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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2684/2022

ATA/610/2023 du 08.06.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2684/2022-EXPLOI ATA/610/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 juin 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______SÀRL ET B______ recourants
représentés par Me Romain JORDAN, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

 



EN FAIT

A. a. « C______» (ci-après : l'association) était une association de droit suisse, inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève le 19 mai 1978 et radiée le 27 janvier 2017. L'association gérait la pension pour personnes âgées « C______», fondée en 1971, et devenue en 2000 l'établissement médico-social (ci-après : EMS) du même nom, sis au ______ dans le quartier de D______. Le 29 septembre 2014, l'association a été dissoute et son patrimoine transféré à la Fondation E______ (ci-après : la fondation), fondation de droit suisse inscrite au RC le 14 janvier 2015, et dont B______ est l'un des trois directeurs, avec signature collective à deux.

b. « A______Sàrl » (ci-après : la Sàrl) est une société à responsabilité limitée inscrite au RC depuis le 1er octobre 2012, et dont B______ est l'un des trois gérants, avec signature collective à deux.

B. a. Par décision du 3 octobre 2007, le service du commerce, devenu entretemps le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a autorisé B______ à exploiter le restaurant de l'EMS « C______» (ci-après : l'EMS).

b. Le 20 mai 2015, l'association a informé le PCTN de la création de la Sàrl, qui avait repris l'exploitation du café-restaurant. Des travaux d'agrandissement dudit café-restaurant avaient été réalisés. B______ était toujours exploitant.

c. Par décision du 3 juillet 2015, le PCTN a constaté la caducité de l'autorisation d'exploiter. Il l'a communiquée aux intéressés trois jours plus tard en octroyant à la Sàrl un délai au 5 août 2015 pour régulariser la situation.

d. B______ a transmis le 29 juillet 2015 un dossier de demande d'autorisation. Des échanges de correspondance s'en sont ensuivis, des pièces manquant.

e. Le 27 janvier 2016, la fondation, en tant que propriétaire, a soumis une demande de non-assujettissement à la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22), qui était entrée en vigueur le 1er janvier 2016.

Sous point 2.3 du formulaire demandant de renseigner les bénéficiaires des prestations de l'établissement, il était inscrit : « résidents, famille, visiteurs, membres de l'association C______».

f. Le PCTN a rendu une décision de non-assujettissement à la LRDBHD le 15 avril 2016. Il y était notamment indiqué « le propriétaire de l'établissement est tenu de respecter scrupuleusement la restriction quant au champ des personnes pouvant bénéficier de l'activité non assujettie à la LRDBHD, faute de quoi il s'expose aux sanctions administratives prévues aux art. 60 ss LRDBHD et à l'annulation de la présente décision ».

g. Lors d'un contrôle effectué le 8 août 2022 par une inspectrice du PCTN, il a été constaté que l'établissement « A______» était ouvert à tout public, sans restriction.

h. Le PCTN a communiqué à l'établissement en date du 9 août 2022 un courrier d'intention indiquant qu'il envisageait de lui adresser une sommation de fermeture lui intimant l'ordre de cesser immédiatement l'exploitation de l'établissement en dehors des résidents et de leur famille, et de lui infliger une amende. Un délai au 16 août 2022 lui était imparti pour exercer son droit d'être entendu.

i. Le 15 août 2022, le conseil de la Sàrl et de l'exploitant a demandé au PCTN de lui fournir une copie du dossier et de confirmer que son courrier du 9 août 2022, qui témoignait d'une méconnaissance de la situation, était nul et non avenu.

j. Ledit conseil a écrit par courriel au PCTN le 22 août 2022. La fermeture du restaurant au public engendrait un préjudice financier quotidien. Sans réponse dans les vingt-quatre heures à sa demande du 15 août 2022, le déni de justice serait dénoncé.

k. Le PCTN a répondu par courrier du 22 août 2022, non qualifié de décision et ne contenant pas d'indication d'une voie ni d'un délai de recours.

Ledit courrier rappelait sur plus de deux pages – après une mention que la consultation du dossier se faisait exclusivement dans les locaux du service – les conditions légales d'un non-assujettissement à la LRDBHD. La décision de non-assujettissement le concernant réservait la délivrance des services de restauration à des catégories de personnes déterminées. Il avait été constaté que l'établissement servait le public sans distinction. Partant, il ne respectait pas les conditions prévues à l'art. 2 LRDBHD et semblait s'apparenter à une activité de restauration soumise à la loi. De ce fait, l'établissement ne pouvait pas ouvrir aux personnes autres que celles prévues par la loi sans l'obtention d'une autorisation d'exploiter au sens de l'art. 8 LRDBHD.

C. a. Par acte posté le 25 août 2022, la Sàrl et B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier précité, qualifié de décision, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours et à l'octroi de mesures provisionnelles – à savoir autoriser l'ouverture du restaurant aux « visiteurs » et aux « membres de l'association C______» jusqu'à droit jugé au fond –, et principalement à l'annulation de la décision attaquée et au constat que la décision du 15 avril 2016 autorisait la délivrance de prestations aux « visiteurs » et aux « membres de l'association C______».

Le recours était recevable, le courrier attaqué étant indéniablement une décision car il réglait de manière unilatérale et contraignante un rapport juridique dans un cas particulier. Sur le fond étaient invoquées des violations du droit d'être entendu, du principe de la bonne foi et des art. 1, 2, 14 et 60 ss LRDBHD ainsi que 31, 38 et 60 RRDBHD.

b. Par décision du 19 septembre 2022, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours mais a accordé aux recourants, à titre de mesures provisionnelles, un délai de deux mois à compter de la réception de la présente décision pour régulariser leur situation, après quoi ils devraient cesser d'accueillir tout public dans leur établissement s'ils n'avaient pas obtenu d'autorisation au sens de l'art. 8 LRDBHD.

L'irrecevabilité plaidée par l'intimé n'était à tout le moins pas manifeste, l'envoi d'un courrier d'explication quinze jours après le courrier d'intention du 9 août 2022 étant assurément peu compréhensible.

Dans la mesure où l'établissement n'était en 2022 pas au bénéfice d'une autorisation LRDBHD mais souhaitait pouvoir continuer à servir le public, un effet suspensif, qu'il soit ex lege ou restitué par la chambre de céans, n'aurait pas de sens puisqu'il ne permettrait pas aux recourants de pouvoir continuer à exploiter l'établissement comme ils l'avaient fait ces dernières années.

S'agissant des mesures provisionnelles, les pertes subies découlaient de l'expérience générale de la vie, si bien que l'existence d'un dommage pouvait être admis, de même qu'une certaine urgence afin de ne pas mettre en péril les autres services rendus par l'établissement, notamment les prestations aux résidents de l'EMS. Par ailleurs, l'intimé était de prime abord peu crédible lorsqu'il prétendait avoir de bonne foi appris seulement en août 2022 que l'établissement recourant servait le public en général. D'une part en effet cette situation était de notoriété publique, du moins dans le quartier, et d'autre part il paraissait peu concevable qu'un contrôle de l'autorisation de non-assujettissement n'ait eu lieu que six ans après son prononcé. Au vu de cette tolérance implicite, et du fait que l'établissement fonctionnait depuis près de vingt ans, il apparaissait contraire aux principes de la proportionnalité et de la bonne foi de l'administration de ne pas avoir prévu de délai de grâce afin de régulariser la situation.

c. Le 30 septembre 2022, le PCTN a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le 31 août 2022, les recourants avaient déposé une requête tendant à l'exploitation d'un établissement public. Une autorisation d'exploiter avait été délivrée par le service le 27 septembre 2022 en faveur de B______ pour l'exploitation de l'établissement à l'enseigne « A______» dont la Sàrl était propriétaire.

Le courrier attaqué du 22 août 2022 était une réponse au courrier des recourants du 15 août 2022. Il ne faisait qu'expliciter la situation décrite dans le courrier d'intention du 9 août 2023 et citer les dispositions légales pertinentes, sans viser à créer, modifier ou constater les droits et obligations des recourants. Il ne s'agissait donc pas d'un acte attaquable et le recours devait être déclaré irrecevable.

Il n'avait pas violé le droit d'être entendu des recourants en ne donnant pas suite à leur demande d'obtention d'une copie du dossier par voie électronique, mais avait simplement rappelé les modalités de consultation et d'obtention de copies prévues par la loi et le règlement.

Sur le fond, la LRDBHD prévoyait des exceptions permettant à certains types d'établissements d'échapper à l'application de la loi du fait de leurs spécificités, ce qui impliquait d'être fermé au public et réservé à des personnes bien déterminées, pour un EMS en principe les résidents de ce dernier. L'interprétation que faisaient les recourants de l'art. 2 LRDBHD et du formulaire de non-assujettissement n'était pas soutenable, alors qu'ils ne contestaient pas le fait que l'accès au restaurant était en réalité admis pour toute personne. Ils jouaient sur les mots, tentant en particulier d'étendre la notion de « visiteurs ».

Le principe de la bonne foi n'était pas non plus violé. Le service n'avait donné aucune assurance aux recourants, et il n'était pas au courant de ce que le restaurant était ouvert au public.

d. Le 11 octobre 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 4 novembre pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

e. Le 3 novembre 2022, le PCTN a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires.

f. Le 4 novembre 2022, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

Le litige n'avait pas été vidé de son objet par la délivrance de l'autorisation d'exploiter, car ils disposaient d'un intérêt à faire constater la contrariété au droit de la décision attaquée en vue de l'action en indemnisation qui serait intentée pour le préjudice financier subi.

L'acte attaqué était bien une décision et non un courrier d'information. L'intimée n'avait du reste jamais envoyé d'autre décision que celle attaquée confirmant son courrier d'intention.

L'inspectrice s'était fait passer pour une cliente. Elle avait téléphoné pour effectuer une réservation et s'était présentée comme une cliente au personnel du restaurant. Ces manœuvres étaient illicites et les moyens de preuve qui en étaient issus étaient inexploitables.

Il était enfin notoire que le restaurant était ouvert au public. Un article de journal était produit, ainsi que la référence d'une interview de B______ disponible depuis de nombreuses années sur le site YouTube.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA – E 5 10 ; art. 66 al. 1 LRDBHD).

1.1 En vertu de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 LPA, les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a) ; de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b) ; de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (ATA/1656/2019 du 12 novembre 2019 consid. 2b ; ATA/385/2018 du 24 avril 2018 consid. 4b et les références citées). Il ne suffit pas que l'acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu'acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l'administré par la volonté de l'autorité, mais sur la base de et conformément à la loi (ATA/599/2021 précité consid. 5b ; ATA/1656/2019 précité consid. 2c). La décision a pour objet de régler une situation juridique, c'est-à-dire de déterminer les droits et obligations de sujets de droit en tant que tels (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 339 ss).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en droit public, la notion de « décision » au sens large vise habituellement toute résolution que prend une autorité et qui est destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'une obligation ; au sens étroit, c'est un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un cas individuel et concret (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; 106 Ia 65 consid. 3 ; 99 Ia 518 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1). La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré. De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2). Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 précité consid. 2.1 et les références citées ; ATA/277/2023 du 21 mars 2023 consid. 2.3).

1.2 Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l'intérêt s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4).

1.3 En l'espèce, l'autorité intimée conteste que le courrier attaqué soit une décision. Dans la mesure où il venait quelques jours après le courrier d'intention du 9 août 2022, et où il n'a pas été suivi d'un autre acte confirmant ledit courrier d'intention, on doit considérer qu'il s'agit bien d'une décision constatant la nécessité d'une autorisation d'exploiter au sens de la LRDBHD et obligeant les recourants à présenter une telle demande d'autorisation.

Le recours est en revanche probablement devenu sans objet du fait de l'octroi de ladite autorisation d'exploiter le 27 septembre 2022. Le second aspect évoqué ci-dessus a complètement sorti ses effets, puisque les recourants ont demandé et obtenu ladite autorisation. Quant au constat d'assujettissement à la LRDBHD, il s'agit d'une question préjudicielle n'ayant pas d'effet direct sur la situation des recourants. Ceux-ci soutiennent que le recours maintient son objet dès lors qu'ils auraient l'intention de déposer une action en responsabilité, mais cette question pourrait précisément être traitée dans ce cadre à titre préjudiciel, sans que la chambre de céans ait besoin de la traiter dans le cadre du présent recours.

Quoi qu'il en soit, la question de la recevabilité du recours pourra souffrir de demeurer indécise en l'espèce au vu de ce qui suit.

2.             Dans un premier grief, les recourants reprochent à l'intimé d'avoir violé leur droit d'être entendus, plus précisément leur droit d'avoir accès au dossier.

2.1 Le droit d'être entendu comprend également le droit d'avoir accès au dossier (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_74/2019 du 13 mai 2019 consid. 3.1).

Les parties et leurs mandataires sont seuls admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision. Le droit d’accéder à leurs données personnelles que les personnes tierces peuvent déduire de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) est réservé (art. 44 al. 1 LPA). L’autorité délivre copie des pièces contre émolument ; elle peut également percevoir un émolument pour la consultation des pièces d’une affaire liquidée (art. 44 al. 4 LPA).

2.2 La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; 140 I 68 consid. 9.3 ; 135 I 279 consid. 2.6.1). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_302/2018 du 14 mars 2019 consid. 2.1). La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2). Elle peut se justifier en présence d'un vice grave notamment lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 ; ATA/1021/2020 du 13 octobre 2020 consid. 4a ; ATA/1152/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2c et les arrêts cités). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1021/2020 précité consid. 4a ; ATA/1152/2019 précité consid. 2c et les arrêts cités).

2.3 En l'espèce, quand bien même l'intimé aurait violé le droit d'être entendu des recourants, cette violation serait réparée devant la chambre de céans, les recourants ne contestant pas avoir obtenu copie du dossier depuis, sans en subir de préjudice.

Le grief sera écarté.

3.             Les recourants reprochent à l'intimé d'avoir adopté un comportement contradictoire et violé le principe de la bonne foi.

3.1 Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7). Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_104/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.1).

Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1).

3.2 En l'espèce, il ne ressort aucunement du dossier que l'intimé leur aurait donné de quelconques assurances concernant la possibilité de rester non assujettis à la LRDBHD tout en accueillant du public. Quand bien même il peut paraître étonnant qu'il ne se soit pas rendu compte plus tôt de la situation, on ne saurait y voir un quelconque comportement contradictoire.

Le grief sera écarté.

4.             Les recourants estiment que le contrôle effectué par l'inspectrice était illicite et les moyens de preuve qui en étaient issus étaient inexploitables. Ce grief est toutefois dénué de toute portée, dès lors que les moyens de preuve servent à établir des faits, le contrôle de l'inspectrice ayant permis à l'intimé de considérer que l'établissement recourant était ouvert au public. Or, les recourants reconnaissent eux-mêmes sans ambages que leur restaurant est ouvert au public depuis son ouverture, versant même à la procédure des pièces visant à le prouver, si bien qu'ils n'ont aucun intérêt pratique à l'admission de leur grief.

Le grief sera donc écarté en tant qu'il est recevable.

5.             Sur le fond, les recourants invoquent une violation de la LRDBHD et de son règlement d'application

5.1 L’exploitation à titre onéreux d’établissements voués à la restauration et au débit de boissons à consommer sur place est soumise à la LRDBHD (art. 1
al. 1 LRDBHD). Cette loi vise à assurer la cohabitation de ces activités avec les riverains, notamment par leur intégration harmonieuse dans le tissu urbain, et à développer la vie sociale et culturelle et sa diversité, dans le respect de l'ordre public, en particulier la tranquillité, la santé, la sécurité et la moralité publiques (art. 1 al. 2 LRDBHD).

Les cafés-restaurants font partie des établissements concernés (art. 5 al. 1 let. a LRDBHD). Les cafés-restaurants sont destinés principalement au service de restauration à consommer sur place (art. 9 al. 1 du règlement d'exécution de la LRDBHD du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01). Ils peuvent proposer tout type de restauration (chaude, froide) et doivent disposer d'une cuisine adaptée à l'offre de restauration proposée (art. 9 al. 2 RRDBHD).

Les activités visées à l’art. 1 LRDBHD ne sont pas soumises à ladite loi si la législation fédérale les en exempte, de même que lorsqu’elles sont exercées à la seule destination des personnes bénéficiaires des prestations spécifiques et du personnel de certains établissements, parmi lesquels les EMS soumis à la loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées, du 4 décembre 2009, ainsi que les immeubles avec encadrement médico-social destinés aux personnes âgées (art. 2 al. 1 let. f LRDBHD).

L'autorisation d'exploiter est révoquée par le département lorsque les conditions de sa délivrance ne sont plus remplies, ainsi qu'en cas de non-paiement de la taxe annuelle prévue par la présente loi (art. 14 LRDBHD). Le département intime l’ordre de cesser immédiatement l’exploitation de toute entreprise exploitée sans autorisation en vigueur (art. 61 al. 1 LRDBHD). En cas de constat d’infraction, le PCTN prononce les mesures et sanctions administratives visées aux art. 61 ss LRDBHD après avoir entendu l’administré (art. 60 RRDBHD).

5.2 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 144 V 313 consid. 6.1 ; 137 IV 180 consid. 3.4) ; la chambre de céans suit la même approche (ATA/567/2023 du 30 mai 2023 consid. 2.7).

5.3 En l'espèce, l'art. 2 al. 1 LRDBHD est on ne peut plus clair : pour bénéficier de l'exemption, il faut que les prestations de restauration ne soient destinées qu'aux personnes bénéficiaires des prestations spécifiques – pour un EMS, les résidents – et du personnel.

Les recourants ne peuvent rien tirer du fait que la décision de non-assujettissement du 15 avril 2016 renvoie aux personnes visées dans leur formulaire de demande, à savoir « résidents, famille, visiteurs, membres de l'association C______». En effet, l'association « C______» était déjà dissoute à cette date. Aussi et surtout, les visiteurs dont il est question ne peuvent être – et encore s'agit-il là déjà d'une interprétation allant au-delà du texte de l'art. 2 al. LRDBHD – que les personnes qui rendent visite à un résident, et non toute personne voulant manger au restaurant ; retenir le contraire priverait de toute portée la clause « lorsqu’elles sont exercées à la seule destination des personnes bénéficiaires des prestations spécifiques et du personnel » de l'art. 2 al. 1 LRDBHD et affaiblirait le système général d'autorisation prévu par ladite loi.

L'autorité intimée n'a donc pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d'appréciation en demandant aux recourants d'obtenir une autorisation au sens de l'art. 8 al. 1 LRDBHD s'ils voulaient maintenir l'accès public au restaurant.

Il découle de ce qui précède que le recours doit être rejeté en tant qu'il est recevable.

6.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 25 août 2022 par A______SÀRL et B______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 22 août 2022 ;

met à la charge solidaire de A______SÀRL et B______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat des recourants ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. CROCI TORTI

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :