Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/905/2023

ATA/940/2023 du 31.08.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/905/2023-EXPLOI ATA/940/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 août 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Françoise MARTIN ANTIPAS, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la société), sise à Londres, Royaume-Uni, a détaché des travailleurs à Genève les 27 et 28 juillet 2022, notamment B______ et C______.

b. Par courriers recommandés des 11 juillet et 11 août 2022, la commission paritaire du gros œuvre (ci-après : la commission paritaire) du canton de Genève a sollicité de la société des renseignements et documents lui permettant de contrôler le respect des conditions minimales de travail et de salaire en vigueur à Genève dans son secteur d’activité.

c. Le 1er novembre 2022, par voie diplomatique, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a informé la société que l’absence de réponse aux courriers de la commission paritaire constituait une infraction à l’obligation de renseigner prévue à l’art. 7 al. 2 de la loi fédérale sur les mesures d’accompagnement applicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail du 8 octobre 1999 (loi sur les travailleurs détachés, LDet ; RS 823. 20). Un ultime délai de dix jours suivant la notification du courrier lui était accordé pour transmettre les documents requis. Les sanctions étaient réservées.

d. Par décision du 18 janvier 2023, notifiée par voie diplomatique, l’OCIRT a prononcé à l’encontre de la société une interdiction d’offrir ses services en Suisse pendant une période de 24 mois dès son entrée en force.

Elle n’avait pas remis les documents requis à plusieurs reprises par l’OCIRT et la commission paritaire. Son comportement fautif avait rendu impossible le contrôle complet du respect des conditions de travail et de salaire des personnes détachées à Genève. L’infraction était grave et il appartenait à l’administration de faire preuve de sévérité, conformément à la jurisprudence genevoise.

B. a. Par acte du 13 mars 2023, la société a interjeté recours contre la décision précitée, sous la plume d’un mandataire suisse, devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation de la décision, subsidiairement au renvoi de la cause à l’autorité intimée pour nouvelle décision.

La décision avait été notifiée par voie diplomatique le 10 février 2023 et réceptionnée le 14 du même mois. Les faits avaient été constatés de façon incomplète. La société n’avait pas reçu les courriers des 11 juillet, 11 août et 1er novembre 2022. Seule la décision, transmise par voie diplomatique, lui était parvenue. En conséquence, elle n’avait commis aucune violation de l’obligation de renseigner. Faute de demande valable de documents au sens de l’art. 7 al. 2 LDet, la décision était nulle, respectivement devait être annulée. Elle avait par ailleurs été prise en violation du droit d’être entendu, l’autorité intimée ne s’étant pas assurée de la réception des courriers précités.

Si la société avait réceptionné les demandes, elle aurait pu produire les documents de contrôle, conformément aux pièces qu’elle joignait. La sanction violait le principe de la proportionnalité, la courte période du détachement n’ayant pas été prise en compte. Le fait qu’il ne s’agissait pas de main-d’œuvre non qualifiée, entraînant un risque accru de dumping salarial, aurait également dû être considéré. Il s’agissait de deux travailleurs hautement qualifiés dont la seule mission consistait en la supervision des travaux. La durée de la sanction aurait dû se limiter au seuil minimal légal de douze mois.

b. L’OCIRT a conclu au rejet du recours.

Le dossier contenait les preuves de suivi des courriers envoyés. Tous avaient été valablement notifiés à la recourante. Les courriers des 11 juillet et 11 août 2022 avaient été envoyés par recommandé et reçus par la société respectivement les 18 juillet et 30 août 2022. La correspondance du 1er novembre 2022 avait été transmise par voie diplomatique et réceptionnée le 5 décembre 2022. Tous les courriers avaient été envoyés à la même adresse. Conformément à la jurisprudence de la chambre administrative, la remise tardive, même de l’entier des documents et renseignements, n’était pas susceptible de remettre en cause la validité d’une décision rendue en raison de la violation de l’obligation de renseigner.

La recourante n’avait pas transmis les attestations de salaires, le formulaire de demande de renseignements sur les suppléments de salaires, le formulaire d’information individuelle sur les travailleurs détachés à Genève, les preuves de prise en charge de l’ensemble des frais de détachement (frais de repas, justificatifs de paiement de l’hôtel). La non production des documents rendait impossible tout contrôle. La faute était grave et le principe de la proportionnalité avait été respecté.

c. Dans sa réplique, la société a relevé qu’aucun courrier ne mentionnait un destinataire particulier en vue de l’acheminement. La commission paritaire n’avait pas fait usage de la prestation complémentaire offerte par les services postaux suisses en matière internationale « avis de réception ». Cette prestation offrait davantage de garanties de sécurité juridique. En l’espèce, le suivi des envois ne mentionnait que « distribué par », sans autre précision, notamment par rapport à la personne qui les aurait réceptionnés. Ces attestations ne permettaient pas de retenir que les envois auraient été effectivement acheminés et remis à la recourante. Dans la mesure où la société contestait avoir reçu les courriers, la commission paritaire devait se voir imputer le fait qu’elle n’avait pas agi de façon diligente.

Le courrier de l’OCIRT du 11 novembre 2022 avait été reçu, à teneur du suivi de la poste britannique transmis par l’ambassade, par un dénommé « John ». Les locaux de la société étaient sis à Londres, ______, building composé de seize étages où plusieurs sociétés britanniques étrangères avaient leur siège ou des locaux. Après avoir investigué, la recourante avait établi que le courrier avait été reçu par D______, en charge des livraisons de l’______. Il ne s’agissait donc pas d’un organe de la recourante, ni d’un employé de cette dernière. La société ne pouvait se voir imputer une quelconque notification.

Le Royaume-Uni n’était pas partie à la Convention européenne sur la notification à l’étranger des documents en matière administratives du 24 novembre 1977 (CENA ; RS 0.172.030.5). Cette convention, qui aurait permis la notification directe par voie postale, n’était pas applicable en l’absence de ratification par l’État de destination concerné.

La question de savoir si l’autorité intimée avait procédé correctement en transmettant une demande par voie diplomatique pouvait rester indécise. Elle était toutefois irrégulière puisqu’il n’était pas possible de déterminer quelle personne physique avait réellement reçu l’envoi, et qu’après investigation, il s’était avéré que « John » n’avait aucun pouvoir pour recevoir des actes pour la société.

d. Dans sa duplique, l’OCIRT a transmis copie du suivi de la notification diplomatique de la décision du 18 janvier 2023 et de son accusé de réception, dont la réception n’avait pas été contestée. Elle avait été envoyée à la même adresse, par le même système de notification et réceptionnée par le même « John » que le courrier qui l’avait anticipé. Il apparaissait dès lors peu vraisemblable que le courrier du 1er novembre 2022 n’ait pas été réceptionné par la recourante.

e. Dans une réplique spontanée, la société a indiqué que, sans préjudice de la question de la validité de la récolte de preuves de façon tardive, les deux signatures de « John » ne se ressemblaient pas.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Dans un grief de nature formelle qu’il convient de traiter en premier lieu, la recourante invoque une violation de son droit d’être entendue au motif qu’elle n’aurait jamais reçu les courriers précédant la décision litigieuse.

Il convient en conséquence d’analyser si les courriers envoyés les 11 juillet, 11 août et 1er novembre 2022 ont été reçus.

2.1 S'agissant d'un acte soumis à réception, telle une décision ou une communication de procédure, la notification est réputée parfaite au moment où l'envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (ATA/1591/2019 du 29 octobre 2019 consid. 3c). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 118 II 42 consid. 3b ; ATA/1220/2021 du 16 novembre 2021 consid. 9b). Il suffit en effet que l'acte se trouve dans sa sphère d'influence et qu'en organisant normalement ses affaires, il soit à même d'en prendre connaissance (ATF 118 II 42 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_206/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3).

Le fardeau de la preuve de la notification d'un acte incombe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. Si elle veut se prémunir contre le risque d'échec de la preuve de la notification, elle doit communiquer ses décisions par pli recommandé (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; ATA/1069/2021 du 12 octobre 2021 consid. 2b).

Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATA/278/2021 du 2 mars 2021 consid. 6). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

2.2 D'après la jurisprudence, la notification d'une décision à l'étranger directement par voie postale représente un acte de puissance publique qui, sans l'accord de l'État concerné, porte atteinte à la souveraineté de ce dernier et est ainsi contraire au droit international public (ATF 143 III 28 consid. 2.2.1 ; 136 V 295 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2017 du 9 avril 2018 consid. 4.1, publié in ZBl 2018 p. 470, et les autres références citées). En l'absence d'un tel accord, la notification devra intervenir par la voie diplomatique ou consulaire (ATF 143 III 28 consid. 2.2.1 ; 136 V 295 consid. 5.1 ; 124 V 47 consid. 3a).

Ainsi, à moins qu'elle ne soit autorisée conventionnellement, la notification directe à l'étranger, par la voie postale, est nulle et dépourvue de tout effet. Le vice n'est pas susceptible d'être guéri (ATF 135 III 623 consid. 2.2 et 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_31/2012 du 17 août 2012 consid. 2.1).

2.3 La nullité absolue d’une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d’office (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1). Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l’incompétence fonctionnelle et matérielle de l’autorité appelée à statuer ainsi qu’une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1 et les arrêts cités).

2.4 En l’espèce, la Convention européenne sur la notification à l’étranger des documents en matière administrative du 24 novembre 1977 (RS 0.172.030.5), entrée en vigueur pour la Suisse le 1er octobre 2019, n’a pas été signée par le Royaume-Uni. Par ailleurs, les deux pays ne sont pas non plus liés par une convention bilatérale relative à la facilitation de la notification de décisions et actes judiciaires en matière administrative.

L’autorité intimée produit le suivi des envois postaux des correspondances de la commission paritaire des 11 juillet et 11 août 2022, distribués respectivement le 18 juillet 2022 à 9h32 et le 30 août 2022 à 12h21. La question de la validité de ces notifications souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

La correspondance du 1er novembre 2022 de l’OCIRT, offrant à la société la possibilité de faire valoir son droit d’être entendue dans un délai de dix jours dès réception, a été envoyée par voie diplomatique, à l’instar de la décision querellée. L’autorité intimée a produit la preuve de la délivrance de ces deux courriers. La société n’a pas contesté avoir reçu la décision querellée, laquelle a été remise à « John » qui a signé à réception de l’acte. La même personne a accusé réception du courrier offrant la possibilité à la société de faire valoir son droit d’être entendue.

Dans ces conditions, il ressort du dossier qu’à tout le moins la correspondance du 1er novembre 2022 a été dûment notifiée, par voie diplomatique, en l’absence de convention liant les deux États, et qu’en conséquence le droit d’être entendue de la recourante a été respecté. L’autorité intimée a prouvé les faits qu’il lui incombait de démontrer, à savoir la réception du courrier dans la sphère de pouvoir de son destinataire. Il appartenait alors à la recourante de prouver que « John » n’était pas habilité à recevoir des courriers pour elle-même, ce qu’aucun élément du dossier ne vient démontrer.

Les photos de la réception de l’______ sont sans pertinence, dès lors que les éventuels problèmes d’acheminement à l’interne ou l’organisation de la société quant aux personnes habilitées à signer la réception de tels courriers relèvent de sa seule responsabilité.

3.             La recourante conteste le bien-fondé de la sanction.

3.1 La loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20) règle le contrôle des employeurs qui engagent des travailleurs en Suisse et les sanctions qui leur sont applicables en cas de non-respect des dispositions relatives aux salaires minimaux prévus par les contrats‑types de travail au sens de l’art. 360a de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220).

3.2 Le contrôle du respect des conditions fixées dans la LDét incombe, pour les dispositions prévues par une convention collective de travail étendue, aux organes paritaires chargés de l’application de la convention (let. a), pour les dispositions relatives aux salaires minimaux au sens de l’art. 360a CO prévues par un contrat‑type de travail, aux commissions tripartites instituées par les cantons ou la Confédération (art. 360b CO ; let. b), pour les dispositions prévues par des actes législatifs fédéraux, aux autorités compétentes en vertu de ces actes (let. c), pour les autres dispositions: aux autorités désignées par les cantons (let. d ; art. 7 al. 1 LDét). Sur demande, l’employeur remet aux organes visés à l'art. 7 al. 1 LDét tous les documents attestant que les conditions de travail et de salaire des travailleurs sont respectées (art. 7 al. 2 LDét). Si les documents nécessaires ne sont pas ou plus disponibles, l’employeur doit établir le respect des dispositions légales à moins qu’il ne puisse démontrer qu’il n’a commis aucune faute dans la perte des pièces justificatives (art. 7 al. 3 LDét).

3.3 La loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) précise la mise en œuvre, dans le canton de Genève, de la LDét (art. 1 al. 2 LIRT).

3.4 À teneur de l’art. 35 LIRT, l’OCIRT est l'autorité compétente au sens de l’art. 7 al. 1 let. d LDet. L'inspection paritaire a également la faculté de procéder à des contrôles (al. 1). L’OCIRT veille à la coordination des activités de contrôle menées par les différents organes compétents, notamment l’inspection paritaire et les commissions paritaires. Il leur communique copie des décisions rendues sur la base de leurs rapports d'infraction (al. 2). Le prononcé des sanctions et mesures administratives prévues par l'art. 9 LDet est du ressort de l'office (al. 3).

Les différentes compétences de contrôle sont déterminées par l'art. 7 LDet. Les compétences dévolues à l'autorité cantonale sont exercées par l'office (art. 37 LIRT).

L’employeur est tenu de fournir à l’office et à l’inspection paritaire tous les renseignements et documents demandés dans les limites de la loi, sous peine des sanctions prévues par la LDet ainsi que par la LIRT (art. 38 al. 1 LIRT). Dans les secteurs couverts par une convention collective de travail étendue, l'employeur fournit aux commissions paritaires les renseignements nécessaires aux contrôles en matière de rémunération minimale, de durée du travail et du repos, ainsi que de durée minimale des vacances, sous peine des sanctions prévues par la LDet (art. 38 al. 2 LIRT).

3.5 En l’espèce, conformément aux considérants qui précèdent, il est établi que la recourante a, à tout le moins, reçu la correspondance de l’OCIRT du 1er novembre 2022. Celle-ci se référait à de précédents courriers de la commission paritaire faisant état des contrôles et de la nécessité de produire des pièces. Des sanctions étaient annoncées et réservées. Même à retenir que la recourante n’aurait reçu que celle du 1er novembre 2022 de l’OCIRT, de nombreux éléments attiraient son attention sur l’importance de donner suite aux requêtes formulées : un certain nombre de documents était sollicité ; il était mentionné que la société était invitée à faire valoir son droit d’être entendue ; le délai pour faire les observations et produire les pièces était court ; les sanctions étaient annoncées ; et référence était faite aux précédentes correspondances de la commission paritaire. Or, la société n’a donné aucune suite à cette correspondance, pas même en sollicitant une éventuelle prolongation de délai ni en produisant tout ou partie des pièces requises ni même en indiquant ne pas avoir reçu les précédentes correspondances. Dans ces conditions, la société a violé son obligation de renseigner prévue à l’art. 7 al. 2 LDet.

Le manquement reproché à la recourante est réalisé et constitue une faute passible d’une sanction administrative.

4.             La recourante conteste la quotité de la sanction.

4.1 Les organes de contrôle annoncent à l’autorité cantonale compétente toute infraction à la LDét (art. 9 al. 1 LDét). L'autorité cantonale visée à l'art. 7 al. 1
let. d LDét peut, en cas d’infraction à l’art. 2, prononcer une sanction administrative prévoyant le paiement d’un montant de CHF 30'000.- au plus (art. 9 al. 2 let. b
ch. 1 LDét) ou interdisant à l’entreprise concernée d’offrir ses services en Suisse pour une durée de un à cinq ans (art. 9 al. 2 let. b ch. 2 LDet). En cas d’infraction d’une gravité particulière à l’art. 2, prononcer cumulativement les sanctions administratives prévues par la let. b (art. 9 al. 2 let. c LDet).

4.2 L'autorité prend en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises, dans le respect du principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 8g ;  du 28 juin 2022
consid. 7e).

4.3 Pour satisfaire au principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.), il faut que la décision prononcée soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but d'intérêt public recherché par cette mesure et les intérêts privés en cause, en particulier la restriction à la liberté personnelle qui en résulte pour la personne concernée (principe de la proportionnalité au sens étroit ; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2).

4.4 Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4.5 L’autorité intimée a qualifié la faute grave. Elle a choisi l’interdiction d’offrir ses services en Suisse au lieu de l’amende. Cet élément n’est pas remis en cause par la recourante. Celle-ci conteste la durée de l’interdiction de deux ans alors que le minimum est de douze mois.

Ce faisant, la recourante oublie que le maximum est de cinq ans et qu’en conséquence, la sanction est au-dessous de la moitié de la quotité envisageable. À juste titre, l’autorité intimée n’a pas cumulé l’interdiction avec une amende, hypothèse du cas d’une infraction de gravité particulière prévue à la let. c de
l’art. 9 al.2 LDét. La recourante estime toutefois qu’il n’a pas été suffisamment tenu compte de la durée, extrêmement courte, de la mission, soit deux jours.

Toutefois, la sanction porte sur l’absence de toute réponse aux interpellations de la commission paritaire et de l’OCIRT, indépendamment de la durée du détachement. Même à retenir, comme précédemment mentionné, que la recourante n’aurait reçu que la correspondance de cette dernière autorité du 1er novembre 2022, celle-ci faisait expressément référence aux deux courriers précédents restés sans suite et à la possibilité du prononcé d’une sanction. À cette occasion, il était offert à l’entreprise de fournir les preuves pertinentes et de faire valoir son droit d’être entendue.

L’absence de toute suite à cette correspondance contrevient gravement à la législation suisse applicable en empêchant tout contrôle des conditions dans lesquelles la société anglaise a détaché deux travailleurs sur territoire helvétique. Conformément à la jurisprudence, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende ou, comme en l’espèce, pour une interdiction d’offrir ses services. La chambre administrative ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus (ATA/131/2023 du 7 février 2023 consid. 5d ; ATA/1253/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3b). Or, aucun élément du dossier ne laisse à penser que l’autorité aurait pris en considération des éléments qui manquent de pertinence ou sont étrangers au but visé par les dispositions légales applicables.

Dans ces conditions, l’OCIRT n’a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en prononçant à l’encontre de la société une interdiction d’offrir ses services en Suisse pendant une période de 24 mois dès l’entrée en force de la décision.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mars 2023 par A______ contre la décision de l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 18 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d’A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Françoise MARTIN ANTIPAS, avocate de la recourante, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail ainsi qu’au Secrétariat d’État à l’économie.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. HUGI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :