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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1385/2023

ATA/514/2023 du 16.05.2023 sur JTAPI/474/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1385/2023-MC ATA/514/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 mai 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Dominique BAVAREL, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 avril 2023 (JTAPI/474/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1994 et originaire d'Algérie, fait l’objet d’une décision de renvoi de Suisse, prise par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) suite au rejet de sa demande d’asile déposée le 29 mai 2015. Cette décision est entrée en force le 24 juillet 2017. La prise en charge et l'exécution de son renvoi ont été confiées au canton de Genève.

b. Depuis son arrivée en Suisse en 2015, A______ a été condamné :

-          le 8 octobre 2015, par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de trente jours-amende avec sursis pendant trois ans pour violation de domicile (art. 186 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937- CP - RS 311.0) ;

-          le 5 juin 2016, par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de quarante jours-amende pour violation de domicile (art. 186 CP), vol (art. 139 al. 1 CP), et infractions d'importance mineure (appropriation illégitime, 172ter CP) ;

-          le 14 juillet 2016, par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève, à une peine privative de liberté de quarante-cinq jours pour tentative de vol (art. 139 al. 1CP) et dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) ;

-          le 29 novembre 2016 par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de quarante jours-amende pour vol (art. 139 al. 1 CP) ;

-          le 1er juin 2018 par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève, à une peine privative pécuniaire de soixante jours-amende pour séjour illégal (art. 115 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers – LEtr) ;

-          le 13 janvier 2020 par le Ministère public du canton du Valais à une peine pécuniaire de trente jours-amende pour séjour illégal et entrée illégale ;

-          le 2 février 2021, par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève à une peine privative de liberté de nonante jours ainsi qu'à une amende de CHF 400.- pour recel (art. 160 ch. 1 al. 1 CP), séjour illégal contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et non-respect des mesures prescrites par l'ordonnance 2 COVID-19 ;

-          le 27 novembre 2022, par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève à une peine pécuniaire de nonante jours-amende pour séjour illégal.

B. a. Le 4 septembre 2016, A______ s'est vu notifier par le commissaire de police une interdiction de pénétrer dans le Centre-Ville de Genève pour une durée de douze mois.

b. Entendu le 17 août 2017 dans les locaux de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), A______ a notamment indiqué qu'il avait bien reçu la décision du SEM du 20 juin 2017 lui impartissant un délai au 15 août 2017 pour quitter la Suisse, qu'il ne voulait pas se rendre à la Croix-Rouge genevoise pour organiser son retour en Algérie et qu'il ne voulait pas rentrer dans son pays d'origine. Il a aussi expliqué que son passeport se trouvait en Algérie et qu'il n'avait pas la possibilité d'obtenir des papiers d'identité de ce pays. Enfin, il prenait bonne note que s'il n'entreprenait aucune démarche pour organiser son départ, les services de police seraient mandatés pour exécuter son renvoi et des mesures de contraintes pourraient être prises à son encontre.

c. Le 7 mai 2018, A______ a fait l'objet d'une rétention pour une durée de 72 heures aux fins d'être présenté le 9 mai 2018 aux consultations consulaires des autorités algériennes à Berne en vue du départ de ressortissants algériens identifiés.

d. Le 18 mai 2018, les autorités algériennes ont délivré un laissez-passer en faveur de A______, valable pour un seul voyage le 31 mai 2018.

e. Le 31 mai 2018, A______ a refusé d'embarquer à bord d'un vol de ligne à destination de l'Algérie.

f. Le 1er juin 2018, il s'est vu notifier une interdiction d'entrée en Suisse valable du 6 février 2018 au 5 février 2021.

g. Le 13 novembre 2018, A______ a été incarcéré dans l'établissement ouvert de Villars, Genève afin de purger une peine privative de liberté de quarante-cinq jours.

h. À sa sortie de l'établissement précité, le 27 décembre 2018, il a été remis aux services de police et il s'est vu notifier une interdiction de quitter le territoire de la commune de Vernier pour une durée de douze mois.

i. A______ ne s'est pas présenté régulièrement à l'OCPM conformément aux instructions qui lui avaient été données lors de la notification de son assignation.

j. Le 29 avril 2019, A______ a été placé en détention administrative par le commissaire de police pour une durée de trois mois.

k. Par jugement du 30 avril 2019, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé l'ordre de mise en détention mais pour une durée d'un mois.

l. Le 6 mai 2019, A______ a refusé d'embarquer à bord du vol de ligne réservé pour lui.

m. Le 16 mai 2019, l'OCPM a prononcé sa mise en liberté, considérant que les conditions de renvoi à destination de son pays d'origine dans un délai prévisible n'étaient plus remplies.

n. Le 8 juin 2020, A______ a disparu dans la clandestinité.

o. Le 17 novembre 2021, l'OCPM a mandaté les services de police afin d'exécuter le renvoi de l'intéressé.

p. Le 25 février 2022, il a disparu dans la clandestinité après qu'un nouveau vol DEPA eut été réservé en sa faveur pour le 28 février 2022.

q. Écroué le 1er février 2023 en raison de la conversion d'une peine de travail d'intérêt général en peine privative de liberté suite à une condamnation par le Ministère public le 2 février 2021, notamment pour recel, A______ a été libéré le 26 avril 2023 et remis entre les mains des services de police.

r. Le 26 avril 2023 à 16h15, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de A______ pour une durée de trois mois, en application des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. h LEI et 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

Une place sur un vol à destination de l'Algérie avait été réservée pour le 26 mai 2023.

Au commissaire de police, A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie. Il n'était pas en bonne santé et suivait un traitement pour des problèmes cardiaques. Il avait un rendez-vous à l'hôpital le 8 mai 2023. Il n'était par ailleurs pas d'accord de collaborer à l'organisation de son renvoi dans son pays d'origine.

C. a. Le commissaire de police a soumis l'ordre de mise en détention précité au TAPI le 16 avril 2023.

b. Entendu le 28 avril 2023 par le TAPI, A______ a répété qu'il n'était pas d'accord de retourner en Algérie. Il avait des problèmes de santé, vraisemblablement d'ordre cardiaque et également des problèmes respiratoires. Il avait été hospitalisé à deux reprises durant sa détention à Champ-Dollon. Il allait être suivi par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), et un premier rendez-vous était prévu le 8 mai 2023. Il avait également des problèmes à l'épaule suite à un déboitement de cette articulation. Il a remis son dossier médical. Il a souligné que le système de santé en Algérie était défaillant. Par ailleurs, s'il devait retourner dans son pays, il serait astreint au service militaire.

Il était arrivé en Suisse en 2015. Il souhaitait demeurer en Suisse et y faire sa vie. À l'exception de deux « bêtises », il n'avait pas fait l'objet de condamnations pour des infractions graves. Dans le cadre de son assignation à résidence, il devait se présenter à Carl-Vogt le 9 janvier 2023. Il y était allé, mais au lieu d'arriver à 11h00 comme le stipulait la mesure, il y était allé à 14h00. Il s'était également rendu au poste le 31 janvier 2023 à 18h10, conformément au courrier qu'il avait reçu lui indiquant qu'il serait incarcéré pour séjour illégal.

La représentante du commissaire de police a confirmé qu'une place sur un vol sous escorte policière et assistance médicale avait été réservée en faveur de A______ pour un départ prévu le 26 mai 2023. Concernant les problèmes médicaux évoqués, son dossier avait été transmis à l'OSEARA, qui n'avait pas soulevé d'objections par rapport à son départ par avion. Elle a versé à la procédure les pièces du dossier à ce sujet. Pour répondre au conseil de A______, les récentes pièces du dossier médical de celui-ci seraient transmises au SEM, qui les remettrait à son tour à l'OSEARA dans la perspective de son départ. Pour le surplus, elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative, tant dans son principe que dans sa durée.

Le conseil de A______ a conclu principalement à la libération immédiate de son mandant, et subsidiairement à son transfert dans les cinq jours dans un autre établissement que celui de Favra, à défaut de quoi il devrait être mis en liberté.

c. Par jugement du 28 avril 2023, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 26 avril 2023 à l’encontre de A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 25 juillet 2023 inclus.

Les conditions d'une mise en détention administrative étaient données. L'assurance de l'exécution du refoulement de A______ répondait à un intérêt public certain et compte tenu des éléments justifiant le motif de sa détention (condamnation pour crime, risque de fuite et de disparition), aucune autre mesure moins incisive que la détention ne pouvait être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à son départ de Suisse.

En outre, au vu des démarches entreprises, notamment, de la réservation d'une place sur un vol prévu le 26 mai 2023, les autorités avaient respecté le principe de célérité. Dans ces conditions et dans la mesure où A______ avait répété devant le TAPI s'opposer à son refoulement, ce qui laissait présager des démarches plus longues et compliquées, la durée de sa détention ordonnée par le commissaire de police apparaissait proportionnée et adéquate.

Le comportement de A______ et sa détermination à s'opposer à son renvoi ne constituaient en aucun cas des éléments permettant de conclure que l'exécution du renvoi était impossible. Le danger qu'il prétendait courir dans son pays en refusant de faire l'armée n'était aucunement étayé. Concernant les problèmes de santé invoqués par A______, son dossier médical avait été transmis au SEM et examiné par l'OSEARA dont le rapport ne mentionnait aucune restriction concernant l'aptitude de l'intéressé à entreprendre le voyage de retour en Algérie, le commissaire de police ayant au surplus assuré que les derniers rapports médicaux concernant l'intéressé seraient transmis au SEM et qu'un accompagnement médical était prévu pendant la durée du voyage. Il n'était pas établi que A______ ne pourrait pas recevoir les soins dont il avait besoin une fois de retour dans son pays.

Concernant ses conditions de détention à Favra, dès lors que selon les récentes informations de l'OCPM, un accès à Internet y était désormais garanti et que les soins ambulatoires et d'urgence y étaient assurés, il n'apparaissait pas que les conditions de A______, détenu administrativement depuis le 26 avril 2023, contrevinssent aux exigences légales et jurisprudentielles.

D. a. Par acte déposé le 8 mai 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à celle de l'ordre de mise en détention ainsi qu'à sa libération immédiate.

Ses condamnations pour vol ou tentatives de vol étaient anciennes. Celles pour violation de domicile concernaient des entrées dans des supermarchés et autres centres commerciaux. Celle pour recel venait du fait qu'il s'était montré imprudent dans l'acquisition d'un téléphone portable.

Il contestait avoir disparu dans la clandestinité entre le 8 juin 2020 et le 25 février 2022. Depuis le mois de septembre 2022, il s'était régulièrement présenté à l'OCPM pour faire tamponner ses documents de contrôle. Il s'était aussi spontanément présenté au vieil hôtel de police à Carl-Vogt afin d'être écroué.

Le principe de la célérité avait été violé, dans la mesure où il était écroué en exécution de peine depuis le 1er février 2023, avec une durée de privation de liberté connue des autorités. Or, le commissaire de police n'expliquait pas dans son ordre de mise en détention, ni lors de l'audience devant le TAPI, quelles avaient été les démarches entreprises depuis le 1er février 2023, et pourquoi un vol avait été réservé seulement le 26 mai 2023.

Une mesure moins incisive que la détention était possible. Avant d'être écroué, il se trouvait au foyer des Tattes, se présentait régulièrement à l'OCPM et ne troublait pas l'ordre public, ses dernières condamnations pour des faits de vol étant anciennes. Il était atteint dans sa santé et suivait un traitement médical régulier. Une assignation à un territoire déterminé et une obligation de se présenter régulièrement aux autorités étaient dès lors suffisantes.

Enfin, la durée de la détention était disproportionnée. Dans son propre cas en 2019 et sous l'empire de circonstances identiques, le TAPI avait alors considéré qu'une durée de trois mois était excessive, et qu'une mise en détention était suffisante. Or, il n'avait aucunement motivé dans le jugement attaqué le choix de confirmer une durée de trois mois.

b. Le 11 mai 2023, le commissaire de police a conclu au rejet du recours en tant qu'il était recevable.

Le principe de célérité était respecté. Le 24 mars 2023, la brigade Migration et Retour avait effectué une demande de réservation de vol avec escorte policière concernant A______, pour le premier vol disponible à partir du lendemain de sa fin de peine prévue le 27 avril 2023, soit pour le 28 avril 2023. Le 30 mars 2023, un vol pour le 26 mai 2023, première date disponible, avait été émis par SwissREPAT. Il avait fallu en outre demander un laissez-passer aux autorités algériennes et évaluer l'aptitude au vol de l'intéressé au vu de son état de santé.

S'agissant d'éventuelles mesures de substitution à la détention, le recourant était un criminel multirécidiviste. En 2018, il s'était vu notifier une interdiction de quitter le territoire de la commune de Vernier pour une durée de 12 mois et ne s'était pas régulièrement présenté à l'OCPM conformément aux instructions données. Il avait disparu par deux fois dans la clandestinité, donc sans laisser d'adresse, ne coopérait pas avec les autorités et s'était déjà soustrait à deux reprises à l'exécution de son renvoi en 2018 et 2019.

Une durée de détention de trois mois était indispensable pour que les autorités puissent réserver un nouveau vol au cas où l'intéressé refuserait à nouveau d'embarquer à bord du prochain vol.

Enfin, s'agissant des conditions de détention à Favra, la chambre administrative avait fait un transport sur place récent et avait constaté que les conditions de détention respectaient les exigences légales en la matière pour des détentions d'une durée non excessive. Si le recourant montait à bord de l'avion le 26 mai 2023, sa détention n'aurait duré qu'un mois environ.

c. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.              

2.1 Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 8 mai 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

2.2 À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).

3.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

3.1 Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, l'autorité compétente peut mettre en détention la personne condamnée pour crime (let. h), afin d'assurer l'exécution d’un renvoi ou d'expulsion. La notion de crime correspond à celle de l'art. 10 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

3.2 À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c, g et h LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement, elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif ou si elle a été condamnée pour crime.

3.3 Lorsqu'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI). Les ch. 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

3.4 En l'espèce, le recourant ne conteste pas que les conditions d'une mise en détention administrative soient remplies. Il fait l'objet d'une décision de renvoi définitive et exécutoire et a été condamné pour crime, notamment en 2016 (vol) et en 2021 (recel), si bien qu'une mise en détention administrative est justifiée à teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 cum art. 75 al. 1 let. h LEI.

Au surplus, la mise en détention du recourant pouvait également se fonder sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, dans la mesure où il s'est en 2018 et 2019 soustrait à son transfert en Algérie, où il lui est déjà arrivé de disparaître sans laisser d'adresse, et enfin où il a confirmé à de nombreuses reprises – la dernière fois devant le TAPI – son refus catégorique de retourner dans son pays d'origine.

4.             Le recourant fait valoir que sa détention administrative viole le principe de la proportionnalité, la durée de la détention admise par le TAPI n'étant pas motivée et des mesures de substitution devant être préférées à une détention administrative, ainsi que le principe de célérité, l'intimé n'ayant pas agi en vue de l'exécution de son renvoi dès son écrou pénal en février 2023.

4.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

4.2 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

4.3 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1436/2017 du 27 octobre 2017 consid.6a ; ATA/881/2015 du 28 août 2015 et les références citées).

4.4 Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

4.5 En l'espèce, l'intérêt public à l’exécution du refoulement du recourant est certain, celui-ci ayant notamment commis à réitérées reprises des infractions pénales. Le recourant ne peut être suivi lorsqu'il tente de minimiser sa condamnation pour recel infligée en 2021.

Au vu des circonstances mentionnées plus haut – double soustraction à son transfert en Algérie, disparition dans la clandestinité (qu'il conteste de manière toute générale), et refus plusieurs fois manifesté de retourner dans son pays d'origine –, le recourant ne peut être suivi lorsqu'il plaide en faveur d'une mesure de substitution à la détention, alors que l'on doit au contraire constater qu'aucune autre mesure moins incisive ne pourrait être à même d'assurer sa présence lors de son renvoi.

S'agissant du principe de célérité, les explications de l'intimé apparaissent convaincantes, les autorités ayant entrepris des démarches dès la mise en détention pénale du recourant et ayant dû effectuer diverses démarches en vue de l'exécution du renvoi, telles que l'obtention d'un laissez-passer et la préparation du vol sous l'angle médical.

Enfin, contrairement à ce qu'affirme le recourant, le TAPI a indiqué pourquoi il confirmait la durée de l'ordre de mise en détention, à savoir que « dans la mesure où A______ a répété devant le tribunal s'opposer à son refoulement, ce qui laisse présager des démarches plus longues et compliquées en vue d'exécuter ce dernier, la durée de sa détention ordonnée par le commissaire de police apparaît proportionnée et adéquate » (jugement attaqué consid. 13 in fine). Il convient effectivement de permettre aux autorités suisses de mettre en place une solution de remplacement au cas où le recourant ne monterait pas à bord du vol prévu le 26 mai 2023.

Les griefs seront écartés.

5.             Le recourant, placé à Favra, se plaint de ses conditions de détention.

5.1 Au niveau conventionnel, l'art. 3 CEDH prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. La Suisse a également ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (RS 0.105), édictée sous l'égide des Nations Unies. Au plan constitutionnel, l'art. 7 Cst. prescrit de son côté que la dignité humaine doit être respectée et protégée. À teneur de l'art. 10 al. 3 Cst., la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits. La Constitution genevoise prévoit aussi que la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits (art. 18 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00) et que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1 Cst- GE).

Selon le Tribunal fédéral, les garanties de la CEDH relatives aux conditions de détention n'offrent pas une protection plus étendue que celles garanties par la Constitution fédérale (ATF 145 I 318 consid. 2.1 ; 143 I 241 consid. 3.4).

5.2 Dans le plus récent arrêt rendu par la chambre de céans, l’ATA/460/2023 du 2 mai 2023, concernant la problématique d’une personne détenue à Favra, il a été retenu, après avoir développé les bases conventionnelles et légales et la jurisprudence y relative, considérants auxquels il doit être renvoyé, que la difficulté à supporter l’enfermement, inhérente à l’exécution d’une mesure de privation de liberté telle que la détention administrative, ne justifiait pas, en soi, qu’il y soit mis fin. Quant aux évènements survenus le 8 avril 2023 au sein de cet établissement, qu’on ne pouvait que déplorer, si l’on pouvait comprendre que l’intéressé ait été choqué et traumatisé par ces derniers, il devait également être relevé qu’il pouvait bénéficier d’un soutien médical au sein de son lieu de détention administrative. En particulier, des somnifères pouvaient lui être prescrits pour ses problèmes de sommeil. Enfin, il ne fallait pas perdre de vue que l’objectif de sa mise en détention administrative était de permettre l’exécution de son expulsion. En aucun cas, la décision litigieuse de le placer en détention, dans ces conditions, ne contrevenait par elle-même au droit à la vie tel que garanti par l’art. 2 § 1 et 3 CEDH. Dans ces conditions, soit en particulier l’imminence de son renvoi et la nécessité des autorités suisses de s’assurer de son départ, l’intéressé ne pouvait se prévaloir de la pénibilité de sa détention administrative, notamment sur le plan psychique, pour s’opposer à celle-ci et solliciter sa mise en liberté.

Quand bien même la CNPT enjoignait depuis 2019 aux autorités genevoises de ne plus utiliser Favra comme établissement de détention administrative, la chambre de céans avait admis encore récemment la légalité de la détention administrative au sein de cet établissement.

S'agissant des conditions de détention proprement dites, à l'évidence Favra ne pouvait être comparé à certains lieux de détention décrits dans certains arrêts de la CourEDH. Les constats effectués lors du transport sur place (du 24 avril 2023) montraient que l'établissement était globalement propre, l'hygiène des détenus y était garantie, ainsi que les soins médicaux, même en l'absence d'une équipe médicale à demeure. Certaines conditions posaient néanmoins problème. La cellule forte apparaissait trop exiguë, pas assez lumineuse et le détenu n'y avait pas accès à l'eau courante ; cela étant, ce problème n'était pas directement pertinent en l'espèce, le recourant ne se plaignant pas d'y avoir été enfermé. Le second problème concernait l'installation seulement très récente d'un accès au World Wide Web, alors que la chambre de céans avait fixé un délai au 16 janvier 2023 pour ce faire, sur la base de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Cet accès, de même que celui à l'application Skype, se faisait dans la même pièce que les parloirs avec les avocats et les familles ainsi que les fouilles corporelles, ce qui diminuait considérablement les possibilités pour les détenus d'y avoir accès. En outre, pour l'accès au World Wide Web et à Skype, mais aussi au programme d'activités occupationnelles, les détenus étaient visiblement mal informés, malgré la pose d'affichettes, ce qui accentuait le problème. Enfin, l'accès à l'air libre pourrait être amélioré. L'aménagement décrit par le Conseil d'État dans sa dernière prise de position auprès de la CNPT ne semblait pas avoir avancé, un an après la date prévue. La promenade de 165 m2 était certes accessible une grande partie de la journée, mais elle était grillagée de toutes parts. Quant à la petite prairie à l'air libre décrite devant le TAPI comme « terrain de football », la chambre de céans prenait acte de ce que la direction de l'établissement s'engageait à la mettre à disposition des détenus sur simple demande. Il semblait toutefois que tel n’ait pas été le cas jusqu’à présent.

Ces carences décrites étaient certes à déplorer. La chambre de céans considérait toutefois que, prises individuellement, elles ne rendaient pas les conditions de détention illicites – sauf peut-être le défaut d'accès au Web, au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral ; l'OCD venait toutefois d’y remédier (ATA/450/023 et ATA/451/023 du 28 avril 2023).

Il était vrai qu’en fonction de la durée du séjour d'un détenu, de telles carences, prises dans leur ensemble, pouvaient s'avérer problématiques. En effet, des conditions qui pouvaient être acceptables pendant quelques jours ne l’étaient plus forcément lorsqu'un détenu passait une année dans l'établissement. À cet égard, si Favra était il y a quelques années avant tout utilisé pour des détentions administratives de courte durée, lesdits séjours y étaient désormais parfois beaucoup plus longs.

Dans le cas de l’ATA/460/2023 précité, au moment où le recourant avait été transféré à Frambois le 25 avril 2023, il était détenu à Favra depuis le 24 mars 2023, soit environ un mois, soit un séjour qui ne saurait être qualifié de longue durée. Il convenait certes de prendre en compte le fait que le décès d’un co-détenu l’avait fortement ébranlé. Toutefois, l’établissement de Favra bénéficiait d’un service médical approprié. Les personnes détenues pouvaient, en particulier, s’annoncer au service médical afin de recevoir le traitement approprié ainsi qu’au directeur de l’établissement ou son suppléant, étant précisé que le personnel médical s’y rendait chaque semaine. Le recourant se plaignait certes du retard dans sa prise en charge suite au décès de son co-détenu. Il ne démontrait toutefois pas avoir formé une demande de suivi auprès du service médical, ni que celle-ci n’aurait pas été traitée dans les délais. C’était le lieu de rappeler que, conformément au RFavra, l’intéressé avait tout loisir de s’annoncer, en parallèle, au directeur de l’établissement, ce qu’il ne prétendait pas non plus avoir fait. Ainsi, au vu des circonstances particulières du cas d’espèce, notamment l’imminence de son départ et la nécessité pour les autorités suisses de s’assurer de son départ, les conditions de sa détention administrative ne sauraient être considérées comme illicites.

Il s'ensuivait que le jugement attaqué était conforme au droit. Le recours était dès lors rejeté.

5.3 Rien ne permet dans le cas d’espèce de s’éloigner de ce raisonnement, qui peut sans autre s’appliquer à la situation du recourant. Celui-ci est entré il y a quelques semaines en détention, laquelle ne saurait donc être qualifiée de longue. Il n’a pas été confronté directement au décès d’un ancien détenu de l’établissement, dont il ne dit pas qu’il l’aurait connu.

L’état de salubrité des lieux a déjà été jugé conforme par la chambre de céans, qui a pu le constater lors du transport sur place du 24 avril 2023.

Au vu de ces éléments, les conditions de sa détention administrative ne sauraient être considérées comme illicites. Il ne sera partant pas fait droit à sa demande de libération immédiate.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA cum art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 mai 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique BAVAREL, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement de Favra, pour information.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :