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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3523/2023

ATA/1291/2023 du 01.12.2023 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3523/2023-FPUBL ATA/1291/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 1er décembre 2023

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Guy ZWAHLEN, avocat

contre

TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS intimés
représentés par Me Constansa DERPICH, avocate



Vu en fait :

la décision des Transports Publics Genevois (ci-après : TPG) du 27 septembre 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, par laquelle ces derniers ont résilié les rapports de service de A______, avec effet au 31 octobre 2023, sur la base de l’art. 71 du statut du personnel des TPG du 1er janvier 1999 (ci-après : SP) ;

vu le recours expédié le 27 octobre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) au terme duquel A______ a conclu préalablement à l’octroi de l’effet suspensif et, principalement, à la mise à néant de la décision de licenciement du 27 septembre 2023 ;

qu’elle a fait valoir au fond, après être revenue sur chacun des incidents reprochés, que les TPG motivaient le licenciement par des événements ponctuels, non nuancés, dus au fait qu’elle était nouvelle dans l’entreprise et dont certains étaient même contestés ; les TPG n’expliquaient pas en quoi la prolongation de son contrat ne serait pas compatible avec la bonne marche de l’entreprise ; tel n’était en tout cas pas le cas ; elle avait toujours eu à cœur de remplir correctement les devoirs de sa charge, n’avait jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire, ni de remarques y relatives, pas plus que d’un avertissement formel ; elle était consciente des points qu’elle devait améliorer, conséquences de son peu d’expérience dans l’entreprise ; si, par impossible la chambre administrative rejoignait les critiques des TPG, celles-ci ne sauraient fonder un licenciement sur la base de l’art. 71 SP, dès lors que le comportement et les faiblesses y relatés, contestés pour certains, devaient être analysés à l’aune d’une employée nouvelle dans l’entreprise ne bénéficiant pas d’une grande expérience ; dans ces circonstances, le maintien de son statut ne saurait constituer un inconvénient pour le bon fonctionnement de l’entreprise justifiant la résiliation des rapports de service sur la base de cette disposition ; du reste, les TPG n’expliquaient pas dans la décision querellée en quoi il en irait ainsi ;

que sur effet suspensif, A______ a exposé qu’elle disposait d’un intérêt supérieur à pouvoir continuer à travailler avant la décision sur le fond et à percevoir un revenu ; la rupture des relations de travail aurait des effets très préjudiciables sur sa situation financière et la possibilité de faire face à ses obligation pécuniaires ;

que les TPG ont conclu au refus de restitution de l’effet suspensif ;

qu’ils ont exposé que la recourante avait été engagée en qualité de conductrice à 100% à compter du 1er octobre 2022 ; les rapports de service avaient été résiliés en raison d’un nombre important de manquements sur lesquels ils revenaient, à savoir notamment des problématiques d’arrivées tardives, de tenue vestimentaire non conforme et de non-respect du sens de la circulation ;

qu’ils précisaient ne pas entendre réintégrer le cas échéant la recourante ; que celle-ci avait entrepris toutes les démarches utiles auprès de l’office cantonal de l’emploi en vue d’une réinscription au chômage, si bien qu’elle ne serait pas privée de revenus  ;

vu la réplique de A______ du 28 novembre 2023 sur effet suspensif dont il ressort que si elle pouvait continuer à occuper son poste le temps de la procédure, cela n’entraînerait aucune atteinte aux finances des TPG, dès lors qu’elle assurerait la fonction pour laquelle elle était payée ; son maintien en fonction n’entraînerait donc aucune charge de personnel supplémentaire pour l’entreprise ; il était de plus dans l’intérêt de ces derniers qu’elle reste en emploi, dans la mesure où il était de notoriété publique qu’ils étaient en manque de chauffeurs et qu’elle était déjà formée à ce métier ; elle subissait un dommage irréparable du fait de la perte de son salaire durant la procédure, qui ne saurait être compensé par les indemnités chômage, inférieures au salaire assuré ;

que les parties ont été informées, le 29 novembre 2023, que la cause était gardée à juger sur la question de l’effet suspensif ;

considérant en droit :

l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de celles-ci, par un juge ;

que l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) qui prévoit que, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que les TPG, établissement de droit public genevois (art. 1 al. 1 de la loi sur les transports publics genevois du 21 novembre 1975 - LTPG - H 1 55), sont dotés de la personnalité juridique et sont autonomes dans les limites fixées par la LTPG (art. 2 al. 1 LTPG) ; tous les employés sont liés aux TPG par un rapport de droit public (art. 2 al. 2 SP) ;

que selon l’art. 71 SP, la direction des TPG peut mettre fin aux rapports de service pour des motifs dûment justifiés en respectant les délais de congé (al. 1) ; est considéré comme dûment justifié, tout motif démontrant que la poursuite des rapports de service n’est pas, objectivement, dans l’intérêt du bon fonctionnement de l’entreprise (al. 2) ;

que s’il retient que le licenciement ne repose pas sur un motif justifié, le juge peut proposer à l’entreprise la réintégration du salarié ; si l’entreprise s’y oppose ou s’il renonce à une telle proposition, le juge fixera une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un ni supérieur à huit salaires mensuels (art. 72 al. 1 SP) ;

que selon la jurisprudence de la chambre de céans, l'art. 71 SP équivaut au licenciement pour motif fondé prévu par les art. 21 al. 3 et 22 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) ; comme pour les fonctionnaires de l'administration cantonale, il n'est pas imposé aux TPG de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue impossible, mais uniquement qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'entreprise ; l'intérêt public au bon fonctionnement des TPG sert en effet de base à la notion de motif dûment justifié qui doit exister pour justifier un licenciement en application de l'art. 71 SP (ATA/1839/2019 du 20 décembre 2019 consid. 7c et les arrêts cités) ;

que ledit motif (ou motif fondé s’agissant des art. 21 al. 3 et 22 LPAC) est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel ; la résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1471/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/674/2017 du 20 juin 2017 ; Mémorial du Grand Conseil (MGC) 2005-2006/XI A 10420) ;

qu’en matière de fonction publique genevoise, le Tribunal fédéral a considéré que le comportement d’une personne employée par un établissement public cantonal pouvait entraîner la rupture du lien de confiance avec son employeur et justifier un licenciement administratif au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC, et ce bien qu’il n’apparaissait pas que cette personne ait gravement porté atteinte au fonctionnement ou à l’image de l’autorité intimée ; les conséquences d’un licenciement administratif étaient moins graves que la révocation disciplinaire et une violation fautive des devoirs de service n’excluait pas le prononcé d’un tel licenciement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 et 3.6) ;

que l'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités) ;

qu’en l'espèce, si la recourante devait obtenir gain de cause sur la question de l'existence d'un motif fondé de licenciement, sa réintégration pourrait uniquement être proposée par la chambre de céans, les TPG ayant d’ores-et-déjà fait savoir qu’ils s’y opposeraient ;

que devant la chambre de céans, la recourante soutient qu’il n’existerait aucun intérêt public au prononcé du caractère exécutoire de la décision et qu’au contraire elle rendrait service aux TPG en restant à leur service le temps de la procédure ;

que les intimés n’ont pas adhéré à ce raisonnement et ont appliqué la jurisprudence constante de la chambre administrative, rendue en matière de résiliation des rapports de service, selon laquelle l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier de la recourante à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées) ;

que de jurisprudence constante de la chambre de céans, un dommage psychologique ou d'image résultant du fait de la libération de travailler, de la suspension provisoire ou de la résiliation des rapports de service, dont ne se prévaut d’ailleurs pas la recourante, ne saurait à lui seul justifier la réintégration à titre provisoire (ATA/452/2023 du 2 mai 2023 ; ATA/663/2018 du 26 juin 2018 consid.4b) ;

que la seule référence à l’intérêt privé de la recourante à pouvoir travailler, pour conserver un revenu lui permettant de faire face à ses obligations financières, qui devrait l’emporter sur l’intérêt public des TPG, ne suffit pas à justifier un maintien de la recourante dans son poste de conductrice le temps de la procédure devant la chambre de céans ; ceci est également vrai si les indemnités de chômage sont moindres que le revenu qui était le sien jusqu’au 31 octobre 2023 ;

qu’enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif ;

que la requête de restitution de l’effet suspensif sera, partant, rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais du présent incident.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

 

rejette la requête d’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal-Fédéral 29, 1005 Lausanne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Guy ZWAHLEN, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Constansa DERPICH, avocate des Transports publics genevois.

 

 

La vice-présidente :

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :