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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1602/2023

ATA/875/2023 du 22.08.2023 ( PATIEN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1602/2023-PATIEN ATA/875/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS
DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS intimée



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1970, a, par courrier du 9 janvier 2022, interpellé la direction générale de la santé (ci-après : la direction) sur le comportement de la Docteure B______, gynécologue. Elle l’avait consultée les 20 octobre et le 8 décembre 2021 et avait sollicité à deux reprises copie du rapport de la dernière consultation, sans l’obtenir. Elle s’étonnait que la praticienne ait relevé, « à mi-voix, vous avez fait un curetage ».

b. Par pli du 26 janvier 2022, elle a « déposé plainte » à l’encontre de B______ auprès de la direction, en l’absence de réponse de leur part.

c. Par pli du 13 février 2022 à la direction, elle a indiqué avoir reçu des documents de la gynécologue mais regretté de n’avoir obtenu que le rapport d’une opération effectuée à l’hôpital de ______ en 2015 et des analyses de 2021. Elle joignait à sa correspondance copie de son courrier à B______, par lequel, notamment, elle renouvelait sa demande d’obtenir une copie du rapport établi lors de la dernière consultation.

B. a. Le 16 février 2022, comme suggéré par la direction, A______ a déposé plainte devant la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) contre B______.

Lors de la seconde consultation chez la praticienne, l’attitude de celle-ci avait changé. Elle lui avait indiqué que, selon les analyses, elle était en ménopause, terme qu’elle avait répété. Elle avait évoqué l’existence d’un précédent curetage « sur un ton très étrange ». La patiente détaillait ses difficultés à obtenir une copie du rapport de consultation.

b. Le 28 février 2022, la commission a sollicité d’A______ qu’elle clarifie ce qu’elle attendait de sa part. Ses griefs n’étaient pas suffisamment précis pour être soumis au bureau de la commission pour examen préalable.

c. A______ a indiqué qu’elle souhaitait que la commission « éclaircisse pourquoi B______ et le secrétariat s’étaient comporté bizarre, d’abord gentil ensuite hostile ». Lors du second entretien, la gynécologue l’avait informée qu’elle devrait « prendre du calcium jusqu’à la fin de ses jours ». La gynécologue avait évoqué deux fois le terme ménopause et parlé d’un curetage « avec un air plein de sous-entendus louches ». Or, elle avait subi une intervention pour enlever un lipome, ce que la praticienne savait.

d. Interpellée par la commission quant à la remise du dossier médical à la patiente, B______ a transmis copie des résumés des consultations ainsi que la preuve de leur envoi à la patiente les 4 février et 11 mars 2022 par plis recommandés.

e. Le 30 mars 2022 la directrice de la commission a informé A______ que la praticienne lui ayant manifestement envoyé son dossier médical, la commission considérait cette affaire comme close.

f. Par courrier du 10 février 2023, A______ a relevé qu’il restait à éclaircir : « pourquoi [la médecin] n’avait pas signalé qu’elle manquait de vitamine D, pourquoi elle avait eu besoin de l’intervention de la commission pour lui envoyer son dossier médical (ce qui lui avait permis d’apprendre sa carence en vitamine), pourquoi elle avait ressenti le besoin de relever qu’elle avait subi un curetage ».

g. Par décision du 2 mai 2023, la commission a classé immédiatement sa plainte.

Elle était intervenue avec succès afin que la patiente puisse obtenir son dossier médical. Il n’existait pas d’intérêt public suffisant à connaître les raisons ayant conduit la médecin à ne pas avoir remis ces documents plus tôt. Il en allait de même du grief relatif à l’absence d’informations sur la carence en vitamine D, celle-ci n’ayant eu aucune influence sur sa santé et pouvant désormais être pris en charge efficacement par son médecin traitant. Enfin, le ton ou la manière dont un curetage était évoqué par un gynécologue relevait d’une appréciation subjective et constituait un fait impossible à établir par le biais d’une instruction.

C. a. Par acte du 8 mai 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée.

B______ avait fait « tout son possible » pour lui cacher son manque de vitamine D. Elle avait demandé une copie du rapport de la consultation mais n’avait rien reçu. Elle avait renouvelé sa demande par l’intermédiaire du médecin cantonal. Or, la gynécologue avait envoyé une copie du rapport de son hospitalisation à ______. Le médecin cantonal lui avait alors proposé de s’adresser à la commission. Recevant finalement son dossier, elle avait découvert son manque de vitamine D. La gynécologue savait pourtant qu’elle n’était pas suivie par un généraliste. B______ lui avait « susurré à l’oreille » qu’elle avait subi un curetage, de la même façon qu’un employé transmettrait un secret honteux. Son attitude n’était pas professionnelle. Chaque fois qu’un médecin avait un contact avec l’hôpital de ______, il lui « fai[sait] des saloperies ». Il fallait que la chambre administrative éclaircisse cela.

b. Par courrier du 22 mai 2023, A______ a précisé que la commission protégeait la gynécologue. « Ils » pouvaient dire qu’ils avaient fait leur travail. Ils étaient pourtant payés par « nos » impôts. « Si Mme A______ laisse tomber, on y peut rien, Je ne peux pas accepter cela. »

c. La commission s’en est rapportée à justice sur la recevabilité du recours. Elle a persisté dans les considérants et le dispositif de sa décision.

Dans sa réplique, la recourante a sollicité copie du dossier de la commission. Elle souhaitait savoir pourquoi la commission n’avait pas sollicité de la gynécologue des explications.

d. Sur ce, après l’envoi du dossier de la commission, tenant en quelques pages, à la recourante, les parties ont été informées le 18 juillet 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 22 al. 1 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 LComPS - K 3 03).

1.1 Conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, le plaignant qui a saisi la commission en invoquant une violation de ses droits de patient peut recourir contre la décision classant sa plainte (ATA/990/2020 du 6 octobre 2020 consid. 2a ; ATA/238/2017 du 28 février 2017 consid. 1b ; ATA/558/2015 du 2 juin 2015 consid. 1b). Il ne peut en revanche pas recourir contre l'absence de sanctions prises par la commission (ATA/234/2013 du 16 avril 2013 consid. 3).

1.2 En l’espèce, le litige a pour objet le classement de la plainte formée par la recourante. Elle dispose donc de la qualité pour recourir, de sorte que son recours est recevable.

2.             L'objet du litige porte sur le point de savoir si c'est à juste titre que le bureau de la commission a classé la plainte de la recourante en application de l'art. 14 LComPS.

2.1 Aux termes de l'art. 1 LComPS, il est institué une commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients. Cette commission est chargée de veiller : au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) (let. a) ; au respect du droit des patients (let. b).

2.2 La commission dispose de la compétence d'instruire, en vue d'un préavis ou d'une décision, les cas de violation des dispositions de la LS, concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients (art. 3 al. 1 let. a LComPS).

2.3 La commission de surveillance constitue en son sein un bureau de cinq membres, chargé de l'examen préalable des plaintes, dénonciations et dossiers dont elle s'est saisie d'office (art. 10 al. 1 LComPS). Il est constitué du président de la commission de surveillance, d'un membre n'appartenant pas aux professions de la santé, d'un médecin, du pharmacien cantonal et du médecin cantonal (art. 8 du règlement concernant la constitution et le fonctionnement de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 22 août 2006 - RComPS - K 3 03.01).

L'art. 10 al. 2 LComPS prévoit que lorsqu'il est saisi d'une plainte, le bureau peut décider : d'un classement immédiat (let. a), de l'ouverture d'une procédure dans les cas présentant un intérêt public prépondérant justifiant une instruction par une sous commission (let. b), dans tous les autres cas, d'un renvoi en médiation. En cas de refus ou d'échec de la médiation, le bureau ouvre une procédure (let. c).

Le bureau peut classer, sans instruction préalable et par une décision sommairement motivée, les plaintes qui sont manifestement irrecevables ou mal fondées (art. 14 LComPS).

2.4 Compte tenu du fait que la commission – respectivement son bureau – est composée de spécialistes, mieux à même d'apprécier les questions d'ordre technique, la chambre de céans s'impose une certaine retenue (ATA/833/2022 du 23 août 2022 consid. 4c ; ATA/189/2021 du 23 février 2021 consid. 5c).

2.5 Il ressort des travaux préparatoires que « pour améliorer le fonctionnement de la commission et assurer une plus grande rapidité dans la gestion des dossiers, il est institué un bureau chargé de l'examen préalable des plaintes, des dénonciations et des dossiers dont elle se saisit d'office. Dans le cadre de cet examen préalable, ce bureau pourra décider d'un classement immédiat si la plainte ou la dénonciation est manifestement irrecevable ou mal fondée. Dans le cas contraire, ce bureau décidera de l'envoi du dossier soit en vue d'une médiation lorsque les conditions de l'art. 15 seront réalisées, soit en vue d'une instruction par une sous-commission ou par une délégation, suivant la nature du dossier » (MGC 2003-2004/XI A 5739).

« Les exigences concernant le classement d'une plainte sont évidemment plus importantes que celles relatives au classement d'une dénonciation. » (op. cit. p. 5740).

Lors de l'adoption de l'art. 10, « quelques commissaires avouent une certaine gêne quant à la possibilité pour le bureau de classer immédiatement un dossier sur la base de la décision de trois membres. La discussion qui suit montre que l'art. 14 possède une valeur déclarative, donc stricte et limitative, sans réserver d'autres cas. La gêne se résorbe ». L'article est adopté.

2.6 En l'espèce, le bureau a informé la patiente, le 30 mars 2022, qu’il considérait l’affaire comme close, la médecin ayant prouvé avoir remis à la patiente son dossier. Cette dernière a relancé la commission le 10 février 2023, relevant que trois points restaient à éclaircir. S’il est exact que dans son courrier du 18 mars 2022 à la gynécologue, la commission s’était limitée à la problématique de la remise du dossier médical, sans évoquer les autres problèmes relevés par la patiente, celle-ci n’a pas réagi à la lettre du 30 mars 2022 disant clore son dossier pendant près d’une année. Or, établir, 18 mois plus tard, la teneur précise de la consultation du 8 décembre 2021 n’apparaît pas raisonnable s’agissant de savoir si la praticienne a évoqué à cette occasion le manque de vitamine D de la recourante et le ton que la praticienne aurait employé pour évoquer un curetage. À cela s’ajoute, comme relevé à juste titre par la commission, la qualification éminemment subjective du ton utilisé par la professionnelle. Dans ces conditions, c’est à juste titre que la commission a considéré la plainte comme mal fondée au vu de l’impossibilité d’établir précisément les faits, de l’écoulement du temps, et par voie de conséquence une hypothétique violation des droits de la patiente.

S’agissant de la question du temps pris par la gynécologue pour l’envoi du dossier, celle-ci a relevé, dans sa correspondance du 25 mars 2022, les problèmes rencontrés avec l’acheminement des courriers, la patiente ne recevant aucun document en provenance du cabinet médical. La preuve des envois par courriers recommandés des 4 février et 11 mars 2022 a été produite. La transmission du dossier est donc intervenue, au plus tard, deux mois après la consultation du 8 décembre 2021. Ce délai restant acceptable compte tenu de la période de Noël et des problèmes postaux évoqués.

La commission n’a en conséquence ni violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en procédant à un classement immédiat de la plainte de la recourante, étant rappelé que le bureau est composé de spécialistes comprenant notamment un médecin, le pharmacien cantonal et le médecin cantonal.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu les circonstances, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 mai 2023 par A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la sante et des droits des patients du 2 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, ainsi qu'à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :