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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2408/2020

ATA/189/2021 du 23.02.2021 ( PATIEN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2408/2020-PATIEN ATA/189/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 février 2021

 

dans la cause

 

Mme A______

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS

et

Mme B______

et

M. C______





EN FAIT

1) Mme A______, née le _______ 1977, a déposé plainte le 30 juillet 2019 devant la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) contre Mme B______, psychologue, et M. C______, médecin psychiatre et père de la psychologue.

Elle avait suivi une thérapie auprès de Mme B______ du 10 novembre 2010 au 19 novembre 2011, date à laquelle elle avait décidé de cesser ses séances, satisfaite du résultat. Les deux femmes étaient par la suite devenues amies jusqu'en 2016.

En 2015, une nouvelle thérapie s'était avérée nécessaire. Mme B______ lui avait conseillé de consulter son père, lequel pratiquait à la même adresse qu'elle-même. La thérapie avait commencé le 23 février 2015.

Mme A______ avait vécu une période difficile à la suite notamment de la perte de son père, décédé fin septembre 2016, dans des circonstances compliquées. Elle avait averti M. C______ le 14 octobre 2016 d'une prise excessive de médicaments. Il n'avait pas réagi. Elle avait subi une nouvelle crise d'angoisse le dimanche 16 octobre 2016 et avait à nouveau abusé de médicaments, cumulés avec de l'alcool. Durant la soirée, elle avait tenté de joindre par téléphone M. C______ et sa fille, sans succès. Elle avait passé la nuit aux urgences des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG).

M. C______ avait mis fin à son mandat le 16 octobre 2016 par courriel.

Le mardi 18 octobre 2016, à la suite de la décision de rupture de M. C______, elle avait fait une nouvelle tentative de suicide et avait été emmenée en ambulance aux HUG où elle était restée du 19 au 27 octobre 2016, puis du 31 octobre au 14 novembre 2016.

Elle reprochait à M. C______ de l'avoir abandonnée à un moment critique de son existence. Il s'agissait d'un manque de déontologie.

Par ailleurs, elle était suivie depuis deux ans par une excellente psychiatre, ce qui lui permettait de réaliser que l'attitude ésotérique de Mme B______ prenait largement le dessus sur le comportement d'une véritable psychologue.

Mme A______ produisait des certificats médicaux des HUG relatifs à ses hospitalisations, une lettre de Mme B______ et de M. C______ du 31 octobre 2017 relevant que le ton du courrier de l'intéressée « très sec nous semble bien loin des manifestations de chaleureuse gratitude par rapport aux soins reçus à l'époque jusqu'à ce que vous décidiez de façon abrupte et unilatérale en octobre 2016 d'interrompre le traitement en cours sans qu'on puisse en élaborer les raisons et le bien-fondé » ainsi que les échanges WhatsApp de Mme A______, respectivement avec Mme B______ et avec M. C______.

Il ressort notamment de la fin de l'échange entre Mme A______ et M. C______ que :

-          le 14 octobre 2016, la patiente indiquait à son psychiatre que pour oublier son mal de vivre elle avait pris des médicaments en excès, qu'elle détaillait. Elle était désolée de le décevoir ;

-          le 17 octobre 2016 à 21h50, Mme A______ a indiqué à M. C______ qu'elle souhaitait annuler son rendez-vous du lundi soir, elle avait besoin de repos et de temps de réflexion avec elle-même et le recontacterait au retour de ses vacances ;

-          le même jour à 22h06, M. C______ a indiqué prendre acte de son message et constaté : « Encore une fois, alors que nous en avions parlé lors de notre dernière séance, que vous prenez votre décision sans me consulter, en me mettant devant le fait accompli. Je considère dans ces conditions que le contrat de confiance est rompu et je ne peux dans ce cas continuer à vous suivre de façon satisfaisante. Le temps que vous avez prévu pour me recontacter, après le 28 novembre prochain, me semble imprudent vu les événements du
week-end dont je n'ai d'ailleurs même pas été informé directement. Je vous conseille donc de chercher le plus rapidement possible un autre thérapeute à qui vous pourrez faire davantage confiance, et en tout cas ne pas discontinuer le traitement médicamenteux en cours. Je vous souhaite une meilleure suite de parcours thérapeutique et une très bonne soirée ».

2) En l'absence de nouvelles de la commission, Mme A______ l'a relancée le 31 octobre 2019.

3) Le 11 novembre 2019, le bureau de la commission a classé immédiatement sa plainte, en l'absence de manquements professionnels de Mme B______ ou de M. C______.

En ce qui concernait les agissements de Mme B______, le bureau constatait qu'il n'était pas en mesure de se prononcer sur l'attitude prétendument ésotérique de celle-ci, ce grief n'étant corroboré par aucun élément probant pouvant par ailleurs mettre en cause ses compétences professionnelles.

S'agissant de M. C______, le bureau avait, dans un premier temps, souhaité obtenir ses déterminations sur la plainte. Selon la lettre de celui-ci du 12 septembre 2019, qui était jointe en annexe, le lien de confiance qui le reliait à sa patiente s'était « délité » progressivement en raison d'une certaine inobservance de la part de celle-ci de ses conseils et de la récurrence de
rendez-vous manqués. Il justifiait l'arrêt de sa thérapie par un « énième refus de suivre ses consignes thérapeutiques après de multiples mises en garde ». M. C______ soulignait avoir fait preuve à l'égard de sa patiente « d'attentions et de disponibilité plus que correctes ».

Il ressortait de l'échange de messages électroniques retranscrits produits par Mme A______ que M. C______ répondait de manière diligente à ses demandes de consultation. Le patient ne pouvait attendre d'un thérapeute qu'il soit disponible en tout temps, en particulier les week-ends. Ainsi, il n'était pas possible de reprocher à M. C______ de ne pas avoir répondu à son appel le dimanche 16 octobre 2016 dans la soirée, alors qu'elle avait fait une crise d'angoisse et abusé de médicaments.

Sans dénier la réalité de sa souffrance, M. C______ était, conformément aux règles sur le mandat, en droit de mettre fin à celui-ci alors qu'il considérait manifestement que le lien de confiance avec sa patiente était rompu. Par ailleurs, elle n'avait pas proposé de repousser son rendez-vous à une date ultérieure, ce qui permettait de considérer qu'elle pourrait, dans l'intervalle, trouver un autre thérapeute. Par courrier du 30 octobre 2017, M. C______ et Mme B______ avaient indiqué être à sa disposition ou à celle du nouveau thérapeute pour répondre à toute question en lien avec le traitement. Ils étaient manifestement disposés à assurer la transition.

Copie de la décision de classement était adressée à M. C______.

4) Par acte du 4 décembre 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée.

Elle avait pris connaissance de la lettre de M. C______ du 12 septembre 2019 par la décision de classement. Celui-ci avait usé de termes inacceptables dans sa correspondance. Il avait ainsi notamment noté « je me demande si l'accusation de Mme A______ ne soulève pas aussi la question d'une forme de perfidie vindicative, en termes psychopathologiques d'un certain degré de perversité, dont l'origine serait à chercher dans une forme de dépit sentimental » ; « au cas où nous serions amenés à devoir donner de plus amples explications [...], nous avons des raisons de craindre que la révélation ultérieure d'éléments confidentiels en notre possession, confirmant, à certaines occasions du passé, son attitude manipulatrice, voire perverse, ne soit pour elle extrêmement embarrassante, voire humiliante, occasionnant un surcroît de souffrance qu'il serait peut-être judicieux d'éviter ».

S'agissant de M. C______, elle contestait avoir manqué plus que deux
rendez-vous pour raison de maladie et les reproches de ne pas suivre ses consignes thérapeutiques. Plusieurs des éléments mentionnés, y compris le diagnostic médical, étaient critiqués en détail.

Elle détaillait notamment les motifs pour lesquels elle évoquait l'ésotérisme de Mme B______.

La recourante joignait un certificat médical de Mme D______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

Selon ce document, Mme D______ faisait suite à la réponse que la commission avait donnée à la plainte de Mme A______. Elle suivait l'intéressée depuis novembre 2017. Elle avait diagnostiqué chez elle un trouble dépressif récurrent ainsi qu'un trouble de la personnalité émotionnellement labile. Elle était spécialisée dans la prise en charge de ce type de trouble.

Elle n'adhérait pas à l'utilisation du terme de « manipulatrice » concernant la patiente, utilisé par M. C______. Au-delà de l'aspect dégradant de ce terme, il ne correspondait pas à ce qu'elle pouvait observer. Mme A______, dans des moments de détresse, pouvait être amenée à des passages à l'acte, mais pas dans le but d'obtenir quelque chose de son interlocuteur, mais bien pour rompre une dynamique qu'elle ne gérait plus émotionnellement. S'il s'agissait de manipulation, pour quel motif Mme B______ se serait-elle engagée dans une amitié avec ladite manipulatrice ? Il convenait, dans une telle situation, d'être particulièrement attentif au cadre de la thérapie, y compris au-delà de celle-ci dans le souci des uns et des autres.

Concernant la fin de la thérapie entre M. C______ et Mme A______, elle ne voyait pas, dans ce que lui avait transmis Mme A______, d'accompagnement dans la réorientation à un autre confrère, ce qui, dans un contexte d'idées et comportement suicidaires, pouvait être dommageable.

Mme A______ lui avait parlé de l'aspect ésotérique de Mme B______. La praticienne s'était permise d'aller vérifier notamment dans sa page Facebook. Elle comprenait les doutes de la patiente.

Le dernier paragraphe de la lettre de trois pages de M. C______ à la commission le 12 septembre 2019, qui détaillait ce que Mme B_____ et M. C______ feraient « au cas où nous serions amenés à devoir donner de plus amples explications, dans le cadre d'une extension de la procédure » l'interrogeait. Un tel paragraphe ne trouvait pas sa place dans une réponse à la commission. La patiente avait interpellé la commission en connaissance de cause et n'avait rien à cacher. Mme A______ s'était montrée compliante face aux soins qu'elle lui avait proposés (traitements médicamenteux, participation aux rendez-vous).

Vingt-deux images couleur extraites du site internet de Mme B______ étaient jointes au recours.

5) Par arrêt ATA/358/2020 du 16 avril 2020, la chambre administrative a admis le recours de Mme A______.

Le bureau de la commission avait classé la plainte de Mme A______ immédiatement en considérant que celle-ci était manifestement mal fondée. Or, il avait interpellé le médecin mis en cause, ce qui tendait à nier le caractère manifestement mal fondé de la plainte. En outre, la réponse du praticien mis en cause, sur laquelle le bureau s'était fondé pour classer immédiatement la plainte, n'avait été transmis à Mme A______ qu'avec la décision. Cette dernière avait produit avec son recours du 4 décembre 2019 un certain nombre de documents, notamment les extraits du site internet de la psychologue et une attestation détaillée émise par sa médecin psychiatre actuelle à l'encontre des pratiques de la psychologue et du psychiatre qui la traitaient auparavant. La nouvelle psychiatre de Mme A______ avait par ailleurs posé un diagnostic différent des précédents thérapeutes. Le bureau ne s'était pas prononcé sur ces pièces et on ignorait même si ces cinq membres en avaient eu connaissance. Les précédents thérapeutes ne s'étaient pas non plus prononcés.

Le droit d'être entendue de Mme A______ avait été violé.

La cause a été renvoyée au bureau de la commission.

6) Le 17 juillet 2020, le bureau de la commission, après avoir examiné avec attention les nouvelles pièces que Mme A______ avait produites à l'appui de son recours du 4 décembre 2019, a à nouveau décidé de classer immédiatement sa plainte contre Mme B______ et M. C______.

Les photographies et les illustrations extraites de la page Facebook de Mme B______ relevaient certes d'un univers fantasmagorique, voire ésotérique, mais ne permettait pas d'établir que l'« attitude ésotérique » que lui reprochait Mme A______ avait eu un impact négatif sur la thérapie ou remettait en cause ses compétences professionnelles. Les tensions dénoncées étaient survenues après l'interruption du lien thérapeutique. Elle s'était déroulée dans le cadre d'une relation amicale et relevaient d'un conflit de personnes qui n'était pas de la compétence de la commission.

Il ressortait de l'échange de messages électroniques que M. C______ avait répondu de manière diligente aux demandes de consultation de Mme A______. Celle-ci ne pouvait attendre d'un thérapeute qu'il soit disponible en tout temps, en particulier les week-ends, et elle ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir répondu à son appel le dimanche 16 octobre 2016 dans la soirée. Les décomptes d'assurance produits ne permettaient pas d'établir que Mme A______ avait honoré tous ses rendez-vous ni qu'elle avait adhéré aux propositions thérapeutiques de M. C______. Il en allait de même du courrier de son actuelle psychiatre du 2 décembre 2019. Mme A______ et M. C______ avaient une perception différente de la relation thérapeutique et de leurs échanges dans ce cadre, et les pièces produites ne permettaient pas d'étayer une version plutôt qu'une autre.

Lié par un contrat de mandat, le médecin était en droit de mettre fin à la relation s'il estimait que le lien de confiance était rompu. Il devait cependant s'abstenir de le faire en temps inopportun. Il apparaissait que c'était après que Mme A______ eut sollicité le report d'une consultation de plus d'un mois que M. C______ avait mis fin au mandat. Il fallait constater que Mme A______ considérait qu'un délai d'un mois jusqu'à une nouvelle consultation ne la lésait pas, et qu'elle avait dans ce délai la possibilité de consulter un autre thérapeute.

Tant M. C______ que Mme B______ avaient, par courrier du 30 octobre 2017, indiqué être à la disposition de Mme A______ ou de son nouveau thérapeute pour répondre à toute question en relation avec le traitement, ce qui indiquait qu'ils étaient manifestement disposés à assurer la transition.

Le manque d'accompagnement à la fin de la thérapie, reproché par Mme A______ à M. C______, ne se fondait que sur ses propres déclarations à sa nouvelle thérapeute, et il ne pouvait être tenu pour établi. M. C______ n'avait pas mis fin au mandat en temps inopportun.

Le « tableau anxio-dépressif » rapporté par M. C______ dans sa détermination du 12 septembre 2019 n'entrait manifestement pas en contradiction avec celui, de « trouble dépressif récurrent [et] trouble de personnalité émotionnellement labile » retenu par la nouvelle thérapeute de Mme A______.

La commission n'avait pas pour mission de procéder à des expertises psychiatriques sur les parties à ses procédures, ni de trancher entre deux diagnostics psychiatriques contradictoires, et la question de savoir si la mention d'une « attitude manipulatrice » correspondait formellement à un diagnostic psychiatrique pouvait être laissée ouverte.

Quant à la conformité de l'utilisation des expressions « attitude manipulatrice » ou « perfidie vindicative » avec l'obligation générale d'entretenir des relations adéquates avec les patients ou de respecter les principes éthiques, il pouvait être constaté que ces termes avaient été utilisés par M. C______ en dehors du cadre thérapeutique et en réponse aux accusations portées contre lui par Mme A______. Si ces propos étaient certes durs, ils ne justifiaient pas, compte tenu du contexte, l'ouverture d'une procédure disciplinaire. Le même raisonnement valait pour le dernier paragraphe de la détermination de M. C______, par lequel ce dernier expliquait que s'il devait donner plus d'explications à la commission de surveillance la situation pourrait se révéler « extrêmement embarrassante, voire humiliante » pour Mme A______. La thérapeute actuelle de Mme A______ avait
elle-même relevé qu'elle avait saisi la commission de surveillance en connaissance de cause sachant qu'elle n'avait pas à cacher quoi que ce soit concernant ce qu'elle avait pu faire ou dire auprès de M. et Mme B______. La qualification de « menaces » pour ces propos semblait disproportionnée, et il apparaissait que ceux-ci n'avaient eu aucune incidence sur la procédure.

7) Par acte remis à la poste le 14 août 2020, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative.

Elle refusait catégoriquement les motifs pour lesquels le classement lui avait été signifié, ceci pour la seconde fois malgré les pièces justificatives et les précisions apportées au dossier. Elle persistait à « déposer plainte, pour tort moral et mauvaises pratiques médicales », contre Mme B______ et M. C______.

8) Le 25 août 2020, Mme A______ a encore remis une copie de la décision attaquée et de tous les justificatifs en sa possession.

9) Le 18 septembre 2020, Mme B______ et M. C______ se sont référés aux divers échanges antérieurs qu'ils avaient eus avec le bureau de la commission.

10) Le 29 septembre 2020, le bureau de la commission a remis copie de son dossier et indiqué n'avoir pas d'observation à formuler.

11) Le 26 octobre 2020, Mme A______ a répliqué.

L'échange de courriels qu'elle avait produit évoquait largement l'abandon, l'arrêt brutal thérapeutique, sans recommandation aucune, indiquant au minimum les urgences psychiatriques en cas de besoin alors que son état de santé était extrême et nécessitait des soins adaptés. Elle était en effet en période de deuil particulièrement difficile, alors qu'elle venait de perdre subitement son père.

Le courriel du 25 septembre 2016 démontrait également le manque de soutien et d'accompagnement médical nécessaire à la situation qu'elle avait vécue à cette période.

La justice devait condamner M. C______ pour son courriel du 17 octobre 2016 qui aurait nécessité une réponse plus réfléchie le lendemain matin ; pour abandon thérapeutique et négligence déontologique, car M. C______ partait en vacances durant une longue période et il aurait été judicieux de mettre en place un accompagnement de substitution en son absence ; pour son manque de délicatesse dans les propos tenus quant à sa vie privée dans son courrier du
12 septembre 2019 ; parce que l'arrêt de travail du 4 au 10 octobre 2016 n'avait rien d'un nouveau prolongement d'absence pour cause de maladie comme le prétendait M. C______, sachant qu'elle vivait une période de deuil particulièrement douloureuse ; pour son paragraphe « menaces » dans son courrier du 12 septembre 2019 ; pour les propos « indûment formulés » concernant son profil psychologique dans son courrier du 12 septembre 2019.

La justice devait condamner Mme B______ pour son attitude manipulatrice et « l'influence d'idolâtrie » qu'elle suscitait auprès de certains patients, dont elle avait été la victime.

12) Le 28 octobre 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige a pour objet la conformité au droit de la décision de classement du bureau de la commission du 17 juillet 2020.

3) Aux termes de l'art. 1 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03), il est institué une commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients. Cette commission est chargée de veiller : au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03 ; let. a) et au respect du droit des patients (let. b).

4) a. La commission dispose de la compétence d'instruire, en vue d'un préavis ou d'une décision, les cas de violation des dispositions de la LS, concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients (art. 3 al. 1 let. a LComPS).

b. À teneur de l'art. 9 LComPS, seul le patient ou la personne habilitée à décider des soins en son nom, qui a saisi la commission d'une plainte, le professionnel de la santé ou l'institution de santé mis en cause, ont la qualité de partie au sens de l'art. 7 LPA dans la procédure devant la commission.

c. La commission de surveillance constitue en son sein un bureau de cinq membres, chargé de l'examen préalable des plaintes, dénonciations et dossiers dont elle s'est saisie d'office (art. 10 al. 1 LComPS). Il est constitué du président de la commission de surveillance, d'un membre n'appartenant pas aux professions de la santé, d'un médecin, du pharmacien cantonal et du médecin cantonal
(art. 8 du règlement concernant la constitution et le fonctionnement de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 22 août 2006 - RComPS - K 3 03.01).

L'art. 10 al. 2 LComPS prévoit que lorsqu'il est saisi d'une plainte, le bureau peut décider : d'un classement immédiat (let. a), de l'ouverture d'une procédure dans les cas présentant un intérêt public prépondérant justifiant une instruction par une sous-commission (let. b), dans tous les autres cas, d'un renvoi en médiation. En cas de refus ou d'échec de la médiation, le bureau ouvre une procédure (let. c).

Le bureau peut classer, sans instruction préalable et par une décision sommairement motivée, les plaintes qui sont manifestement irrecevables ou mal fondées (art. 14 LComPS).

5) a. Les principaux droits du patient sont énumérés aux art. 42 ss LS.

Selon l'art. 42 LS, le patient a droit aux soins qu'exige son état de santé à toutes les étapes de la vie, dans le respect de sa dignité et, dans la mesure du possible, dans son cadre de vie habituel. Le droit aux soins, tel qu'il est prévu à l'art. 42 LS ne saurait être compris comme conférant un droit absolument illimité à recevoir des soins. Il faut le comprendre comme le droit pour une personne, indépendamment de sa condition économique et sociale, d'accéder équitablement aux soins qu'elle demande et de recevoir les soins qui lui sont objectivement nécessaires, pour autant que ces soins soient effectivement disponibles (ATA/778/2013 du 26 novembre 2013 consid. 5 ; MGC 2003-2004/XI A 5845).

b. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le droit de se faire soigner conformément aux règles de l'art médical est aujourd'hui un droit du patient. L'allégation d'une violation des règles de l'art équivaut à celle de la violation des droits du patient (ATA/22/2014 du 14 janvier 2014 consid. 3 ; ATA/778/2013 précité consid. 6 ; ATA/5/2013 du 8 janvier 2013).

c. Compte tenu du fait que la commission - respectivement son bureau - est composée de spécialistes, mieux à même d'apprécier les questions d'ordre technique, la chambre de céans s'impose une certaine retenue (ATA/322/2014 du 6 mai 2014 consid. 8 ; ATA/778/2013 précité consid. 7 ; ATA/5/2013 précité ; ATA/642/2012 du 25 septembre 2012 ; ATA/205/2009 du 28 avril 2009).

6) Il ressort des travaux préparatoires que « pour améliorer le fonctionnement de la commission et assurer une plus grande rapidité dans la gestion des dossiers, il est institué un bureau chargé de l'examen préalable des plaintes, des dénonciations et des dossiers dont elle se saisit d'office. Dans le cadre de cet examen préalable, ce bureau pourra décider d'un classement immédiat si la plainte ou la dénonciation est manifestement irrecevable ou mal fondée. Dans le cas contraire, ce bureau décidera de l'envoi du dossier soit en vue d'une médiation lorsque les conditions de l'art. 15 seront réalisées, soit en vue d'une instruction par une sous-commission ou par une délégation, suivant la nature du dossier » (MGC 2003-2004/XI A 5739).

« Les exigences concernant le classement d'une plainte sont évidemment plus importantes que celles relatives au classement d'une dénonciation »
(ibid. p. 5740).

7) Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_529/2016 du 26 octobre 2016 consid. 4.2.1). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_935/2012 du 11 juin 2013 consid. 4.1).

Tel qu'il est garanti par cette dernière disposition, le droit d'être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/723/2018 du 10 juillet 2018 et les arrêts cités).

8) En l'espèce, le bureau de la commission a à nouveau classé la plainte immédiatement en considérant que celle-ci était manifestement mal fondée.

9) Il ne ressort pas du dossier que le bureau de la commission aurait interpellé la recourante, ni d'ailleurs Mme B______ ou M. C______, suite à l'arrêt de la chambre de céans du 16 avril 2020 admettant le premier recours de Mme A______.

Cela étant la recourante a eu l'occasion de s'exprimer sur la détermination de Mme B______ et de M. C______ remise au bureau de la commission à l'occasion du précédent recours devant la chambre de céans.

Il ressort par ailleurs de la décision querellée que le bureau de la commission a « attentivement examiné » les pièces de la procédure, lesquelles comprennent les pièces produites avec le recours de Mme A______ du 4 décembre 2019 devant la chambre de céans contre la première décision de classement, et ce qui suggère par ailleurs que tous ses membres y ont eu accès.

Ainsi, la recourante ne soulevant pas de grief à ce propos, il y a lieu de constater que son droit d'être entendue a été respecté.

10) La recourante conteste le bien-fondé de la décision de classement de sa plainte.

a. En ce qui concerne les griefs adressés à Mme B______, la recourante se plaint que l'« attitude ésotérique » de cette dernière prenait le dessus sur le comportement d'une véritable psychologue, et demande s'il est normal qu'elle rejette la réalité alors qu'elle a pour mission de faire accepter celle-ci à ses patients.

La recourante n'expose toutefois pas en quoi ces défauts auraient nui à sa relation thérapeutique avec Mme B______. Elle indique avoir mis fin à la thérapie en décembre 2011 après s'être sentie mieux au terme d'une année de traitement. Les épisodes concrets rapportés par la recourante et les échanges de courriels documentés portent sur une période postérieure à la thérapie. Ils se placent explicitement sous le signe de l'amitié, leur ton est certes parfois ésotérique, mais ils dénotent une certaine bienveillance de Mme B______ jusqu'à une dispute privée suivie d'une rupture, apparemment liée à des connaissances communes en octobre 2016.

Le bureau de la commission n'a commis ni excès ni abus de son pouvoir d'appréciation en retenant que les griefs ne permettaient pas de discerner une faute professionnelle commise par Mme B______ dans le cadre de sa relation thérapeutique avec la recourante.

b. En ce qui concerne le grief, adressé à M. C______, d'avoir interrompu la thérapie en temps inopportun et sans recommandation aucune hormis les urgences psychiatriques, il ressort de l'échange de correspondance électronique produit par la recourante que M. C______ s'est montré constamment disponible face aux demandes de rendez-vous que celle-ci lui adressait, et qu'il l'a soutenue, encouragée et orientée dans le deuil qu'elle traversait fin septembre 2016 lors de la perte de son père.

Le 14 octobre 2016, la recourante avait écrit à M. C______ : « Cher Docteur. Je ne sais pas si cela est très important que je vous en parle avant mardi. J'ai eu une journée noire hier. Impossible d'aller travailler ni même de manger. J'ai passé ma journée et nuit au lit pour ne plus souffrir. Mon coeur se serrait. Pour oublier mon mal de vivre j'ai pris 3 Temesta et 5 Demetrin. Désolée de vous décevoir... Bonne journée. Bien à vous. A______. ».

Le 17 octobre 2016 à 21h50, elle lui avait écrit : « Cher Docteur. J'aimerais annuler notre rendez-vous de demain soir. J'ai besoin de repos et de temps de réflexion avec moi-même. Je vous recontacterai au retour de vos vacances. Bonne soirée. ».

Le même soir à 22h06, M. C______ lui a répondu : « Chère Madame, je prends acte de votre message. Je constate, encore une fois, alors que nous en avions parlé lors de notre dernière séance, que vous prenez votre décision sans me consulter, en me mettant devant le fait accompli. Je considère dans ces conditions que le contrat de confiance est rompu et je ne peux dans ce cas continuer à vous suivre de façon satisfaisante. Le temps que vous avez prévu pour me recontacter, après le 28 novembre prochain, me semble imprudent vu les événements du [week-end] dont je n'ai d'ailleurs même pas été informé directement. Je vous conseille donc de chercher le plus rapidement possible un autre thérapeute à qui vous pourrez faire davantage confiance, et en tout cas de ne pas discontinuer le traitement médicamenteux en cours. Je vous souhaite une meilleure suite de parcours thérapeutique et une très bonne soirée. ».

La recourante elle-même, dans sa dénonciation du 30 juillet 2019, a rapporté que durant toute la relation thérapeutique avec M. C______, elle avait eu « beaucoup de gratitude à suivre cette thérapie qui [lui] était nécessaire et bénéfique, sauf que cette dernière séance qui n'a jamais eu lieu s'est terminée brutalement par un simple message électronique, le 17 octobre 2016. [Elle avait] été anéantie ».

Dans sa détermination du 12 septembre 2019, M. C______ a quant à lui invoqué des rendez-vous manqués, des inobservances répétées du traitement et des consignes thérapeutiques, des réactions à son refus de prolonger des périodes importantes d'incapacité de travail ou d'en établir de nouvelles et de multiples mises en garde, qui ont progressivement épuisé le lien de confiance.

Le bureau de la commission a relevé à juste titre que les affirmations contraires de la recourante quant aux rendez-vous manqués, au suivi des consignes thérapeutiques et aux demandes de certificats médicaux, n'ont pas été établies par les pièces produites par cette dernière.

À la lecture du message de M. C______ du 17 octobre 2016, on ne saurait suivre la recourante quand elle lui reproche un abandon thérapeutique. Celui-ci déplore au contraire l'annulation de dernière minute d'un rendez-vous dans des circonstances qu'il semble considérer comme préoccupantes, juge imprudent le report à plus d'un mois du rendez-vous et conseille à la recourante de trouver le plus rapidement possible un autre thérapeute et de ne pas interrompre la prise de médicaments.

La recourante a pris elle-même la décision d'annuler le rendez-vous sine die, invoquant un besoin de repos et de réflexion avec elle-même. En annonçant une reprise de contact à son initiative après plus d'un mois, elle paraissait à tout le moins ne pas se considérer comme étant en danger.

La recourante, qui avait la possibilité de s'adresser sans attendre à un autre thérapeute, ne démontre pas que l'interruption du mandat par M. C______ aurait porté préjudice à sa santé ou l'aurait péjorée.

Le bureau de la commission a pour le surplus relevé à juste titre qu'il n'était pas possible de trancher entre les appréciations que la recourante et son thérapeute portaient chacun a posteriori sur la relation thérapeutique.

C'est ainsi sans excès ni abus de son pouvoir d'appréciation que le bureau de la commission a estimé que M. C______ n'avait pas rompu le mandat en temps inopportun.

c. La recourante se plaint enfin des propos tenus par M. C______ dans sa détermination du 12 septembre 2019.

Elle ne saurait être suivie. Le bureau de la commission a relevé à juste titre que les propos incriminés, certes durs, avaient été tenus en-dehors de la relation thérapeutique. La chambre de céans constatera encore qu'ils ont été tenus dans le cadre de l'instruction préparatoire d'une éventuelle procédure disciplinaire visant M. C______ et Mme B______, alors que ces derniers étaient appelés à s'expliquer avant qu'une instruction ne soit cas échéant ouverte.

M. C______ semble avoir considéré que les reproches formulés par sa patiente ne pouvaient être compris qu'en décrivant la personnalité et les troubles de celle-ci, lesquels avaient pour particularité de mettre à l'épreuve le lien thérapeutique (rendez-vous manqués, inobservances thérapeutiques, insatisfaction face aux refus de demandes), ce qui l'avait conduit à y mettre fin. La description de tendances manipulatrices, de chantage émotionnel et de non-reconnaissance ou non-respect des limites sont sans doute difficiles à lire pour la recourante, mais cette dernière, qui a initié la procédure par une dénonciation comportant des reproches sérieux, doit accepter que celui qu'elle accuse puisse défendre ses choix et ses décisions, et éclairer un épisode vécu par elle comme un abandon.

Le bureau de la commission a relevé à juste titre que ces indications données par M. C______ ne contredisaient pas le diagnostic de trouble de la personnalité émotionnellement labile posé par la nouvelle thérapeute de la recourante.

Le même raisonnement doit être tenu au sujet de ce que la recourante semble considérer comme des menaces, mais qui doit être lu comme l'expression de l'opinion du médecin que malgré la levée du secret médical, le dévoilement de détails de la vie de le recourante susceptible d'éclairer le bien-fondé de sa dénonciation, pourrait, dans une pesée des intérêts, lui porter préjudice.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

11) Vu l'issue du présent litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 août 2020 par Mme A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 17 juillet 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Mme A______ un émolument de procédure de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, ainsi qu'à Madame B______ et à M. C______ .

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :