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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3218/2021

ATA/542/2023 du 23.05.2023 sur JTAPI/1379/2022 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.06.2023, 9C_420/2023
Descripteurs : IMPÔT SUR LE REVENU;OBJET DU LITIGE;DÉCISION DE TAXATION;TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;SECRET FISCAL;PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT;CONTRAT FIDUCIAIRE;SOUSTRACTION D'IMPÔT;THÉORIE DU TRIANGLE;MAXIME INQUISITOIRE;FARDEAU DE LA PREUVE;LIBRE APPRÉCIATION DES PREUVES;AMENDE
Normes : LIFD.131.al1; LPFisc.36.al2; LIFD.151.al1; LPFisc.59.al1; Cst.29.al2; LIFD.110; LHID.39; LPFisc.11; LIFD.16.al1; LIFD.20.al1.letc; LIPP.22.al1.letc; LIFD.175.al1; LHID.56.al1; LPFisc.69.al1; LIFD.124.al2
Résumé : La recourante ne peut plus invoquer l’existence d’un contrat de fiducie, faute d’avoir contesté les taxations désormais entrées en force, reprenant les éléments indiqués par elle-même dans ses déclarations fiscales. La recourante n’apportant pas la preuve du caractère infondé des prestations appréciables en argent litigieuses, dans leur principe et leur quotité, le rappel d’impôts effectué est justifié. La soustraction fiscale doit être admise par négligence. L’amende infligée est proportionnelle. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3218/2021-ICCIFD ATA/542/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 mai 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Alessia SCHMID, avocate

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE


ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 décembre 2022 (JTAPI/1379/2022)


EN FAIT

A. a. Selon le registre du commerce de Genève (ci-après : RC), A______ était, du 26 février 2010 au 27 août 2019, associée-gérante et présidente (avec signature individuelle et « pour 26 parts de CHF 1'000.- ») de B______ (ci-après : la société). Cette dernière a pour but l’« exploitation de cafés, restaurants et hôtels ; importation et exportation de produits relatifs à la restauration ; service traiteur ». Son capital social est constitué de 26 parts de CHF 1'000.- chacune. C______, son père, en était gérant durant la même période (avec signature individuelle). Il ne détenait aucune part du capital social.

D’après les statuts de la société du 22 février 2010, « le droit de vote de chaque associé se détermine en fonction de la valeur nominale des parts qu’il détient. Chaque associé a droit à une voix au moins » (art. 20). « Les gérants sont notamment compétents pour fixer les principes de la comptabilité et du contrôle financier [ ] et pour exercer la surveillance sur les personnes chargées de parties de la gestion, pour s’assurer notamment qu’elles observent la loi, les statuts, les règlements et les instructions données » (art. 24 al. 2 ch. 3 et 4).

Le 27 août 2019, le capital social de la société a été racheté par D______.

b. Dans ses déclarations fiscales pour les années 2011 à 2015, la contribuable n’a indiqué aucun revenu provenant de la société, mais seulement le capital social de celle-ci (CHF 26'000.-) et, en 2011, une dette envers elle de CHF 152'216.-. En annexe à ces déclarations, elle a produit les comptes de la société ainsi que ses certificats de salaire établis par l’office du personnel de l’État.

B. a. Par courrier du 17 septembre 2012, la contribuable a demandé à l’administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC-GE) de revenir sur sa taxation d’office du 13 septembre 2012 pour l’année 2011. En tant qu’« associée » de la société, elle attendait les comptes de celle-ci pour établir sa propre déclaration fiscale pour l’année 2011.

b. Par pli du 14 novembre 2012, la contribuable a derechef écrit à l’AFC-GE pour indiquer que sa déclaration fiscale 2011 comportait une erreur. La société ne lui devait pas la somme de CHF 152'216.75. C’était elle qui la lui devait, tel que cela ressortait du bilan au 31 décembre 2011.

c. Par décision sur réclamation du 21 mars 2013, l’AFC-GE a rectifié en défaveur de la contribuable son imposition pour l’année 2011.

d. Les 2 mai, 29 septembre 2014, 17 février et 7 novembre 2016, la contribuable a été taxée pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015. Ces taxations n’ont pas été contestées.

e. Le 14 août 2019, elle s’est vu notifier un avis de saisie (sur ses biens propres) relatif à une dette de CHF 63'593.85 que la société avait envers la caisse genevoise de compensation pour des cotisations sociales non versées.

f. Par courrier recommandé du 28 novembre 2019, l'AFC-GE a informé la contribuable de l'ouverture à son encontre de procédures de rappel et de soustraction des impôts fédéral direct (ci-après : IFD), cantonal et communal (ci-après : ICC) pour les années 2011 à 2015, au motif que selon l'administration fédérale des contributions (division de la TVA ; ci-après : AFC-CH), elle avait bénéficié d’un prêt simulé en 2011 et, de 2012 à 2015, de prestations appréciables en argent provenant de la société, sous forme de chiffre d’affaires non déclaré et de prise en charge des frais privés de C______. Les reprises envisagées étaient les suivantes :

Années

Reprises

2011

CHF 152'217.- (prêt simulé)

2012

CHF 3'521.- (ristournes fournisseurs)

CHF 31'540.- (frais privés gérant)

2013

CHF 3'415.- (ristournes fournisseurs)

CHF 77'023.- (insuffisance de marge)

2014

CHF 3'860.- (ristournes fournisseurs)

CHF 167'395.- (insuffisance de marge)

2015

CHF 2'929.- (ristournes fournisseurs)

CHF 92’217.- (insuffisance de marge)

CHF 3’540.- (frais privés gérant)

g. Le 9 décembre 2019, la contribuable a répondu que c’était son père qui l’avait « inscrite » comme associée-gérante avec signature individuelle de la société. Elle n’avait jamais participé de manière active à sa gestion. L’autorisation personnelle d’exploiter avait été délivrée à son père. Entre 2010 et 2017, la fiduciaire mandatée pour la gestion administrative, fiscale et comptable de la société n’avait jamais contrôlé « les positions de coûts directs » et « les rendements », ce dont son père ne s’était pas aperçu. Elle n’avait jamais reçu de dividende de la part de la société. Les frais privés de son père étaient comptabilisés depuis début 2018, à hauteur de CHF 1'160.- par mois. Ce dernier n’avait pas fait opposition au résultat du contrôle diligenté par l’AFC-CH, ni à l’impôt anticipé en découlant pour la société (CHF 117'000.-). Il était le seul responsable.

h. Le 10 février 2020 a eu lieu un entretien entre la contribuable, C______ et l’AFC-GE.

i. Dans ses observations du 28 mai 2020, la contribuable a précisé qu’elle avait toujours exercé son métier d’enseignante (à temps partiel) et n’avait jamais suivi de formation en matière de restauration. Depuis octobre 2019, son salaire faisait l’objet d’une saisie de CHF 2'000.- par mois. En 2008, son père avait fait l’objet d’une faillite personnelle et de plusieurs actes de défaut de biens. Dès 2010, il avait cherché puis trouvé une nouvelle activité, soit l’exploitation de l'auberge communale de Meyrin (ci-après : l’auberge). Pour éviter que sa future activité d'exploitant de cet établissement ne soit prétéritée par ses actes de défaut de biens, il lui avait demandé d’occuper, à tire fiduciaire et pour son compte, les rôles de « propriétaire » et de « gérante ». Le capital social de la société (CHF 26'000.-) avait été libéré par son père, grâce à un prêt lui ayant été accordé par l'un de ses amis, et correspondait au montant de la garantie requise par la commune de Meyrin (CHF 25'000.-). Cette commune lui avait imposé d’être codébitrice solidaire d’une dette de CHF 141'600.-. En 2015, la société lui avait versé CHF 13'890.-, cette somme correspondant au remboursement de celle réclamée par l’office des poursuites pour les cotisations à l’AVS non payées pour les employés de la société.

Elle avait confié la préparation de sa déclaration fiscale à un comptable, qui s'occupait également de la gestion administrative, fiscale et comptable de la société et de son père. Elle n'avait pas eu les connaissances suffisantes pour vérifier l'exactitude des déclarations fiscales préparées par ce comptable. Cette méconnaissance avait entraîné des erreurs dans ses déclarations pour les années concernées, soit l'indication de la détention pour son propre compte des parts sociales de la société, au lieu d'une détention à titre fiduciaire. Toutes les reprises fiscales concernaient directement son père et n'avaient aucun lien matériel avec elle. La théorie du triangle ne devait pas être appliquée dans le cas d’espèce.

Elle ne figurait plus au registre du commerce comme associée de la société. Seul son père en était l’animateur.

Étaient notamment joints les documents suivants :

- une déclaration sur l'honneur de son père du 26 mai 2020 ;

- ses fiches de salaire des mois de mars, avril et mai 2015, montrant que l’office avait prélevé des montants de respectivement CHF 5'387.05 et deux fois de CHF 5'507.75 ;

- un « contrat de cession de parts sociale » du 17 juin 2019, à teneur duquel elle avait cédé ses 26 parts dans la société (CHF 26'000.-) à la société D______, pour le prix de CHF 1.- « symbolique » ;

- une « convention de gérance de l’auberge communale de Meyrin » du 25 février 2010, qu’elle avait signée conjointement avec son père, à teneur de laquelle cet établissement était mis à disposition de la société, représentée par elle-même, en contrepartie d’une redevance payable par elle-même ;

- une autorisation d’exploiter du service du commerce du 20 août 2010 en faveur de C______ concernant l’auberge.

j. Le 3 juillet 2020, l'AFC-GE a notifié à la contribuable dix bordereaux de rappel d'impôts pour les IFD et ICC 2011 à 2015 et dix bordereaux d’amende pour soustraction desdits impôts. Cette dernière ayant été commise par négligence et compte tenu des circonstances atténuantes, soit la bonne collaboration et l’incidence de la peine, la quotité des amendes était fixée à la moitié des impôts soustraits.

k. Le 28 juillet 2020, la contribuable a formé réclamation contre ces bordereaux.

Reprenant ses précédents développements, elle ajoutait que pour les années 2013 à 2016, des bordereaux de rappel d’impôts et d’amendes avaient été notifiés également à la société, à teneur desquels la faute (intentionnelle) était attribuée à « l’administrateur de fait », soit à son père. Il lui paraissait insoutenable que l'AFC-GE inflige – pour les mêmes faits « émanant de la même personne », soit son père – à elle-même des amendes à hauteur de la moitié de l’impôt éludé et à la société des amendes correspondant à deux tiers de l’impôt soustrait. Aucune faute ou imprévoyance coupable ne pouvait être retenue contre elle au vu de sa situation personnelle et des circonstances de l’affaire, d’autant moins que la faute avait déjà été attribuée à son père.

Compte tenu de l’existence d’un rapport de fiducie entre son père et elle, la théorie du triangle et celle de bénéficiaire direct ne pouvaient lui être appliquées. Elle n’avait pas ordonné, validé ni bénéficié des prestations en question. En effet, c’était bien son père, dans le cadre de ses fonctions de gérant avec signature individuelle, qui avait effectué ces prestations, à son insu.

Les conditions de la soustraction fiscale n’étaient pas remplies, en particulier celle de la faute, puisque dans le cadre des amendes infligées à la société, la faute avait été attribuée à son père. Même s’il fallait retenir une faute concomitante, celle de celui-ci était prépondérante. Sa situation personnelle, en particulier le manque de connaissances en droit fiscal, ne lui avait pas permis d’identifier les prétendues prestations appréciables en argent. Elle n’aurait jamais accepté de détenir à titre fiduciaire les parts de la société si elle avait connu les conséquences fiscales desdites prestations.

l. Par courrier recommandé du 5 août 2021, l’AFC-GE a informé la contribuable avoir procédé à un nouvel examen de son dossier sur la base de ses réclamations. Il en résultait que les rappels d’impôts IFD et ICC 2012 à 2015 seraient rectifiés en sa défaveur compte tenu du recalcul des intérêts sur rappel d’impôts, de la dette liée à ces derniers et de la dette d’impôts. Il en allait de même des amendes y relatives.

m. Par décision du 16 août 2021, l'AFC-GE a annulé les reprises et amendes pour l’année 2011 et confirmé celles des années 2012 à 2015 dans leur principe et quotité, en recalculant leur montant consécutivement à la suppression des rappels d’impôt 2011 et des intérêts y relatifs.

Les reprises effectuées auprès de la société n'avaient pas été contestées et étaient entrées en force. Il en était de même du contrôle de la TVA et de l’impôt anticipé.

Lors de l’entretien du 10 février 2020, la contribuable avait certes contesté l’application de la théorie du triangle, mais pas les prestations appréciables en argent, dans leur principe et leur quotité, alors qu’elle était en possession de tous les éléments lui permettant de le faire.

Elle avait admis l'absence de convention de fiducie et de rémunération. L’absence de cet acte ne pouvait se justifier par les rapports et liens de confiance familiaux, une convention de fiducie écrite devant être présentée même dans les relations entre parents. C______ détenait un certificat de capacité lui permettant d'exploiter l'auberge en question. Sa déclaration sur l'honneur du 26 mai 2020 ne démontrait pas l'existence d'un rapport de fiducie. Le rôle que la contribuable et son père avaient au sein de la société et le fait qu’aucune prestation n'avait transité concrètement par la « sphère privée » de l’intéressée n’étaient pas déterminants pour retenir un rapport de fiducie.

Le fait que son inscription au RC et celle de son père avaient été modifiées en 2019 et 2020 n'avait pas d'importance. La contribuable avait déclaré les parts de la société, sans avoir jamais mentionné un quelconque rapport de fiducie, que ce soit dans ses déclarations fiscales ou ses renseignements concernant la société, ce que confirmait la convention de prêt du 25 février 2010 entre la commune de Meyrin et la société. Ces éléments ainsi que l’avis de saisi adressé à la contribuable contredisaient le fait que le fiduciaire ne devait courir aucun risque pour les biens du fiduciant. Selon le procès-verbal de l’assemblée générale de la société du 23 mai 2019, la contribuable avait cédé ses 26 parts sociales à D______, ceci conformément au contrat de cession du 17 juin 2019. Le rapport de fiducie et « les besoins économiques impérieux » n'avaient donc pas été démontrés.

C’était uniquement en raison des liens existant entre la contribuable et son père que ce dernier était le seul gérant depuis la création de la société et se voyait laisser la gestion de l'intégralité de celle-ci sans aucun contrôle du détenteur de parts. Les explications données précédemment par la contribuable ne permettaient pas d’admettre un rapport de fiducie et de renoncer à l’application de la théorie du triangle et aux prestations appréciables en argent.

En ne déclarant pas les revenus mobiliers provenant de la société, la contribuable avait commis une faute par négligence. Le fait de confier tout ou partie de ses affaires à un mandataire ne pouvait ôter toute responsabilité, d’autant moins que l’on pouvait raisonnablement attendre d’une enseignante (au secondaire) un minimum de « capacité de vérification », ou à tout le moins de faire en sorte de lever ses doutes sur ses droits et obligations, en en informant l'autorité fiscale à l'occasion notamment des diverses demandes de renseignements concernant ses propres taxations. La faute et la quotité de l’amende retenues dans le cadre des procédures concernant la société ne pouvaient pas être comparées à celles attribuées à la contribuable.

C. a. Par acte du 16 septembre 2021, la contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre cette décision, en concluant, principalement, à son annulation et à celle des bordereaux y relatifs et, subsidiairement, à ce que le TAPI dise qu’elle avait « à tout le moins réclamé les diverses reprises ICC et IFD effectuées par l'AFC-GE pour la société pour les années 2013 à 2016 ». Préalablement, elle a sollicité son audition, celle de son père, la constatation « que toutes les reprises fiscales de l'AFC-GE du 3 juillet 2020 (rappels d'impôts et d'amendes) émises à l'encontre de la société pour l'ICC et l'IFD 2013 à 2016 ne [lui] sont pas imputables/opposables » et qu’elle n'était pas débitrice desdits montants/reprises ni des amendes y relatives ainsi que la production du dossier fiscal de la société pour les années 2012 à 2016.

Elle avait pris connaissance des procédures menées à l'encontre de la société en matière de TVA et d'impôt anticipé seulement au moment où l'AFC-GE avait ouvert la procédure de rappel d'impôts à son encontre. Elle n'avait ainsi pas participé au déroulement de ces procédures fédérales, ni n'en avait été informée. Elle n'avait pu que constater que son père n'avait émis aucune opposition contre les reprises effectuées par les autorités fédérales. Depuis le 23 mai 2019, elle n'avait pas la légitimation active et/ou passive pour s'opposer aux décisions que l'AFC-GE avait prises, le 3 juillet 2020, contre la société. En tout état, au vu du caractère fiduciaire de sa détention des parts de la société et n'étant pas la bénéficiaire finale, elle n'en avait pas la charge. Le rapport de fiducie étant terminé, les décisions de rappels d'impôts et d'amendes prises à l'encontre de la société ne lui étaient pas opposables.

Si les prestations appréciables en argent avaient été versées, ce qu’elle ne pouvait ni infirmer ni affirmer, elle n'en avait pas bénéficié, ni ne les avait effectuées, ordonnées ou validées. La théorie du bénéficiaire direct et celle du triangle présupposaient toutes les deux que les distributions dissimulées de bénéfice reposaient sur un rapport de participation. En l’occurrence, les reprises ne pouvaient se fonder sur un tel rapport, dès lors qu’il s’agissait d’une fiducie « tacite ». Toutes les distributions dissimulées de bénéfice concernaient directement son père et n’avaient aucun lien avec elle-même.

À l’appui de ses écritures, elle produisait diverses pièces, dont une ordonnance de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) du 17 août 2022 (cause n° 1______) relative à la suspension de la procédure ouverte par elle contre la caisse cantonale genevoise de compensation, dans l’attente de l’issue de la procédure pénale la concernant et de la présente procédure administrative ainsi que les bordereaux d’amendes ICC et IFD 2013 à 2015 du 3 juillet 2020 émis à l’encontre de la société, dont la motivation était la suivante : « M. C______, en sa qualité d’administrateur de fait, a commis une faute en ne déclarant pas la totalité du chiffre d’affaires réalisé par la société et en portant en charges des frais privés. Ces éléments ont réduit indûment le bénéfice imposable de la société. Au vu de ce qui précède, une soustraction d’impôt intentionnelle a été commise et une amende vous est infligée. La marche des affaires et la mauvaise conjoncture économique ont été retenues comme circonstances atténuantes pour fixer la quotité de l’amende au 2/3 de l’impôt soustrait ».

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours, sous réserve que la reprise sur le revenu relative à l’année 2014 (CHF 174'795.-) soit ramenée à CHF 167'395.- et que les intérêts sur rappel d'impôt, la dette fiscale et le montant des amendes soient recalculés dans cette mesure, pour les périodes 2014 et 2015.

Après avoir réexaminé le dossier, elle avait constaté une erreur de calcul, en faveur de la contribuable, dans le montant des reprises pour la période fiscale 2014. Le montant des reprises devait s'élever au total à CHF 167'395.- et non à CHF 174’795.-, ce qui donnait un dégrèvement de CHF 7'400.- et entrainait une réduction des intérêts sur rappel d'impôt et de la dette fiscale pour les périodes 2014 et 2015, une reformatio in peius pour l’année 2015 et une rectification du montant des amendes.

De 2012 à 2015, la recourante avait été l'unique porteuse des parts de la société qu'elle détenait dans sa fortune privée. En vertu de la théorie du triangle, les reprises devaient être effectuées dans son chef quand bien même elle n’en avait pas bénéficié. Elle n’avait pas démontré le rapport de fiducie allégué.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué en persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par jugement du 12 décembre 2022, le TAPI a partiellement admis le recours, en renvoyant le dossier à l’AFC-GE pour nouveaux bordereaux de rappel d’impôts et d’amendes ICC et IFD 2014 et 2015.

Il était donné acte à l’AFC-GE de son engagement à ramener la reprise sur le revenu 2014 de CHF 174'795.- à CHF 167'395.-, ce qui impliquerait une réduction correspondante des amendes, de la dette fiscale et des intérêts sur rappel d’impôts pour les périodes 2014 et 2015.

La contribuable n’avait pu raisonnablement se laisser taxer sur la participation de CHF 26'000.- dans la société si elle ne la détenait véritablement qu’à titre fiduciaire. Il ne fallait aucune connaissance particulière pour comprendre que les bordereaux en question lui attribuaient cette fortune à titre personnel, sans faire état d’un quelconque rapport de fiducie. Vu les circonstances du cas d’espèce, notamment le courrier du 17 septembre 2012 et l’absence d’opposition à l’avis de saisie du 14 août 2019, il ne pouvait être considéré que le rapport de fiducie allégué après coup, constituait un fait nouveau pouvant être pris en compte dans le cadre de la procédure en rappel d’impôts. Seule la découverte des prestations appréciables en argent avait justifié les rappels d’impôts. Il s’agissait donc d’examiner le bien-fondé des reprises opérées sur les prestations en cause, la contribuable ne contestant ni l’existence ni le montant de ces dernières, mais seulement leur imposition auprès d’elle en vertu de la théorie du triangle.

Dès lors que la participation de la contribuable dans la société ne pouvait plus être remise en cause, la théorie du triangle pouvait lui être appliquée. Le fait que seul son père s’était effectivement occupé de la gestion de la société n’était déterminant que dans le cadre de l’imposition de cette dernière. Quelles que fussent les raisons de la création de la société, la contribuable devait assumer les conséquences fiscales des apparences et montages juridiques qu’elle avait volontairement créés en collaboration avec son père. L’entier des prestations en question devait lui être attribué, en application de la théorie du triangle, quand bien même elle n’aurait aucunement participé à la gestion effective de la société. Dès lors que c’était le même comptable qui avait établi ses déclarations fiscales, celles de la société et de son père, il pouvait et devait mentionner le fait qu’elle détenait dite participation à titre fiduciaire, si tel avait été le cas.

Les conditions objective et subjective de la soustraction fiscale étaient remplies. Compte tenu des motifs pour lesquels elle avait fondé la société et des circonstances dans lesquelles celle-ci avait été gérée, il lui incombait, en vertu de son devoir de collaboration, d’en référer à l’AFC-GE afin de lui permettre de la taxer en toute connaissance de cause, ce qu’elle n’avait pas fait. En ne prenant pas toutes les précautions que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elle et en n’indiquant pas dans sa propre déclaration fiscale le revenu découlant de sa participation dans la société, elle avait agi fautivement, à tout le moins par négligence. Le fait que seul son père avait été fautif de la soustraction commise par la société ne pouvait atténuer, ni annuler, la faute qu’elle avait commise dans l’établissement incomplet et inexact de ses propres déclarations fiscales.

Le dossier ne contenait aucun autre élément permettant de réduire encore davantage la quotité des amendes infligées. Au contraire, il fallait relever la présence de circonstances aggravantes.

D. a. Par acte du 11 janvier 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation, à celle des décisions sur réclamation ICC et IFD 2012 à 2015 et des bordereaux y relatifs émis le 16 août 2021 concernant les reprises en rappel d’impôts, les amendes et tous les intérêts y relatifs, ainsi qu’à la constatation qu’aucune reprise en rappel d’impôt ni aucune amende n’était due pour les années 2012 à 2015 pour l’ICC et l’IFD. Préalablement, elle sollicitait son audition, celle de son père, la production par l’AFC-GE de la totalité du dossier de la société pour les années 2012 à 2016 et l’octroi d’un délai pour se prononcer à cet égard.

Certains faits retenus par le TAPI étaient inexacts. Si C______ ne détenait aucune part du capital social, il en était le bénéficiaire économique. Les taxations en cause n’étaient pas entrées en force, vu les procédures pendantes. Lors de l’entretien du 10 février 2020, C______ s‘était opposé par oral au principe et à la quotité des reprises en rappel d’impôt en question. Elle-même les avait contestées par courriers des 28 mai et 28 juillet 2020. Elle avait également pris des conclusions dans ce sens dans son recours du 16 septembre 2021. Elle avait admis l’absence d’une convention de fiducie écrite, mais pas totale. Elle avait expliqué que la relation la liant à son père était un rapport de fiduciaire conclu par oral et actes concluants, ensuite confirmé pas la déclaration sur l’honneur de celui-ci. La notion de « besoins économiques impérieux » n’avait pas été précisée. Elle ne contestait pas la décision de l’AFC-GE du 16 août 2021 portant sur l’année fiscale 2011, de sorte que l’annulation par l’AFC-GE des reprises et amendes y relatives pour l’année 2011 n’était pas l’objet de cette procédure et était définitivement entrée en force. Seules demeuraient pendantes à ce jour les années 2012 à 2015.

Elle relevait une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents et excès/abus du pouvoir d’appréciation des preuves en lien notamment avec le rapport de fiducie existant entre C______ et elle, une contestation des prestations appréciables en argent litigieuses, une violation de son droit d’être entendue, l’inapplicabilité de la théorie du triangle in casu ainsi qu’une violation des art. 175 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), 56 al. 1 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et 69 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17).

Le TAPI s’était limité à refuser toute force probante à la déclaration sur l’honneur du 26 mai 2020, tout en refusant l’audition de C______ à ce sujet, tandis que l’AFC-GE devait apporter la preuve que l’imposition était inexacte dans le cadre d’une procédure de rappel d’impôt. Les procédures de rappel d’impôt et de soustraction fiscale ouvertes à son encontre étant éminemment liées et reposant sur les mêmes faits que celles dirigées en parallèle à l’encontre de son père, il se justifiait d’entendre ce dernier pour les deux. Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, elle n’avait aucunement admis l’absence de convention de fiducie et de rémunération.

Divers éléments objectifs permettaient de confirmer le rapport fiduciaire. Les éléments subjectifs établissant le rapport de fiducie convergeaient vers la volonté de C______ de créer et préserver un rapport fiduciaire avec elle concernant les parts de la société et pour confirmer qu’elle avait accepté de porter les parts sociales de celle-ci à son nom pour le compte et au profit de son père.

Elle avait demandé à plusieurs reprises à l’AFC-GE quelles seraient les preuves supplémentaires qu’elle pourrait apporter, sans qu’aucune réponse ne lui ait été donnée sur cette question.

Alors qu’elle avait explicité et prouvé le rapport fiduciaire, elle n’avait pas requis que la valeur des parts de la société soit défalquée de sa fortune pour les années concernées. Dès lors qu’elle n’avait pas de fortune imposable pour les années 2010 à 2018, l’erreur commise n’impliquait aucune conséquence dans sa taxation.

Elle avait demandé son audition afin de clarifier le déroulement des faits, étayer ses connaissances en matière de déclaration d’impôts et d’aspects fiscaux en général, clarifier son rôle de fiduciaire et/ou de porteuse de parts en nom propre et pour le compte de son père, ainsi que se disculper de toute faute et absence de volonté. Si le rapport fiduciaire était reconnu, cette procédure serait sans objet et celle relative à la soustraction fiscale mise à néant. La seule personne susceptible de faire l’objet d’une reprise fiscale avec soustraction serait son père, seul et unique animateur de la société et le seul l’ayant gérée. D’un côté, le jugement litigieux lui imposait des prestations appréciables en argent en lui reprochant de ne pas s’y être opposée, de l’autre, il l’empêchait d’avoir accès au dossier fiscal de la société pour la période concernée. Pour pouvoir les contester substantiellement, il était décisif qu’elle puisse disposer des éléments du dossier de la société, car les reprises litigieuses étaient le corollaire de celles notifiées à la société le 3 juillet 2020, après qu’elle ait restitué les parts sociales détenues à titre fiduciaire en 2019, et avaient leur fondement dans des procédures fiscales en matière de TVA et d’impôt anticipé, dont avait fait l’objet ladite société, mais dont elle n’avait eu connaissance que bien après leur entrée en force.

La jurisprudence récente démontrait que les diverses théories d’attribution du revenu ne pouvaient pas être appliquées de manière automatique, sans aucun fondement, mais que c’étaient bien les circonstances de chaque cas d’espèce qui devaient déterminer l’attribution fiscale des prestations appréciables en argent. Le jugement entrepris ne démontrait pas en quoi les reprises en rappel d’impôts litigieuses étaient fondées sur son rapport de participation. Tous les éléments de fait montraient que c’était dans les agissements de C______ en sa qualité de gérant que provenaient les reprises litigieuses.

Détenant les parts de la société à titre fiduciaire, elle n’avait pas l’obligation de déclarer des potentielles prestations appréciables en argent. Même si cette indication aurait dû avoir lieu, ce qu’elle contestait fermement, il lui aurait été impossible de les mentionner dans ses déclarations fiscales, puisqu’elle en ignorait l’existence au moment de leur dépôt et des taxations y relatives. Il ne pouvait être exigé de sa part de déceler une éventuelle prestation appréciable en argent, qui était un exercice hors de sa portée vu sa formation, tout en sachant que l’ensemble avait été organisé par son père, à son propre avantage, en raison de sa position de gérant. Même si le rapport de fiducie existant devait être nié, il ressortait des faits que c’était bien C______ qui était en charge des fonctions prévues par les statuts de la société. Dans l’hypothèse où il fallait retenir une faute concomitante de sa part, celle de son père apparaissait comme la cause prépondérante du résultat, de sorte que la causalité adéquate devait être exclue à son égard. Toute forme d’intention délictueuse ou d’imprévoyance coupable de sa part devait être écartée.

Cela étant dit, il fallait considérer sa collaboration sans faille et l’impact de la peine sur elle, de sorte que celle-ci devrait être réduite à zéro. Il fallait également tenir compte de l’instigation de C______ sous l’influence duquel elle se trouvait s’agissant de son père. Si une reprise devait avoir lieu en son chef en tenant compte des intérêts de retard à acquitter et du fait que les prestations ne lui avaient jamais profité, elle se verrait endettée durant de nombreuses années. Même si une faute devait être retenue à son encontre, les intérêts sur rappel d’impôts représenteraient déjà une peine suffisante. De plus, l’AFC-GE n’avait pas encore annoncé la reprise au titre de rappel d’impôts et d’amendes qui suivraient le même principe pour les années 2016 à 2019 si elle devait être confirmée et à laquelle devraient s’ajouter les intérêts de retard. Compte tenu du fait qu’elle n’avait jamais perçu une quelconque forme de prestation de la part de la société, élément qui n’était pas contesté, le jugement entrepris enfreignait le principe de la proportionnalité.

Au surplus, elle renvoyait à ses précédentes écritures.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours, en renvoyant à ses précédentes écritures et au jugement querellé.

Au surplus, elle réitérait son opposition aux demandes d’audition de la recourante dans la mesure où les faits étaient largement établis par pièces, s’opposait à la production du dossier de la société en raison du secret fiscal et relevait que la recourante devait assumer les conséquences fiscales des apparences et montages juridiques qu’elle avait volontairement créés avec son père.

c. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 LPFisc ; art. 145 LIFD).

2) À titre liminaire, il convient de déterminer l’objet du présent litige, les parties divergeant quant à celui-ci.

2.1. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a).

Ainsi, l'autorité de recours n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/1390/2021 du 21 décembre 2021 consid. 2a et les références citées).

2.2. L’autorité de taxation fixe, dans la décision de taxation, les éléments imposables (revenu imposable, bénéfice net imposable), le taux et le montant de l’impôt (art. 131 al. 1 1ère phr. LIFD ; cf. ég. art. 36 al. 2 LPFisc).

La décision de taxation (art. 131 al. 1 LIFD et 36 al. 2 LPFisc) fixe les éléments imposables de manière définitive et constitue donc une décision mettant fin à la procédure de taxation lorsqu’elle n’est pas contestée et qu’elle est entrée en force après l’écoulement du délai de réclamation. Pendant ce délai, l’autorité fiscale peut en tout temps revenir sur la taxation si elle s’aperçoit qu’elle est incomplète, sans devoir recourir à la procédure en rappel d’impôt (Hugo CASANOVA/ Claude-Emmanuel DUBEY, in Commentaire romand, LIFD, 2017, no3 ad art. 131 LIFD).

Selon sa conception moderne, la réclamation est considérée comme une véritable voie de droit ordinaire, réformatoire et qui n’a pas d’effet dévolutif. L’autorité de réclamation est tenue de s’en saisir et elle a le pouvoir de revoir entièrement la cause. Le dépôt de la réclamation empêche l’entrée en force de chose jugée de la décision de taxation (Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, in Commentaire romand, LIFD, 2017, no1 ad art. 132 LIFD, art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc).

2.3. Les art. 151 al. 1 LIFD et 59 al. 1 LPFisc prévoient que lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.

Le rappel d’impôt constitue la perception après coup d’impôts qui n’ont, à tort, pas été perçus dans le cadre de la procédure de taxation. Il constitue le pendant, en faveur du fisc, de la procédure de révision et permet à l’autorité de revenir sur une décision entrée en force. Le rappel d’impôt n’équivaut pas à un nouvel examen complet de la taxation, mais ne porte que sur les points pour lesquels l’autorité fiscale dispose de nouveaux éléments. L’existence d’un rappel d’impôt ne saurait ainsi autoriser le contribuable à revenir librement sur l’ensemble de sa taxation. Les nouveaux arguments que le contribuable peut faire valoir de son côté pour diminuer l’imposition dans la procédure de rappel d’impôt sont limités, dès lors qu’il ne doit pas pouvoir profiter de la procédure de rappel d’impôt pour revenir librement sur l’ensemble de la taxation. Sous réserve d’une erreur manifeste, le contribuable peut uniquement demander que la taxation soit reprise en sa faveur sur les points qui, précisément font l’objet du rappel d’impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_15/2021 précité consid. 5.1 et les références citées).

L’objet du rappel est l’impôt qui, à tort, n’a pas été perçu, y compris les intérêts. Si aucune taxation n’avait été établie auparavant, l’impôt supplémentaire est égal à l’impôt fixé dans la taxation tenant compte des (nouveaux) éléments complets. Su une première taxation a eu lieu, mais se révèle incomplète, le rappel porte sur la différence résultant de la nouvelle taxation par rapport à l’ancienne (Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, op. cit., no3 ad art. 151 LIFD).

2.4. En l’occurrence, les décisions de taxation de la contribuable pour les années 2012 à 2015 n’ont pas été contestées. Celles-ci sont donc entrées en force concernant les éléments alors retenus, en particulier l’imposition des parts du capital social de la société et l’absence de contrat de fiducie entre la contribuable et son père quant à celles-ci.

En outre, les bordereaux de rappel d’impôts du 3 juillet 2020, rectifiés sur réclamation le 16 août 2021, ne portent que sur la question des reprises effectuées concernant les prestations appréciables en argent relevées lors du contrôle effectué par l’AFC-CH.

In casu, le recours porte sur lesdits bordereaux de rappel d’impôts, de sorte que la question de l’existence ou non d’un contrat de fiducie entre la recourante et son père n’a pas à être examinée dans la présente procédure et bénéficie désormais de l’autorité de chose décidée.

Par conséquent, c’est à bon droit que le TAPI a retenu qu’il n’examinerait pas davantage cette question, mais seulement le bien-fondé des reprises opérées sur les prestations en cause.

3) 3.1. La question à trancher dans le cadre du recours étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 ; ATA/463/2020 du 7 mai 2020 consid. 6b).

3.2. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit au vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/1727/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3a).

3.3. En l'espèce, le présent litige porte sur l'ICC et l’IFD 2012 à 2015 de la recourante. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant cette période fiscale, soit la LIFD et la LIPP.

4) Préalablement, la recourante sollicite son audition, celle de son père ainsi que la production par l’intimée de la totalité du dossier de la société pour les années 2012 à 2015.

En outre, elle fait valoir une violation de son droit d’être entendue par le TAPI, dans la mesure où celui-ci n’a pas ordonné les actes d’instruction précités, également requis par-devant lui.

4.1. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4).

4.2. La chambre administrative et les autorités fiscales sont soumises au secret fiscal en vertu des art. 110 LIFD, 39 LHID et 11 LPFisc. Des renseignements peuvent être communiqués dans la mesure où une disposition légale fédérale ou cantonale le prévoit expressément (art. 110 al. 2 LIFD ; art. 39 al. 1 LHID ; art. 12 al. 6 LPFisc). Le contribuable a le droit de consulter les pièces du dossier qu'il a produites ou signées (art. 114 al. 1 LIFD, art. 41 al. 1 LHID, art. 17 al. 1 LPFisc). Il peut prendre connaissance des autres pièces une fois les faits établis et à condition qu'aucune sauvegarde d'intérêts publics ou privés ne s'y oppose (art. 114 al. 2 LIFD, art. 41 al. 1 LHID, art. 17 al. 2 LPFisc).

En particulier, le secret fiscal est opposable à l'actionnaire d'une société, dans la mesure où celle-ci dispose de la personnalité morale et qu'elle constitue une personne tierce et distincte de l'actionnaire, en dépit de la position de celui-ci au sein de ladite société en tant que directeur ou administrateur (ATF 126 I 122 consid. 5b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_669/2008 du 8 décembre 2008 consid. 5.2 ; 2P.185/2006 du 27 novembre 2006 consid. 4.2; Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, III. Teil - Art. 102 -222 DBG, 2015, ad art. 110 n. 20 et 24, et ad art. 114 n. 22 et 28 s). Dans ce dernier cas, lorsqu'en raison de sa position au sein de la société, les données de celle-ci ne sont pas secrètes envers l'actionnaire, celui-ci doit cependant s'adresser à la société (art. 715a de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220) et non aux autorités fiscales (Walter FREI, Das Akteneinsichtsrecht im Zürcher Steuerrecht und das Sonderproblem der Bewertung nichtkotierter Aktien beim Minderheitsaktionär, in Zürcher Steuerpraxis Vol. 1, 1992, p. 73 ss, p. 89 s). Lorsque des documents de la société se trouvent dans le dossier fiscal de l'actionnaire, celui-ci peut en prendre connaissance seulement après une pesée des intérêts conforme à l'art. 114 al. 2 LIFD, à l'art. 41 al. 1 LHID et à la disposition cantonale pertinente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_160/2008 du 1er septembre 2008 consid. 2.4.2 ; Peter LOCHER, op. cit., ad 114 n. 29).

4.3. En l’espèce, la recourante sollicitait principalement son audition et celle de son père afin de démontrer l’existence d’un rapport de fiducie entre eux concernant la société. Dès lors que ce point n’a pas à être examiné dans le cadre de cette procédure pour les motifs susmentionnés, il n’y a pas lieu de donner suite à cette demande.

Quant à celle relative à la production du dossier fiscal de la société, il ne saurait davantage y être donné suite vu le secret fiscal qui y est rattaché et les conséquences de celui-ci, y compris à l’égard d’une associée, conformément à la jurisprudence susrappelée. Cela étant dit, force est de constater sur ce point que la recourante a néanmoins pu produire certains documents concernant la société, auxquels, en tant qu’associée, elle devait avoir accès dans le cadre de ses activités avec son père. Dans ce contexte, l’intimée a correctement effectué la pesée des intérêts en présence pour refuser de produire le dossier de la société.

À cela s’ajoute que les parties ont eu diverses occasions de se déterminer par écrit et de produire toutes les pièces nécessaires. L’intimée a également transmis le dossier de la recourante.

Au vu de ce qui précède, le TAPI pouvait, sans violer le droit d’être entendue de la recourante, renoncer aux actes d’instruction sollicités devant lui. Pour les mêmes motifs, il ne sera pas donné suite aux requêtes précitées de la recourante et la chambre de céans dispose d’un dossier complet, en l’état d’être jugé.

5) La recourante conteste les reprises effectuées dans les bordereaux de rappel d’impôts du 16 août 2021 en tant que celles-ci seraient fondées sur la théorie du triangle et l’absence d’un rapport de fiducie entre son père et elle. Elle reproche également au TAPI d’avoir retenu à tort qu’elle n’avait pas contesté le principe et la quotité des reprises litigieuses.

5.1. Selon l’art. 16 al. 1 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine, respectivement du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1). L’art. 17 LIPP a un contenu similaire à l'art. 16 LIFD et conforme à l'art. 7 al. 1 LHID.

5.2. En vertu des art. 20 al. 1 let. c LIFD et 22 al. 1 let. c LIPP, les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre sont soumis à l'impôt sur le revenu dans le chef du détenteur des droits de participations au titre de rendement de la fortune mobilière. Font partie des avantages appréciables en argent au sens de ces dispositions les distributions dissimulées de bénéfice, soit des attributions de la société aux détenteurs de parts auxquelles ne correspond aucune contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante et qui ne seraient pas effectuées ou dans une moindre mesure en faveur d'un tiers non participant (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; 119 Ib 116 consid. 2). Sont ainsi imposables, à titre de revenus, les prestations appréciables en argent, à savoir les avantages accordés par la société aux actionnaires ou à leurs proches sans contre-prestation et qui ne s'expliquent qu'en raison du rapport de participation, dès lors que la société ne les aurait pas faites, dans les mêmes circonstances, à des tiers non participants (ATF 119 Ib 116 consid. 2 ; ATA/513/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4e éd., 2012, p. 138 n. 139). En raison du contenu similaire de l'art. 20 al. 1 let. c LIFD ainsi que de l’art. 22 al. 1 let. c LIPP, cette jurisprudence peut également s'appliquer à l'ICC, dans la mesure où le droit cantonal genevois comporte, à l'art. 12 de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), dans sa teneur avant le 30 mars 2016, en particulier en sa lettre h, une disposition équivalente à l'art. 58 al. 1 let. b LIFD (ATA/616/2020 du 23 juin 2020 ; ATA/1318/2018 du 4 décembre 2018 consid. 4a).

5.3. Selon la jurisprudence, il y a distribution dissimulée de bénéfice constitutive de prestation appréciable en argent lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont remplies : 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_181/2020 précité consid. 5.2). Il convient ainsi d'examiner si la prestation aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, soit si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence (« dealing at arm's length » ; ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2).

Les formes d'apparition des prestations appréciables en argent sont multiples. Elles peuvent être réalisées par un accroissement injustifié des frais généraux (salaire excessif, paiement d'intérêts disproportionnés pour un prêt de l'actionnaire, rémunération trop importante d'un service rendu par l'actionnaire), ou par une comptabilisation insuffisante d'un produit (la société n'exige pas une contre-prestation appropriée pour un service rendu à l'actionnaire). Elles peuvent également apparaître sous la forme d'une diminution exagérée d'actifs (acquisition d'actifs sans valeur, octroi d'un prêt dont le remboursement n'est pas concevable, renonciation à une créance) ou d'un accroissement de passifs (la société se reconnaît débitrice pour une prestation qu'elle n'a jamais reçue ; ATA/876/2018 du 28 août 2018 et les références citées).

Lorsqu'une société anonyme obtient un prêt de son actionnaire, ce prêt ne respecte pas le principe de pleine concurrence si le taux d'intérêt appliqué est supérieur au taux du marché. La prestation appréciable en argent se mesure alors par la différence entre le taux d'intérêt conforme au principe de pleine concurrence et le taux effectivement appliqué (arrêt du Tribunal fédéral 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 5.3).

6) 6.1. Lorsque les conditions de la prestation appréciable en argent sont réunies, il y a lieu de distinguer – à tout le moins lorsque le bénéficiaire final de la prestation n'est pas l'actionnaire détenteur de participations – les trois contribuables concernés par l'opération, raison pour laquelle en doctrine comme en jurisprudence, pareille constellation est décrite par la figure géométrique du triangle.

6.2. Dans le cadre de la théorie du triangle, qui fait intervenir tout d'abord une société, ensuite l'actionnaire, le détenteur de participations ou les organes de cette dernière et enfin une « personne la ou les touchant de près », cette dernière peut être une personne physique ou morale entretenant avec la société et/ou l'actionnaire, le détenteur de participations ou l'organe, des relations économiques ou personnelles qui doivent être considérées, d'après les circonstances, comme la cause véritable de la prestation qu'il s'agit d'imposer (arrêt du Tribunal fédéral 2C_777/2019 du 28 avril 2020 consid. 5.2 et les références). Il peut s’agir, par exemple, des liens de parenté ou amicaux (arrêt du Tribunal fédéral 2C_177/2016 du 30 janvier 2017 consid. 4.3). La notion de proche au sens fiscal du terme s'étend également aux personnes auxquelles l'actionnaire permet d'utiliser la société comme si c'était la leur (ATF 138 II 57 consid. 2.3 ; 138 II 545 consid. 3.4 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2).

6.3. Lorsque, au niveau de la société, une prestation a été versée sans contre-prestation ou sans contre-prestation équivalente, la jurisprudence retient que l'on peut présumer l'existence d'une prestation appréciable en argent en faveur du détenteur de parts ou d'un proche. Cela vaut en particulier si la société procède à des paiements qui ne sont ni comptabilisés ni justifiés. Ce qui est considéré comme une distribution dissimulée de bénéfice de la société représente en principe un avantage appréciable en argent imposable pour l'actionnaire. Cela concrétise la double imposition économique voulue par le législateur (ATF 136 I 65 consid. 5.4 ; 136 I 49 consid. 5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_857/2020 du 11 février 2021 consid. 4.2 ; 2C_445/2015 du 26 août 2016 consid. 6.3.4). Si le détenteur de parts est en même temps organe de la société et/ou actionnaire ou associé majoritaire, c'est à lui qu'il incombe de contester dans les détails la nature et le montant de la prestation appréciable en argent alléguée par l'autorité fiscale. S'il ne le fait pas, ou s'il se limite à exposer des généralités, l'autorité fiscale est en droit d'admettre que la reprise dont l'imposition est entrée en force dans le chapitre de la société est également justifiée dans le chapitre de l'actionnaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1071/2020 du 19 février 2021 consid. 3.2.2 et 3.2.3 ; 2C_886/2020 du 23 novembre 2020 consid. 3.2.1 ; 2C_777/2019 du 28 avril 2020 consid. 5.3.2 ; 2C_750/2019 du 7 juillet 2020 consid. 3.2 ; 2C_736/2018 du 15 février 2019 consid. 2.2.2 ; 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2.5.5 à 2.5.8).

7) 7.1. Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.4).

En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5).

7.2. Par ailleurs, en droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire. Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (ATA/1239/2021 du 16 novembre 2021 consid. 5b et les références citées).

7.3. Dans le domaine des prestations appréciables en argent, telles que des distributions dissimulées de bénéfice, le fardeau de la preuve se répartit comme suit : les autorités fiscales doivent apporter la preuve que la société a fourni une prestation et qu'elle n'a pas obtenu de contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante ; si les preuves recueillies par l'autorité fiscale fournissent suffisamment d'indices révélant l'existence d'une telle disproportion, il appartient alors au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations contraires (arrêts du Tribunal fédéral 2C_207/2019 du 16 juillet 2019 consid. 4.2 ; 2C_1157/2016 du 2 novembre 2017 consid. 4.2.3). Par ailleurs, une fois qu'un fait est tenu pour établi, la question du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 137 III 226 consid. 4.3). Les autorités doivent en effet pouvoir s'assurer que seules des raisons commerciales, et non les rapports personnels et économiques étroits entre la société et le bénéficiaire de la prestation, étaient déterminantes pour le choix de la prestation présentant un caractère insolite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2011 du 31 mai 2011 consid. 5.2 et les références citées ; ATA/222/2019 du 5 mars 2019 consid. 7).

8) In casu, dans le cadre de la présente procédure de recours, la recourante fait valoir que, contrairement à ce qu’a retenu le TAPI, elle aurait contesté l’existence même et le montant des prestations appréciables en argent litigieuses, et non seulement leur imposition auprès d’elle.

Toutefois, elle reconnaît elle-même que les éléments retenus par l’AFC-CH lors de son contrôle au titre de prestations appréciables en argent n’ont fait l’objet d’aucune contestation. Contrairement à ses allégations, la recourante bénéficiait cependant de la légitimation active pour le faire en tant qu’associée, détentrice de la totalité des parts du capital social et disposant de la signature individuelle.

Bien qu’elle allègue également que son père aurait, lors de l’entretien du 10 février 2020 avec l’intimée, contesté l’existence et la quotité des prestations appréciables en argent litigieuses, elle n’en apporte aucune preuve. Contrairement à ses écrits, ses observations, que ce soit dans le cadre de la procédure par-devant le TAPI ou la chambre de céans, ne comprennent aucune critique fondée à cet égard. En effet, il n’apparaît pas pour quels motifs ni pour quel montant les prestations appréciables en argent retenues n’en seraient pas.

Or, conformément à la jurisprudence susrappelée, il appartenait à la recourante de contester dans les détails la nature et le montant des prestations appréciables en argent alléguées par l’intimée.

En ces circonstances, force est de constater que la recourante se contente d’invoquer, pour principale argumentation, l’existence d’un rapport de fiducie entre son père et elle pour éluder l’application de la théorie du triangle. Il ressort cependant des éléments produits que la recourante, unique associée de la société du 26 février 2010 au 27 août 2019 au bénéfice de la signature individuelle, a non seulement signé plusieurs conventions en s’engageant à titre personnel et au nom de la société à l’égard de la commune de Meyrin et de D______. Elle a même répondu personnellement des cotisations sociales non versées par la société pour lesquelles elle avait fait l’objet d’une saisie sur salaire. De plus, tel que retenu précédemment, la recourante avait elle-même indiqué dans ses déclarations fiscales pour les années 2012 à 2015, être titulaire de l’ensemble des parts du capital de la société.

En outre, tel qu’indiqué précédemment, la recourante est forclose à invoquer cet argument lié à l’existence prétendue d’un rapport de fiducie entre son père et elle, dès lors qu’elle n’a pas contesté ses bordereaux de taxation pour les années 2012 à 2015, lesquels reprenaient ses propres indications sur ce point. Par conséquent, la théorie du triangle lui était bel et bien pleinement applicable. Le seul fait que le gérant de la société était son père ne pouvait suffire à l’exclure. Il appartient en effet à la recourante d’assumer les conséquences fiscales des apparences et montages juridiques qu’elle a volontairement effectués avec son père.

Il s’ensuit que l’AFC-GE a retenu à juste titre que l’entier des prestations appréciables en argent concernées et reprises en découlant devait lui être attribué, en application de la théorie du triangle, quand bien même elle n’aurait aucunement participé à la gestion de la société.

9) Finalement, la recourante conteste le principe et la quotité des amendes prononcées à son encontre pour les années 2012 à 2015.

9.1. Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc).

9.2. Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 précité consid. 10.1 ; ATA/859/2018 du 21 août 2018 consid. 13b et la référence).

La violation d'une obligation légale peut résulter d'une irrégularité dans la comptabilité ou du fait de remplir sa déclaration fiscale de manière non conforme à la vérité et non complète, en violation de l'art. 124 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1018/2015 précité consid. 9.4.2 et les références citées).

9.3. La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence des art. 175 LIFD et 56 LHID est identique à celle de l'art. 12 CP : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_874/2018 précité consid. 10.1.3 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1 et les références ; ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6 a).

La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1 ; 2C_184/2019 du 25 septembre 2019 consid. 3.2 et 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 10.4.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 précité consid. 9.2) : il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 précité consid. 17.3.1 et les arrêts cités ; ATA/407/2022 précité consid. 6b). En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable lorsque l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, ce par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 précité consid. 3.7.1 ; 2C_1066/2018 précité consid. 4.1 ; 2C_1018/2015 précité consid. 9.4.4).

9.4. En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité (ATA/1287/2021 du 23 novembre 2021 consid. 14a ; ATA/600/2020 du 16 juin 2020 consid. 7c).

La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, les principes qui régissent la fixation de la peine prévus à l’art. 47 CP s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s).

9.5. Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/1287/2021 précité consid. 14c ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).

9.6. En l’occurrence, la recourante ne conteste pas le fait que les éléments objectifs de la soustraction fiscale, soit notamment l’existence de déclarations d’impôts incomplètes et irrégulières, étaient remplis. Elle se contente d’invoquer son ignorance et son absence de compétences en la matière, de sorte qu’elle s’en serait référée totalement au comptable de son père.

Or, la recourante admet elle-même que ce dernier était en charge de la fiscalité de la société, celle de son père et la sienne. À l’évidence, le point commun entre ses trois entités était lié aux activités de la société. C’est donc en connaissance de cause que la recourante avait mandaté le comptable de son père et de la société pour remplir sa propre déclaration fiscale. Outre le fait qu’il est possible de déduire de sa formation d’enseignante au secondaire qu’elle dispose des capacités suffisantes pour se rendre compte des conséquences de ses actes et de l’imputation d’une fortune mobilière de CHF 26'000.- dans sa déclaration d’impôts, elle ne considère pas qu’elle aurait pu choisir un autre comptable, à moins que ce choix ait été guidé par les montages fiscaux opérés avec son père. Par ailleurs, en agissant en tant qu’associée de la société, bénéficiant d’une signature individuelle, la recourante ne pouvait ignorer le contenu des statuts lui attribuant des compétences, dont celle de fixer les principes de la comptabilité et du contrôle financier. Ses fonctions ne lui permettaient toutefois pas d’y renoncer, ainsi qu’elle dit l’avoir fait. Au contraire, en cas de constat d’irrégularités, il lui revenait de se renseigner auprès de l’intimée. En outre, il avait été reconnu que la faute en question avait été commise à tout le moins par négligence. Il en avait ainsi été tenu compte en faveur de la recourante, malgré ses fonctions au sein de la société.

Ainsi, en participant à tout le moins sous forme de négligence, la recourante a commis dans l’établissement incomplet et inexact de ses propres déclarations fiscales, ce que celle de son père ne saurait excuser.

Les amendes infligées ont été fixées à la moitié des impôts soustraits, soit une proportion proche du minimum d’un tiers admis. À cette fin, l’intimée a pris en considération la bonne collaboration de la recourante et l’incidence de la peine sur sa situation. Au vu de la gravité des faits reprochés à la recourante, il n’apparaît pas que l’intimée ait mésusé de son large pouvoir d’appréciation en la matière.

En conséquence, les amendes infligées sont justifiées tant dans leur principe que dans leur quotité.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

10) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 janvier 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alessia SCHMID, avocate de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :