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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3825/2021

ATA/399/2023 du 18.04.2023 sur JTAPI/299/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3825/2021-PE ATA/399/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 avril 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Gazmend Elmazi, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 mars 2022 (JTAPI/299/2022)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______ 1978, est ressortissant du Kosovo.

b. Il dit être arrivé en Suisse en 2011. Il est marié et son épouse ainsi que leurs deux enfants vivent au Kosovo.

c. Les 17 mai 2021, M. A______ a sollicité un visa de retour afin de se rendre au Kosovo pour des raisons familiales.

B. a. Le 24 février 2021, M. A______ a déposé une demande de permis de séjour avec activité lucrative auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), indiquant être arrivé en Suisse en 2011, après avoir quitté le Kosovo, notamment en raison de sa situation familiale, économique et sociale. Il a également sollicité le regroupement familial de son épouse ainsi que celui de ses deux enfants, actuellement résidant au Kosovo.

Il a joint diverses pièces à sa demande, dont : une copie de son passeport, diverses photographies non datées le montrant notamment avec des amis dans des lieux non identifiables, un extrait de son casier judiciaire, des fiches de salaire de l'entreprise B______ pour avril et juin 2016 indiquant des revenus de CHF 107.- et CHF 559.-, un contrat de travail signé avec l'entreprise C______ le 31 août 2020 accompagné d'une lettre de soutien de cette dernière, un extrait de son compte individuel AVS signalant des cotisations pour quelques mois en 2011, 2012 et 2016, un extrait de son compte PostFinance mentionnant des retraits irréguliers entre 2011 et 2017, une attestation de l'office des poursuites, une attestation d'assurance AVS indiquant son affiliation dès le 1er septembre 2020, ainsi qu'une déclaration écrite de Monsieur D______, du 3 février 2021, lequel indiquait notamment connaître M. A______ depuis son arrivée en Suisse en 2011.

b. Par courrier A+ daté du 20 mai 2021, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser sa requête, de prononcer son renvoi de Suisse et de transmettre ses actes ultérieurement au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) afin que cette autorité juge de l'opportunité de prononcer une interdiction d'entrée en Suisse à son encontre.

c. Le 16 août 2021, M. A______, s'est déterminé. C'était à tort que l'OCPM avait retenu que les pièces fournies n'étaient pas satisfaisantes, ces dernières démontrant sans aucun doute sa présence en Suisse depuis dix ans. Il a joint une attestation confirmant son niveau A2 en français.

d. Par décision du 7 novembre 2021, l’OCPM a refusé d’accéder à la requête de M. A______ et, par conséquent, de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM et prononcé son renvoi de Suisse. Un délai au 7 décembre 2021 lui était imparti pour quitter la Suisse et rejoindre le pays dont il possédait la nationalité ou tout autre pays où il était légalement admissible.

À teneur des pièces produites, sa présence en Suisse depuis 2011 n'était pas prouvée à satisfaction. Les extraits du compte PostFinance n'indiquaient pas des retraits réguliers et ne pouvaient être pris en considération pour attester sa présence sur le sol helvétique. Il en allait de même des photos, dont rien n'indiquait qu'elles avaient été prises en Suisse, et de la déclaration rédigée par M. D______, qui ne constituait pas un témoignage « engageant ». M. A______ ne remplissait ainsi pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité, étant au surplus relevé que la durée de son séjour devait être relativisée par rapport aux nombreuses années passées dans son pays d'origine.

Âgé de 33 ans à son arrivée en Suisse, il avait vécu toute sa jeunesse, son adolescence ainsi qu'une bonne partie de sa vie d'adulte au Kosovo, années qui apparaissent comme essentielles pour la formation de la personnalité et, partant, pour l'intégration sociale et culturelle. Par ailleurs, son épouse et ses enfants vivaient au Kosovo, ce qui démontrait que son centre d'intérêt se trouvait dans son pays d'origine. Il ne pouvait par ailleurs se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'il ne puisse pas quitter la Suisse sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables. Il n'avait pas non plus acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu'il ne pourrait plus les mettre en pratique au Kosovo. Il n'invoquait enfin pas et, a fortiori, n'avait pas démontré l'existence d'obstacles au retour dans son pays d'origine, et le dossier ne faisait pas non plus apparaître que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigé.

C. a. Par acte du 8 novembre 2021, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant principalement à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l’OCPM de préaviser favorablement sa demande auprès du SEM.

Il avait démontré séjourner en Suisse depuis 2011, soit depuis dix ans, jouissait d'une indépendance financière complète et était intégré, justifiant notamment d'une attestation de connaissance de la langue française de niveau A2. Il n’avait jamais fait l’objet de poursuites ni de condamnation pénale, et n’avait jamais sollicité l’aide sociale. Au vu de la durée de son séjour et de son intégration, sa situation constituait un cas de rigueur et c'était à tort que l'OCPM avait refusé de préaviser favorablement sa demande.

b. Le 4 janvier 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

M. A______ n'avait pas démontré de manière probante qu'il séjournait de manière continue en Suisse depuis dix ans. Il ne ressortait pas de son dossier que ses liens avec la Suisse seraient à ce point étroits qu'un retour dans son pays d'origine le placerait dans une situation personnelle d'extrême gravité, étant rappelé que son épouse et ses enfants se trouvaient au Kosovo, où il était encore retourné récemment.

c. Par jugement du 25 mars 2022, le TAPI a rejeté le recours.

M. A______ n’avait pas été en mesure de démontrer par pièces la continuité de sa présence en Suisse depuis 2011. L'extrait de son compte individuel AVS ne signalait des cotisations que pour quelques mois en 2011, 2012 et 2016. Quant aux extraits du compte PostFinance de 2011 à 2017, ils ne démontraient pas l'existence de retraits réguliers mais au contraire de très longues périodes sans aucun mouvement autre qu'administratif sur le compte. La question de la continuité du séjour pouvait, quoi qu'il en fût, demeurer ouverte puisque même à retenir que M. A______ séjournait en Suisse depuis 2011, la durée de ce séjour, qui pourrait certes être qualifiée de longue, devrait être fortement relativisée.

Il avait vécu au moins jusqu'à 33 ans au Kosovo, soit toute son enfance et son adolescence, périodes essentielles pour la formation de la personnalité, ainsi que le début de sa vie d'adulte. Son intégration professionnelle ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle. M. A______ n'établissait pas avoir acquis pendant son séjour des connaissances et qualifications professionnelles particulières, qu'il ne pourrait mettre à profit en retournant au Kosovo. L'absence de condamnations pénales, de poursuites pour dettes et de recours à l'aide sociale, de même que l'acquisition de la langue locale ne permettaient pas à elles seules de retenir l'existence d'une intégration particulièrement marquée.

Âgé de 43 ans, encore jeune et en bonne santé, il ne pouvait être retenu que M. A______ ne pourrait pas s'insérer sur le marché du travail en retournant dans son pays. Il y était par ailleurs retourné en juin 2021, sa femme et leurs deux enfants vivant sur place. Il y restait ainsi étroitement attaché et pourrait bénéficier d'un soutien. Aucun élément du dossier n'attestait que les difficultés auxquelles il devrait faire face en cas de retour seraient plus lourdes que celles que rencontraient d'autres compatriotes contraints de retourner dans leur pays d'origine au terme d'un séjour régulier en Suisse.

D. a. Par acte posté le 13 mai 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation, à ce qu'il soit ordonné à l’OCPM de préaviser favorablement sa demande auprès du SEM et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Dans le cadre de l'« opération Papyrus », les preuves de séjour étaient réparties en catégorie A (une seule par année permettait à démontrer le séjour lors d'une année considérée) et B. L'OCPM avait continué à appliquer les critères de l'« opération Papyrus » pour examiner les demandes de régularisation, et les pièces qu'il avait fournies à l'appui de sa demande incluaient des preuves de catégorie pour chaque année de séjour depuis 2011. Le TAPI ne s'était finalement pas prononcé sur la continuité de son séjour et avait retenu à raison qu'un séjour de dix ans était long au sens de la jurisprudence.

Le TAPI avait commis un abus du pouvoir d'appréciation en ne retenant pas le cas de rigueur, dès lors que l'on ne comprenait pas pourquoi dix années de séjour suffisaient à retenir le cas de rigueur lors de l'« opération Papyrus » mais plus quelques mois après, alors qu'il avait dû attendre d'atteindre une telle durée pour déposer sa demande. Il remplissait tous les autres critères de régularisation, ayant toujours été financièrement indépendant et n'ayant jamais porté atteinte à l'ordre public suisse.

En cas de retour au Kosovo, il risquait de se retrouver dans une situation financière et personnelle inextricable, et serait déraciné car sa mentalité avait évolué au contact de la population suisse depuis onze ans.

b. Le 22 juin 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Les arguments soulevés dans celui-ci, en substance semblables à ceux présentés en première instance, n'étaient pas de nature à modifier sa position.

c. Le 28 juin 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 5 août 2022, prolongé par la suite au 22 août 2022, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 3 août 2022, l'OCPM a persisté dans ses conclusions.

e. Le 22 août 2022, M. A______ en a fait de même.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable, et prononçant son renvoi de Suisse.

3.             Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

4.             Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées après cette date, à l’instar de la demande du recourant qui date du 24 février 2021, sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

5.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

5.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

5.2 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de 7 à 8 huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

5.3 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

L’intégration professionnelle doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l'arrêt cité).

La question est de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 du 2 avril 2019 consid. 5d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

6.             L'« opération Papyrus », développée par le canton de Genève, a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé
« Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus », avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

6.1 Dans le cadre du projet pilote « Papyrus », le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agit pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voit pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu'elle séjourne et travaille illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation est constitutive d'un cas de rigueur en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation des enfants (ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

6.2 L'« opération Papyrus » étant un processus administratif simplifié de normalisation des étrangers en situation irrégulière à Genève, il n'emporte en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-725/2021 du 4 juillet 2022 consid. 6.7 ; ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c). L'« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

7.             En l'espèce, le recourant allègue être arrivé en Suisse en 2011 et avoir prouvé un séjour ininterrompu de dix ans, exigence requise des personnes célibataires sans enfants pour bénéficier de l’« opération Papyrus ». Tel n'est pas le cas, comme l'a démontré le TAPI quand bien même ce dernier a relevé qu'une telle preuve ne modifierait pas l'issue du litige. En effet, le compte individuel AVS du recourant ne signale des cotisations que pour quelques mois en 2011, 2012 et 2016, et les extraits du compte PostFinance de fin octobre 2011 à fin novembre 2017 montrent de longues périodes sans aucun mouvement autre que le débit de frais de gestion (soit notamment entre le 30 avril 2012 et le 5 février 2014, entre le 17 avril 2014 et le 4 août 2014, entre le 26 novembre 2014 et le 19 mars 2015, entre le 20 juin 2015 et le 10 novembre 2015 et entre le 16 juillet 2016 et le 24 novembre 2017, date de suppression du compte). Dès lors, s'il est probable que le recourant soit venu en Suisse dès 2011, les éléments du dossier tendent à prouver qu'il en est parti et y est revenu à plusieurs reprises, les périodes d'absence étant cependant plus longues que les périodes de présence. On ne saurait dès lors admettre qu'il a vécu plus de dix ans en Suisse, mais bien plutôt que son séjour y est continu seulement depuis l'automne 2020, soit moins de quatre ans, ce qui représente une faible durée. Il ne remplissait ainsi pas les critères de l'« opération Papyrus », si bien qu'il ne peut en toute hypothèse pas se plaindre que ceux-ci n'aient pas été appliqués à son cas, étant rappelé que ladite opération avait pris fin avant le dépôt de sa demande. De plus, comme souligné par le TAPI, l'entier de son séjour s’est déroulé dans l’illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance des autorités de migration, si bien qu'il doit être relativisé.

Sur le plan professionnel et financier, le recourant travaille depuis 2020, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes. Cela étant, l'indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. Ainsi, si cet élément est à mettre au crédit de l’intéressé, il relève du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 et 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2). Par ailleurs, l’activité du recourant dans les secteurs du bâtiment et de l'entretien automobile n’est pas constitutive d'une ascension professionnelle remarquable et ne l’a pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. L'activité professionnelle exercée par le recourant en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée.

Le recourant n'a pas été condamné pénalement et parle français avec un niveau A2 du CECRL (cadre européen de référence pour les langues) et a produit une lettre de soutien établie par une connaissance. L’intéressé ne fait cependant pas état de liens affectifs ou amicaux particulièrement forts, et il n’allègue ni n’établit qu’il se serait investi dans la vie culturelle, associative ou sportive à Genève. Il ne peut dès lors être retenu qu'il fait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle en comparaison avec d'autres étrangers qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années (arrêts du TAF F-6480/2016 du 15 octobre 2018 consid. 8.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.2).

La réintégration du recourant au Kosovo n’est pas gravement compromise. En effet, il y a passé toute son enfance, son adolescence et à tout le moins le début de sa vie d’adulte. Il en maîtrise la langue et en connaît les us et coutumes. Il y est revenu, comme exposé ci-dessus, à de nombreuses reprises entre 2011 et 2020, mais également en 2021 au bénéfice d'un visa de retour temporaire. Aussi et surtout, son épouse et leurs deux enfants ont toujours vécu au Kosovo pendant ces périodes. Malgré son séjour en Suisse de quelques années, son pays ne peut donc lui être devenu étranger. Âgé de 44 ans et en bonne santé, il ne devrait pas rencontrer d’importants problèmes de réintégration professionnelle, pouvant se prévaloir de son expérience professionnelle acquise en Suisse.

Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même un retour dans son pays d'origine est susceptible d’engendrer pour lui certaines difficultés de réadaptation. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en sa faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Au vu de ce qui précède, l’autorité intimée n’a pas violé la loi, ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation, en refusant de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour présentée par le recourant.

8.             Il convient encore d’examiner le bien-fondé du renvoi du recourant.

8.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation.

Le renvoi d'un étranger en application de l’art. 64 al. 1 LEI ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI).

8.2 En l’occurrence, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l’intimé devait prononcer son renvoi.

Pour le surplus, le recourant n'allègue pas que le retour dans son pays d’origine serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l’art. 83 LEI, et le dossier ne laisse pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer le contraire.

Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

9.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mai 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend Elmazi, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.