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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3832/2014

ATA/560/2015 du 02.06.2015 ( LIPAD ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : COMMUNICATION ; DOCUMENT ÉCRIT ; PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL) ; PROTECTION DES DONNÉES ; PESÉE DES INTÉRÊTS ; ORGANISATION DE L'ÉTAT ET ADMINISTRATION ; GESTION FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES ; SECRET PROFESSIONNEL
Normes : LIPAD.3; LIPAD.24; LIPAD.25; LIPAD.26; LIPAD.28; LIPAD.29; LIPAD.30
Résumé : Les restrictions à la communication de documents détenus par un établissement public soumis à la LIPAD, fondées sur la protection des données personnelles de tiers, doivent être appliquées restrictivement. Les documents détenus par l'administration contenant presque toujours des informations sur des tiers (noms, rapports de travail, etc), une application large de cette exception rendrait la LIPAD inopérante. L'existence d'un risque concret que des concurrents tirent un avantage indû des informations détenues par une entreprise publique dont l'activité est concurrentielle justifie le refus de communiquer les documents concernés tant que ce risque existe.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3832/2014-LIPAD ATA/560/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 juin 2015

 

dans la cause

 

A______

contre

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE



EN FAIT

1) Le 31 mai 2011, les services industriels de Genève (ci-après : les SIG) et la société B______, dont la raison sociale était alors C______
(ci-après : B______) ont signé un contrat dans le domaine de l’énergie éolienne par lequel les SIG accordaient notamment à B______ un prêt de CHF 33'000'000.- et prenaient une participation de 20 % du capital-actions de cette société pour CHF 13'000'000.-.

2) En septembre 2013, plusieurs articles ont paru dans la presse, dénonçant une perte par les SIG de CHF 46'000'000.- dans le cadre de ce contrat.

Ces révélations ont conduit à la démission du directeur général des SIG, à l’ouverture d’une enquête administrative dirigée contre le directeur et
l’ex-directeur concernés, à divers audits, ainsi qu’à une saisine de la Cour des comptes.

3) Le 7 avril 2014, l’association « A______ » (ci-après : l’association) a demandé aux SIG de pouvoir accéder aux contrats les liant ou les ayant liés à l’une de leurs mandataires dans le domaine éolien, D______, ainsi qu’au business plan (ou plan d’investissement préalable) ayant conduit les SIG à prendre une participation dans B______.

Sa demande était fondée sur la loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08).

4) Le 11 avril 2014, les SIG ont refusé d’accéder à cette demande, en invoquant les exceptions figurant à l’art. 26 LIPAD, sans autres développements.

5) Le 22 avril 2014, l’association a saisi le préposé cantonal à la transparence et à la protection des données (ci-après : le préposé) d’une requête de médiation fondée sur l’art. 30 LIPAD, en soulevant une violation par les SIG de son droit d’obtenir une décision motivée et de son droit d’accès aux documents demandés.

Après une suspension de la procédure prononcée d’accord entre les parties, une séance de médiation a eu lieu le 21 juillet 2014, constatant l’échec de celle-ci.

Pour les SIG, les documents demandés ne pouvaient être communiqués en raison de l’enquête administrative en cours. Le secret de fonction auquel ses employés étaient soumis, ainsi que la clause de confidentialité figurant dans le contrat X______ s’opposaient également à cette transmission. Enfin, la divulgation du contrat les liant à D______ violerait le droit à la protection des données personnelles de celle-ci.

6) Les SIG ont racheté l’intégralité du capital-actions d’B______ en mai 2014.

7) Par lettre du 13 août 2014 adressée au préposé, l’association a contesté par écrit le bien-fondé des arguments développés devant lui par les SIG.

8) Le 29 août 2014, ceux-ci ont répondu en persistant dans leurs arguments.

9) Le 1er octobre 2014, la presse a fait état d’une augmentation de la perte liée au contrat X______ à CHF 80'000'000.-, perte que la direction des SIG a relativisée eu égard aux CHF 200'000'000.- investis chaque année dans ses différents projets.

10) Dans une recommandation du 27 octobre 2014, le préposé a préconisé la communication des documents demandés, après la clôture de l’enquête administrative.

Afin de ne pas perturber le déroulement de celle-ci et, en particulier, de risquer que la divulgation d’informations dans la presse n’influence les personnes entendues, l’accès devait être différé jusqu’à cette échéance. Au-delà, rien ne s’opposait à la communication des documents litigieux. D______ était une personnalité publique, députée au Conseil national. Elle avait révélé dans la presse la rémunération qui lui avait été versée par les SIG. Son site internet publiait déjà de nombreuses données personnelles la concernant. Il n’y avait pas de raison, dans ces circonstances, de craindre qu’une atteinte à sa personnalité ne soit commise.

Si l’on ne pouvait exclure une distorsion du marché ou la privation d’un avantage concurrentiel des SIG dans le domaine éolien à la seule lecture des documents litigieux, la simple supposition ou possibilité que de telles conséquences existent ne suffisait pas à fonder un refus d’accès. Pour cela, les SIG auraient dû démontrer la vraisemblance d’une telle atteinte, ce qu’ils n’avaient pas fait.

La clause de confidentialité figurant dans le contrat X______ ne pouvait faire obstacle à l’application de la LIPAD. À défaut, il suffirait pour les parties à un contrat d’exclure l’application de la loi pour rendre celle-ci inopérante, ce qui était contraire à la volonté du législateur.

Enfin, il existait un intérêt des citoyens à connaître la nature des relations des SIG avec B______ et les éléments touchant la gestion, par ceux-ci, des fonds publics suite aux pertes financières importantes signalées dans la presse.

11) Le 10 novembre 2014, les SIG ont décidé de ne pas communiquer à l’association le contrat X______ et « le business plan y relatif », mais de lui transmettre le contrat signé avec D______ une fois l’enquête administrative terminée.

Les documents demandés traitaient de l’ensemble de la relation d’affaires entre les SIG et B______, qui impliquait d’autres personnes morales et physiques partenaires (actionnaires historiques, propriétaires fonciers, commune, etc…). Ils contenaient des informations sur les sites identifiés dans plusieurs régions de Suisse par les SIG comme présentant un potentiel de production énergétique important d’origine éolienne. La méthodologie et la stratégie employées par les SIG pour développer un projet éolien y étaient dévoilées (séquencement des opérations, démarche auprès des parties prenantes). Il était hautement probable que ces données, rendues publiques, favoriseraient les tiers actifs dans le développement et/ou dans le commerce de l’énergie électrique d’origine éolienne au détriment des intérêts financiers des SIG. En effet, contrairement à la distribution électrique, le développement de nouvelles sources de production était un secteur soumis à la concurrence.

Les SIG avaient ainsi un intérêt légitime à garder secrets le contenu du contrat X______ et le business plan des projets de parcs éoliens associés. Cet intérêt primait l’intérêt du public à être informé du contenu de ces documents.

La transmission de ceux-ci entraverait par ailleurs notablement le processus décisionnel ou la position de négociation des SIG qui avaient repris en 2014 l’intégralité du capital-actions d’B______ et entrepris des discussions et des négociations avec des partenaires potentiels pour l’entrée de ceux-ci dans certains projets de parc éoliens.

Le secret professionnel auquel étaient soumis les cadres dirigeants des SIG s’opposait par ailleurs à la divulgation.

En revanche, D______, informée de la recommandation du préposé, avait donné son accord à la communication du contrat la concernant. Ils avaient dès lors décidé de donner suite à la demande d’accès.

12) Par acte du 11 décembre 2014, l’association a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation, à ce que son droit d’accès à l’intégralité des documents demandés soit constaté et à ce que l’enquête administrative soit déclarée close.

Il n’existait pas de secret d’affaires dans le domaine éolien. Les sites futurs résultant de planifications cantonales, ils étaient publics. Les SIG n’utilisaient aucun procédé de fabrication particulier, les éoliennes n’étant pas fabriquées en Suisse mais à l’étranger. Les méthodes de prospection des sites propices consistaient uniquement dans la prise de contact avec les propriétaires de terrain et les communes concernées, ce qui était connu de tous.

Les SIG géraient des fonds publics ; ils ne pouvaient se prévaloir, comme les sociétés privées non soumises à la LIPAD, d’un droit de conserver secrète la teneur des négociations et des tractations qu’ils passaient avec des tiers.

13) Le 28 janvier 2015, les SIG ont déposé leur dossier, qui a été soustrait à la consultation.

14) Le même jour, ils ont déposé leurs observations en concluant au rejet du recours.

Les données relatives au potentiel de production énergétique d’origine éolienne des différents sites concernés par le contrat X______ était le résultat d’études mises en œuvre par eux et par B______. Celles-ci avaient nécessité des investissements importants en temps et en argent. Chaque étude avait duré douze à dix-huit mois pour un coût oscillant entre CHF 100'000.- et 150'000.-.

Ces éléments, ainsi que la méthodologie dévoilée, conféraient une véritable valeur économique aux documents demandés dont les SIG pouvaient se prévaloir dans leur discussion et leur négociation avec des investisseurs potentiels.

15) Par lettre du 4 février 2015, les SIG ont informé le juge délégué qu’ils avaient transmis à l’association l’ensemble des contrats conclus avec D______.

16) Le 27 février 2015, la cause a été gardée à juger après que les parties ont bénéficié d’un délai pour requérir toute mesure d’instruction complémentaire et que l’association ait pu faire valoir son droit à la réplique, qu’elle n’a pas utilisé.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige ne porte plus que sur l’accès au contrat X______ et aux données financières ayant conduit à la participation des SIG dans B______ avant leur rachat de l’intégralité du capital action de celle-ci en mai 2014. En effet, les conclusions relatives à la transmission des contrats liant les SIG à D______ sont devenues sans objet, ces documents ayant été communiqués par les SIG à la recourante en cours de procédure.

3) a. Le dossier produit par les SIG est muni des pièces dont la recourante requiert l’accès. Il est composé d’un contrat, auquel sont jointes dix-sept annexes qui en font partie intégrante (ci-après : pièces du classeur vert).

b. D’autres pièces traitent des projets des SIG dans le marché de l’énergie éolienne et de leur prise de participation dans B______ (mise en œuvre du contrat X______). Ces pièces comportent des informations financières (coûts, investissements, projections, etc), auxquelles sont indissolublement liées d’autres informations propres aux différents sites concernés (potentiel énergétique, lieux d’implantation, force du vent, etc.) qui sont le résultat d’études financées par les SIG (partie des pièces du classeur rouge classées sous le titre « paramètres économiques X______ » ; ci-après : paramètres économiques).

4) L’ensemble de ces pièces constituent des documents au sens de l’art. 25 al. 1er LIPAD, ce que les parties ne contestent pas au demeurant. Cette loi est par conséquent applicable (art. 3 al. 1 let. c et 25 LIPAD ; art. 1 de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève du 5 octobre 1973 ; LSIG - L 2 35).

5) Par ailleurs, la demande d’accès auxdits documents a été faite conformément aux règles de procédure prévues par la LIPAD, ce qui n’est pas davantage litigieux (forme de la requête, saisine du préposé, médiation, etc ; art. 28 à 30 LIPAD).

6) Selon l’art. 24 LIPAD, toute personne a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par cette loi (art. 24 al. 1 LIPAD). L’accès comprend la consultation sur place des documents ou l’obtention de copies des documents (art. 24 al. 2 LIPAD).

7) L’adoption de la LIPAD a renversé le principe du secret de l’administration pour faire primer celui de la publicité. Toutefois, l’application de la LIPAD n’est pas inconditionnelle. En effet, dans la mesure où elle est applicable, elle ne confère pas un droit d’accès absolu et fait l’objet d’exceptions, aux fins notamment de garantir la sphère privée des administrés et de permettre le bon fonctionnement des institutions (ATA/341/2015 du 14 mai 2015 ; ATA/211/2009 du 28 avril 2009 ; ATA/307/2008 du 10 juin 2008 consid. 3 ; MGC 2000/VIII 7694).

8) Selon l’art. 26 al. 1 LIPAD, sont soustraits au droit d’accès les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s’oppose. Tel est le cas, notamment, lorsque l’accès aux documents est propre à :

- mettre en péril les intérêts patrimoniaux légitimes ou les droits immatériels d’une institution (art. 26 al. 2 let. b LIPAD) ;

- entraver notablement le processus décisionnel ou la position de négociation d’une institution (art. 26 al. 2 let. c LIPAD) ;

- rendre inopérantes les restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers (art. 26 al. 2 let. f LIPAD) ;

- révéler des informations couvertes par des secrets professionnels, de fabrication ou d’affaires (art. 26 al. 2 let. i LIPAD) ;

- révéler d’autres faits dont la communication donnerait à des tiers un avantage indu, notamment en mettant un concurrent en possession d’informations auxquelles il n’aurait pas accès dans le cours ordinaire des choses (art. 26 al. 2 let. b LIPAD).

9) Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le concurrent visé par ce dernier alinéa ne constitue qu’un exemple de tiers obtenant un avantage indu.

10) Celle-ci précise en outre que seule la nature des informations contenues dans les documents dont la transmission est requise est déterminante, la qualité du requérant n’entrant pas en ligne de compte (ATA/919/2014 du 25 novembre 2014 ; ATA/805/2012 du 27 novembre 2012 consid. 3e ; ATA/180/2009 du 7 avril 2009 consid. 5 et 6 ; ATA/134/2007 du 20 mars 2007 consid. 7b).

11) Concernant la protection des secrets d’affaires, la loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’administration du 17 décembre 2004 (LTrans - RS 152.3) contient une disposition similaire à l’art. 26 al. 2 let. i LIPAD. Dans une recommandation du 22 avril 2009, le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence a indiqué que l’exception du secret d’affaires ne concernait que les données essentielles dont la connaissance par la concurrence était susceptible d’entraîner des distorsions du marché et de faire perdre un avantage concurrentiel à l’entreprise concernée.

12) Lorsqu’une atteinte est à craindre, un accès partiel doit être préféré à un simple refus d’accès à un document dans la mesure où seules certaines données ou parties du document considéré doivent être soustraites à communication en vertu de cette disposition, si cela ne requiert pas un travail disproportionné (art. 27 LIPAD,). Les mentions à soustraire au droit d’accès doivent être caviardées de façon à ce qu’elles ne puissent être reconstituées et que le contenu informationnel du document ne s’en trouve pas déformé au point d’induire en erreur sur le sens ou la portée du document. Lorsque l’obstacle à la communication d’un document a un caractère temporaire, l’accès au document doit être différé jusqu’au terme susceptible d’être précisé plutôt que simplement refusé. La décision de donner un accès total, partiel ou différé à un document peut être assortie de charges lorsque cela permet de sauvegarder suffisamment les intérêts que l’art. 26 LIPAD commande de protéger.

13) Enfin, d’une manière générale, l’application des restrictions prévues à l’art. 26 LIPAD implique une pesée concrète des intérêts en présence (MGC 2000 45/VIII 7694 ss et 2001 49/X 9680).

14) a. En l’espèce, le contrat X______ et ses annexes (classeur vert) régissent les relations entre les parties et fixent de manière générale les obligations de celles-ci (répartition des rôles sans autres précisions sur les stratégies commerciales utilisées, modalités de la prise de participation des SIG dans B______, prêts avec leurs échéances, pénalités, etc). Les noms des différents sites potentiels figurent dans ces documents, mais ne sont pas secrets, B______ les publiant sur son site internet à l’adresse http://www.B______.ch/Les-projets.32.0.html (consulté le 15 mai 2015). Depuis la reprise par les SIG de l’intégralité du capital-actions d’B______, ces contrats sont par ailleurs devenus caducs et n’ont plus qu’une valeur historique. Les citoyens ont le droit de prendre connaissance de ceux-ci, n’en déplaise aux SIG, si cette transmission ne nuit pas aux négociations et à l’activité commerciale actuelle et future des SIG. À cet égard, les seuls documents du contrat X______ qui paraissent aujourd’hui susceptibles de divulguer des données couvertes par le secret d’affaires, d’avantager des concurrents, d’affaiblir la position des SIG dans ses négociations avec des partenaires potentiels sont les annexes 2 et 5, qui contiennent des indications sur le potentiel énergétique des sites concernés. Ces données ne sont pas publiées sur le site d’B______. Si elles ne sont pas déjà connues des concurrents - ce sur quoi les SIG ne fournissent aucune indication - elles sont potentiellement de nature à faire perdre aux SIG un avantage concurrentiel.

Les SIG étaient ainsi en droit de refuser la transmission de ces deux documents pour cette raison.

b. La présence de la société E______ dans le contrat X______ a été largement publiée par la presse et sur internet. L’éventuel intérêt de cette société à ne pas faire connaître le rôle qu’elle a tenu et la rémunération qu’elle a perçue cède le pas devant l’intérêt public à prendre connaissance de ces éléments.

c. Quant aux données personnelles contenues dans les différentes annexes au contrat X______ (noms de quelques anciens actionnaires d’B______, pourcentage des parts détenues par ceux-ci, noms des signataires des représentants des sociétés parties au contrat), leur présence ne saurait faire obstacle à la consultation demandée, l’atteinte aux intérêts personnels en cause apparaissant minime eu égard à l’intérêt public de rendre le contrat X______ transparent. À cet égard, la communication de ces documents ne rend pas inopérantes des restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers au sens de l’art. 26 al. 2 let. f LIPAD, qui justifierait que ces tiers soient consultés en application de l’art. 28 al. 4 LIPAD. Il convient en effet de ne pas admettre trop largement cette exception, sauf à priver de toute effectivité - vu que presque tous les documents détenus par l’administration contiennent des données concernant des tiers - la volonté du législateur de renverser, avec l’application de la LIPAD, le principe du secret de l’administration pour faire primer celui de la publicité (MGC 2000/VIII 7694).

L’accès au contrat X______ et à ses annexes sera ainsi accordé, à l’exception des annexes 2 et 5, dont la communication sera refusée.

15) Les documents figurant dans les paramètres économiques (classeur rouge) comportent de nombreuses informations sur les différents sites concernés (modélisations, projections financières liées aux potentiels énergétiques, etc). Ces informations sont le résultat de travaux et d’études financés par les SIG. Elles ont indiscutablement une valeur économique et de négociation, qui demeure actuelle malgré l’acquisition d’B______ par les SIG, qui cherchent aujourd’hui encore des investisseurs pour ces sites.

Il est dans l’intérêt public que les SIG conservent la maîtrise de ces données qui, divulguées au public, pourraient permettre à des sociétés privées n’ayant pas investi dans ces travaux et études, de tirer un avantage concurrentiel indu.

Il n’appartient pas à la chambre de céans d’établir la réalité de cette menace ; il suffit que le risque existe pour refuser la transmission tant et aussi longtemps que ce risque concret demeure. Tel est le cas en l’espèce de ces documents, qui doivent être soustraits à la consultation pour ce motif.

16) L’accès aux pièces du contrat X______ pour lesquelles il existe un droit d’accès n’entraîne pas un travail disproportionné qui justifierait l’application de l’exception prévue à l’art. 26 al. 5 LIPAD.

17) Le secret de fonction auquel sont liés ces cadres dirigeants ne s’oppose pas non plus à la transmission de ces documents.

En effet, selon l’art. 68 al. 1er du statut du personnel des SIG (ci-après : le statut), les collaborateurs sont tenus de garder le secret sur les affaires de l’entreprise dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions dans la mesure où la LIPAD ne leur permet pas de les communiquer à autrui. Cette disposition a la même teneur que l’art. 9A al. 1er de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Ces réglementations sont compatibles avec l’art. 320 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui doit être lu en parallèle avec l’art. 14 CP, dont la teneur précise que quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise, se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu d’une autre disposition du CP.

La clause de confidentialité figurant dans le contrat X______ ne fait que répéter ces principes.

Les cadres dirigeants des SIG ne sauraient ainsi être pénalement incriminés par la divulgation autorisée.

18) Le recours sera ainsi partiellement admis, en ce sens que l’accès aux documents figurant dans le classeur vert (contrat X______ et ses annexes 1, 3 et 4, 6 à 17) sera accordé et celui aux autres documents litigieux refusé.

19) Un émolument partiel de CHF 250.- sera mis à la charge de l’association, qui n’obtient que partiellement gain de cause. Aucun émolument ne sera mis à la charge des SIG, qui en sont dispensés par la loi (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera par ailleurs allouée à l’association, qui n’a pas recouru à un avocat ni allégué avoir exposé des frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2014 par l’A______ contre la décision des services industriels de Genève du 10 novembre 2014 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision des services industriels de Genève du 10 novembre 2014 ;

ordonne aux services industriels de Genève de donner accès à l’A______ au contrat appelé « X______ », ainsi qu’à ses annexes 1, 3 et 4, et 6 à 17 ;

l’y condamne en tant que de besoin ;

dit que l’accès aux autres documents demandés est refusé ;

met un émolument de CHF 250.- à la charge de l’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’A______, aux services industriels de Genève, ainsi qu’au préposé cantonal à la transparence et à la protection des données.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Verniory, Mme Payot
Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :