016 pour des faits du 27 août 2016 et arrêt de la CPAR du 10 mars 2020 pour des faits du 19 mars 2018) et recel (jugement du Ministère public de La Chaux-de-Fonds du 8 avril 2016 pour des faits du 3 novembre 2015), soit des infractions constitutives de crimes. Les conditions légales précitées justifiant la détention administrative sont toujours remplies, ce que le recourant ne conteste d’ailleurs pas. Il n’est pas nécessaire d’analyser si les conditions de l’at. 75 al. 1 let. g LEI sont aussi respectées.

4.             Le recourant se plaint de ce que la prolongation de sa détention administrative violerait le principe de la proportionnalité ainsi que l’art. 5 § 1 let. f CEDH.

4.1 Selon l’art. 5 § 1 let. f CEDH, toute personne a droit à la liberté et à la sûreté ; nul ne peut être privé de sa liberté, sauf, selon les voies légales, s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.

4.2 Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

4.3 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

4.4 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

4.5 Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1436/2017 du 27 octobre 2017 consid.6a ; ATA/881/2015 du 28 août 2015 et les références citées).

4.6 Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

4.7 En l’espèce, le recourant soutient que son renvoi serait impossible, faute pour les négociations entre autorités suisses et B______ d’aboutir à la délivrance d’un laissez-passer.

Il ne peut être suivi. L’OCPM a indiqué dans sa réponse que les négociations se poursuivaient.

À cela s’ajoute, comme l’a relevé l’OCPM, que le recourant a la possibilité d’abréger sa détention en acceptant de rentrer au B______ et d’embarquer dans le prochain vol régulier sur lequel une place pourrait lui être réservée.

La chambre de céans relèvera encore que c’est parce que le recourant a pris contact avec le Consulat du B______ pour faire valoir sa relation avec son fils que celui-ci s’est soudain montré réticent à délivrer un laissez-passer, ce qui a obligé les autorités suisses à entreprendre des démarches diplomatiques pour lui apporter des éclaircissements. Or, la compétence de décider du droit du recourant de séjourner en Suisse appartient en l’espèce aux autorités suisses exclusivement, ce que le recourant ne peut ignorer. Sa démarche en direction de son consulat, à l’effet de contrarier sur le plan diplomatique l’exécution de sa réadmission, peut être considérée comme une manœuvre, de sorte que se prévaloir de la réticence qu’il a lui-même suscitée relève de la mauvaise foi.

Le recourant fait encore valoir qu’une assignation à résidence chez sa tante serait plus proportionnée et reproche au TAPI de ne pas avoir examiné cette alternative. En réalité, le TAPI s’est expressément référé aux précédents jugements et arrêts, qui excluaient cette solution. Ceux-ci ont notamment relevé, la dernière fois le 26 septembre 2023, le refus constant du recourant d’être renvoyé vers le B______ et son défaut de coopération, lesquels justifient non seulement sa détention, mais également la prolongation de celle-ci pour une durée totale pouvant aller jusqu’à 18 mois. Il n’est pas douteux que l’intérêt public à s’assurer que le recourant embarquera le moment venu dans le vol devant le rapatrier prime toujours, en l’espèce, son intérêt privé à être remis en liberté ou assigné à résidence. Compte tenu de sa volonté de se soustraire à son renvoi au B______, il ne peut être envisagé d’assigner le recourant à résidence.

Le recourant ne soutient pas pour le surplus, à juste titre, que les autorités n’auraient pas agi de façon diligente.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA cum art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 décembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali BUSER, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement L______, pour information.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :