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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/485/2023

ATA/216/2023 du 07.03.2023 sur JTAPI/194/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/485/2023-MC ATA/216/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mars 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Alexandre Alimi, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 février 2023 (JTAPI/194/2023)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______ 1984, originaire du Maroc, est arrivé en Suisse en 2002 et a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour pour étudiants jusqu'au 30 juin 2005. En raison de son mariage avec une Suissesse, le 13 juillet 2007, il a obtenu une autorisation de séjour du 18 octobre 2007 au 12 juillet 2009, étant précisé que le divorce du couple a été prononcé le 6 juin 2009. De ce mariage est né, le ______ 2007, B______.

Par courrier du 15 octobre 2018, le service de protection des mineurs a informé l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que M. A______ n'avait ni l'autorité parentale ni aucun droit de visite sur son fils depuis plusieurs années. Son enfant était placé dans une famille d'accueil depuis de nombreuses années ; la garde avait été retirée à la mère qui avait quitté la Suisse.

b. M. A______ a été condamné à douze reprises entre 2011 et 2019 principalement pour brigandages, vols, dommages à la propriété, rixe et lésions corporelles simples, contraintes, injures, voies de fait, contraventions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Deux condamnations ont été prononcées par d’autres cantons.

Par arrêt du 10 mars 2020, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR) a confirmé le jugement du Tribunal correctionnel du 27 août 2019 qui le déclarait coupable notamment de brigandage et le condamnait à une peine privative de liberté de trente-six mois, ordonnait qu'il soit soumis un traitement institutionnel des addictions et suspendait l'exécution de la peine privative de liberté au profit de la mesure, notamment. Il a simultanément ordonné l'expulsion de Suisse de M. A______ pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), notamment en raison du brigandage.

Le 15 juin 2021, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la levée, pour cause d'échec, du traitement institutionnel des addictions ordonné le 10 mars 2020.

Par jugement du 13 février 2023, le Tribunal correctionnel a acquitté M. A______ de tentative de meurtre, subsidiairement de tentative de lésions corporelles graves ou de lésions corporelles simples aggravées. Il l'a en revanche déclaré coupable notamment de vol, de dommages à la propriété, d'empêchement d'accomplir un acte officiel et de consommation de stupéfiants. La juridiction a ordonné sa libération immédiate.

Le même jour, M. A______ a été remis aux services de police.

c. Le 13 février 2023, à 18h20, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI). Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Maroc. Le commissaire a transmis l’ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

B. a. Entendu le 16 février 2023 par le TAPI, M. A______ a déclaré être toujours opposé à son expulsion au Maroc. Il suivait un traitement psychiatrique à la Consultation ambulatoire d’addictologie psychiatrique (CAAP) Grand-Pré, comprenant la prise de médicaments et un suivi psychothérapeutique. Il était désormais motivé à le suivre scrupuleusement. Avant son incarcération, il vivait chez sa tante, Madame C______, qu'il considérait comme sa mère, à la rue de la D______. Il y avait pratiquement toujours vécu, soit pendant vingt-trois ans, sauf durant la période où il avait habité avec son ex-femme.

Concernant ses relations avec son fils, il avait obtenu un droit de visite depuis avril 2021 à raison d'une journée tous les quinze jours. Son fils était placé dans un foyer après avoir vécu auparavant dans une famille d'accueil. Son fils souffrait d'une leucémie pour laquelle il était soigné. Durant sa dernière incarcération, son fils était venu le voir à quatre reprises. D'autres visites avaient dû être annulées en raison de son traitement chimio-thérapeutique. Sa tante exerçait elle aussi un droit de visite sur son fils et elle le voyait régulièrement. C'était elle qui l'avait tenu au courant de la situation de son fils. S'il devait être mis en liberté, il entendait suivre sérieusement son traitement médical dans la perspective d'obtenir un élargissement de son droit de visite. Il pourrait aller vivre chez sa tante. Il allait également pouvoir travailler comme jardinier à Vésenaz ou pour l'entreprise E______.

Durant sa détention, il avait fait trois tentatives de suicide. Il avait eu beaucoup de peine à supporter cette incarcération, notamment en raison de la maladie de son fils et du décès d’un ami.

La représentante du commissaire de police a indiqué que dès le prononcé du jugement du Tribunal correctionnel, le 13 février 2023, les autorités genevoises avaient immédiatement sollicité le soutien du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) en vue de la délivrance d'un laissez-passer par les autorités marocaines. Selon les indications du SEM, la réponse des autorités marocaines pouvait prendre entre quatre et six mois. Dans l'hypothèse où M. A______ serait d'accord de retourner au Maroc, le processus serait grandement accéléré. Très concrètement, en chargeant sa famille résidente au Maroc de s'adresser à la direction des affaires consulaires et sociales du Maroc, à Rabat, le processus d'identification pourrait aller relativement vite.

b. Par jugement du 17 février 2023, le TAPI a rejeté le recours. Au regard de l'ensemble des circonstances, notamment de son passé pénal, du risque de récidive et de la menace que M. A______ présentait pour l'ordre et la sécurité publics, l'intérêt privé de ce dernier à être libéré ne pouvait primer l'intérêt public à son maintien en détention en vue d'assurer l'exécution de son expulsion et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devrait monter dans l'avion devant le reconduire dans son pays. Il avait manifesté une opposition catégorique à un retour dans son pays tant devant le commissaire de police et que devant le TAPI. Son argument selon lequel il souhaiterait passer du temps avec son fils - avec lequel il ne démontrait pas entretenir des liens particulièrement étroits et réguliers -, ou le fait qu'il pourrait loger chez sa tante, ne permettaient pas de parvenir à une autre conclusion, étant encore souligné qu'il était dépourvu de tous moyens de subsistance. La détention respectait par conséquent le principe de la proportionnalité. L'autorité chargée du renvoi avait, une fois connu le jugement du Tribunal correctionnel du 13 février 2023, immédiatement entrepris les démarches en vue du refoulement de l'intéressé en sollicitant le soutien du SEM. À ce stade, il n'y avait pas lieu de douter qu'elle les poursuivrait avec toute la diligence requise, de sorte que le principe de diligence et de célérité devait être considéré comme respecté. La durée de quatre mois n'apparaissait pas disproportionnée, compte tenu des démarches en cours et encore à entreprendre, du fait de l’absence de passeport valable de l’intéressé. Elle était relative dans la mesure où l'intéressé était susceptible d'y mettre plus rapidement un terme en coopérant avec les autorités en charge de l'exécution de son expulsion.

Sans minimiser la détresse de l'intéressé, il fallait constater qu’il ne se trouvait pas dans une situation psychologique permettant de retenir que l'expulsion serait impossible. Les difficultés qu'il éprouvait ne pouvaient pas plus conduire à sa remise en liberté, étant rappelé qu'il avait la possibilité de recevoir des soins au centre de détention dans lequel il était retenu. Il ne ressortait pas des rapports médicaux versés à la procédure de contre indication à sa détention. En tout état, si la souffrance et l'anxiété que M. A______, en détention et éloigné de sa famille, devait à l'évidence éprouver ne pouvaient être niées, la difficulté à supporter l'enfermement, inhérente à l'exécution d'une mesure de privation de liberté telle que la détention administrative, ne pouvait en soi conduire à une mise en liberté. Un examen médical aurait lieu avant le départ pour s'assurer de son aptitude à voyager et un accompagnement médical lors du vol pourrait par ailleurs être envisagé. L'impossibilité du refoulement n'apparaissait pas patente et ne pouvait être prise en compte par le TAPI, en sa qualité de juge de la détention.

C. a. Par acte du 27 février 2023, M. A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et à sa libération immédiate. Subsidiairement, il devait être assigné à résidence chez sa tante. Plus subsidiairement, la mise en détention devait être réduite à deux mois. Préalablement, il devait être ordonné aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) de produire le dossier médical de son fils.

Il avait vécu moins longtemps au Maroc qu’en Suisse, où il vivait légalement depuis 2002, y avait son fils, son frère, sa nièce et un neveu, tous suisses. Il avait été convoqué par la police le 3 janvier 2022 et s’y était dûment présenté. Il avait alors été mis en détention pendant une année, avant d’être acquitté de l’accusation de tentative de meurtre. L’État avait été condamné à lui verser CHF 8'540.- au titre de réparation de son tort moral. Durant sa détention, il avait plusieurs fois tenté de mettre fin à ses jours. Son fils était atteint d’une leucémie et il ne pouvait que très rarement lui rendre visite à cause de ses hospitalisations, la dernière fois le 22 février 2023. Malgré ces difficultés il était très investi dans son rôle de père et entretenait des relations étroites avec B______. Depuis 2018, le seul crime pour lequel il ait été condamné consistait dans le vol d’un téléphone portable.

Il ressortait du rapport de suivi medico-psychologique du 6 février 2023 de Madame F______, psychologue, que M. A______ s’inscrivait dans une problématique de dépendance aux toxiques de longue date, aggravée par une situation psycho-socio-affective précaire. Il montrait la motivation pour effectuer un réel travail de changement. Il nécessitait un accompagnement pluridisciplinaire étroit pour le lui permettre. Il restait très vulnérable et dépendant du contexte relationnel et social. Le travail sur les problématiques de la dépendance restait difficile dans un milieu tel que la prison et la poursuite des soins en milieu spécialisé apparaissait indispensable.

Depuis le début de sa détention administrative, il ne bénéficiait plus d’aucun soin. Le centre de psychiatrie ambulatoire CAPPI aux HUG ayant informé le conseil du recourant de son impossibilité de convenir d’une rendez-vous si le patient se trouvait en détention, sa libération était indispensable pour qu’il puisse reprendre un traitement adapté et vital. Le principe de proportionnalité avait été violé, compte tenu de ses problèmes de santé, de son impossibilité d’entretenir des relations avec son fils et de son intérêt privé prépondérant sur un intérêt public moindre, dès lors qu’il n’y avait ni risques de fuite ni danger pour l’ordre et la sécurité publics.

b. Le commissaire a conclu au rejet du recours. L’intéressé était multirécidiviste et avait notamment été condamné pour brigandages et recel. Il avait fait l’objet d’une expulsion pour une durée de cinq ans et d’une décision de non-report de ladite expulsion. Il avait mis en échec son traitement institutionnel des addictions ordonné par la CPAR et, en s’évadant de Belle-Idée le 29 novembre 2021, avait refusé de se soumettre aux injonctions qui lui étaient données. Il ne disposait ni de la garde ni de l’autorité parentale sur son enfant, dont il ne s’était au demeurant guère occupé pendant des années et à l’endroit duquel il ne disposait que d’un droit de visite très limité. Selon ses propres déclarations, il ne l’avait vu qu’à trois reprises pendant l’année 2022. Il refusait enfin catégoriquement de retourner dans son pays. La mesure était en conséquence proportionnée. Les soins ambulatoires et urgents étaient pris en charge dans l’établissement de détention. L’interruption des rencontres avec son fils était momentanée compte tenu de l’hospitalisation de ce dernier. Les contacts téléphoniques et télématiques restaient possibles.

c. Dans sa réplique, M. A______ a persisté dans ses conclusions. Il a produit un certificat médical des HUG confirmant le suivi de B______ en onco-hématologie pédiatrique depuis décembre 2021 pour une maladie oncologique nécessitant un traitement et un suivi régulier. Il ne réclamait pas une autorisation de séjour, mais de pouvoir passer un peu de temps avec son enfant avant son départ pour le Maroc. Il avait payé sa dette pour les infractions commises et avait été acquitté des plus graves. Il n’était pas nécessaire de lui imputer d’hypothétiques infractions futures. Ses intérêts privés devaient prévaloir sur l’intérêt public à son maintien en détention.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 27 février 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).

3.             Le recourant sollicite préalablement l’apport du dossier médical de son fils.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid.  6.3.1).

3.2 En l’espèce, le recourant n’indique pas pour quels motifs l’apport du dossier médical de son fils serait nécessaire. La maladie dont souffre l’enfant n’est pas contestée. Dans ces conditions, il ne sera pas donné suite à la requête, pour autant qu’elle soit recevable s’agissant du dossier médical d’un tiers sur lequel il n’a pas l’autorité parentale.

4.             Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, l'autorité compétente peut mettre en détention la personne condamnée pour crime (let. h), afin d'assurer l'exécution d’un renvoi ou d'expulsion.

En l’espèce, le recourant a fait l’objet d’une décision d’expulsion pénale de la CPAR le 10 mars 2020. Il a, par ailleurs, été condamné pour brigandages (ordonnance du Ministère public genevois du 29 août 2016 pour des faits du 27 août 2016 et arrêt de la CPAR du 10 mars 2020 pour des faits du 19 mars 2018) et recel (jugement du Ministère public de La Chaux-de-Fonds du 8 avril 2016 pour des faits du 3 novembre 2015) soit des infractions constitutives de crimes. Les conditions légales précitées justifiant la détention administrative sont donc remplies, ce que le recourant ne conteste d’ailleurs pas. Il n’est pas nécessaire d’analyser si les conditions de l’at. 75 al. 1 let. g LEI sont aussi respectées.

5.             Le recourant fait valoir que sa détention administrative viole le principe de la proportionnalité.

5.1 Ce principe, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

5.2 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

5.3 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1436/2017 du 27 octobre 2017 consid.6a ; ATA/881/2015 du 28 août 2015 et les références citées).

5.4 Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

5.5 Selon l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (al. 1). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (al. 2). Il n'y a pas atteinte à la vie familiale si l'on peut attendre des membres de la famille qu'ils réalisent leur vie de famille à l'étranger (ATF 135 I 153 consid. 2.1).

5.6 En l’espèce, à juste titre, le recourant ne conteste pas que la mesure de mise en détention est apte et nécessaire à atteindre le but du respect des décisions de justice, de sauvegarde de l’ordre et la sécurité publiques. Il conteste la proportionnalité au sens étroit.

L’analyse porte sur la mise en détention, non sur le bien-fondé de l’expulsion, décidé par la CPAR, définitif et exécutoire. L’assurance du départ effectif du recourant de Suisse répond à un intérêt public certain, notamment au vu de ses multiples condamnations et de leur gravité, l’intéressé ayant été, par deux fois, condamné pour des crimes (brigandages et recel). Son acquittement le 13 février 2023, pour certaines infractions, n’est pas de nature à atténuer ce qui précède mais permet de ne pas l’aggraver.

L’intérêt privé du recourant à ne pas être détenu est important. Il souhaite d’une part pouvoir poursuivre son suivi médico-thérapeutique auprès du CAAP. Ce souhait est louable, mais tardif au vu du refus de l’intéressé de se soumettre au traitement médical préconisé par la CPAR. L’intéressé s’était par ailleurs évadé de Belle-Idée. Son souhait de poursuivre aujourd’hui son traitement ne peut dès lors pas primer. De surcroît, un traitement ambulatoire et d’urgence est disponible dans l’établissement.

Le recourant souhaite d’autre part entretenir des contacts réguliers avec son fils. Cette allégation doit toutefois être relativisée. À l’instar des mesures médicales, le recourant n’avait pas, lorsqu’il était libre, entretenu des relations suivies avec son enfant. Il n’a ni autorité parentale, ni garde de celui-ci mais un droit de visite limité, qui n’a pu s’exercer que trois fois en 2022. Le fait d’être père ne l’a par ailleurs pas empêché de commettre des crimes, quand bien même la dernière grave accusation portée à son encontre n’était pas fondée. Enfin, son enfant est hospitalisé, ce qui complique les visites. Au vu de ces circonstances, et du fait que des contacts peuvent être maintenus par les moyens informatiques modernes, cet élément n’est pas de nature à modifier à lui seul le résultat de la pesée des intérêts.

Le recourant propose une solution alternative, indiquant qu’il pourrait résider chez sa tante et travailler. Il doit à nouveau être constaté que l’intéressé se trouve en Suisse depuis vingt et un ans et n’a jamais réussi à stabiliser sa situation, en travaillant et sans commettre de délit. Son allégation selon laquelle il ne peut lui être reproché que le vol d’un téléphone portable est contredite par son casier judiciaire fourni, y compris de condamnation récentes, la dernière en février 2023 pour vol, dommage à la propriété, empêchement d’accomplir un acte officiel. Une assignation à résidence ne permettra en conséquence ni de garantir sa présence lors de son renvoi, le recourant ayant régulièrement affirmé ne pas vouloir retourner au Maroc, et son opposition aux décisions de l’autorité allant jusqu’à une évasion de Belle-Idée, ni de sauvegarder la sécurité et l’ordre publics au vu des multiples récidives.

La pesée des intérêts aboutit à faire primer l’intérêt public, impliquant la mise en détention du recourant, sur l’intérêt privé de ce dernier à être immédiatement libéré, voire assigné à résidence.

Le grief de violation du principe de la proportionnalité sera écarté.

Les autorités suisses ont agi avec célérité, notamment en intervenant dès l’acquittement de l’intéressé, le 13 février 2023. Les autorités marocaines ont été immédiatement saisies en vue de l’obtention d’un laissez-passer.

Enfin, la durée de la mesure est compatible avec la limite posée par l’art. 79 LEI, restant bien en-deçà de celle-ci.

La détention administrative est ainsi conforme au droit et au principe de la proportionnalité. Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

6.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 février 2023 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexandre Alimi, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'Établissement de détention administrative Favra, pour information.

 

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :