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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3836/2022

ATA/356/2023 du 04.04.2023 sur JTAPI/66/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3836/2022-PE ATA/356/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 avril 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant pour elle et son fils B______ recourants
représentés par Me Bernard Cron, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 janvier 2023 (JTAPI/66/2023)


EN FAIT

A.           Par jugement du 19 janvier 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a déclaré irrecevable pour défaut de paiement de l’avance de frais le recours formé par Madame A______, agissant pour elle et son fils B______, contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) du 13 octobre 2022.

Le délai pour le paiement de l’avance de frais avait été fixé au 21 décembre 2022. Le conseil de la justiciable avait exposé que sa stagiaire avait adressé, par courriel, la facture relative à l’avance de frais à Mme A______. Celle-ci ne l’avait pas reçue, car l’adresse électronique saisie était erronée. Il ne s’en était rendu compte que le 21 décembre 2022, soit le dernier jour du délai de paiement. L’ordre de paiement avait alors immédiatement été donné le 21 décembre 2022 à 15h45. Selon la pièce produite à cet effet, l’ordre serait exécuté le lendemain ; il pouvait être encore modifié jusqu’à minuit le 22 décembre 2022.

Si l’erreur constatée le 21 décembre 2022 était certes fâcheuse, le TAPI a retenu qu’elle ne constituait pas un motif de restitution du délai de paiement. Ce dernier étant intervenu après la date fixée à cet effet, le recours devait être déclaré irrecevable.

B.            a. Par acte expédié le 20 février 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ et son fils ont recouru contre le jugement précité, dont ils ont demandé l’annulation.

Elle-même ainsi que son compagnon avaient recouru le même jour contre les décisions les concernant rendues par l’OCPM. La stagiaire de son avocat avait adressé la demande d’avance de frais concernant son recours à son compagnon – qui avait versé l’avance concernant son propre recours – et non à elle.

Le jugement se heurtait à l’interdiction du formalisme excessif, empêchait l’accès à un juge selon l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Si les conjoints n’avaient formé qu’un seul recours, le paiement d’une seule avance de frais aurait été requis. Aucun intérêt ne justifiait l’application stricte des règles de procédure en l’espèce.

b. L’OCPM n’a pas été invité à se déterminer.

c. Les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante critique le jugement d’irrecevabilité, l’ordre de payer l’avance de frais ayant été donné dans le délai imparti à cet effet et l’exécution n’étant intervenue qu’avec un jour de retard.

2.1 En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

2.2 Le moment déterminant pour constater l’observation ou l’inobservation du délai est celui auquel la somme a été versée en faveur de l’autorité à la poste suisse (que ce soit au guichet d’un bureau de poste ou lors d’un transfert depuis l’étranger) ou celui auquel l’ordre de paiement en faveur l’autorité a été débité du compte postal ou bancaire du recourant ou de son mandataire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 6.3 ; 2C_250/2009 du 2 juin 2009 consid. 5.2 ; ATA/365/2012 du 12 juin 2012 consid. 4 ; ATA/150/2012 du 20 mars 2012 consid. 4 ; ATA/503/2010 du 3 août 2010). Ainsi, le fait que la somme en cause ne soit pas créditée dans le délai imparti sur le compte de la juridiction concernée n’est pas décisif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 et 2C_1023/2012 précité consid. 6.3.2 ; 1F_34/2011 du 17 janvier 2012 consid. 2.3.2).

2.3 À teneur de l'art. 16 al. 2 LPA/GE, le délai imparti par l'autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration. La restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé; la demande motivée doit être présentée dans les 10 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé (art. 16 al. 3 LPA/GE).

Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1 2ème phr. LPA. Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré ou son représentant (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/33/2023 du 17 janvier 2023 consid. 2d ; ATA/1028/2016 et ATA/916/2015 précités consid. 2c). Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'une femme ou d’un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013 ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9). Selon la jurisprudence, la maladie ou un accident peut être considérée comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, si elle met l'administré ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/234/2014 du 8 avril 2014 consid. 10).

2.4 Aux termes de l'art. 29a Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. L'art. 6 CEDH n'offre pas de protection plus étendue que l'art. 29a Cst. (ATF 134 V 401 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_705/2021 du 7 février 2022 consid. 6.1 ; 8C_246/2018 du 16 janvier 2019 consid. 6.2).

2.5 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé, pour autant que les parties aient été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour s'en acquitter et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 133 V 402 consid. 3.3; 104 Ia 105 consid. 5). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 et 2C_1023/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/286/2023 du 21 mars 2023 consid. 2.3).

2.6 En l’espèce, il n’est pas contesté que le délai imparti pour le versement de l’avance de frais était suffisant et que la recourante, représentée par son mandataire, était informée des conséquences de son inobservation.

Contrairement à ce qu’affirme la recourante, il ne peut être retenu que le paiement de l’avance de frais est intervenu dans le délai imparti. En effet, selon la pièce qu’elle a produite, son ordre n’a été exécuté que le 22 décembre 2022. Ainsi, conformément à ce qui vient d’être exposé (consid. 2.2 supra), dès lors que son compte bancaire n’a été débité que le 22 décembre 2022, son paiement est intervenu après le délai imparti.

Par ailleurs, l’erreur commise par son mandataire – qui répond des actes de ses auxiliaires (art. 101 CO) – ne relève pas d’un cas de force majeure. Celui-ci n’a, en effet, pas été empêché, sans sa faute, de transmettre l’invitation à payer l’avance de frais dans le délai imparti, d’une part. D’autre part, l’impossibilité pour la recourante d’effectuer le paiement de l’avance de frais dans le délai imparti est entièrement imputable à une erreur, non constitutive d’un cas de force majeure, de son avocat. L’erreur du représentant n’est cependant pas non plus constitutive d’un cas de force majeure.

Enfin, comme évoqué ci-dessus, les conséquences que l’irrecevabilité du recours peut avoir sur la situation administrative de la recourante et de son enfant ainsi que sur celle de son compagnon ne permettent pas de déroger à l’art. 86 al. 2 LPA. Aller dans ce sens créerait une inégalité de traitement entre justiciables, sans que les conditions restrictives permettant de retenir l’existence d’un cas de force majeure soient réunies. Il n’y a pas lieu d’examiner si la recourante et son compagnon auraient pu former un seul acte de recours et quel aurait alors été le montant de l’avance de frais, cette hypothèse n’étant pas réalisée.

Au vu de ce qui précède, le TAPI n’a ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en déclarant le recours formé devant lui irrecevable pour défaut du paiement de l’avance de frais.

Mal fondé, le recours interjeté devant la chambre administrative sera ainsi rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 février 2023 par Madame A______, agissant pour elle et son fils B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bernard Cron, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.