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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4237/2022

ATA/1129/2023 du 12.10.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4237/2022-AIDSO ATA/1129/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 octobre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé


EN FAIT

A. a. A______ est née le ______ 1973, de nationalité espagnole, arrivée en Suisse le 4 décembre 2014 et titulaire d'un permis d'établissement valable jusqu'au 3 décembre 2024.

b. Elle est mariée à B______, ressortissant péruvien, et mère de C______, née le ______ 1997. Elle travaille dans le domaine du nettoyage.

B. a. Le 30 janvier 2020, A______ a signé la déclaration « Mon engagement en demandant une aide financière de l'Hospice général », aux termes de laquelle elle a notamment pris acte de ce que les prestations d'aide financière étaient subsidiaires à toute autre ressource et s'est engagée à rembourser toute prestation exigible à teneur des art. 12 al. 2 ainsi que 36 à 41 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

b. Le 2 mars 2020, son époux a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, exposant notamment qu'ils avaient d'un commun accord décidé de se séparer. A______ ne réclamait aucune « situation économique » et renonçait à l'hypothèque grevant leur bien en Espagne.

c. Le lendemain, A______ a rempli une demande de prestations d'aide sociale financière, indiquant être séparée de fait et avoir la charge de sa fille. Elle avait une capacité de travail partielle mais était en arrêt maladie complet. Elle avait déposé une demande de prestations d'assurance invalidité (ci‑après : AI).

d. Selon l'Hospice général, lors de l'entretien d'accueil du 3 mars 2020, A______ a évoqué l'existence du bien immobilier en Espagne, disant y avoir renoncé dans le contexte de « son divorce » et qu'elle était « sous certificat médical » depuis 2019, pour des troubles de la dépression et de la tension. Elle était suivie par plusieurs médecins, dont un psychiatre et une infirmière.

e. Par décision du 21 avril 2020, rappelant la teneur d'un entretien téléphonique de la veille, il a été confirmé à A______ qu'en raison de sa qualité de propriétaire d'un bien immobilier qui ne lui servait pas de demeure permanente, elle ne pourrait bénéficier que d'une aide exceptionnelle, laquelle était, conformément à l'art. 12 al. 2 LIASI, remboursable. Une telle aide, remboursable et limitée dans le temps, ne pourrait lui être octroyée que si elle s'engageait à entreprendre immédiatement les démarches en vue de la réalisation de l'immeuble et elle était requise de remettre au plus tôt tout document justifiant de la propriété sur le bien en question ainsi que de sa valeur.

f. Selon l'attestation d'aide financière du 23 mars 2022, A______ a perçu de l'Hospice général, un montant total de CHF 25'477.55 du 1er mars 2020 au 31 octobre 2021.

g. Le 22 avril 2022, A______ s'est engagée à rembourser à l'Hospice général la somme de CHF 1'173.15 perçue à titre de prestations d'aide sociale versées à titre d'avances à une propriétaire de bien immobilier ne servant pas de demeure permanente pour le mois en cours.

h. Jusqu'en automne 2021, A______ a eu de nombreux contacts avec l'Hospice général, certains documentés, d'autres évoqués dans la réponse du 13 janvier 2023 de l'institution, soit notamment :

-          lors d'un entretien téléphonique du 19 mai 2020, elle a reçu confirmation de son assistante sociale de ce que l'aide financière était prolongée pour une durée de trois mois ;

-          au cours d'un entretien du 14 juillet 2020, elle a exposé qu'elle pensait que la « division » ferait l'objet du jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale, la procédure suivant son cours ;

-          le 20 août 2020, elle a requis le report de son cours de français car elle était très affectée par le décès de son père. Son état de santé s'était détérioré et son médecin préconisait une hospitalisation à la Clinique de D______ ;

-          durant un entretien périodique du 3 septembre 2020, accompagnée de sa fille, elle a requis des explications sur le calcul des prestations et derechef évoqué la détérioration de son état de santé ainsi que le projet de séjour à la Clinique de D______ ;

-          en décembre, elle a remis au Centre d'aide sociale (ci-après : CAS) de la Servette le jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 25 novembre précédent et un tirage d'un mandat de vente de l'immeuble pour un montant d'EUR 115'000.- donné à une agence immobilière sur place ;

-          lors d'un entretien de bilan du 1er février 2021, A______ a indiqué qu'elle était toujours en arrêt à 100%, au bénéfice d'un suivi médical régulier dispensé par son médecin traitant, un psychiatre (entretiens mensuels), une infirmière (deux entretiens hebdomadaires), une diététicienne (deux entretiens mensuels) et un physiothérapeute (une séance hebdomadaire) ;

-          elle a annoncé par téléphone, le 7 juillet 2021, qu'elle recommencerait à travailler dès le mois de septembre ;

-          le 29 septembre 2021, à l'occasion d'un nouvel entretien périodique, elle a redemandé des explications sur le calcul des prestations, confirmé son intention de reprendre son activité professionnelle dans les jours à venir et indiqué que l'immeuble était toujours en vente.

i. Le 4 novembre 2021, A______ et son époux ont rempli une « Demande de prestations d'aide sociale / Réévaluation » et signé le document « Mon engagement en demandant une aide financière de l'Hospice général ». Ils avaient repris la vie commune et exerçaient tous deux une activité salariée.

j. Au regard des revenus du couple, l'Hospice général a retenu qu'il ne satisfaisait pas les conditions de l'aide sociale à compter du mois de novembre 2021.

k. Lors d'un entretien du 21 février 2022, demandé par B______, l'assistante sociale lui a notamment exposé qu'une décision de demande de remboursement serait notifiée à son épouse.

La prochaine notification de la décision a encore été annoncé lors d'un échange téléphonique avec les époux du 27 avril 2022. Les deux époux ont manifesté leur désaccord de sorte que la collaboratrice de l'Hospice général a précisé qu'ils pourraient former opposition.

l. Le 11 mai 2022, l'Hospice général, soit pour lui le CAS de la Servette, a rendu la décision demandant à A______ le remboursement de la somme de CHF 25'477.55 versée à titre d'avances à une propriétaire de bien immobilier.

Cette décision, qui mentionne qu'elle peut faire l'objet d'une opposition écrite par devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), conformément à l'art. 51 LIASI, dans un délai de 30 jours dès sa notification, a été notifiée à A______ le 19 mai 2022.

m. Par courrier du 11 juillet 2022, A______, représentée par le syndicat UNIA, a requis la remise totale de la somme réclamée. Elle n'avait pas formé opposition contre la décision « par méconnaissance des délais légaux ». Elle avait « agi » de bonne foi, dans la mesure où elle avait affecté l'aide reçue à la couverture de ses dépenses courantes, ne pouvant prévoir l'enchaînement d'événements malheureux qui avaient profondément dégradé sa santé et sa situation économique, étant précisé qu'elle était actuellement dans l'attente d'une nouvelle décision de l'AI. Sa situation était très précaire et ses problèmes de santé ne lui permettaient pas d'exercer une activité à plein temps, de sorte que le remboursement la plongerait dans une situation d'extrême précarité.

n. Par décision du 4 novembre 2022, l'Hospice général, sous la signature de son directeur général, a déclaré la demande irrecevable pour cause de tardiveté.

o. Représentée par un avocat, qui a depuis lors cessé d'occuper, A______ a interjeté recours contre cette décision en date du 9 décembre 2022, par devant le Tribunal administratif de première instance, lequel l'a déclaré irrecevable, faute de compétence, et l'a transmis à la chambre administrative par jugement du 13 décembre 2022.

C. a. A______ conclut à la restitution du délai pour recourir de la décision du 4 novembre 2022, à ce qu'il soit constaté que les conditions d'une remise sont remplies, à l'octroi de celle-ci, pour l'entier de la somme en cause, ainsi que d'une équitable indemnité de procédure. Subsidiairement, elle requiert le renvoi du dossier à l'Hospice général pour examen des conditions de la remise.

À l'appui, elle expose souffrir d'un trouble psychiatrique entraînant son incapacité de travail lequel, entre avril et mai 2022 était tel, notamment en raison de l'état de santé de sa mère, qu'elle n'était pas en mesure de gérer ses affaires administratives. Elle n'avait été en mesure de chercher de l'aide en vue d'une demande de remise qu'après l'amélioration de l’état de santé de sa génitrice, consultant alors le syndicat UNIA. L'intensité de sa propre maladie, due à l'aggravation de la condition de sa mère, avait été imprévisible.

A______ a produit notamment deux certificats médicaux du 8 juillet et du 30 novembre 2022 de son médecin psychiatre-psychothérapeute traitant. Selon le premier, la patiente souffrait d'un trouble psychiatrique indiquant un traitement psychiatrique psychothérapeutique intégré et la prise quotidienne d'une médication psychotrope. Ce trouble se manifestait par une symptomatologie anxieuse et dépressive, avec des difficultés motivationnelles et attentionnelles pouvant impacter sa capacité de gestion administrative et de ses courriers, « en particulier le courrier recommandé de décision de l'hospice général » du 11 mai 2022. Le second précise que les manifestations psychiques dont souffrait A______ étaient essentiellement réactionnelles à des facteurs déclenchants externes. Elle présentait de telles manifestations en avril et mai 2022 à cause de la situation médicale préoccupante de sa mère, ce qui avait impacté sa capacité à gérer le courrier précité.

b. À teneur de sa réponse du 13 janvier 2023, l'Hospice général a conclu au rejet du recours. A______ souffrait certes de troubles psychiatriques depuis de nombreuses années, plus ou moins aigus selon les périodes, et bénéficiait d'un suivi médical soutenu ; néanmoins, elle avait toujours été en mesure de remplir ses obligations administratives envers l'Hospice général, notamment en fournissant les documents et renseignements utiles pour le calcul des prestations ou en participant aux entretiens de suivi. Elle avait été informée, de même que son époux, de la prochaine notification de la décision et de ce qu'elle pourrait la contester. Les certificats médicaux n'évoquaient qu'un possible impact sur ses capacités de gestion, non que son état aurait été tel qu'elle aurait été empêchée de demander l'aide d'un tiers, notamment son époux, lequel était parfaitement au courant de la situation. La condition du cas de force majeure n'était donc pas réalisée. Subsidiairement, et en tout état, elle ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi, ayant été informée dès le 20 avril 2020 du caractère exceptionnel et remboursable des prestations allouées.

c. A______ n'ayant pas fait usage du droit de répliquer, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par communication du 21 mars 2023.

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile et transmis à la juridiction compétente par celle, incompétente, saisie à tort, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La décision dont est recours constate l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, d'une demande de remise de la somme de CHF 25'477.55 perçue par la recourante à titre d'aide financière exceptionnelle en faveur d'une personne propriétaire d'un bien immobilier qui ne lui sert pas de demeure permanente, et dont le remboursement a été réclamé par décision du 11 mai 2022, notifiée le 19 mai suivant.

3.             En procédure administrative genevoise, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

4.             Aux termes de l’art 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L’art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

Ce droit à des conditions minimales d’existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l’État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. L’art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 142 I 1 consid. 7.2.1 ; 136 I 254 consid. 4.2 ; 135 I 119 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; ATA/1231/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4a et les arrêts cités).

5.             5.1. En droit genevois, la LIASI et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

5.2. Selon l’art. 8 LIASI, la personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (al. 2).

5.3. Conformément à l'art. 9 LIASI, les prestations d'aide financière versées en vertu de la LIASI sont subsidiaires à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 (LPart - RS 211.231), ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles (al. 1). Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (al. 2). Exceptionnellement, les prestations d’aide financière peuvent être accordées à titre d'avance sur prestations sociales ou d'assurances sociales (al. 3 let. a).

La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/123/2023 du 7 février 2023 consid. 4.4 et l'arrêt cité). L’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (MGC 2005-2006/I A p. 259 ; ATA/4/2015 du 6 janvier 2015 consid. 3).

5.4. L'art. 12 al. 2 LIASI dispose que, exceptionnellement, une aide financière peut être accordée à une personne propriétaire d’un bien immobilier, si ce bien lui sert de demeure permanente. Dans ce cas, l'aide financière accordée est remboursable. L'immeuble peut être grevé d'une hypothèque au profit de l'Hospice général.

5.5. Sous le titre « Prestations perçues indûment », l'art. 36 LIASI prévoit qu'est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L’action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s’éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

5.6. Aux termes de l'art. 37 LIASI, si les prestations d'aide financière prévues par la LIASI ont été accordées à titre d'avances, dans l'attente de prestations sociales ou d'assurances sociales, les prestations d'aide financière sont remboursables, à concurrence du montant versé par l'hospice durant la période d'attente, dès l'octroi desdites prestations sociales ou d'assurances sociales (al. 1). L'hospice général demande au fournisseur de prestations que les arriérés de prestations afférents à la période d'attente soient versés en ses mains jusqu'à concurrence des prestations d'aide financière fournies durant la même période (al. 2). Il en va de même lorsque des prestations sociales ou d'assurances sociales sont versées au bénéficiaire avec effet rétroactif pour une période durant laquelle il a perçu des prestations d'aide financière (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement ; le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 4).

5.7. De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment au sens de l’art. 36 LIASI (ATA/306/2017 du 21 mars 2017 consid. 5b ; ATA/72/2017 du 31 janvier 2017 consid. 5).

A fortiori, il en est de même pour toute prestation obtenue en violation d'une obligation de rembourser à l'hospice des prestations sociales constituant des revenus au sens de l'art. 22 LIASI, perçues avec effet rétroactifs (art. 35 al. 1 let. f LIASI) – et donc aussi de rembourser des prestations conformément à l’art. 37 LIASI –, indépendamment d'une violation de l'obligation de renseigner (ATA/1214/2017 du 22 août 2017 consid. 4c ; ATA/419/2017 du 11 avril 2017 consid. 5a).

5.8. Toutefois, en application de l'art. 42 LIASI, le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile.

Dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement. Cette demande de remise est adressée à l'Hospice général.

6.             6.1. Les délais de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 ; ATA/96/2021 du 26 janvier 2021 consid. 3a).

6.2. Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l'art. 16 al. 1 2ème phr. LPA. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; ATA/871/2019 du 7 mai 2019 et les références citées).

Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016 consid. 4 ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a).

7.             7.1. En l'espèce, il est constant que la recourante n'a pas agi dans le délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement, notification intervenue le 19 mai 2022, pour n'avoir formé sa demande de remise que par acte daté du 11 juillet 2022. La recourante était du reste consciente de cet obstacle et a exposé dans la demande de remise qu'elle n'avait pas formé opposition « par méconnaissance des délais légaux ». Elle n'a ainsi allégué, ni expressément, ni implicitement, aucun motif susceptible de relever d'un cas de force majeure. Pourtant, le, supposé, empêchement dont elle se prévaut aujourd'hui était alors nécessairement connu d'elle tout comme il avait cessé de déployer ses effets, puisqu'elle avait trouvé suffisamment de ressources internes pour consulter le syndicat UNIA. Il eût dès lors appartenu à la recourante de faire valoir le moyen dont elle se prévaut aujourd'hui déjà dans sa demande de remise tardive. Dès lors qu'elle ne l'avait pas fait, l'Hospice général ne pouvait que constater que la demande était tardive, le moyen de la « méconnaissance des délais légaux » développé devant lui ne relevant nullement de la force majeure.

Pour ce motif déjà, le recours doit être rejeté.

7.2. Par surabondance, il sera encore relevé qu'il n'est ni établi, ni même rendu vraisemblable, que le 19 mai 2022 et durant les 30 jours qui ont suivi, l'état de santé psychique de la recourante était tel qu'elle était dans l'incapacité de réagir à la décision de demande de remise en tentant d'identifier quelles étaient les démarches qu'elle pouvait entreprendre et en les entreprenant.

Certes, la recourante présente des troubles susceptibles, selon son médecin, « d'impacter » sa capacité de gérer ses affaires, notamment administratives. Le premier certificat médical, n'affirme cependant pas que tel était le cas au moment de la réception de la décision demandant le remboursement, se limitant à indiquer que cela était possible (« qui peuvent impacter ») ; le second, s'il est plus affirmatif, n'indique pas que l'« impact » était tel qu'il en a résulté une incapacité.

Or, ainsi que le souligne l'intimé, la situation médicale de la recourante est ancienne et celle-ci a toujours su, dans le contexte de ses rapports avec l'aide sociale, entreprendre les démarches appropriées, que ce soit requérir l'aide sociale, à deux reprises, fournir les pièces demandées, donner des explications, en demander, et participer aux entretiens, ce sans préjudice de ses interventions auprès d'autres prestataires, telle l'AI. Même au mois d'août 2020, alors que son état s'était péjoré en raison du décès de son père, circonstance comparable à la, supposée car non établie, maladie de la mère du printemps 2022, au point que son hospitalisation était envisagée, la recourante a été en mesure de contacter son assistante sociale pour demander le report d'un cours de français. À cela s'ajoute qu'au printemps 2022, elle pouvait au moins requérir de son époux qu'il l'assistât pour obtenir des renseignements. La vie commune avait repris et ce dernier était informé de la situation. Du reste, son attention avait été attirée, doublement, sur la possibilité de contester la demande de remise, d'abord lors de l'entretien téléphonique avec l'assistante sociale qui avait annoncé la notification prochaine, entretien auquel l'époux avait participé et au cours duquel tous deux avaient marqué leur désaccord, puis suite à ladite notification, la décision mentionnant, correctement, la voie de recours ordinaire. Certes, la possibilité de requérir la remise n'était pas évoquée, et n'avait pas à l'être s'agissant d'une voie extraordinaire, mais si elle avait entrepris de s'informer sur ce qu'elle pouvait faire, par exemple auprès du syndicat UNIA, comme elle l'a fait tardivement, la recourante aurait appris l'existence théorique de cette voie. On observera encore qu'alors même qu'elle est de longue date sérieusement suivie sur le plan médical, l'intéressée ne bénéficie d'aucune mesure de protection de l'adulte ce qui ne soutient pas non plus l'hypothèse d'une incapacité de gestion.

L'état de santé défaillant, invoqué au demeurant pour la première fois dans la requête de restitution de délai pour justifier de la tardiveté de la demande de remise, ne saurait donc être retenu.

7.3. En conclusion, la décision dont est recours est fondée, qu'on l'examine au regard des éléments dont l'intimé était nanti lorsqu'il a statué ou même a posteriori, sur la base de l'argumentation développée à l'appui du recours. Celui-ci sera partant rejeté.

8. Vu la gratuité de la procédure, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante qui succombe (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 décembre 2022 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 4 novembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Alessandra CAMBI, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MARINHEIRO

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :