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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/434/2010

ATA/503/2010 du 03.08.2010 sur DCCR/697/2010 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : AVANCE DE FRAIS; DÉLAI; E-BANKING; CONDITION DE RECEVABILITÉ
Normes : LPA.81
Résumé : Admission de la validité du paiement de l'avance de frais par e-banking parvenue hors délai à la CCRA, aucune erreur de saisie de la part des recourants n'ayant pu être démontrée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/434/2010-ICCIFD ATA/503/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 3 août 2010

2ème section

dans la cause

 

Madame et Monsieur L______
représentés par Multifiduciaire Genève S.A.

contre

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 5 mai 2010 (DCCR/697/2010)


EN FAIT

1. Par décision du 5 mai 2010, la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA) a déclaré irrecevable le recours de Madame et Monsieur L______ (ci-après : les époux L______) dirigé contre deux décisions rendues le 5 janvier 2010 par l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC).

2. Par lettre recommandée du 8 février 2010, la CCRA a prié les intéressés de s'acquitter d'une avance de frais de CHF 500.- dans le délai fixé (mentionné sous "conditions de paiement" de la facture remise en annexe) sous peine d'irrecevabilité du recours. Sur la facture, il était mentionné que ce paiement devait intervenir d'ici le jeudi 11 mars 2010. Ce document avait été envoyé au domicile élu des contribuables, chez Multifiduciaire Genève S.A., Carrefour de Rive 1 à Genève.

3. Le 5 mai 2010, la CCRA a déclaré ledit recours irrecevable et mis à charge des recourants, conjointement et solidairement, un émolument de CHF 250.-. Ceux-ci n'avaient pas effectué l'avance de frais dans le délai précité, ni depuis lors.

4. Par acte posté le 1er juin 2010, les époux L______ ont recouru auprès du Tribunal administratif contre cette décision. Ils s'étaient acquittés le 2 mars 2010 de l'avance de frais requise par la CCRA en payant la facture par internet par le débit de leur compte auprès de la Banque Cantonale de Genève (ci-après : la BCG). Malheureusement, ils avaient inversé deux chiffres lors de la saisie d'un des numéros mais comme leur compte avait été débité normalement, ils ne s'étaient pas aperçus de l'erreur. Le 25 mai 2010, ils avaient informé la CCRA de ces faits et versé une nouvelle fois le montant requis. Ils ont conclu à l'admission du recours, tout en indiquant qu'ils désiraient solliciter la revision de la décision de la CCRA du 5 mai 2010. Le tribunal de céans devait constater qu'ils avaient procédé dans le délai qui leur avait été fixé au paiement de l'avance de frais, la décision attaquée devait être annulée et la cause renvoyée à la CCRA pour nouvelle décision, conformément aux conclusions de leur recours initial devant cette juridiction.

5. Le 3 juin 2010, le Tribunal administratif a prié les intéressés de verser une avance de frais de CHF 500.- d'ici le 3 juillet 2010, faute de quoi leur recours pourrait être déclaré irrecevable. Ce montant a été payé le 7 juin 2010.

6. Le 15 juin 2010, le juge délégué a écrit à la mandataire des recourants. Selon le recours, les contribuables auraient inversé deux chiffres lors du paiement effectué par internet. Or, selon la pièce no 3 qu'ils avaient produites, soit l'extrait de leur compte auprès de la BCG, le numéro de CCP du bénéficiaire, de même que le numéro de référence du bulletin de versement, étaient absolument identiques à ceux figurant sur ledit bulletin, de sorte qu'aucune inversion n'avait été commise. En revanche, le nom du bénéficiaire qui apparaissait sur le relevé au 2 mars 2010 de la BCG, soit Monsieur P______, à Vésenaz, ne s'expliquait pas. Les contribuables étaient invités à dire s'ils avaient interpellé la BCG. Le 9 juin 2010, leur mandataire s'est engagée à le faire.

7. Le 17 juin 2010, celle-ci a répondu que ses clients ne connaissaient pas M. P______. Sur le relevé de compte détaillé que la BCG leur avait adressé et qui portait également la date du 2 mars 2010, le numéro de CCP et le numéro de référence étaient exacts sans qu'il soit possible de savoir pourquoi ce numéro était correct sur un des relevés et faux sur l'autre. Ils étaient de parfaite bonne foi et ne s'étaient aperçus de cette erreur que lorsqu'ils avaient demandé le justificatif de paiement à la BCG, après avoir reçu la décision d'irrecevabilité rendue le 5 mai 2010 par la CCRA.

8. Par pli recommandé du 18 juin 2010, le juge délégué a écrit à la BCG, en relevant ces faits et en la priant de fournir toutes explications utiles d'ici le 30 juin 2010.

9. Le 29 juin 2010, la BCG a répondu que le traitement des paiements par internet était entièrement automatisé. Après avoir procédé à des vérifications, elle était arrivée à la conclusion que la personne qui s'était connectée le 1er mars 2010 par e-banking sur le compte de M. L______, avait saisi un ordre de paiement via le numéro de compte BVR de la banque pour CHF 500.- et avait indiqué comme bénéficiaire l'Etat de Genève dans les champs prévus à cet effet mais introduit le numéro d'adhérent de M. P______. Vu la similitude du numéro d'adhérent entre celui du bénéficiaire et celui de l'Etat de Genève, il s'agissait manifestement d'une erreur dans la saisie dudit numéro. Cette erreur n'avait pas été détectée par le système de contrôle. La BCG ajoutait : "Il est techniquement impossible que le système informatique produise deux extraits de compte du même jour avec des numéros de référence différents pour une même opération". Etait joint l'extrait de compte au 2 mars 2010 demandé par le client en date du 21 mai 2010 à 09h47 et gardé en mémoire par le système. Les auteurs de ce courrier ajoutaient : "Nous vous laissons le soin de déduire vous-mêmes ce que cela implique".

10. Ces éléments ont été transmis aux parties pour information.

11. La CCRA a produit son dossier qui est parvenu en mains du tribunal de céans le 30 juin 2010.

12. Le 8 juillet 2010, les époux L______ ont transmis au juge délégué la copie d'un courrier qu'ils avaient adressé le même jour à la BCG, en s'indignant de l'insinuation relevée ci-dessus.

13. Le 13 juillet 2010, l'AFC s'en est rapportée à justice après avoir pris connaissance du dernier extrait de compte du 21 mai 2010 produit par la BCG.

14. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le 1er janvier 2009 est entré en vigueur l'art. 86 LPA, dont la teneur est la suivante : "la juridiction invite le recourant à faire une avance destinée à couvrir les frais de procédure et des émoluments présumables. Elle fixe à cet effet un délai suffisant. Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable".

En application de cette disposition, la CCRA a déclaré le recours irrecevable en raison du défaut de paiement de l'avance de frais.

3. La CCRA n'a que peu modifié sa pratique et continue à fixer, dans la facture annexée au pli envoyé aux recourants, le délai dans lequel l'avance de frais est due. Néanmoins, cette question n'est pas litigieuse en l'espèce.

Il s'agit en revanche de déterminer si les recourants ont payé le 2 mars 2010, par le débit de leur compte bancaire, la somme de CHF 500.- réclamée par la CCRA qui aurait été versée, suite à une erreur de saisie, à un bénéficiaire différent, la banque ayant d'ailleurs remboursé les recourants le 14 juin 2010, en indiquant "e-banking du 2 mars 2010, ligne de référence BVR erronée".

4. En l'espèce, il est constant que la CCRA n'a pas reçu le versement de CHF 500.- effectué le 2 mars 2010 par les recourants pour les raisons sus- indiquées. Il est constant également que, selon la jurisprudence fédérale et en application de la procédure fédérale, "le délai pour le versement d'avances est observé si, avant son échéance, la somme due est versée à la poste suisse ou débitée en Suisse d'un compte postal ou bancaire en faveur de l'autorité. Le moment déterminant pour constater l'observation ou l'inobservation du délai est celui auquel la somme a été versée en faveur de l'autorité à la poste suisse (que ce soit au guichet d'un bureau de poste ou lors d'un transfert depuis l'étranger) ou celui auquel l'ordre de paiement en faveur de l'autorité a été débité du compte postal ou bancaire du recourant ou de son mandataire (Arrêt du Tribunal fédéral 9C _ 94/2008 du 30 septembre 2008, consid. 5.2)" comme le Tribunal fédéral l'a jugé le 2 juin 2009 (2C_250/2009 consid. 4.1).

5. Dans la présente cause, et malgré les explications fournies par la BCG dans son courrier du 29 juin 2010, rien ne permet de comprendre pourquoi dans deux extraits du compte des contribuables imprimés le même jour, soit le 2 mars 2010, le numéro de référence du BVR ne soit pas le même puisque dans un cas il est indiqué 00 00172 00061 00003 42010 01567 alors que sur le second, ce numéro de référence est le 000 1272 0061 00003 42010 01567. Or, ce dernier numéro de référence correspond seul à M. P______ mais le nom de ce bénéficiaire apparaît également avec le premier numéro de référence sus-indiqué.

Rien ne prouve que les recourants auraient commis une erreur de saisie au moment où ils ont effectué leur paiement le 2 mars 2010 et, ces paiements étant entièrement automatisés, le système de contrôle de la banque n'a détecté aucune erreur.

6. Le cas d'espèce diffère de celui jugé par le Tribunal fédéral dans la cause 2C_250/2009 précitée, puisque le paiement n'a pas été effectué en faveur de l'autorité sans pour autant qu'il soit établi que la faute en soit imputable aux recourants. Cette situation constitue donc un cas de force majeure dont la CCRA ne pouvait avoir connaissance mais qui doit conduire à l'annulation de la décision attaquée.

7. En conséquence, le recours sera admis. La décision prise par la CCRA le 5 mai 2010 sera annulée et la cause sera renvoyée à cette autorité pour qu'elle instruise le fond du litige.

8. Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité faute de conclusions en ce sens (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er juin 2010 par Madame et Monsieur L______ contre la décision du 5 mai 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative;

au fond :

l'admet ;

annule la décision prise le 5 mai 2010 par la commission cantonale de recours en matière administrative ;

renvoie la cause à la commission cantonale de recours en matière administrative pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument  ni alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Multifiduciaire Genève S.A., représentante des recourants, à la commission cantonale de recours en matière administrative, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :