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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2600/2022

ATA/1138/2023 du 17.10.2023 ( LIPAD ) , ADMIS

Recours TF déposé le 24.11.2023, 1C_634/2023
Descripteurs : LIBERTÉ D'EXPRESSION;COMMUNICATION;DOCUMENT ÉCRIT;PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL);PROTECTION DES DONNÉES;PESÉE DES INTÉRÊTS;ORGANISATION DE L'ÉTAT ET ADMINISTRATION;GESTION FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES;TÂCHE DE DROIT PUBLIC;BIENS ÉTATIQUES;PATRIMOINE ADMINISTRATIF;PATRIMOINE FINANCIER;PARTICIPATION AU CAPITAL;PARTICIPATION IMPORTANTE;APPROVISIONNEMENT EN ÉNERGIE;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;DONNÉES PERSONNELLES;SECRET D'AFFAIRES
Normes : CEDH.10; Cst.9; Cst.16; Cst.17; CP.14; CP.320; Cst-GE.9.al3; Cst-GE.26; Cst-GE.27; Cst-GE.28.al2; Cst-GE.167.al1; Cst-GE.168; LIPAD.1; LIPAD.3.al1.letc; LIPAD.24.al1; LIPAD.25; LIPAD.26; LIPAD.27; LIPAD.28.al1; LIPAD.63; LEn.6.al1; LSIG.1; LPA.19; LPA.20; LPA.22; SIG Statut du personnel.68.al1
Résumé : Demande d'accès à un contrat de rachat d'actions, par les SIG, d'une société active dans le domaine du développement éolien ainsi que ses annexes (à la suite du rachat, la société est détenue à 100% par les SIG). Le développement de projets éoliens est en lien avec la production d'énergie, qui constitue une tâche publique incombant aux SIG. La société doit ainsi être considérée comme une entreprise remplissant elle-même une tâche publique. Ses actions font donc partie du patrimoine administratif des SIG, de sorte que le contrat de rachat et ses annexes contiennent des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique. Accès au contrat et ses annexes accordé (avec caviardage du nom des tiers) et recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2600/2022-LIPAD ATA/1138/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 octobre 2023

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Stéphane GRODECKI, avocat

contre

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE intimés

 



EN FAIT

A. a. L'A______ (ci-après : l'association), dont le siège se trouve à Fribourg, a pour but de s'engager pour un approvisionnement énergétique respectueux de l'environnement et de lutter pour la protection des paysages, de la faune, de la flore et de la santé de l'homme contre l'éolien industriel.

b. Les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) sont un établissement de droit public genevois, et ont notamment pour but de fournir dans le canton de Genève l’eau, le gaz, l’électricité, de l’énergie thermique, ainsi que de traiter des déchets. Ils sont placés sous la surveillance du département du territoire.

c. La société neuchâteloise B______ SA (ci-après : B______), inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Neuchâtel le 18 janvier 2012, a notamment pour buts la rédaction d'expertise, l'identification, l'analyse, la planification, l'encouragement, le développement, la gestion de projets et l'exploitation d'installations de production d'énergies renouvelables, de même que la recherche, le développement et la structuration de possibilités d'investissement en faveur d'investisseurs privés ou institutionnels, dans le domaine de la production d'énergies renouvelables. Elle est notamment spécialisée dans le développement de projets éoliens.

d. Depuis 2009, les SIG ont lancé des projets éoliens dans l'arc jurassien. Dans ce cadre, ils ont notamment conclu avec B______ et d'autres parties, en 2011, un contrat de partenariat (X______).

e. Des différends étant apparus entre les parties en lien avec ce contrat, un accord transactionnel a été conclu entre les SIG et les autres parties. Cet accord prévoyait que X______ prendrait fin parallèlement à la vente des actions d'B______ aux SIG, étant précisé que ces derniers étaient déjà actionnaires de la société à hauteur de 20%.

f. Le 12 mai 2014, les parties ont mis fin à X______, et les SIG ont racheté la totalité des actions d'B______. Ainsi, depuis cette date, B______ est détenue à hauteur de 100% par les SIG.

g. Selon son site Internet, de 2016 et 2018, B______ a été mandatée par le service de l'énergie du canton de Fribourg (ci-après : SdE) en vue de réaliser une étude pour la définition de sites éoliens, dans le cadre de la planification éolienne cantonale.

 

 

B. a. Dans le courant de l'année 2021, l'association a sollicité des SIG l'accès aux documents relatifs à la participation de ceux-ci à la planification de sites éoliens sur le territoire du canton de Fribourg.

b. Les SIG ont répondu ne pas participer à cette planification, de sorte qu'ils n'avaient pas de documents à transmettre. Ils ont néanmoins fait suivre la demande à B______.

c. L'association a demandé la mise en œuvre d'une médiation auprès du préposé cantonal (genevois) à la protection des données et à la transparence (ci‑après : le préposé).

d. À la suite d'une rencontre ayant réuni des membres de l'association et d'B______ ainsi que la « responsable LIPAD » des SIG, l'association a précisé sa demande, en requérant d'B______ la production d'un certain nombre de documents, en particulier le contrat de vente de celle-ci aux SIG (ci‑après : le contrat), avec ses annexes.

e. B______ a refusé de donner accès aux documents requis.

f. L'association a indiqué vouloir qu'une recommandation soit rendue, en précisant que tant B______ que les SIG étaient concernés par la demande d'accès.

g. Dans sa recommandation du 5 juillet 2022, le préposé, après avoir consulté les documents sollicités par l'association, a recommandé aux SIG de transmettre à l'association certains d'entre eux, y compris le contrat.

L'activité des SIG dans le domaine éolien ou dans des sociétés actives dans ce domaine relevait d'une tâche publique directement liée à des politiques publiques. Cette lecture allait dans le sens de la jurisprudence cantonale, qui avait déjà retenu que le contrat X______ portait sur une tâche publique et constituait un document au sens de la législation genevoise. Il devait en aller de même pour les documents requis, dans la mesure où ils avaient trait à l'activité des SIG dans le domaine éolien et relevaient d'un même complexe de faits.

h. Par décision du 15 juillet 2022, les SIG ont transmis à l'association certains documents mais ont refusé de donner accès au contrat.

Leur participation dans B______ devait être qualifiée de patrimoine financier de l'État et il n'existait aucune tâche publique en lien avec le rachat de la société, qui était une entité privée. Dès lors, le contrat échappait à la notion de document – faisant l'objet d'un droit d'accès – au sens de la législation applicable.

Les motifs leur permettant ou leur imposant de refuser l'accès au contrat, en particulier l'existence d'une clause de confidentialité, de divers secrets protégés par la loi et d'informations sur des tiers, l'emportaient sur l'intérêt à sa communication.

C. a. Par acte remis à la poste le 17 août 2022, l'association a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation ainsi qu'à la communication du contrat et de ses annexes, sous réserve du caviardage du nom de tiers qui n'étaient pas partie au contrat, voire de celui des parties au contrat.

Son droit d'accès garanti par la législation cantonale avait été violé et il n'existait aucun motif s'opposant à la transmission des documents requis.

b. Les SIG ont transmis, à l'attention de la chambre administrative et sur la base de l'art. 63 de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08), le contrat ainsi que ses annexes et ont conclu au rejet du recours. Ils ont repris et complété l'argumentation formulée dans leur décision.

L'attitude de l'association depuis le début de la procédure et sa demande étaient chicanières.

À la suite du rachat d'B______, celle-ci avait déployé une activité purement commerciale et spécialisée dans le domaine de l'énergie éolienne, soumise au régime de la pleine concurrence et dans le but de réaliser des profits. L'ATA/560/2015 du 2 juin 2015, cité par le préposé, n'était pas applicable par analogie au cas d'espèce.

L'approche de la recourante consistant à demander un accès partiel au contrat, moyennant un caviardage des données personnelles, n'était pas possible.

c. Dans sa réplique, l'association a relevé que l'autorité publique ne pouvait s'opposer à la transmission de documents au seul motif qu'elle serait insatisfaite de l'usage qui en serait fait.

Son droit conventionnel à la liberté d'expression avait été violé, dès lors qu'il consacrait désormais le droit d'exiger de l'État de fournir des informations en sa possession.

d. Dans leur duplique, les SIG ont ajouté que pour bénéficier de l'application du droit conventionnel, l'association aurait dû agir dans le but d'exercer sa liberté de recevoir et de communiquer des informations ou des idées.

e. L'association a transmis à la chambre de céans une pièce nouvelle, sur laquelle les SIG se sont déterminés. L'association a ensuite répliqué.

f. Faisant suite à une demande de la chambre administrative, les SIG ont transmis tous les échanges et demandes antérieures à la procédure de médiation intervenues entre eux et l'association.

g. L'association ayant informé la chambre de céans renoncer à déposer des observations complémentaires, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 60 al. 1 LIPAD).

2.             La recourante se plaint d'une violation de sa liberté d'expression garantie par le droit conventionnel.

Elle expose que l'art. 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) consacrerait désormais le droit d'exiger de l'État de fournir des informations en sa possession. La simple présence de données personnelles dans un document officiel, sans atteinte à la protection de la sphère privée, ne suffirait pas à elle seule à en empêcher la divulgation.

2.1 Selon l'art. 10 CEDH, toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière (al. 1). La même liberté est garantie par les art. 16 et 17 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 26 et 27 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).

L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : ACEDH et CourEDH) Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie du 28 novembre 2016 (req. no 18030/11) consacre la reconnaissance d'un droit d'accès aux informations détenues par un État fondée sur l'art. 10 CEDH, à certaines conditions. Il faut d'abord que la demande d'accès ait pour but d'exercer « sa liberté de recevoir et de communiquer des informations et des idées », la collecte des informations étant une étape préparatoire importante dans l’exercice d’activités journalistiques ou d’autres activités visant à ouvrir un débat public ou constituant un élément essentiel de la participation à un tel débat (§ 158). Autrement dit, cette condition exige que « les informations recherchées [soient] réellement nécessaires à l'exercice de la liberté d'expression » du demandeur. Il y a lieu de considérer qu’obtenir l’accès à des informations est nécessaire lorsque leur rétention serait de nature à entraver l’exercice par l’individu de son droit à la liberté d’expression ou à porter atteinte à ce droit (§ 159 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_59/2020 du 20 novembre 2020 consid. 5.1). Le deuxième critère a trait à la nature des informations recherchées, lesquelles doivent généralement présenter un intérêt public (§ 162 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_447/2016 du 31 août 2017 consid. 5.5). Troisièmement, le statut du demandeur doit être pris en compte. Celui-ci doit assumer « un rôle particulier de réception et de communication au public des informations qu'il recherche » (§ 164). La CourEDH évoque en particulier la presse et les organisations non gouvernementales, tout en rappelant le niveau de protection élevé dont bénéficient d'autres « chiens de garde publics », tels que les chercheurs universitaires (Başkaya et Okçuoğlu c. Turquie [GC], nos 23536/94 et 24408/94, § 61-67, CEDH 1999-IV, Kenedi, précité, § 42, et Gillberg, précité, § 93), les auteurs d’ouvrages portant sur des sujets d’intérêt public (Chauvy et autres c. France, no 64915/01, § 68, CEDH 2004-VI, et Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France [GC], nos 21279/02 et 36448/02, § 48, CEDH 2007-IV) ou encore la fonction des blogueurs et des utilisateurs populaires des médias sociaux (§ 168). Le quatrième critère tient à la disponibilité des informations sollicitées (§ 169), en ce sens que dans l'appréciation globale de la question de savoir s'il y a ingérence de l'État dans la liberté d'expression protégée par l'art. 10 CEDH, le fait qu'aucun travail de collecte de données n'est nécessaire constitue un élément important (§ 170 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_59/2020 précité consid. 5.1).

Selon FLÜCKIGER et JUNOD, le droit d'accès doit être nié si le demandeur ne peut ou ne veut pas motiver le but de sa demande dans un cas où la condition de la contribution à l’exercice de la liberté d’expression n’apparaît pas d’emblée remplie (Alexandre FLÜCKIGER/Valérie JUNOD, La reconnaissance d’un droit d’accès aux informations détenues par l’État fondée sur l’article 10 CEDH, in : Jusletter 27 février 2017, p. 6).

2.2 En l'espèce, la recourante sollicite l'accès au contrat et ses annexes.

Si ces pièces pourraient certes contenir des informations liées de près ou de loin à la poursuite de son but social, soit notamment la lutte pour la protection des paysages contre l'éolien industriel, il n'apparaît toutefois pas d'emblée que la collecte de ces informations permettrait d'ouvrir ou de poursuivre un débat public, ni même que leur rétention serait de nature à entraver l’exercice par la recourante de son droit à la liberté d’expression ou à porter atteinte à ce droit, faute d'éléments suffisamment concrets et pertinents permettant de retenir le contraire.

Dans ces circonstances, et conformément à la doctrine précitée, à laquelle la chambre de céans se rallie, il incombait à la recourante, pour pouvoir se prévaloir de la protection conférée par l'art. 10 CEDH, de motiver sa demande d'accès, ce qu'elle n'a pas fait, se limitant tout plus à exposer que cette dernière disposition consacrerait le droit d'exiger de l'État de fournir des informations en sa possession.

En outre, et a fortiori, elle n'allègue pas qu'il existerait un intérêt public prépondérant à ce qu'elle communique les informations qu'elle obtiendrait, le cas échéant.

Il s'ensuit que les deux premiers critères de la jurisprudence conventionnelle relative à la reconnaissance d'un droit d'accès aux informations détenues par un État ne sont pas réalisés, de sorte que le refus litigieux ne constitue pas une ingérence dans la liberté d'expression garantie par l'art. 10 CEDH.

Le grief sera dès lors écarté.

3.             La recourante se plaint d'une violation de son droit d'accès aux documents garanti par le droit cantonal. Le contrat aurait été conclu dans le cadre du développement de l'approvisionnement en électricité, soit une tâche publique.

3.1 À Genève, l'activité publique s'exerce de manière transparente, conformément aux règles de la bonne foi, dans le respect du droit fédéral et du droit international (art. 9 al. 3 Cst-GE). Toute personne a le droit de prendre connaissance des informations et d’accéder aux documents officiels, à moins qu’un intérêt prépondérant ne s’y oppose (art. 28 al. 2 Cst-GE). Il a déjà été jugé que cette disposition n’avait pas une portée plus large que la LIPAD (arrêt du Tribunal fédéral 1C_379/2014 du 29 janvier 2015 consid. 5.4).

3.2 La LIPAD régit l’information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Elle poursuit deux objectifs, à savoir, d’une part, favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique ainsi que, d’autre part, protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant (art. 1 al. 2 let. a et b LIPAD).

La LIPAD comporte deux volets. Le premier concerne l’information du public et l’accès aux documents ; il est réglé dans le titre II (art. 5 ss LIPAD). Le second porte sur la protection des données personnelles, dont la réglementation est prévue au titre III (art. 35 ss LIPAD).

La LIPAD s'applique, sous réserve de son art. 3 al. 3, non pertinent en l'espèce, notamment aux institutions, établissements et corporations de droit public cantonaux et communaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. c LIPAD).

3.3 L’art. 24 al. 1 LIPAD prévoit que toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par cette loi.

Selon l'art. 25 LIPAD, les documents au sens de cette loi sont tous les supports d'information détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique (al. 1). Constituent notamment des documents les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions (al. 2).

Le document doit avoir un contenu informationnel, c'est-à-dire contenir un élément de connaissance ou un renseignement, quelle qu'en soit la nature, à condition toutefois qu'il concerne l'accomplissement d'une tâche publique, à savoir une activité étatique ou paraétatique (art. 1 LIPAD ; Mémorial du Grand Conseil [ci‑après : MGC] 2000 45/VIII 7693 ; ATA/1017/2022 du 11 octobre 2022 consid. 6a et les arrêts cités). Tant les activités étatiques que para-étatiques doivent en effet échapper au secret, sur le plan du principe, en tant qu’elles servent à l’accomplissement de tâches publiques financées au moyen des deniers publics (MGC 2000 45/VIII 7677).

3.4 Selon le Tribunal fédéral, constitue une tâche publique l'activité administrative destinée à satisfaire un besoin d'intérêt général. Il ne suffit pas toutefois qu'une loi qualifie une tâche de publique pour que celle-ci le soit ; inversement, une loi cantonale est sans portée si elle considère comme privés des biens, qui, servant à accomplir une tâche publique, appartiennent manifestement au patrimoine administratif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_78/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.3.2).

La limite entre tâches publiques et tâches privées n'est pas toujours aisée à tracer (ATF 125 I 209 consid. 6b). La notion de tâche publique doit néanmoins être définie largement et englobe toutes les activités qui favorisent un intérêt public, sans être nécessairement elles-mêmes des tâches publiques à proprement parler (ATF 135 II 49 consid. 5.2.2).

Les tâches publiques sont déterminées par la Constitution et les lois et procèdent d'un choix politique ; elles impartissent à l'État l’obligation d’agir en vue de la préservation ou de la réalisation d’un certain intérêt public. Le cas échéant, il appartient au législateur de déterminer si la tâche publique incombe aux organes étatiques ou si elle est déléguée à des privés. En d'autres termes, c'est l'interprétation de la loi qui détermine ce qui est une tâche publique, qui assume cette tâche et comment elle doit être menée à bien (ATF 138 II 134 consid. 4.3.1 et les références citées).

3.5 La jurisprudence distingue le patrimoine administratif et le patrimoine financier de l’État, précisant que lorsqu’il gère ce dernier, il agit comme un particulier et n’accomplit pas une tâche publique (arrêts du Tribunal fédéral 4A_250/2015 du 21 juillet 2015 consid. 4.1 ; 1C_379/2014 du 29 janvier 2015 consid. 5.3).

Relèvent du patrimoine administratif de l'État toutes les choses publiques servant directement, c'est-à-dire par leur utilisation en tant que telle, à remplir une tâche publique (ATF 143 I 37 consid. 6.1 ; 138 I 274 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_719/2016 du 24 août 2017 consid. 3.3.1). La gestion du patrimoine administratif a pour but la réalisation de tâches publiques (ATA/1017/2022 précité consid. 6c et les arrêts cités). Appartiennent en revanche au patrimoine financier de l'État les biens qui, n'étant pas affectés à une fin d'intérêt public, ont la valeur d'un capital et peuvent produire à ce titre un revenu, voire être réalisés. La gestion du patrimoine financier et des ressources de l'État ne sert qu'indirectement à l'exécution des tâches publiques. L'État ne détient les biens du patrimoine financier qu'à raison de leur valeur d'échange ; il s'agit d'une prestation de moyen qui permet à l'administration d'effectuer les tâches publiques (arrêt du Tribunal fédéral 1C_379/2014 précité consid. 5.3).

3.5.1 Les participations de l'État dans des entreprises à but lucratif ne remplissant pas de tâches publiques entrent dans la catégorie du patrimoine financier. Il en va de même des participations de l'État à des entreprises complètement privatisées, agissant sur le marché comme n'importe quel acteur économique privé (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 183 et 188).

Les participations de l'État à des sociétés d'économie mixte sont en revanche délicates à classer. La solution la plus simple est de les qualifier de biens administratifs, et non financiers, lorsque le patrimoine tel qu'il est utilisé par l'entreprise devrait être qualifié lui-même d'administratif si l'activité en cause était gérée par la collectivité (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Droit administratif, vol. III, 2e éd., 2018, n° 8.6.2.1).

Les sociétés à participation publique sont les sociétés dont au moins l'un des actionnaires est une collectivité publique ou une autre entité publique. Il convient de considérer toutes les sociétés à participation publique, quelle que soit l'ampleur de cette participation, qui peut même être exclusive, comme des sociétés d'économie mixte au sens large (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op.cit., n° 8.6.2.1).

3.5.2 Dans le domaine économique, la société d'économie mixte peut servir de forme de collaboration pour des investissements qui présentent un caractère d'intérêt général tout en servant des besoins particuliers. La participation publique est justifiée par la fonction même de l'entreprise et met en évidence des principes de gestion proches de ceux d'un service public. Le secteur énergétique est à ce titre particulièrement illustratif. Les capitaux qui y sont investis proviennent soit directement des collectivités, soit des entreprises électriques, dont les actions sont dans des proportions variables entre les mains des pouvoirs publics, soit enfin de l'économie privée. L'importance de la participation publique s'explique par l'intérêt qu'il y a à une exploitation rationnelle des ressources hydro-électriques et au ravitaillement de la population en énergie. La participation à des sociétés d'économie mixte doit correspondre pour la collectivité à un intérêt public : c'est pourquoi les actions font dans la règle partie du patrimoine administratif (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op.cit., n° 4.4.2.5).

3.6 La politique énergétique de la République et canton de Genève est fondée sur plusieurs principes exposés à l'art. 167 al. 1 let. a à e Cst-GE, notamment le développement prioritaire des énergies renouvelables et indigènes (let. c).

Selon l'art. 168 Cst-GE, l’approvisionnement et la distribution d’eau et d’électricité, ainsi que l’évacuation et le traitement des eaux usées, constituent un monopole cantonal dans la mesure permise par le droit fédéral (al. 1). Ce monopole peut être délégué à une institution de droit public. Celle-ci offre également d’autres prestations en matière de services industriels, notamment la fourniture du gaz et de l’énergie thermique, ainsi que le traitement des déchets (al. 2). Elle rachète à des conditions adéquates l’énergie renouvelable produite par des particuliers ou des entreprises (al. 3). Sont considérées comme des énergies renouvelables l’énergie hydraulique, l'énergie solaire, l’énergie géothermique, la chaleur ambiante, l’énergie éolienne ainsi que l'énergie tirée de la biomasse et des déchets de biomasse (art. 6 al. 1 loi sur l'énergie du 18 septembre 1986 - LEn - L 2 30).

3.7 Les SIG, établissement de droit public genevois fondé sur l'art. 168 Cst-GE, ont notamment pour but de fournir dans le canton de Genève l’eau, le gaz, l’électricité, de l’énergie thermique, ainsi que de traiter des déchets. Ils peuvent en outre développer des activités dans des domaines liés au but décrit ci-dessus et exercer leurs activités à l’extérieur du canton (art. 1 al. 1 de loi sur l'organisation des Services industriels de Genève du 5 octobre 1973 - LSIG - L 2 35).

Les SIG peuvent créer, acquérir, louer, exploiter tout moyen de production, de transport, de distribution et de vente, assurer tout service se rapportant à la réalisation de leur but. Ils peuvent de même participer à toute entreprise suisse ou étrangère de fourniture d’eau, de gaz, d’électricité, d’énergie thermique, de télécommunications (art. 1 al. 6 LSIG).

3.8 Dans l'ATA/560/2015 précité, qui portait sur une demande de transmission du contrat X______ et des données financières ayant conduit à la participation des SIG dans B______ avant le rachat de l'intégralité du capital-actions de celle-ci en mai 2014, la chambre administrative a retenu que les pièces traitant des projets des SIG dans le marché de l'énergie éolienne et de leur prise de participation dans B______ constituaient des documents au sens de l'art. 25 al. 1 LIPAD (consid. 4).

3.9 En l'espèce, les intimés ne contestent pas – à juste titre – être soumis à la LIPAD.

Ils prétendent en revanche que le contrat sollicité et ses annexes seraient exclus du droit d'accès institué par la loi, car ces documents ne contiendraient pas de renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique. En effet, leur participation dans B______, compte tenu de l'activité commerciale et de pleine concurrence de cette dernière, ferait partie du patrimoine financier de l'État.

Il convient ainsi de déterminer si les pièces sollicitées contiennent des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique au sens de l'art. 25 al. 1 LIPAD et si elles peuvent être qualifiées de documents selon l'art. 25 al. 2 LIPAD.

Depuis 2014, les intimés, établissement de droit public, sont les actionnaires uniques d'B______. Celle-ci doit donc être considérée comme une société d'économie mixte.

Elle a notamment pour but social l'exploitation d'installations de production d'énergies renouvelables, principalement l'énergie éolienne. Ce but social s'inscrit dans l'un des principes de la politique énergétique du canton de Genève, à savoir le développement prioritaire des énergies renouvelables et indigènes, mais également dans l'un des objectifs poursuivis par les SIG, soit la fourniture d'énergie et d'électricité dans le canton de Genève, qui constituent des tâches publiques prévues expressément par la Constitution genevoise (art. 167 et 168).

L'acquisition de ses actions par les SIG se justifie par l'intérêt public au ravitaillement suffisant de la population en énergie, auquel elle participe à travers son activité consistant notamment à développer des projets éoliens. Elle doit donc être considérée comme une entreprise remplissant des tâches publiques, et non comme une entreprise privée développant une activité purement commerciale.

Dans ces conditions, et conformément à la doctrine précitée, les actions d'B______, que les intimés détiennent en totalité, font partie du patrimoine administratif de ces derniers.

Il s'ensuit que le contrat sollicité, qui porte notamment sur l'achat de ces actions et dont les annexes en particulier ont trait à l'activité d'B______ – et par ricochet celle des SIG – dans le domaine de l'éolien, contient des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique au sens de l'art. 25 al. 1 LIPAD. Sa qualification de documents selon l'art. 25 al. 2 LIPAD est évidente, dans la mesure où il s'agit d'un document achevé et signé par les parties.

Cette solution rejoint celle qui a été retenue dans l'ATA/560/2015 précité. Contrairement à ce que prétendent les intimés, la chambre administrative avait déjà tranché, dans cet arrêt, la question de savoir si les documents liés au contrat X______ et ses annexes contenaient des informations relatives à l'accomplissement de tâches publiques. En effet, en retenant que ces pièces constituaient des documents au sens de l'art. 25 al. 1 LIPAD, elle a par voie de conséquence retenu, même s'il elle ne l'a pas mentionné expressément, que ces dernières contenaient de telles informations.

Cette conclusion ne suffit toutefois pas encore à retenir une violation du droit d'accès de la recourante aux documents sollicités. Il reste en effet à examiner les objections que font valoir les intimés pour en refuser l'accès.

4.             En premier lieu, ces derniers soutiennent que la demande d'accès serait chicanière. En effet, à la suite de la transmission de la majorité des documents demandés par la recourante, celle-ci aurait organisé deux conférences de presse au cours desquelles elle les aurait directement attaqués, de même qu'B______. Depuis le début de la procédure, la recourante aurait adopté une attitude chicanière, en utilisant notamment systématiquement à son compte et de manière orientée les documents transmis. De plus, le contrat ne présenterait aucun rapport avec les objectifs associatifs et statutaires poursuivis par l'association, ni avec le développement d'un projet éolien dans le canton de Fribourg.

4.1 Ancré à l'art. 9 Cst., et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1 ; ATA/175/2023 du 28 février 2023 consid. 4b ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454).

L’interdiction de l’abus de droit représente un correctif qui intervient dans l'exercice des droits (Giorgio MALINVERNI et al., Droit constitutionnel suisse, vol. II – Les droits fondamentaux, 4e éd., 2021, n. 1307). L’abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l’écart entre le droit exercé et l’intérêt qu’il est censé protéger s’avère manifeste (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, n. 6.4.4 p. 933 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 583). L’interdiction de l’abus de droit vaut, tout comme la notion de fraude à la loi qui en constitue une composante, en droit administratif (ATF 142 II 206 consid. 2.3), et ce tant pour les administrés que pour l’administration (ATA/872/2023 du 22 août 2023 consid. 6.3 et l'arrêt cité ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 584).

4.2 Les motifs qui guident une demande d'accès aux documents ou la qualité du requérant ne revêtent pas de pertinence (ATA/1145/2022 du 15 novembre 2022 consid. 11 et les arrêts cités).

Cela étant, selon le message du Conseil fédéral du 12 février 2003 relatif à la loi fédérale sur le principe de la transparence dans l'administration du 17 décembre 2004 (LTrans - RS 152.3), l’accès aux documents officiels peut être exceptionnellement refusé lorsque, par exemple, le demandeur vise délibérément à perturber le fonctionnement d’une autorité ou lorsqu’il saisit l’autorité de manière répétée et systématique afin d’accéder à un document auquel il a déjà eu accès, soit par le mécanisme du projet, soit par un autre moyen. La simple répétition d’une demande n’est pas encore en soi constitutive d’un abus. Si le traitement d’une demande nécessite plus qu’un simple travail minime, la loi autorise l’administration de percevoir un émolument (FF 2003 1807, p. 1858 s).

Par souci d'harmonisation verticale et dans la mesure où les différentes législations sur la transparence visent le même but et reprennent des principes de base globalement identiques, la jurisprudence rendue sur la base de la LTrans peut en principe être transposée à la LIPAD (ATA/39/2022 du 18 janvier 2022 consid. 7b et l'arrêt cité).

4.3 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité établit les faits d’office (art. 19 LPA) sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Ce principe n’est toutefois pas absolu ; sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; ATA/533/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.2 et l'arrêt cité).

4.4 En l'espèce, la seule pièce du dossier qui fait état des attaques personnelles et publiques qu'aurait subies les intimés lors de conférences de presse auxquelles aurait participé la recourante est un communiqué de presse du 24 août 2022 qu'ils ont eux-mêmes rédigé.

Ce document indique en particulier que la première conférence de presse organisée par les opposants à l'énergie éolienne dans le canton de Fribourg avait été le théâtre d'attaques sans précédent contre des entreprises privées et des services de l'administration fribourgeoise, et que les dits opposants, utilisant des arguments sans fondement, jetaient le discrédit sur la planification fribourgeoise par des procès d'intention, des accusations fallacieuses et des attaques personnelles. Lors de la conférence de presse du 16 août 2022, les noms d’employés d'B______ et de fonctionnaires du canton de Fribourg avaient été « jetés en pâture » au public.

Malgré son contenu explicite, ce communiqué de presse ne suffit pas à lui seul à prouver à satisfaction de droit les faits dont se prévalent les intimés, dans la mesure où il ne fait que les relater de façon subjective, ou du moins avec une objectivité et une force probante devant être fortement relativisée, puisque qu'émanant des intimés eux‑mêmes.

Il s'ensuit qu'en l'absence d'autres documents probants, par exemple des extraits des conférences de presse litigieuses, rien ne permet objectivement de retenir que la recourante aurait utilisé, ou souhaiterait utiliser, les documents transmis, respectivement requis, pour attaquer publiquement les intimés. Ceux-ci doivent par conséquent supporter les conséquences du défaut de preuve.

La demande ne saurait ainsi être considérée comme abusive ou chicanière ou consacrant un abus de droit. Le fait que le contrat ne présente aucun rapport avec les objectifs poursuivis par l'association, ni avec le développement d'un projet éolien dans le canton de Fribourg, pour autant que cela soit le cas, n'y change rien, dans la mesure où une demande d'accès n'a pas à être motivée (art. 28 al. 1 LIPAD).

L'objection sera dès lors écartée.

5.             En second lieu, les intimés soutiennent que la transmission des documents sollicités mettrait en péril ses intérêts patrimoniaux et ses secrets d'affaires, et irait à l'encontre de la protection des données personnelles des tiers concernés. Ils se prévalent également de l'existence d'une clause de confidentialité.

De plus, les noms des différentes parties impliquées seraient déjà connus du public. Ainsi, toute information divulguée dans ce contexte pourrait être mise en rapport avec les personnes concernées, qui resteraient reconnaissables malgré le caviardage. Dès lors, une transmission caviardée du document constituerait une atteinte disproportionnée aux intérêts des personnes privées en cause, dans la mesure où il n'existait aucun moyen efficace de les préserver.

La recourante allègue de son côté que le contrat ayant déjà été conclu et a priori exécuté, il n'existerait plus aucun intérêt patrimonial ni aucun processus décisionnel susceptibles d'être mis en danger par sa transmission. De plus, l'existence d'une clause de confidentialité ne suffirait pas à faire obstacle au principe de transparence.

5.1 L’adoption de la LIPAD a renversé le principe du secret de l’administration pour faire primer celui de la publicité. Toutefois, l’application de la LIPAD n’est pas inconditionnelle. En effet, dans la mesure où elle est applicable, elle ne confère pas un droit d’accès absolu, mais prévoit des exceptions, aux fins notamment de garantir la sphère privée des administrés et de permettre le bon fonctionnement des institutions (ATA/1149/2022 du 15 novembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités ; MGC 2000/VIII 7641 p.7694 ; MGC 2001 49/X 9676 p. 9680 ss, 9697 et 9738).

5.2 Aux termes de l’art. 26 LIPAD, les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s’oppose sont soustraits au droit d’accès institué par la LIPAD (al. 1) ; tel est le cas, notamment, lorsque l’accès aux documents est propre à mettre en péril les intérêts patrimoniaux légitimes ou les droits immatériels d’une institution (al. 2 let. b), rendre inopérantes les restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers (al. 2 let. f), révéler des informations couvertes par des secrets professionnels, de fabrication ou d’affaires, le secret fiscal, le secret bancaire ou le secret statistique (al. 2 let. i), ou révéler d’autres faits dont la communication donnerait à des tiers un avantage indu, notamment en mettant un concurrent en possession d’informations auxquelles il n’aurait pas accès dans le cours ordinaire des choses (al. 2 let. j).

5.3 L’énumération des différents secrets à l’art. 26 al. 2 let. i LIPAD constitue un cas particulier d’exceptions justifiées par la protection de la sphère privée. Les institutions jouant un rôle important dans l’économie locale, en particulier par les commandes qu’elles passent et les travaux qu’elles adjugent, les fournisseurs de prestations qui entrent en contact avec elles doivent d’emblée admettre agir dans la transparence. Il importe néanmoins que de telles relations ne les mettent pas dans une situation d’infériorité par rapport à des concurrents en communiquant à ces derniers des informations normalement confidentielles (MGC 2000 45/VIII 7697 s.). Par ailleurs, l’écoulement du temps peut modifier l’appréciation qu’il y a lieu de faire du caractère confidentiel ou non d’un document (MGC 2000 45/VIII 7700).

La LTrans contient une disposition similaire à l’art. 26 al. 2 let. i LIPAD. Dans une recommandation du 22 avril 2009, le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence a indiqué que l’exception du secret d’affaires ne concernait que les données essentielles dont la connaissance par la concurrence était susceptible d’entraîner des distorsions du marché et de faire perdre un avantage concurrentiel à l’entreprise concernée (ATA/560/2015 précité consid. 11).

Selon la jurisprudence, constitue un secret d'affaires toute connaissance particulière qui n'est pas de notoriété publique, qui n'est pas facilement accessible, dont le détenteur a un intérêt légitime à conserver l'exclusivité et qu'en fait, il n'entend pas divulguer. L'intérêt au maintien du secret est un critère objectif (ATF 142 II 268 consid. 5.2.2.1). En règle générale, on admet que le secret d'affaires couvre les données techniques, organisationnelles, commerciales et financières qui sont spécifiques à l'entreprise et qui peuvent avoir une incidence sur le résultat commercial et en conséquence sur la capacité concurrentielle (ATF 142 II 268 consid. 5.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_450/2020 du 14 janvier 2021 consid. 3.5.1 et les arrêts cités). Dans tous les cas de figure, une référence générale à des secrets d’affaires ne suffit pas, le maître du secret devant toujours indiquer concrètement et de manière détaillée pour quel motif une information est couverte par le secret (ATA/880/2021 du 31 août 2021 consid. 7c et les arrêts cités).

5.4 D’une manière générale, l’application des restrictions prévues à l’art. 26 LIPAD, énumérées de façon exemplative au deuxième alinéa de cette disposition, implique une pesée concrète des intérêts en présence (MGC 2000 45/VIII 7694 ss et 2001 49/X 9680). La chambre administrative a ainsi jugé que si l’existence d’une clause de confidentialité mettait certes en exergue une volonté des parties contractuelles de maintenir le contenu de leur accord dans leur sphère privée, cet élément pouvait être pris en considération à ce titre dans la pesée des intérêts commandée par l’art. 26 LIPAD, mais ne conduisait pas à exclure la mise en œuvre, sur le document concerné, des droits d’accès conférés par la loi (ATA/39/2022 précité consid. 10a et l'arrêt cité).

5.5 L’art. 27 LIPAD concrétise le principe de la proportionnalité (MGC 2000 45/VIII 7699 s.). Pour autant que cela ne requière pas un travail disproportionné, un accès partiel doit être préféré à un simple refus d’accès à un document dans la mesure où seules certaines données ou parties du document considéré doivent être soustraites à communication, en vertu de l’art. 26 LIPAD (art. 27 al. 1 LIPAD). Les mentions à soustraire au droit d’accès doivent être caviardées de façon à ce qu’elles ne puissent être reconstituées et que le contenu informationnel du document ne s’en trouve pas déformé au point d’induire en erreur sur le sens ou la portée du document (art. 27 al. 2 LIPAD). Le caviardage des mentions à soustraire au droit d’accès peut représenter une solution médiane qui doit l’emporter (MGC 2000 45/VIII 7699 ; ATA/1017/2022 précité consid. 7e et l'arrêt cité). La décision de donner un accès total, partiel ou différé à un document peut être assortie de charges lorsque cela permet de sauvegarder suffisamment les intérêts que l’art. 26 LIPAD commande de protéger (art. 27 al. 4 LIPAD).

5.6 En l'espèce, l'accord transactionnel avait pour objectif de convenir des termes auxquels les parties ont mis un terme effectif à X______ et règlent ses éléments connexes, en particulier l'acquisition par les intimés des 80% restants du capital‑actions d'B______. Ce contrat comporte les clauses usuelles d'un contrat de rachat d'actions.

Les intimés se contentent de se référer de façon générale à des secrets d'affaires, sans toutefois indiquer quelles dispositions du contrat en contiendraient ni pour quel motif elles seraient couvertes par un tel secret. Dès lors, leur argumentation ne suffit pas à démontrer l'existence d'un secret d'affaires ni, dans ces conditions, à retenir que la transmission du contrat serait susceptible de révéler des informations couvertes par un tel secret.

Les annexes au contrat contiennent en particulier la liste des dettes d'B______ au 30 avril 2014, celle des contrats en vigueur au moment de la signature du contrat ainsi que celle des projets éoliens en cours à ce moment-là. Les intimés exposent que ces annexes comporteraient des informations ayant une incidence sur le résultat commercial, les stratégies mises en place ou l'organisation interne d'B______, de sorte que leur divulgation aurait pour conséquence de donner à des concurrents un avantage indu. Cette argumentation ne peut toutefois être suivie. En effet, si une liste de dettes peut certes constituer des données financières spécifiques à l'entreprise qui peuvent avoir une incidence sur le résultat commercial à un moment donné, la liste en question a été établie il y a plus de neuf ans et, vu l'écoulement du temps, n'est pas susceptible de donner des informations suffisamment précises et actuelles sur le résultat commercial actuel de l'entreprise. On voit également mal en quoi la liste des contrats conclus par B______ donnerait sur elle des informations susceptibles de donner un avantage indu à la concurrence, et les intimés ne l'expliquent d'ailleurs pas.

Plus délicate est la question des projets en cours au moment de la signature du contrat. En effet, si les mandats effectivement réalisés par B______ ainsi que les projets éoliens en cours de développement n'apparaissent a priori pas secrets, dans la mesure où ils sont publiés sur le site Internet de l'entreprise (https://www.B______.ch/prestationsetreferences, page consultée le 6 octobre 2023), la liste en possession de la chambre de céans, soit celle des projets en cours en 2014, fait toutefois apparaître d'autres projets, et on ignore si ceux-ci sont toujours d'actualité. Cela étant, les intimés n'indiquent pas à satisfaction de droit pour quel motif cette liste serait concrètement couverte par le secret, ni quel avantage sa divulgation procurerait à d'éventuels concurrents, qu'ils ne désignent par ailleurs pas. Aucun élément suffisamment concret ne permet dès lors de retenir qu'elle serait couverte par le secret des affaires.

Au vu de tout ce qui précède, les citoyens ont le droit de prendre connaissance de ce contrat et de ses annexes. Comme l'a retenu la chambre administrative dans l'ATA/560/2015 précité, les données personnelles des vendeurs et des parties figurant dans le contrat ne sauraient faire obstacle à la consultation demandée, l’atteinte aux intérêts personnels en cause apparaissant minime eu égard à l’intérêt public de rendre le contrat transparent. À cet égard, la communication de ces documents ne rend pas inopérantes des restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers au sens de l’art. 26 al. 2 let. f LIPAD, qui justifierait que ces tiers soient consultés en application de l’art. 28 al. 4 LIPAD. Il convient en effet de ne pas admettre trop largement cette exception, sauf à priver de toute effectivité – vu que presque tous les documents détenus par l’administration contiennent des données concernant des tiers – la volonté du législateur de renverser, avec l’application de la LIPAD, le principe du secret de l’administration pour faire primer celui de la publicité (MGC 2000/VIII 7694).

L’accès au contrat et à ses annexes sera ainsi accordé. Les noms de tiers figurant dans le contrat et ses annexes, en particulier les annexes nos 1 à 8, 10 et 12, seront en revanche caviardés, conformément à l'art. 27 LIPAD.

Contrairement à ce que les intimés prétendent, l'existence de la clause de confidentialité et le secret de fonction auquel sont liés ses cadres dirigeants ne s’opposent pas non plus à la transmission de ces documents. En effet, selon l’art. 68 al. 1 du statut du personnel des SIG, les collaborateurs sont tenus de garder le secret sur les affaires de l’entreprise dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions dans la mesure où la LIPAD ne leur permet pas de les communiquer à autrui. Cette réglementation est compatible avec l’art. 320 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui doit être lu en parallèle avec l’art. 14 CP, dont la teneur précise que quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise, se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu d’une autre disposition du CP (ATA/560/2015 précité consid. 17). Ne constitue ainsi pas une information secrète au sens de l'art. 320 CP l'information qui résulte d'une publication officielle, qui a déjà été communiquée officiellement au public par l'autorité compétente, ou qui serait susceptible d'être communiquée sur requête en vertu de la législation applicable sur l'accès aux documents (Alain MACALUSO/Laurent MOREILLON/Nicolas QUELOZ [éd.], Code pénal II – Commentaire romand, 2017, n. 21 ad art. 320 CP).

La clause de confidentialité figurant dans le contrat ne fait que répéter ces principes, celle-ci réservant expressément les prescriptions légales ou injonctions d'autorités judiciaires ou administratives qui obligeraient les parties à communiquer des informations en relation avec le contrat. Les cadres dirigeants des intimés ne sauraient ainsi être pénalement incriminés par la divulgation autorisée.

Le recours sera ainsi admis. La chambre de céans fera droit à la conclusion principale de la recourante, en ordonnant que les intimés lui donnent accès aux documents sollicités, selon les modalités prévues par le présent arrêt.

6.             Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée à recourante, à la charge des intimés (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 août 2022 par l'A______ contre la décision des Services industriels de Genève du 15 juillet 2022 ;

au fond :

l'admet ;

ordonne aux Services industriels de Genève de transmettre les documents demandés par l'A______ dans son mémoire de recours du 17 août 2022, au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à l'A______ une indemnité de CHF 1'000.-, à la charge des Services industriels de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane GRODECKI, avocat de la recourante, aux Services industriels de Genève ainsi qu'au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Nathalie RAPP, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :