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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4414/2022

ATA/277/2023 du 21.03.2023 ( TAXIS ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 08.05.2023, rendu le 11.01.2024, REJETE, 2C_264/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4414/2022-TAXIS ATA/277/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mars 2023

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourantes
représentées par Me Jacques Roulet, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR
représenté par Me Rémy Wyler, avocat

et

C______
représentée par Me Grégoire Wuest, avocat intimés

_________



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : A______), inscrite au registre du commerce du canton de Genève le 9 février 1959, a pour but l’exploitation d’une centrale de taxis pour la place de Genève et l’acquisition d’appareils et de matériel s’y rapportant.

Selon ses indications, elle diffuse des courses au sens de l’art. 11 de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 28 janvier 2022, entrée en vigueur le 1er novembre 2022 (LTVTC - H 1 31) ou 9 de la LTVTC du 13 octobre 2016 (ci-après : aLTVTC), compte environ cinq cents taxis affiliés, soit la moitié des taxis genevois, et serait la plus grande centrale genevoise de diffusion.

b. B______ (ci-après : B______), inscrite le 9 février 2010 au registre du commerce genevois, a pour but l’exploitation d’une entreprise de taxis et de garages automobiles, le commerce et la location de véhicules avec ou sans chauffeur, l’exploitation d’une auto-école et formation de chauffeurs professionnels ainsi que la prise de participations dans d’autres entreprises ou sociétés exerçant dans la branche du taxi.

Selon ses indications, elle exploite deux taxis.

B. a. Par décision du 29 octobre 2019, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a constaté qu’ C______ était un exploitant d’entreprise de transport, ne respectait pas les obligations y afférentes à ni celles afférentes aux offreurs étrangers. Il a ordonné à C______ de les respecter, en particulier celles relatives à la protection sociale des chauffeurs et aux conditions de travail en usage dans leur secteur d’activité et de signer auprès d’elle l’engagement correspondant. Enfin, il a fait interdiction à C______ et, « en tant que de besoin » à D______, de poursuivre son activité jusqu’au rétablissement d’une situation conforme au droit.

Cette décision a été confirmée par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative : ATA/1151/2020 du 17 novembre 2020) puis par arrêt du Tribunal fédéral 2C_34/2021du 30 mai 2022.

b. À la suite de l’arrêt du Tribunal fédéral, la PCTN a imparti à C______, et en tant que de besoin à D______, un délai au samedi 4 juin 2022 pour cesser son activité sur le territoire genevois jusqu’au rétablissement d’une situation conforme au droit.

c. Le 10 juin 2022, C______ a déclaré avoir cessé d'opérer le 4 juin 2022 en tant qu'exploitant d’entreprise de transport au sens de l’art. 4 let. c aLTVTC dans le canton de Genève.

d. Des discussions ont eu lieu entre, notamment, des représentants du département de l’économie et de l’emploi (ci-après : DEE), de la PCTN et d’C______

e. Les 13 et 15 juin 2022, C______ et E______ (ci-après : « E______ »), créée le 17 juillet 2020, dont le siège est à Genève et dont le but consiste en l’exploitation d'entreprises de transport de personnes et/ou d'objets, de personnes avec chauffeur, ainsi que toute autre opération convergeant à ses buts, ont conclu un contrat intitulé « convention de transfert », soumis au droit suisse.

f. Par décision du 16 novembre 2022 adressée à C______, la PCTN a suspendu provisoirement l’interdiction faite à C______ de poursuivre son activité jusqu’au rétablissement d’une situation conforme au droit (ch. 1), sous la réserve du respect de deux conditions, détaillées aux ch. 2 et 3, dit que l’interdiction faite à C______ de poursuivre son activité jusqu’au rétablissement d’une situation conforme au droit serait levée dès qu’C______ aurait satisfait aux exigences mentionnées aux ch. 2 et 3 précités, et a retiré l’effet suspensif à un éventuel recours contre la décision, de sorte qu’elle était immédiatement exécutoire nonobstant recours.

« Considérant sur la base des éléments en possession de la PCTN et des explications fournies par C______ que cette dernière n’est plus, depuis le 17 juin 2022, directement un employeur des chauffeurs déployant une activité de chauffeur dans le canton de Genève au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur, qu’C______ a pris des engagements suffisants pour rétablir une situation conforme au droit au sens des art. 25 al. 3 et 36 al. 2 [a]LTVTC, que ces engagements portent jusqu’à la fin de la période où elle a exercé une activité d’exploitante d'entreprise de transport au sens de l’art. 4 let. c [a]LTVTC, que la présente décision est rendue au regard de cette seule qualité d’exploitante d'entreprise de transport au sens de la LTVTC, que les dispositions transitoires de la LTVTC maintiennent l’actualité de la question examinée, relevant que les engagements pris par C______ dans l’Accord du 10 juin 2022, l’Avenant du 29 juillet 2022 et lors des séances des 26 et 27 septembre 2022 sont inconditionnels et non litigieux, qu’C______ s’est engagée à renoncer inconditionnellement à agir judiciairement ou à intenter des poursuites contre les chauffeurs qui ont exercé une activité directement pour C______ au bénéfice d’une carte de voitures de transport avec chauffeur [ci-après : VTC] genevoise dans le canton de Genève antérieurement au 17 juin 2022 pour obtenir le remboursement des cotisations des salariés aux assurances sociales pour les activités exercées par ces chauffeurs jusqu’à la fin des relations contractuelles les liant ou les ayant directement liés à C______ et au plus tard jusqu’au 17 juin 2022, qu’au surplus elle s’est engagée à transmettre les données individuelles précitées, ainsi qu’à proposer une procédure simplifiée portant sur une enveloppe globale de
CHF 4.6 millions, que selon les estimations de l’IT [inspection du travail] ces engagements sont suffisants pour couvrir globalement les montants que les chauffeurs concernés pourraient réclamer à C______ après compensation de créances pour l’activité déployée jusqu’au 17 juin 2022 », la PCTN considérait que les conditions d’une situation conforme au droit au sens des art. 25 al. 3 et 36
al. 2 aLTVTC seraient réalisées sitôt qu’C______ aurait encore cumulativement accompli les démarches qu’elle mentionnait sous ch. 2 et 3 du dispositif.

« Le retrait de l’effet suspensif [était] justifié par l’intérêt public prépondérant à la protection sociale des chauffeurs concernés, compte tenu également du caractère ferme et irrévocable des engagements figurant dans la lettre d’C______ du 4 novembre 2022, de sorte qu’il ne serait pas admissible qu’un éventuel recours ait pour effet de différer la mise en place des procédures et engagements pris par C______ au regard d’un calendrier qui cont[enait] des échéances à respecter ».

g. Par courrier du 30 novembre 2022 à la PCTN, Me Jacques Roulet, avocat, précisant que « les milieux professionnels du taxi de Genève [avaient] convoqué une assemblée générale de leur profession » et qu’il lui avait été demandé d’interpeller la PCTN sur la décision prise le 16 novembre 2022 à l’égard d’C______ dont le dispositif avait été publié par communiqué de presse du DEE du 18 novembre 2022, a demandé : 1) qu’il soit dit que la décision du 16 novembre 2022 était nulle de plein droit et qu’C______ soit informé que cette décision était dès lors sans portée, à tout le moins révoquée ; 2) qu’il soit confirmé qu’C______ restait sous interdiction d’exercer une activité dans le canton de Genève ; 3) que les points 1 et 2 lui soient confirmés avant le jeudi 8 décembre 2022 à midi afin qu’il puisse en informer les chauffeurs et exploitants de taxis lors de leur assemblée générale de la profession le 8 décembre au soir.

h. Par courrier du 6 décembre 2022 à Me Roulet, la PCTN a précisé que la décision du 16 novembre 2022 était adressée à C______, qui en était l’unique destinataire. Vu l’intérêt public, notamment pour les chauffeurs concernés, de connaître les engagements irrévocables pris par C______ dans le cadre de la procédure de contrôle menée par la PCTN, C______ avait accepté, sur la proposition du département, de considérer cette décision comme publique. Ce fait ne conférait aucunement au milieu professionnel un statut de partie dans cette procédure administrative qui restait régie par le secret de fonction. Concernant les questions plus générales du fonctionnement des taxis et des VTC, la commission consultative prévue dans la modification de la LTVTC, entrée en vigueur le 1er novembre 2022, serait prochainement constituée. Les préoccupations des milieux professionnels pourraient dès lors être portées à l’ordre du jour de ladite commission. Il ne serait pas donné autrement suite à son courrier.

C. a. Par acte du 23 décembre 2022, A______ et B______ ont interjeté recours devant la chambre administrative contre la décision du 16 novembre 2022 de la PCTN à l’égard d’C______ et celle du 6 décembre 2022 « notifiée aux milieux professionnels du taxi le 7 décembre 2022 ». Ils ont conclu à l’annulation de la décision du 16 novembre 2022 en tant qu’elle suspendait provisoirement l’interdiction faite à C______ de poursuivre son activité et déclarait que l’interdiction serait définitivement levée dès qu’elle aurait satisfait aux exigences des ch. 2 et 3. Subsidiairement, la chambre administrative devait constater que le courrier du 6 décembre 2022 était une décision de refus de constater et de supprimer l’acte suspendant l’interdiction faite à C______ d’exercer son activité à Genève ; elle devait dire que la décision du 16 novembre 2022 était nulle et interdire à C______ de poursuivre son activité à Genève tant que sa situation n’était pas conforme au droit. Plus subsidiairement, il devait être constaté que la PCTN commettait un déni de justice formel et il devait lui être ordonné de rendre immédiatement une décision sur l’illicéité de l’activité déployée par C______ dans le canton de Genève afin d’ordonner son arrêt immédiat. Préalablement, il devait être ordonné à la PCTN de transmettre la détermination des autorités compétentes dans le cadre de l’accord entre la Suisse et l’Union européenne sur la libre circulation, quant à la conformité de l’activité d’C______ à Genève. L’effet suspensif devait être restitué au recours formé contre les ch. 1 et 4 de la décision du 16 novembre 2022 et il devait être dit que l’interdiction faite à C______ de poursuivre son activité n’était pas suspendue jusqu’à droit jugé dans la présente cause.

La décision de refus d’interdire les activités d’C______ rendue le 6 décembre 2022 avait été « notifiée » aux milieux professionnels des taxis, dont A______ faisait partie, à la suite de leur demande de constater l’existence d’un acte illicite au sens de l’art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985
(LPA-GE - E 5 10). A______ était partie à la procédure qui avait abouti à cette décision et avait la qualité pour recourir à ce titre (art. 60 al. 1 let. a LPA).

Elle avait également la qualité pour recourir, à l’instar de B______, au sens de l’art. 60 al. 1 let. b LPA, la LTVTC ayant notamment pour but de garantir la loyauté dans les transactions commerciales, tout en préservant la liberté économique. Or, l’État créait artificiellement une distorsion de la concurrence, en violation de la LTVTC, tant dans son but originel d’instaurer une concurrence saine que dans ses dispositions spéciales conditionnant l’octroi d’autorisations. Il traitait inégalement les recourantes et C______ en refusant d’appliquer la loi pour cette dernière, créant une différence de traitement qui confinait à l’arbitraire. Les autres conditions de recevabilité du recours étaient aussi remplies.

Au fond, il était choquant d’autoriser une société à poursuivre son activité, tout en déclarant, dans le même temps, qu’elle avait cessé son activité d’entreprise de transport, en précisant que sa conformité actuelle au droit n’était pas examinée, et en appliquant l’aLTVTC qui n’était plus en vigueur. C______ continuait à exercer son activité, ses chauffeurs et ses VTC à son effigie continuant à effectuer des courses dans le canton.

b. La PCTN a requis qu’il soit préjudiciellement statué sur la qualité pour recourir des deux sociétés. Leur recours devait être déclaré irrecevable, subsidiairement rejeté. La requête de restitution de l’effet suspensif devait aussi être rejetée. La lettre du 6 décembre 2022 ne constituait pas une décision. Un nouveau délai devait lui être imparti pour déposer, le cas échéant, des observations au fond, après droit connu sur la qualité pour recourir des recourantes.

c. Invitées à se déterminer sur cette question de la qualité pour recourir, A______ et B______ ont développé leur argumentation par observations du 2 février 2023. Celle-ci sera reprise dans la mesure nécessaire dans la partie en droit du présent arrêt. Elles maintenaient leur requête qu’il soit statué dans le même temps sur la demande de restitution de l’effet suspensif. Il serait dangereux d’attendre, après une décision qui consacrerait la seule admission de la qualité pour recourir, un recours au Tribunal fédéral, qui pourrait prendre des mois, pour qu’il soit statué sur la demande de restitution de l’effet suspensif. La presse s’était fait l’écho du refus, par l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), du modèle de E______. Le combat judiciaire de E______ serait vicié et perdrait toute son importance, voire son objet si, dans le même temps, on pouvait considérer qu’C______ restait au bénéfice d’une autorisation d’exercer, soit de continuer à transmettre des courses à des chauffeurs employés par E______, mais elle-même sous interdiction de les employer. Il était urgent de statuer sur l’effet suspensif pour que cesse une activité qui s’inscrivait en violation crasse des principes les plus élémentaires du droit.

d. C______ a fait siennes les observations de la PCTN et conclu à l’irrecevabilité du recours, faute pour les deux sociétés d’avoir la qualité pour recourir. La requête en restitution de l’effet suspensif devait être rejetée.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur la qualité pour recourir.

f. Par réplique spontanée sur effet suspensif du 8 mars 2023, les recourantes ont relevé qu’C______ ne revendiquait plus le droit d’exercer une activité en Suisse, à Genève notamment. Le bénéficiaire de la décision admettait ne plus être concerné. Il s’agissait d’un aveu judiciaire. La société ne pouvait plus persévérer à s’opposer au recours, ni à la restitution de l’effet suspensif. Toutefois, les clients qui commandaient une course contractaient toujours avec C______ La décision du 16 novembre 2022 visait uniquement C______ et ne levait pas l’interdiction aussi prononcée contre D______. C______ « jouait de duplicité » : elle affirmait avoir cessé son activité, tout en admettant que la décision querellée lui permettait la reprise de son activité. Cette activité causait un dommage aux recourantes qui produisaient un tableau détaillant le nombre de courses distribuées entre le 22 mai et le 4 juillet 2022 étant rappelé qu’C______ avait dû cesser son activité le 4 juin 2022 et l’avait progressivement reprise dès le 17 juin 2022. Dès le 5 juin 2022, le nombre de courses avait augmenté de 26'487 à 37’003, soit une augmentation de 39 %. Les courses transmises par l’application internet avaient plus que doublé, passant de 2’785 à 5’670. Le nombre de courses avait ensuite rapidement diminué pour se retrouver, à la fin du mois de juillet, au niveau antérieur.

g. Les arguments des parties et le contenu des pièces produites seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Aux termes de l’art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative ; les compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales sont réservées (al. 1) ; le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA ; sont réservées les exceptions prévues par la loi (al. 2).

2.             Les recourantes considèrent avoir qualité pour recourir contre la « décision » du 6 décembre 2022 qui leur a été notifiée, ce que les intimés contestent.

2.1 En vertu de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 LPA, les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a) ; de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b) ; de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

2.2 En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (ATA/1656/2019 du 12 novembre 2019 consid. 2b ; ATA/385/2018 du 24 avril 2018 consid. 4b et les références citées). Il ne suffit pas que l'acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu'acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l'administré par la volonté de l'autorité, mais sur la base de et conformément à la loi (ATA/599/2021 précité consid. 5b ; ATA/1656/2019 précité consid. 2c). La décision a pour objet de régler une situation juridique, c'est-à-dire de déterminer les droits et obligations de sujets de droit en tant que tels (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 339 ss).

2.3 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en droit public, la notion de « décision » au sens large vise habituellement toute résolution que prend une autorité et qui est destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'une obligation ; au sens étroit, c'est un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un cas individuel et concret (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; 106 Ia 65 consid. 3 ; 99 Ia 518 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1). La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré. De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2). Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 précité consid. 2.1 et les références citées).

2.4 En l’espèce, par pli du 30 novembre 2022, un avocat, intervenant pour « les milieux professionnels du taxi », a sollicité de l’autorité intimée, que différentes mesures soient prises, à l’instar du constat de nullité de la décision du 16 novembre 2022 et de la confirmation qu’C______ restait sous interdiction d’exercer une activité dans le canton. Par pli du 6 décembre 2022, l’autorité intimée a précisé que la décision du 16 novembre 2022 était adressée à C______, qui en était l’unique destinataire, qu’elle était publique et a rappelé qu’une commission consultative serait prochainement constituée. Ce courrier n'a aucunement pour objet les droits et obligations des deux sociétés recourantes, que ce soit pour les créer, les modifier, les annuler (al. 1 let. a), les constater (let. b) ou pour en rejeter la création ou la constatation (let. c ; art. 4 al. 1 LPA) et ne constitue pas une décision au sens de l’art. 4 LPA.

3.             Subsidiairement, les recourantes soutiennent que le courrier du 6 décembre 2022 serait une décision « au sens de l’art. 4A LPA ». Il s’agirait d’un refus de constater et de mettre fin à un acte illicite au sens de cette disposition.

3.1 Sous le titre marginal « Droit à un acte attaquable », l'art. 4A LPA dispose que toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l'autorité compétente pour des actes fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et touchant à des droits ou des obligations (a) s'abstienne d'actes illicites, cesse de les accomplir, ou les révoque, (b) élimine les conséquences d'actes illicites ou (c) constate le caractère illicite de tels actes (al. 1). L'autorité statue par décision (al. 2). Lorsqu'elle n'est pas désignée, l'autorité compétente est celle dont relève directement l'intervention étatique en question (al. 3).  

3.2 Il appartient à l'administré, qui s'estime touché dans ses droits ou obligations par des actes de l'autorité et exige de celle-ci qu'elle s'abstienne d'actes illicites, cesse de les accomplir ou les révoque, élimine les conséquences d'actes illicites ou constate le caractère illicite de tels actes (art. 4A al. 1 LPA), qu'il formule suffisamment clairement ses prétentions afin que l'autorité sache ce qui lui est demandé. L'exigence de formuler suffisamment clairement ce qui est demandé à l'autorité sous l'angle de l'art. 4A LPA/GE répond à un intérêt légitime et n'entrave pas l'accès au juge (arrêt du Tribunal fédéral 8C_775/2019 du 17 mars 2020 consid. 3.4).

3.3 En l’espèce, le courrier du 30 novembre 2022 demande, principalement, au DEE de dire que la décision du 16 novembre 2022 est nulle et de confirmer
qu’C______ restait sous interdiction d’exercer une activité dans le canton de Genève. L’intéressé n’a pas fait référence à une requête de constatation du caractère illicite de l’activité d’C______ Il n’a pas non plus fait mention dans son courrier du 30 novembre 2022 de l’art. 4A LPA. Son courrier sollicite une prise de position de l’autorité avant l’assemblée générale des milieux des taxis. De même, aucune des deux sociétés, constatant à réception de la réponse du département du 6 décembre 2022 que celui-ci n'avait pas rendu de décision, n’a requis de décision sujette à recours. 

4.             Plus subsidiairement, les recourantes considèrent que le DEE commettrait un déni de justice formel en ne statuant pas sur leur requête d’analyser le nouveau modèle d’C______

4.1 Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 (art. 62 al. 6 LPA).  Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

4.2 Le courrier du 30 novembre 2022 ne contient pas de mise en demeure. Il contient une demande de prise de position du département en vue de l’assemblée générale de la profession le 8 décembre au soir. Le département a répondu dans le délai. Il a toutefois implicitement refusé d’entrer en matière. Il n’y a ni retard non justifié, ni refus de statuer, ni mise en demeure ultérieure de se prononcer. Les conditions d’un déni de justice ne sont donc pas remplies.

Le recours contre le courrier du 6 décembre 2022 est ainsi irrecevable.

5.             Les recourantes considèrent avoir qualité pour recourir contre la décision du 16 novembre 2022 en application de l’art. 60 al. 1 let. b LPA au motif que l’autorité intimée créerait artificiellement une distorsion de la concurrence, en violation de la LTVTC tant dans son but originel d’instaurer une concurrence saine que dans ses dispositions spéciales conditionnant l’octroi d’autorisations. L’autorité intimée traiterait inégalement les recourantes et C______, en refusant d’appliquer la loi pour cette dernière et en créant ainsi une différence de traitement qui confinerait à l’arbitraire.

5.1 À teneur de l’art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/181/2013 du 19 mars 2013 ; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 consid. 2 et références citées). La chambre administrative a déjà jugé que les lettres a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/281/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/5/2009 du 13 janvier 2009 et les références citées).

5.2 Cette notion de l’intérêt digne de protection correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (Arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3).

5.3 Selon la jurisprudence, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation ou la modification de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_865/2019 du 14 avril 2020 consid.  3.2 ; ATA/619/2020 du 23 juin 2020). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1).

En outre, le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 144 I 43 consid. 2.2). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire proscrite en droit suisse (ATF 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_61/2019 du 21 janvier 2019 consid. 3.1). Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 143 II 578 consid. 3.2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_417/2018 du 13 décembre 2018 consid. 2 ; ATA/636/2020 du 30 juin 2020). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1).

5.4 De jurisprudence constante, dans le but d'exclure l'action populaire, les concurrents du bénéficiaire d'une autorisation n'ont pas qualité pour recourir du seul fait qu'ils invoquent la crainte d'être exposés à une concurrence accrue ; une telle conséquence découle naturellement du principe de la libre concurrence. En vue de fonder sa qualité pour recourir, un concurrent doit établir l'existence d'un rapport particulièrement étroit et digne de protection (en all. : « eine schutzwürdige besondere Beziehungsnähe ») avec l'objet du litige ; cette relation doit résulter de la législation applicable au fond. Un tel intérêt digne de protection est susceptible de se présenter dans les branches économiques qui sont gouvernées par des normes de politique économique ou par d'autres règles spécifiques ayant pour effet de placer les concurrents dans une telle relation particulièrement étroite les uns avec les autres. Un concurrent dispose également de la qualité pour recourir lorsqu'il fait valoir que d'autres concurrents bénéficient d'un traitement de faveur (ATF 142 II 80 consid. 1.4.2 ; 139 II 328 consid. 3.3).

La perte de parts de marché ou la baisse du chiffre d'affaires consécutives à l'installation d'un nouveau concurrent à proximité d'une autre entreprise ne fondent pas, à elles seules, la qualité pour recourir de celle-ci à l'encontre de l'autorisation d'exploiter un commerce octroyée à son concurrent. Il s'agit là en général des conséquences naturelles de la libre concurrence, qui est protégée par les art. 27 et 94 Cst. De surcroît, le seul intérêt des concurrents à ce que les règles générales soient correctement appliquées à toutes les entreprises ne leur confère pas non plus la qualité pour recourir (arrêt du Tribunal fédéral 2C_90/2016 du 2 août 2016 consid. 3.6 et les références citées).

6.             Il convient préalablement de définir le législation applicable au fond au présent litige, les recourantes contestant l’application de l’aLTVTC.

6.1 Le 1er novembre 2022 est entrée en vigueur la LTVTC, abrogeant l’aLTVTC (art. 44 LTVTC).

Selon les dispositions transitoires, l’entreprise de transport annoncée sous l’égide de l’aLTVTC doit requérir, dans un délai d’une année à compter de l’entrée en vigueur de la LTVTC, l’autorisation visée à l’art.10 LTVTC pour pouvoir poursuivre son activité (art. 46 al. 4 LTVTC).

6.2 Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu'un changement de droit intervient au cours d'une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l'angle du nouveau ou de l'ancien droit se pose. En l'absence de dispositions transitoires, s'il s'agit de tirer les conséquences juridiques d'un événement passé constituant le fondement de la naissance d'un droit ou d'une obligation, le droit applicable est celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATA/813/2022 du 17 août 2022 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 403 ss).

6.3 En l’espèce, bien que citant la jurisprudence précitée, les recourantes considèrent que le nouveau droit devrait s’appliquer en se référant à l’octroi d’une autorisation le 16 novembre 2022. Cette approche est erronée. En effet, la décision litigieuse ne consiste pas en la délivrance d’une nouvelle autorisation, mais porte sur l’appréciation, par le DEE, du rétablissement d’une situation conforme au droit, en application de l’art. 36 al. 2 aLTVTC conformément aux considérants qui suivent. Sont dès lors pertinents les faits à l’origine de la mesure. L’aLTVTC est en conséquence applicable au présent litige.

7.             L’aLTVTC a pour but de promouvoir un service public efficace et de qualité capable de répondre à la demande tous les jours de l'année, à toute heure et en tout lieu du territoire genevois (al. 2). Elle a également pour but de garantir que l’activité des transporteurs est conforme aux exigences de la sécurité publique, de l’ordre public, du respect de l'environnement, de la loyauté dans les transactions commerciales et de la transparence des prix, ainsi qu'aux règles relatives à l'utilisation du domaine public, tout en préservant la liberté économique (al. 3, art. 1 aLTVTC).

L’aLTVTC et ses dispositions d'application régissent exclusivement : a ) l'activité de transport professionnel de personnes déployée par les taxis et les VTC dans le canton de Genève, que ce soit à titre individuel ou sous la forme d'une entreprise, quelle que soit sa forme juridique ; b) l'activité des intermédiaires entre les clients et les chauffeurs, exercée dans le canton de Genève ou y déployant ses effets
(art. 2 aLTVTC).

7.1 Tout exploitant d'une entreprise de taxis ou VTC, quelle que soit sa forme juridique, veille, en sa qualité de dirigeant effectif, à ce que les chauffeurs qui utilisent les voitures de l'entreprise respectent toutes les dispositions légales qui leur sont applicables (al. 1). Les exploitants d'entreprises respectent, pour autant qu'elle existe, la convention collective de travail ou, subsidiairement et pour autant qu'il existe, le contrat-type de travail (al. 2). Les exploitants d’entreprises respectent les dispositions relatives à la protection sociale des travailleurs et aux conditions de travail en usage dans leur secteur d’activité. Le département leur demande en tout temps de signer l’engagement correspondant auprès de l’autorité cantonale compétente (al. 3 ; art. 25 aLTVTC)

7.2 Le département peut faire interdiction à un diffuseur de courses ou à une entreprise de transport de poursuivre son activité s'il ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées par l’aLTVTC ses dispositions d'application, jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit (art. 36 al. 2 aLTVTC).

7.3 En l’espèce, la décision initiale du 29 octobre 2019, confirmée par la chambre administrative de la Cour de justice par arrêt du 17 novembre 2020, puis par arrêt du Tribunal fédéral du 30 mai 2022 est une mesure administrative prise par l’autorité en vue de rétablir une situation conforme au droit. Les mesures administratives « ont pour objet d’imposer des obligations ou de refuser – ou de retirer – des droits à des administrés afin d’obliger ceux-ci à se conformer à des obligations générales ou particulières qui leur incombent en vertu de la loi ou de décisions » (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n° 1197). Elle était fondée sur l’art. 36 al. 2 aLTVTC, pour n’avoir pas respecté l’art. 25 al. 3 aLTVTC, lequel traite de la protection sociale des travailleurs et des conditions en usage dans le secteur d’activité. À juste titre, l’autorité intimée rappelle ainsi que la décision initiale avait pour finalité le respect des conditions de travail des personnes employées par l’entreprise C______ et non la régulation de la concurrence.

Par définition, une telle mesure n’est dirigée que contre le perturbateur et ne s’adresse pas aux autres administrés. Ce même principe vaut pour la décision, qui en est le pendant, à savoir le constat du rétablissement d’une situation conforme au droit, en application de l’art. 36 al. 2 in fine aLTVTC, qui relève de la seule appréciation de l’autorité, et non des autres administrés.

7.4 Les recourantes invoquent un « rapport étroit d’activité », au point que l’arrivée d’C______ aurait causé une forte diminution de l’activité des taxis alors que sa cessation d’activité du 3 au 10 juin 2022 aurait, au contraire, provoqué une augmentation de l’activité des taxis de plus de 40 %. La LTVTC aurait « spécifiquement pour but de promouvoir une saine concurrence entre ses acteurs, en particulier entre les taxis et les VTC ».

Or, l’intérêt à recourir doit être direct et non médiat. Conformément à la jurisprudence, le rapport particulièrement étroit et digne de protection doit résulter de la législation applicable au fond. En l’espèce, aucun des buts énoncés par l’aLTVTC n’évoque la protection contre une concurrence accrue entre taxis et VTC. Les buts de l’aLTVTC consistent en l’efficacité du service public, que le législateur a voulu « de qualité capable de répondre à la demande tous les jours de l'année, à toute heure et en tout lieu du territoire genevois ». Selon l’al. 3, ladite législation veille aussi à la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l'environnement et des règles relatives à l'utilisation du domaine public ainsi que la loyauté dans les transactions commerciales et de la transparence des prix, soit dans les relations transporteur et client. Les questions de concurrence ne font donc pas l’objet de la législation au fond.

De surcroît, d’une part, l’aLTVTC prévoit la cohabitation des taxis et des VTC. D’autre part, le contingentement ne concerne que le nombre de taxis (art. 10 al. 2 aLTVTC et 21 a RTVTC). Le législateur a ainsi souhaité une « complémentarité en matière de service public » entre taxis et VTC, sans limiter le nombre des seconds. Dans ces conditions, sans nier les interactions entre les deux groupes, dans cette optique de complémentarité, il n’existe pas de règles spécifiques, notamment de clause du besoin ou un contingentement entre taxis et VTC qui aurait pour effet de placer les concurrents dans une relation particulièrement étroite les uns avec les autres au sens, très strict, de la jurisprudence précitée. Cela ne relève en tous les cas pas de la législation concernée au fond, une éventuelle action fondée sur le droit de la concurrence n’étant pas l’objet du présent litige.

Même à suivre les recourantes dans leur argumentation de concurrence, elles ne se plaignent que de la diminution de leur chiffre d’affaires en lien avec l’activité déployée par C______ Or, comme le mentionne la jurisprudence, ce fait ne fonde pas la qualité pour recourir du concurrent. Dans leur réplique, elles C______ B.V, étant acteurs économiques de la même branche, au vu des buts de la LTVTC. Or, et comme précédemment relevé, il ne s’agit pas de l’octroi d’une autorisation, mais du constat du rétablissement d’une situation conforme au droit. De surcroît, seul B______ est aussi définie comme exploitante d’une entreprise de transport, en l’occurrence pour deux taxis, au sens de l’art. 4 let. c aLTVTC, à l’instar d’C______ A______ est un « diffuseur de courses » au sens de l’art. 4 let. d a LTVTC, ce que ce dernier ne conteste pas. Le fait que la recourante considère qu’C______ devrait être actuellement aussi qualifiée de « diffuseur de courses » n’est pas l’objet du présent litige.

7.5 Les recourantes critiquent la décision alléguant qui autoriserait C______ à poursuivre son activité, en toute illégalité, sous sa forme actuelle, et sans analyser son nouveau modèle au regard de la loi applicable.

Or, le litige porte exclusivement sur l’application de l’art. 36 al. 2 a LTVTC à C______, soit l’appréciation, par le DEE, du rétablissement d’une situation conforme au droit par ladite société. Toute autre question, notamment la poursuite de l’activité sous un nouveau modèle, est hors de l’objet du présent litige. À ce titre, les conditions posées par le DEE à C______ pour considérer qu’une situation conforme au droit au 17 juin 2022, date de la cessation de son activité d’« exploitant d’entreprise de transport » a été rétablie, ne concernent aucunement les taxis ou diffuseurs de courses.

7.6 Les recourantes citent plusieurs arrêts pour soutenir que l’intérêt digne de protection est reconnu aux concurrents de la même branche économique même en l’absence de législation qui a pour but de lutter contre la concurrence déloyale et même si le concurrent n’a pas le même statut.

La situation de PharmaSuisse (ATF 142 II 80 = JdT 2016 I 47 consid. 1.4.3) n’est pas comparable. Cette association a notamment pour but d’assurer au public des garanties de qualité et de sécurité élevées dans les services professionnels des pharmaciens ; elle a personnellement qualité pour contester une activité qu’elle tient pour incompatible avec ces garanties (art. 89 al. 1er LTF). L’ATF 139 II 328 consid. 3.3 traite d’une application de la loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à la concurrence du 6 octobre 1995 (loi sur les cartels, LCart - RS 251), non pertinente en l’espèce.

La situation des loteries est particulière. Selon le Tribunal fédéral, il existe une relation de proximité particulière entre les concurrents qui est plus intense que dans n'importe quel cas où un tiers veut simplement contester l'autorisation d'exploiter ou de construire accordée à un concurrent dans un système de libre concurrence (sans se plaindre d'une inégalité de traitement). La réglementation légale atteint dans une plus grande mesure les concurrents, parce que l'autorisation d'organiser une loterie ne dépend pas seulement de conditions de police, mais aussi de la clause du besoin, domaine où la libre concurrence ne prédomine pas (ATF 127 II 264 = JdT 2004 I p. 166, consid. 2e à g). Cette particularité des loteries a été confirmée dans l’ATF 141 II 262 consid. 3.2.

L’ATF 135 II 243 n’est pas pertinent s’agissant d’un recours contre un acte normatif.

L’arrêt 2C/1024/2016 du 23 février 2018 consid. 3, traitant de la SSR, mentionne précisément que l’art. 29 de la loi fédérale sur la radio et la télévision du 24 mars 2006 (LRTV - 784.40) vise à créer un équilibre « entre l'initiative entrepreneuriale de la SSR, en principe souhaitable, et les besoins légitimes de protection » d'autres acteurs du marché, en partie « plus faibles », c’est-à-dire entre les objectifs de l'art. 93 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; mandat à la radio et à la télévision) et de l'art. 93 al. 4 Cst. (respect des autres médias).

Ces arrêts ne sont en conséquence pas comparables à la présente situation.

7.7 Enfin, les recourantes ne peuvent pas fonder leur qualité pour recourir sur un « traitement de faveur » d’C______ Elles fondent leur argumentation sur la délivrance d’une autorisation, critiquant l’absence d’analyse par le DEE. Or, comme précédemment mentionnée, la décision querellée trouve son fondement dans la levée d’une mesure administrative.

En conséquence, les recourantes ne remplissent aucune des deux conditions cumulatives et nécessaires pour avoir la qualité pour recourir, l’exception de l’art. 111 LTF n’étant pas pertinente en l’espèce : elles n’étaient pas parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (art. 60 al. 1 let. a LPA) ni ne remplissent les conditions de l’art. 60 al. 1 let. b LPA.

8.             Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la requête en restitution d’effet suspensif.

9.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourantes, prises solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à C______ qui y a conclu (art. 87 al. 2 LPA). Même s’il a recouru à un mandataire, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure à l’État de Genève, lequel possède un service juridique.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 23 décembre 2022 par A______ et B______ contre la décision du 16 novembre 2022 et le courrier du 6 décembre 2022 du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de A______ et B______;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000,- à C______, à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Roulet, avocat des recourantes, à Me Grégoire Wuest, avocat d'C______, à Me Rémy Wyler, avocat du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, ainsi que la commission de la concurrence, pour information.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot
Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :