Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4405/2022

ATA/873/2023 du 22.08.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;DEVOIR DE COLLABORER;RÉSILIATION;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;MOTIF;PROPORTIONNALITÉ;RELATION DE CONFIANCE
Normes : Cst.29; LPA.10A; HUG.20; HUG.21; HUG.22; HUG.48A; LPAC.21.al3; RPAC.46
Résumé : Rejet du recours d’un infirmier dont les rapports de services ont été résiliés au motif d’une violation de ses devoirs de service, notamment celui de collaboration. Le refus du recourant d’apporter à son employeur des explications sur des événements apparaissant incompatibles avec sa fonction, soit une condamnation pénale dont il a fait l’objet, a conduit à la rupture du lien de confiance. Vu les circonstances, une exception au principe du reclassement peut être admise. Le licenciement est ainsi fondé et respecte le principe de la proportionnalité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4405/2022-FPUBL ATA/873/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

 

dans la cause

 

 

A______ recourant
représenté par Me Stéphane RYCHEN, avocat

contre

 

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Me Véronique MEICHTRY, avocate



EN FAIT

A. a. Par contrat du 22 décembre 2017, A______, né le ______ 1985 et domicilié en France, a été engagé par les Hôpitaux universitaires de Genève
(ci-après : HUG) en qualité d’infirmier diplômé au service B______ du département C______, à un taux d’activité de 100% dès le 1er janvier 2018, pour une durée indéterminée.

b. Faisant suite à une annonce publiée au mois de juillet 2016 appelant à la candidature spontanée pour un poste d’infirmier aux HUG, l’intéressé avait postulé le 16 janvier 2017.

Dans le cadre de la constitution de son dossier administratif ayant précédé son engagement, il a notamment remis aux HUG un extrait de son casier judiciaire, « bulletin numéro 3 », délivré le 18 octobre 2017 par le ministère français de la justice, ne faisant état d’aucune condamnation.

L’autorisation d’exercer la profession d’infirmier dans le canton de Genève (ci‑après : droit de pratique) lui a été délivrée par arrêté du 25 janvier 2018.

c. A______ a fait l’objet d’entretiens d’évaluation les 12 avril et 25 octobre 2018 après trois mois, respectivement neuf mois d’activité, ainsi que d’un bilan d’évaluation le 30 juin 2019. Ces évaluations étaient globalement positives.

d. Le 26 novembre 2018, il a signé avec les HUG un contrat de formation de longue durée l’autorisant à suivre une spécialisation en soins intensifs de janvier 2019 à décembre 2020. L’échéance de ce contrat a été prolongée au 30 avril 2021, au 30 juin 2021 puis au 28 février 2022, notamment en raison de la diminution de son taux d’activité à 80% dès le 1er juin 2019, ainsi que du contexte de crise lié au COVID-19.

e. Par arrêté du 17 décembre 2019, A______ a été nommé fonctionnaire des HUG dès le 1er janvier 2020, à la fonction d’infirmier, à un taux d’activité de 80%.

B. a. Dans le courant du mois de mai 2022, une enveloppe contenant des informations judiciaires au sujet de A______ a été transmise de manière anonyme à la direction générale et la direction des ressources humaines des HUG.

À teneur de ce document, le précité avait été reconnu coupable d’agression sexuelle commise du 1er mars au 5 septembre 2016 à G______ et condamné à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (ci-après : FIJAIS). Une annotation manuscrite indiquait « Appel condamné (pénal et civil) + MP le 30/10/17 ».

b. Le 25 mai 2022, D______, adjoint de direction à la direction des ressources humaines, a reçu en entretien A______ pour l’informer de ce qui précède. Ce dernier a reconnu que les éléments contenus dans le document correspondaient à la réalité et confirmé avoir fait l’objet d’une procédure pénale en France.

c. Le 9 juin 2022, à la demande de son employeur, l’intéressé a transmis un extrait de son casier judiciaire, « bulletin numéro 3 », délivré le 31 mai 2022 par le ministère français de la justice, ne faisant état d’aucune condamnation.

d. Le 7 juillet 2022, A______ a été convoqué à un entretien de service fixé au 6 septembre 2022, dont le sujet se rapportait à la prise de connaissance d’une affaire judiciaire le concernant et d’une éventuelle condamnation pour des faits potentiellement contraires et incompatibles aux devoirs de sa fonction.

e. L’entretien de service a eu lieu en présence de l’intéressé, accompagné d’un avocat français, ainsi que de sa supérieure hiérarchique, E______ et d’une responsable des ressources humaine, F______.

À teneur du compte rendu de cet entretien, le document a été présenté à A______ et des compléments d’informations lui ont été demandés. Il a déclaré : « J’ai eu un différend avec une collègue. En 2016, je travaillais sur un horaire de nuit avec une collègue, avec trois patients à gérer chacun. Cette collègue s’est endormie sur un brancard jusqu’à 4 heures du matin. De ce fait, j’ai dû assurer l’intérim, puis je suis allé la réveiller. Elle m’a giflé et a ensuite porté plainte pour agression. Cette plainte s’est in fine, soldée par un procès ». Suite à cette plainte, il avait rencontré des difficultés et été atteint tant dans sa vie professionnelle que personnelle.

Son avocat a précisé que le document en possession des HUG était un plumitif d’audience, rédigé par un greffier et qu’il s’agissait d’une décision de première instance. A______ n’avait pas été condamné en appel et aucune procédure d’effacement du casier judiciaire n’avait été initiée. Une volonté de délation d’une personne voulant nuire à l’intéressé ne pouvait être écartée. Aucun reproche ne pouvait lui être fait, son comportement n’avait jamais été problématique et il disposait de toute l’humanité nécessaire pour exercer son métier, de sorte qu’une condamnation ne pouvait remettre en cause ses qualités professionnelles.

F______ a indiqué qu’à la lecture du document, l’employeur était en droit d’obtenir des explications, notamment à des fins de protection tant des patients que des collaborateurs en raison de l’incompatibilité de l’infraction avec la fonction de l’intéressé. Elle a relevé que la condamnation semblait disproportionnée par rapport aux faits tels que présentés par l’intéressé. De tels faits étaient graves et constitutifs d’une violation des devoirs de service.

A______ a refusé de donner suite à la demande de F______ de transmettre le jugement pour avoir une meilleure compréhension des faits et vérifier la version telle que présentée.

Il a été informé que les éléments en possession des HUG et l’entretien de service étaient susceptibles de conduire à une résiliation des rapports de service ou à une sanction disciplinaire et invité à faire valoir par écrit toutes observations complémentaires ou divergences.

f. Le 27 septembre 2022, A______ s’est prévalu du droit au respect de sa vie privée, fondé sur l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), compte tenu de l’absence de légalité, de légitimité et de proportionnalité de la demande des HUG de transmettre le jugement dont il avait fait l’objet. L’extrait de casier judiciaire vierge de toute mention qu’il avait fourni devait être considéré comme suffisant et démontrait sa bonne foi.

Il a par ailleurs retourné le compte rendu de son entretien de service contresigné.

g. Par décision du 21 novembre 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, les HUG ont résilié les rapports de service pour le 28 février 2023, en raison des motifs évoqués lors de l’entretien de service.

Le droit d’être entendu de A______ avait été respecté. Ce dernier avait indiqué que la condamnation dont il avait fait l’objet concernait des événements s’étant produits dans le contexte professionnel. Il avait toutefois refusé de produire les pièces en lien avec ses explications et sa description des faits n’apparaissait pas cohérente avec le document en mains des HUG.

Il était libéré de son obligation de travailler et son traitement était maintenu jusqu’à l’échéance des rapports de service.

h. Par courriels des 30 novembre et 8 décembre 2022, A______ a demandé aux HUG des précisions quant au motif de son licenciement.

i. Le 9 décembre 2022, F______ a répondu que les motifs de son licenciement étaient mentionnés dans le rapport de son entretien de service.

j. Le 21 décembre 2022, A______ a pris acte du fait que les HUG considéraient que les motifs justifiant le licenciement figuraient intégralement et exhaustivement dans le rapport d’entretien de service. Il constatait toutefois que le licenciement était infondé et que la procédure n’avait pas été respectée, de sorte qu’il sollicitait sa réintégration immédiate et la fixation d’un nouvel entretien.

k. Le 22 décembre 2022, F______ a indiqué qu’au regard de la décision de licenciement et sans éléments nouveaux pertinents, les HUG n’entendaient pas modifier leur position.

C. a. Le 27 décembre 2022, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 21 novembre 2022, concluant à son annulation. Il demandait que sa réintégration soit ordonnée et que les HUG soient condamnés à lui payer son salaire brut et le prorata du 13ème salaire, ainsi que les primes et bonus conformément à la moyenne des 24 mois précédant son licenciement, ce du 1er mars 2023 jusqu’à sa réintégration. Subsidiairement, il concluait à ce que sa réintégration soit proposée aux HUG et qu’en cas de refus, ceux-ci soient condamnés à lui verser une indemnité pour licenciement infondé correspondant à 24 mois de son dernier traitement brut. Plus subsidiairement, il demandait que l’ouverture d’une procédure de reclassement soit ordonnée et que les HUG soient condamnés à lui payer son salaire brut et le prorata du 13ème salaire, ainsi que les primes et bonus conformément à la moyenne des 24 mois précédant son licenciement, ce du 1er mars 2023 jusqu’à l’issue de la procédure de reclassement.

La décision querellée souffrait d’un défaut de motivation en tant qu’elle se limitait à un renvoi au rapport d’entretien de service et n’indiquait pas de motif fondé justifiant la résiliation des rapports de service.

Aucun manquement pouvant constituer un motif de licenciement ne lui était reproché, pas plus que son comportement perturberait le bon fonctionnement du service ou serait propre à ébranler le rapport de confiance avec son supérieur. Il remplissait au contraire tous ses devoirs de fonction consciencieusement et avec diligence. Le fait d’avoir été « potentiellement » condamné avant son engagement n’avait eu aucun impact sur ses obligations. Son licenciement ne reposait ainsi pas sur un motif fondé.

Aucune procédure de reclassement ni sanction disciplinaire n’avait été envisagée, en violation du droit applicable. L’hypothèse selon laquelle l’ouverture d’une procédure de reclassement aurait pour conséquence de reporter le risque de comportements inadéquats de la part du fonctionnaire en cause dans un autre service n’était pas réalisée. Sans l’envoi anonyme, les HUG n’auraient jamais eu connaissance du document, qui portait atteinte à sa sphère privée, alors qu’il avait eu un comportement irréprochable et exemplaire depuis son engagement, tant à l’égard des patients que de ses collègues, ce qui ressortait de ses entretiens d’évaluation.

La résiliation des rapports de service violait le principe de proportionnalité, dans la mesure où il n’existait pas de rapport raisonnable entre son licenciement, la gravité de la faute commise et les conséquences sur le fonctionnement de l’institution. La résiliation ne constituait pas une mesure apte et nécessaire pour assurer le bon fonctionnement des HUG.

b. Le 27 février 2023, les HUG ont conclu au rejet du recours.

Dans le cadre de la procédure de recrutement, l’attention du recourant avait été attirée sur l’importance de fournir les documents requis. Il n’avait alors à aucun moment indiqué avoir fait l’objet d’une mise en cause et encore moins d’une condamnation à une peine de prison d’un an avec sursis pour une infraction sexuelle. Si les HUG en avaient eu connaissance, ils n’auraient pas procédé à son engagement.

Lors de l’entretien qu’il avait eu avec D______, le recourant avait indiqué qu’il tentait, avec l’aide de son avocat, de faire supprimer l’inscription de cette condamnation de son casier judiciaire et que le juge avait eu une lecture différente de la réalité des faits que la sienne.

Lorsque qu’E______ lui avait remis en mains propres la convocation à l’entretien de service, le recourant avait spontanément souhaité s’entretenir avec elle, affirmant vouloir être transparent et n’avoir rien à cacher. Il avait décrit les faits, précisant qu’ils s’étaient produits durant une nuit de travail au cours de laquelle l’activité était soutenue. Une de ses collègues s’était couchée dans un fauteuil et avait dormi toute la nuit, pendant qu’il s’était occupé de ses patients. Agacé, il l’avait réveillée le matin, en lui donnant une claque sur les fesses, ce qu’elle n’avait pas apprécié. Elle avait porté plainte contre lui. Il avait prétendu avoir été déplacé à Aix-les-Bains durant l’enquête. Il avait été condamné avec sursis et dû payer une forte amende, ce qui avait permis à la victime de payer sa formation d’infirmière anesthésiste. Il avait ensuite pu, toujours selon ses dires, réintégrer son ancien poste.

Quelques jours après l’entretien de service, le recourant avait croisé E______ et lui avait demandé ce qu’elle en avait pensé. Celle-ci avait fait part de son incompréhension quant aux réponses données, qui ne correspondaient pas à ce qu’il lui avait dit spontanément lors de leur échange précité. Mal à l’aise, l’intéressé avait interrompu la conversation et était retourné à son poste.

Le droit d’être entendu du recourant, de même que les exigences de motivation de la décision attaquée avaient été respectés. L’intéressé avait pu s’exprimer à plusieurs reprises sur les faits qui lui étaient reprochés, tant oralement que par écrit. Il avait par ailleurs parfaitement compris les motifs à l’origine de son licenciement.

La résiliation des rapports de service reposait sur des motifs fondés, vu le contexte décrit lors de l’entretien de service, les explications fluctuantes et peu crédibles du recourant à ce sujet, ainsi que son refus de produire tout document qui attesterait de la véracité de ses déclarations. Il avait, ce faisant, violé son devoir de collaborer et devait en supporter les conséquences. S’il avait réellement été acquitté ou si les faits qui lui étaient reprochés n’avaient pas constitué un réel risque pour les collaborateurs et patients des HUG, le recourant n’aurait pas manqué de produire la décision judiciaire y relative, à tout le moins son dispositif. Son attitude dénotait une inaptitude à remplir les exigences de son poste d’infirmier et avait rompu définitivement le lien de confiance avec les HUG, indépendamment de ses états de service globalement bons depuis son engagement. Ce qui précède avait conduit l’employeur à retenir que le recourant avait commis des faits graves, à savoir une agression sexuelle dans un cadre professionnel à l’encontre d’une collègue, étant relevé qu’il n’était pas exclu qu’il ait pu s’agir d’un ou d’une patiente. L’attitude dissimulatrice, voire mensongère du recourant avait duré tout au long des rapports de travail. Sa condamnation pénale était concomitante à sa postulation aux HUG, ce dont il s’était gardé de faire état lors de la procédure de recrutement. Lorsque les faits avaient été découverts, l’intéressé avait minimisé la gravité de ses actes et refusé d’étayer ses dires, ce qui dénotait une absence de prise de conscience et n’était pas de nature à rassurer les HUG, notamment sous l’angle du risque de récidive.

La résiliation des rapports de service respectait le principe de la proportionnalité et était seule apte à rétablir le fonctionnement normal du service, ce d’autant plus que la voie du licenciement ordinaire, et non de la révocation, avait été choisie. L’intérêt public des HUG, sous l’angle de la protection du personnel et de la patientèle, devait prévaloir sur l’intérêt privé du recourant, dont l’inadéquation du comportement ne prêtait pas à discussion.

Enfin, la rupture définitive du lien de confiance, compte tenu des dissimulations et mensonges du recourant portant sur des faits graves, avait rendu le reclassement sans objet. Celui-ci s’avérait illusoire car revenait à reporter dans un autre service les manquements reprochés au recourant et le risque de récidive y relatif. Une fois encore, l’intérêt public de l’employeur primait l’intérêt privé de l’intéressé. Si, comme l’avait jugé la chambre administrative à plusieurs reprises, le harcèlement sexuel et l’atteinte à la personnalité étaient inadmissibles et justifiaient l’absence de reclassement, il devait en aller de même a fortiori d’une condamnation pénale pour agression sexuelle.

c. Le 3 avril 2023, le recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Dans le cadre du processus de recrutement, il n’avait pas l’obligation de communiquer aux HUG avoir fait l’objet d’une mise en cause, en vertu du droit au respect de sa vie privée, ce d’autant moins qu’à cette période la procédure pénale n’était pas encore terminée, y compris à la date d’établissement de son contrat, dès lors qu’il avait fait appel du jugement de première instance. Il bénéficiait alors toujours de la présomption d’innocence. Il avait par ailleurs répondu à chacune des demandes de son employeur de transmettre un extrait de casier judiciaire pour les particuliers, vierge. Le « bulletin numéro 3 » était le seul auquel pouvaient accéder les particuliers et qu’il pouvait commander.

Il avait travaillé au sein de l’établissement hospitalier de G______ jusqu’en décembre 2016, avant d’être transféré au centre hospitalier H______, tous deux faisant partie du Centre Hospitalier I______. Ce dernier n’avait jamais, malgré sa mise en cause, estimé nécessaire de le licencier ou qu’il existait un risque de récidive, se contentant de le transférer dans un autre hôpital.

Il s’était trompé lorsqu’il avait expliqué à D______ qu’il allait tenter de supprimer l’inscription de sa condamnation au casier judiciaire. Il n’avait alors pas compris qu’aucune inscription n’y figurait. Son avocat avait confirmé qu’aucune démarche en ce sens n’avait été initiée.

Son licenciement n’était pas justifié dès lors que l’infraction n’avait eu aucun impact négatif sur la qualité de son travail, ni sur le climat de travail ou sur la réputation des HUG. Une rupture totale et définitive du lien de confiance ne pouvait être retenue. Il n’avait jamais menti et ses explications relatives à la procédure pénale n’avaient jamais varié. Les faits avaient eu lieu plus de six ans avant que les HUG en aient eu connaissance, période durant laquelle l’employeur n’avait jamais émis la moindre remarque quant à son comportement.

Dans la jurisprudence citée par les intimés, le principe du reclassement avait été jugé illusoire dans des cas où de nombreuses plaintes avaient été formées par les victimes contre un fonctionnaire, dans le cadre de son emploi, étant relevé qu’un ou plusieurs avertissements avaient été prononcés au préalable. Tel n’était pas le cas en l’occurrence. Aucun comportement inadéquat envers des patients ou des collègues ne lui avait jamais été reproché.

Un nouvel extrait du casier judiciaire « bulletin numéro 3 » vierge, délivré le 1er mars 2023 par le ministère français de la justice, ainsi qu’une déclaration d’appel du jugement de première instance du 20 octobre 2017 auprès du Tribunal de Grande Instance de Chambéry, datée du 30 octobre 2017, étaient notamment joints à cette écriture.

d. Le 21 avril 2023, les HUG ont relevé que les dernières pièces produites n’apportaient aucun élément pertinent. Le recourant n’avait pas transmis la décision d’appel, qui aurait permis de déterminer l’issue de la procédure pénale, mais uniquement l’acte d’appel, largement caviardé.

Si la chambre administrative devait douter de l’existence de motifs fondés justifiant le licenciement, en particulier de la rupture irrémédiable du lien de confiance vu notamment les déclarations fluctuantes et mensongères du recourant, les HUG concluraient à l’ouverture d’enquêtes et à l’audition de D______ et E______ en qualité de témoins.

e. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 21 novembre 2022 des HUG résiliant les rapports de service du recourant pour le 28 février 2023, pour motif fondé.

3.             Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; art. 61 al. 1 LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non pertinente en l’espèce.

4.             Les parties soulèvent des questions en lien avec le droit d’être entendu.

4.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que la juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433
consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4).

4.2 Le droit d'être entendu impose également à l'autorité de motiver ses décisions, afin que l’administré puisse les comprendre et exercer son droit de recours à bon escient. Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l’autorité discute les griefs qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATA/715/2021 du 6 juillet 2021 consid. 3a).

Il suffit, selon la jurisprudence, qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que la personne concernée puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; ATF 138 I 232 consid. 5.1). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 2C_126/2015 du 20 février 2015 consid. 4.1 ; 1B_295/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2.2). En revanche, une autorité se rend coupable d'une violation du droit d'être entendu si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2015 du 29 février 2016 consid. 4.1).

4.3 Le recourant se plaint d’un défaut de motivation de la décision attaquée en tant qu’elle se limite à un renvoi au rapport d’entretien de service et n’indique pas de motif fondé justifiant la résiliation des rapports de service.

La décision entreprise se réfère expressément aux motifs évoqués lors de l’entretien de service. Le recourant a été dûment convoqué audit entretien et informé à cette occasion qu’il se rapportait à une affaire judiciaire le concernant, soit une éventuelle condamnation pénale pour des faits incompatibles avec ses devoirs de fonction. Après avoir pu s’exprimer durant l’entretien, il a été informé que les éléments précités étaient susceptibles de conduire à une résiliation des rapports de service ou à une sanction disciplinaire. Il a ensuite déposé des observations et contresigné le rapport d’entretien. Le recourant a pu se rendre compte de la portée de la décision prise à son égard et recourir contre elle en connaissance de cause, par un acte de recours dûment motivé, à l’appui duquel il a produit un certain nombre de pièces. Le grief de violation du droit d’être entendu sera en conséquence écarté.

4.4 Les HUG sollicitent l’audition de deux témoins pour démontrer l’existence de motifs fondés.

Ces témoignages ne s’avèrent toutefois pas de nature, vu le dossier en mains de la chambre de céans et les considérants qui suivent, à modifier l’issue du présent litige, de sorte qu’il ne sera pas donné suite à cette requête d’instruction.

5.             La question de savoir quels sont les moyens de preuve admis en procédure administrative est régie, devant les autorités cantonales, par le droit cantonal, sous réserve de dispositions de droit fédéral (ATF 139 II 7 consid. 5). En procédure administrative genevoise, l'art. 10A LPA dispose que « [t]oute personne peut porter à la connaissance des autorités des faits susceptibles d'entraîner l'ouverture d'une procédure administrative. Toutefois, l'autorité ne donne aucune suite aux dénonciations anonymes ». Sous cet angle, un rapport de police transmis anonymement à une autorité est considéré comme étant obtenu de manière illicite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_260/2020 du 20 octobre 2020 consid. 5.2). Le sort des preuves obtenues illégalement n'est toutefois pas réglé par la LPA.

La jurisprudence reconnaît qu'une interdiction de principe d'utiliser des preuves acquises illicitement peut être déduite du droit à un procès équitable au sens des art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), (ATF 143 II 443 consid. 6.3 ; 139 II 95 consid. 3.1 ; 139 II 7 consid. 6.4.1). L'exclusion de tels moyens n'est toutefois pas absolue, le juge devant opérer une pesée des intérêts en présence, à savoir, d'une part, l'intérêt public à la manifestation de la vérité et, d'autre part, l'intérêt de la personne concernée à ce que le moyen de preuve ne soit pas exploité (ATF 143 II 443 consid. 6.3 ; 139 II 95 consid. 3.1 ; 131 I 272 consid. 4). Dans ce cadre sont notamment déterminantes la gravité de l'acte répréhensible et la question de savoir si le moyen de preuve est en soi admissible et aurait pu être obtenu de façon légale (ATF 137 I 218 consid. 2.3.4 ; 131 I 272 consid. 4.1.2 et les références citées). Le juge peut s'inspirer au besoin des règles posées en matière pénale, à savoir les art. 3 et 139 ss CPP (ATA/240/2017 du 28 février 2017 consid. 6).

En l’espèce, l’extrait judiciaire qui concerne la procédure pénale dont le recourant a fait l’objet en France a été transmis de manière anonyme à son employeur. Il existe toutefois un intérêt public évident à employer dans les établissements publics médicaux du personnel respectueux de l’institution et de ses obligations, ainsi que de protection du personnel et de la patientèle, qui prime celui du recourant à ce qu’aucune suite ne soit donnée à la dénonciation anonyme à son sujet. Dans ces circonstances, il ne peut être reproché aux HUG, et le recourant ne l’allègue d’ailleurs pas, d’avoir instruit les faits portés à sa connaissance.

6.             Le recourant conteste l’existence d’un motif fondé à son licenciement.

6.1 En tant que membre du personnel des HUG, le recourant est soumis au statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999 (ci-après : statut) en application de l'art. 1 al. 1 let. e de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et de l'art. 7 let. e de la loi sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 (LEPM - K 2 05). Il est aussi soumis à la LPAC, au règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), à la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), ainsi qu'au règlement d'application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01).

6.2 Les devoirs des membres du personnel des HUG sont énoncés dans le titre III du statut. Ces derniers sont tenus au respect de l'intérêt de l'établissement et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 du statut). Selon l'art. 21 du statut, qui reprend en substance la teneur de l'art. 21 RPAC, les membres du personnel se doivent notamment, par leur attitude, d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a) ; de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c). Ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 du statut).

6.3 À teneur de l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées par règlement.

Aux termes de l'art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ou la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

Les motifs de résiliation des rapports de service ont été élargis lors de la modification de la LPAC du 23 mars 2007, entrée en vigueur le 31 mai 2007. Depuis lors, il ne s'agit plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (ATA/287/2018 du 27 mars 2018 consid. 3a ;
MGC 2006-2007/VI A 4529). L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir, mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives à son bon fonctionnement (ATA/589/2018 du 12 juin 2018 consid. 5 ; ATA/253/2018 du 20 mars 2018 consid. 4a ; MGC 2005-2006/XI A 10420).

Selon le Tribunal fédéral, la violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement administratif, soit, pour le canton de Genève, le licenciement pour motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC. Si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5). Dans cette affaire, l'établissement public cantonal avait, après l'enquête administrative, prononcé la révocation à l'encontre du membre du personnel concerné. Selon le Tribunal fédéral, on peut douter que la voie utilisée par l'autorité intimée constitue une mesure appropriée pour sanctionner les actes de ladite personne. Ceux-ci se situaient en deçà de la gravité des cas cités sous l'angle des attentes de la fonction occupée et de la nature des devoirs violés. En particulier, il n'apparaissait pas que cette personne ait gravement porté atteinte au fonctionnement ou à l'image de l'autorité intimée. Toutefois, le Tribunal fédéral a considéré que le comportement adopté par cette personne pouvait entraîner la rupture du lien de confiance avec son employeur. Les faits reprochés à cette dernière constituaient manifestement un motif fondé de résiliation des rapports de service, de sorte que l'autorité intimée aurait été fondée à prononcer le licenciement ordinaire et même immédiat. Si ce n'est dans ses motifs, le jugement cantonal pouvait en tout cas être confirmé dans son résultat (arrêt 8C_203/2010 précité consid. 3.6).

6.4 Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATA/589/2018 précité consid. 5 ; ATA/347/2016 du 26 août 2016 consid. 5e ; ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 8).

6.5 En l’espèce, il ressort du dossier que le recourant a fait l’objet d’une condamnation pénale pour agression sexuelle le 20 octobre 2017 en France. Il apparaît également qu’il a formé appel du jugement de première instance le 30 octobre 2017.

Dans la mesure où la procédure pénale précitée était vraisemblablement encore en cours durant le processus ayant conduit à son engagement par les HUG au cours du dernier trimestre 2017, et où il a transmis à son futur employeur tous les documents requis, y compris pour l’obtention de son droit de pratique, soit en particulier un extrait de casier judiciaire pour particuliers exempt de condamnation, il ne peut lui être reproché de n’avoir alors pas mentionné sa mise en cause dans une affaire judiciaire. Dans les circonstances particulières du cas d’espèce, la question de savoir s’il devait spontanément informer son employeur des suites de cette procédure peut souffrir de rester indécise, vu ce qui suit.

Il y a en effet lieu de constater que, lorsque l’affaire a été portée à la connaissance des HUG qui lui ont demandé des compléments d’information, le recourant a fourni à ses différents interlocuteurs, à l’occasion de deux entretiens informels puis en entretien de service, des explications à tout le moins contradictoires et incohérentes. En effet, à teneur du document en mains des intimés, le recourant a été reconnu coupable d’agression sexuelle commise durant une période de six mois et condamné à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et inscription au FIJAIS. Questionné à ce sujet par son employeur, il a déclaré que les faits se seraient déroulés sur son lieu de travail, à Chambéry. Selon lui, l’une de ses collègues de l’époque aurait porté plainte contre lui après qu’il l’aurait réveillée à l’issue d’une nuit de service durant laquelle il aurait été contraint de gérer seul tous les patients. Son employeur de l’époque ne l’aurait pas licencié, se contentant de le déplacer dans un autre établissement durant la procédure. Or, bien que les intimés aient émis, à juste titre, des doutes quant à la véracité des explications du recourant, au vu notamment de l’importance de la sanction pénale eu égard aux faits décrits, le recourant a, à plusieurs reprises, refusé de produire, même en partie, des pièces permettant d’étayer sa version des faits et de savoir si et dans quelle mesure il a été condamné en appel, laissant ainsi son employeur dans l’incertitude quant aux risques qu’il prenait en poursuivant leur collaboration, notamment à l’égard du personnel et de la patientèle.

Certes, le recourant ne pouvait commander et produire que le « bulletin numéro 3 » de son casier judiciaire – les bulletins numéros 1 et 2 ne pouvant pas être délivrés aux particuliers et le bulletin numéro 3 ne mentionnant que les condamnations les plus graves et les peines privatives de droit (https://faq.casier-judiciaire.justice.gouv.fr/selfservice/fr-fr/10/vos-questions-les-plus-frequentes/ consulté le 18 juillet 2023). Cependant, son attitude consistant à refuser de collaborer dans le but de rassurer son employeur en apportant des éclaircissements sur des événements qui apparaissent incompatibles avec l’exercice de la fonction d’infirmier constitue une violation de ses devoirs de service au sens des art. 20 à 22 du statut et est de nature à rompre tout lien de confiance avec les HUG.

Au vu de ce qui précède, le motif retenu par l’employeur, à savoir la rupture définitive des rapports de confiance en lien avec le défaut de collaboration du recourant et les doutes suscités par son attitude, est établi. Or, une rupture du lien de confiance constitue un motif objectivement fondé et permet de prononcer une décision de résiliation. Les bons états de service du recourant, qui ne sont pas contestés, ne modifient en rien la découverte de sa condamnation pénale, son comportement subséquent et leur effet sur le lien de confiance nécessaire à la poursuite des rapports de service.

7.             Le recourant conclut à l’ouverture d’une procédure de reclassement et reproche aux HUG de ne pas l’avoir initiée.

7.1 À teneur de l’art. 46 RPAC, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). L’intéressé bénéficie d’un délai de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement (al. 4). En cas de reclassement, un délai n'excédant pas six mois est fixé pour permettre à l'intéressé d'assumer sa nouvelle fonction (al. 5). En cas de refus, d’échec ou d'absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6). Le service des ressources humaines du département, agissant d’entente avec l’office du personnel de l’État, est l’organe responsable (al. 7).

L’art. 48A du statut a la même teneur.

7.2 Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Il impose à l'État de s'assurer, avant qu'un licenciement ne soit prononcé, qu'aucune mesure moins préjudiciable pour l'administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/78/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4a ; ATA/1280/2019 du 27 août 2019 consid. 8d et les arrêts cités).

L'État a l'obligation préalable d'aider l'intéressé et de tenter un reclassement, avant de prononcer la résiliation des rapports de service d'un agent public au bénéfice d'une nomination : il s'agit tout d'abord de proposer des mesures dont l'objectif est d'aider l'intéressé à retrouver ou maintenir son « employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau. Avant qu'une résiliation ne puisse intervenir, différentes mesures peuvent être envisagées et prendre de multiples formes. À titre d'exemples, on pense au certificat de travail intermédiaire, au bilan de compétences, à un stage d'évaluation, aux conseils en orientation, aux mesures de formation et d'évolution professionnelles, à l'accompagnement personnalisé, voire à « l'outplacement ». Il s'agit ensuite de rechercher si une solution alternative de reclassement au sein de la fonction publique cantonale peut être trouvée. En contrepartie, la garantie du niveau salarial atteint en cas de changement d'affectation a été abrogée (MGC 2005-2006/XI A 10420 ; ATA/78/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4a ; ATA/1067/2016 du 20 décembre 2016 consid. 7).

Selon le Tribunal fédéral, lorsqu'un reclassement revient en fin de compte à reporter dans un autre service des problèmes de comportement reprochés au recourant, il parait illusoire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_839/2014 du 5 mai 2015 consid. 7.1). La jurisprudence genevoise connaît une casuistique où la chambre administrative a admis l'absence de procédure de reclassement (ATA/1345/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3i et les arrêts cités). Toutefois, seules les circonstances particulières, dûment établies à satisfaction de droit, peuvent justifier une exception au principe légal du reclassement et faire primer l'intérêt public et privé de nombreux employés de l'État sur l'intérêt privé, pourtant important, de la personne licenciée (ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 9c ; ATA/1579/2019 du 29 octobre 2019 consid. 12h).

7.3 En l’espèce, dès lors que les explications du recourant quant à sa condamnation pénale et son refus de collaborer sont de nature à rompre le lien de confiance et maintiennent son employeur dans le doute quant aux risques encourus en poursuivant leur collaboration, force est de constater que la problématique ne saurait être résolue par une procédure de reclassement. Au contraire, transférer le recourant dans un autre service reviendrait à déplacer le problème lié au fait que serait maintenu dans ses fonctions un infirmier au sujet duquel subsistent des incertitudes quant à une procédure pénale dont il a fait l’objet pour une agression sexuelle sur son lieu de travail. Le reclassement s’avère ainsi illusoire.

Dans ces conditions, l’appréciation des HUG, selon laquelle le comportement du recourant et la rupture définitive du lien de confiance pouvaient justifier une exception au principe légal du reclassement et que l'intérêt public et privé de nombreux employés de l'État, voire de tiers et de l’institution primait l'intérêt privé, pourtant important, du recourant ne prête pas flanc à la critique.

Les HUG étaient en conséquence fondés à mettre un terme aux rapports de service du recourant, sans mésuser de leur pouvoir d’appréciation ni violer les bases légales et principes constitutionnels applicables.

8.             Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité.

8.1 Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 ; ATA/932/2018 du 11 septembre 2018 consid. 6).

8.2 En l’espèce, le licenciement est apte à atteindre le but d’intérêt public à employer dans les établissements publics médicaux du personnel respectueux de l’institution, de ses collègues et des tiers et de ses obligations, ainsi que de protection du personnel et de la patientèle. La mesure est nécessaire pour atteindre cet objectif et proportionnée au sens étroit compte tenu, notamment, du refus du recourant de collaborer ayant conduit à l’impossibilité, de son seul fait, de déterminer les circonstances entourant sa condamnation pénale pour agression sexuelle et, partant, à la rupture du lien de confiance, ainsi que de l’absence de remise en question du recourant.

9.             Au vu des considérants qui précèdent, il n’y a pas lieu d’examiner les conclusions du recourant tendant à sa réintégration.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

10.         Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Les HUG disposant d’un service juridique, aucune indemnité ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/605/2021 du 8 juin 2021 et les références citées).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 décembre 2022 par A______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 21 novembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane RYCHEN, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Véronique MEICHTRY, avocate des Hôpitaux universitaires de Genève.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :