Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/515/2023

ATA/409/2023 du 19.04.2023 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/515/2023-EXPLOI ATA/409/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 19 avril 2023

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Michel Cabaj, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



Vu en fait le recours interjeté le 13 février 2023 par A______ (ci-après : la société) contre la décision de refus d’octroi d’autorisation d’exploiter une buvette permanente accessoire à l’établissement à l’enseigne « B______ » (ci-après : le club) du 12 janvier 2023 ; qu’elle a conclu à ce que la décision soit réformée et l’autorisation délivrée ; que, sur mesures provisionnelles, l’effet suspensif devait être accordé au recours, à savoir que le service des boissons de l’établissement pour clients devait être autorisé à titre gratuit jusqu’à droit jugé voire, subsidiairement, que « les boissons commandées et servies par les hôtesses indépendantes, aux clients à titre gratuit », soit autorisé jusqu’à droit jugé ; que le club était exploité par la société depuis près de sept ans avec un service de boissons, fournies à titre gratuit ; que par décision de l’office des autorisations de construire du département du territoire (ci-après : le département), l’exploitation du salon de massages « B______ » avait été interdite, la décision ayant été déclarée exécutoire nonobstant recours ; que le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) avait restitué l’effet suspensif par décision du 24 septembre 2020 ; que la procédure pendante devant ladite autorité avait été suspendue d’un commun accord avec le département afin de trouver un arrangement ; qu’une autorisation de construire définitive avait été déposée le 17 mars 2022 (DD 1______) ; que le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) avait considéré que le club exploitait une buvette soumise à la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) sans être au bénéfice d’une autorisation ; qu’à trois reprises, la société avait déposé une requête d’autorisation d’exploiter la buvette (13 octobre, 20 octobre, 9 novembre 2022) sur lesquelles le PCTN n’était pas entré en matière au motif qu’elles étaient incomplètes ;

que des mesures provisionnelles étaient urgentes ; que le club ne pouvait plus servir de boissons aux clients de l’établissement, ce qui entraînait une baisse drastique de l’activité de celui-ci ; que, suite à l’arrêt du service des boissons, le chiffre d’affaires avait diminué de près de 70 %, mettant en péril la continuation de l’exploitation ; que le loyer était élevé s’agissant d’une surface totale de plus de 400 m² ; que servir des boissons gratuites dans le cadre d’une vente ou en guise d’accueil était une pratique courante au sein des entités genevoises, notamment dans nombre de salons de massages, mais aussi dans des commerces de meubles, de voitures, d’art, des boutiques de luxe, etc. ; qu’il convenait de confirmer que les boissons pouvaient être servies à titre gratuit aux clients de l’établissement et que les boissons pouvaient être livrées sur commande par les hôtesses exerçant leur activité au sein de l’établissement ; que la question de la buvette n’était pas soumise à autorisation dès lors que les boissons étaient servies à titre gratuit ou commandées par les hôtesses, ce d’autant plus que la société bénéficiait de l’affectation de « restaurant » ; que la décision violait le principe de l’égalité de traitement au vu des pratiques d’autres établissements ; que, par ailleurs, dès lors que le local qui exploitait le club était un restaurant sur l’entier de sa surface, la société était autorisée à vendre et servir des boissons ; qu’il serait dès lors choquant de lui interdire l’exploitation d’une buvette accessoire ;

que l’autorité intimée a conclu au rejet de la demande de mesures provisionnelles ; que, selon les plans déposés à l’appui des requêtes, la buvette était d’une surface de 83 m² et disposait de cinquante places ; que le 19 octobre 2022, le PCTN avait rendu une décision de sommation de fermeture immédiate de la buvette précitée ; qu’interpellé, le DT avait informé le PCTN d’une procédure d’infraction était en cours concernant des aménagements récents et un changement d’affectation, seule l’exploitation de restaurant étant autorisée ; que les chances de succès du recours étaient faibles ; que les commerces autorisés à servir des boissons n’avaient pas une activité comparable à celle de la société qui, à teneur du constat des services de police, avaient des clients attablés avec des travailleuses du sexe et consommaient des boissons alcoolisées, avec une animation musicale organisée sans autorisation, en présence d’un DJ et d’un volume de musique élevé, suscitant l’impression auprès des agents en charge du contrôle qu’il s’agissait davantage d’un dancing que d’un salon de massages ; que « l’attestation de conformité » établie par Monsieur C______, remise au PCTN le 7 novembre 2022, ne répondait pas aux exigences de l’art. 7 al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ; qu’en l’absence d’autorisation préalable, seule la question des mesures provisionnelles se posait ; que, si la demande de servir des boissons à titre gratuit était admise, il serait difficile, voire impossible, de vérifier que les prix des boissons ne soient pas répercutés sur le prix des prestations sexuelles, et donc de vérifier que les boissons soient bien servies à titre gratuit ; que la société soutenait déjà au cours de la procédure que les boissons étaient servies à titre gratuit alors même qu’un tarif d’entrée de CHF 50.- était appliqué ; que s’agissant de l’autre hypothèse, à savoir que les boissons soient commandées par des hôtesses, dont le PCTN ignorait si elles étaient indépendantes, il était probable que les boissons proviennent du rez-de-chaussée où se situait le café restaurant à l’enseigne « D______ », propriété de E______, société dont Monsieur F______ et Madame F______ étaient associés, de sorte que les boissons commandées par les hôtesses proviendraient très vraisemblablement de l’établissement du rez-de-chaussée, ces mêmes personnes étant les administrateurs du club ; qu’il n’y avait ni urgence ni préjudice difficilement réparable étant rappelé que la décision du PCTN ne concernait que la buvette et non le salon de massages ; que les charges n’étaient pas démontrées, seule une attestation de M. F______, sans documents à l’appui, étant produite ; que la recourante n’était pas en mesure de satisfaire aux conditions de délivrance d’une autorisation d’exploiter la buvette ;

qu’à la requête de la recourante, le délai pour une éventuelle réplique sur mesures provisionnelles a été prolongé de quinze jours ;

que, dans sa réplique sur mesures provisionnelles, elle a persisté dans ses conclusions ; que la société s’était vue infliger une amende de CHF 1'400.- en application de la LRDBHD par décision du 8 février 2023 contre laquelle un recours avait aussi été interjeté, la procédure étant actuellement suspendue d’entente entre les parties ; qu’il convenait de préserver le statu quo ante qui avait perduré depuis sept ans environ ; qu’en l’espèce, le service de boissons dans le club n’était effectué ni contre rémunération ni à titre professionnel, et que les conditions de l’art. 3 LRDBHD n’étaient en conséquence pas remplies ; que M. F______ avait expliqué au PCTN, lors de son audition du 14 septembre 2022, que l’accès au club se faisait moyennant un prix d’entrée de CHF 50.-, lequel correspondait à « une entrée, une discussion avec les filles et jouer au billard » ; qu’il avait expliqué : « le client vient, il discute avec une fille ou plusieurs. Pendant la discussion, il peut avoir une boisson, puis après il part avec la fille qu’il a choisie. Le client qui est connu et qui vient régulièrement, on lui offre plus qu’un verre » ; que la position de l’autorité intimée selon laquelle le contrôle de la gratuité des boissons ne pourrait être effectué ne s’appuyait sur aucune motivation concrète susceptible d’être prouvée, voire contredite ; que ce qui était compris dans le prix d’entrée avait été détaillé ; que le prix avait aussi pour objectif de trier la clientèle afin d’éviter le tourisme visé par ce genre d’établissement ; qu’il n’y avait pas d’obligation de consommation avec l’entrée ; que les tarifs par prestation et par durée étaient notoirement accessibles sur le site internet, ce qui rendait impossible de cacher le prix d’éventuelles boissons dans lesdites prestations ; qu’enfin, il ne ressortait ni de la décision ni des rapports des services de police du 26 août 2022 que l’établissement tiendrait à disposition des clients un accès au bar moyennant payement, partant à des boissons payantes ; qu’en conséquence, il ne pouvait qu’être retenu que le service des boissons n’était pas effectué contre rémunération ; que le club n’avait pas pour vocation de se livrer à la commercialisation de boissons, mais uniquement d’offrir un ou deux verres aux clients du club afin de favoriser un échange avec les travailleuses ; qu’après plus de sept années d’exploitation, la recourante était fondée à se croire autorisée, de bonne foi, à servir des boissons gratuites à ses clients, sans autorisation préalable ; que, pour le surplus, il apparaîtrait contraire aux principes de la proportionnalité et de la bonne foi de ne pas autoriser la recourante à poursuivre le service des boissons à titre gratuit ;

que sur ce, la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles ;

 

Considérant, en droit, que selon l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre ou par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge.

qu’au terme de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA) ;

que selon la jurisprudence, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation. La fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d'être mis au bénéfice d'un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344) ;

que lorsqu'une décision à contenu négatif est portée devant la chambre administrative et que le destinataire de la décision sollicite la restitution de l'effet suspensif, il y a lieu de distinguer entre la situation de celui qui, lorsque la décision intervient, disposait d'un statut légal qui lui était retiré de celui qui ne disposait d'aucun droit. Dans le premier cas, il peut être entré en matière sur une requête en restitution de l'effet suspensif, aux conditions de l'art. 66 al. 2 LPA, l'acceptation de celle-ci induisant, jusqu'à droit jugé, le maintien des conditions antérieures. En revanche, il ne peut être entré en matière dans le deuxième cas, vu le caractère à contenu négatif de la décision administrative contestée. Dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l'art. 21 LPA, est envisageable (ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b ; ATA/603/2011 du 23 septembre 2011 consid. 2 ; ATA/280/2009 du 11 juin 2009 ; ATA/278/2009 du 4 juin 2009) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

qu’elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ;

que l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

que conformément à l’art. 3 let. À LRDBHD, est une entreprise toute forme d’exploitation d’une activité vouée à la restauration et/ou aux débits de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public, exercé contre rémunération ou à titre professionnel ; que l’exploitation de toutes entreprise vouée à la restauration, aux débits de boissons et à l’hébergement est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation d’exploiter délivrée par le département (art. 8 al. 1 LRDBHD) ;

que l’offre de boissons dans un frigo, contre rémunération, dans un club de brigde, avait été jugé soumis à autorisation (ATA/1326/2019 du 03 septembre 2019) ;

qu'en l'espèce, la recourante se prévaut d’une pratique ancienne de sept ans ; que prima facie aucune pièce ne l’établit ; que la gratuité des boissons est contestée par l’autorité intimée et qu’elle devra faire l’objet d’un examen au fond ; que la recourante ne conteste pas ne pas être au bénéfice d’une autorisation d’exploiter une buvette ; que l’autorisation en lien avec le restaurant est au nom d’une autre société, non pertinente en l’espèce ; qu’en conséquence, seule la question des mesures provisionnelles, et non de la restitution d’un effet suspensif, se pose ; que lesdites mesures ne sauraient anticiper le jugement définitif ; qu’en l’occurrence l’espace de 83 m², comprenant des chaises et des tables ainsi qu’un bar, à rigueur du plan déposé, peut être appréhendé prima facie comme un débit de boissons de sorte qu’octoyer des mesures provisionnelles reviendrait à autoriser son exploitation et à anticiper l’issue du litige ;

que les mesures provisionnelles seront en conséquence refusées. ;

que le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse les mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Michel Cabaj, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

 

 

 

Le vice-président :

 

 

 

C. Mascotto

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :