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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3667/2021

ATA/408/2022 du 12.04.2022 sur JTAPI/1262/2021 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3667/2021-ICCIFD ATA/408/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 avril 2022

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Mme B______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2021 (JTAPI/1262/2021)


EN FAIT

1) Par décision du 21 septembre 2021, l'administration fiscale cantonale a partiellement admis la réclamation formée par Monsieur A______ et Mme B______ à l'encontre de leur taxation pour l'année fiscale 2017.

2) Par acte du 22 octobre 2021, M. A______ et
Mme B______ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

3) Par pli recommandé du 28 octobre 2021, le TAPI a imparti à M. A______ et Mme B______ un délai échéant le 11 novembre 2021 pour procéder au versement d’une avance de frais de CHF 700.-, sous peine d’irrecevabilité de leur recours.

4) Selon les données du « suivi des envois » de la Poste, ce pli a été distribué à M. A______ et Mme B______ le 1er novembre 2021.

5) L’avance de frais n’a pas été effectuée dans le délai imparti.

6) Par jugement du 14 décembre 2021, le TAPI a déclaré le recours irrecevable pour défaut de paiement de l’avance de frais dans le délai imparti.

7) Par acte déposé le 13 janvier 2022, M. A______ et Mme B______ ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils ont conclu à l’annulation de ce jugement et au renvoi de la cause à l’autorité précédente afin qu’elle statue à nouveau.

Par erreur, M. A______ avait maladroitement agrafé un récépissé de la somme de CHF 700.-, montant dont il s’était acquitté le 27 octobre 2021 auprès des Services industriels de Genève (ci-après : SIG) au courrier du TAPI du 28 octobre 2021. Sa fiduciaire avait omis de vérifier s’il s’était bien acquitté de l’avance de frais, de sorte qu’il n’avait pas contrôlé le récépissé, pensant de bonne foi qu’il avait effectué le paiement. Au vu des chances de succès élevées du recours, les conséquences de l’absence de paiement de l’avance de frais étaient disproportionnées. La confusion du bulletin de versement des SIG avec celui du TAPI pour l’avance de frais était un événement extraordinaire et imprévisible puisque les sommes dues étaient les mêmes. Sa situation constituait ainsi un cas de force majeure.

8) Par réponse du 17 janvier 2022, l’administration fiscale cantonale a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise. Le non-paiement de l’avance de frais ne constituait pas un cas de « force majeure », au sens de la jurisprudence.

9) Par réplique du 25 mars 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions, ajoutant que son mandataire fiscal n’avait pas versé l’avance de frais lui-même – ce qu’il aurait dû faire – et lui avait fait parvenir un bulletin de versement indiquant un faux montant de CHF 500.-, au lieu de CHF 700.-.

10) La cause a été gardée à juger le 28 mars 2022, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse l'irrecevabilité pour défaut de paiement de l’avance de frais du recours formé devant le TAPI.

a. En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

b. Aux termes de l'art. 16 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé ; les cas de force majeure sont réservés (al. 1) ; le délai imparti par l'autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (al. 2) ; la restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement a cessé (al. 3).

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à une faute de l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 et ATA/916/2015 précités consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013 ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, ad art. 133, n. 14 et 15 p. 1283).

A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à une restitution de délai le fait qu'un détenu, qui disposait d'un délai de recours de trois jours, n'ait pu expédier son recours dans ce délai, du fait qu'il ne pouvait le poster lui-même et qu'en outre ce pli avait été soumis à la censure de l'autorité (ATA/515/2009 précité consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s'acquitter d'une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu'il ne restait qu'une semaine au justiciable pour s'exécuter (ATA/477/2009 du
20 septembre 2009 consid. 5).

En revanche, n'ont pas été considérés comme des cas de force majeure une panne du système informatique du mandataire du recourant l'ayant empêché de déposer un acte de recours dans le délai légal (ATA/222/2007 du 8 mai 2007 consid. 3b) ; le fait qu'un avocat ait transmis à son client la demande d'avance de frais par pli simple en prenant le risque que celui-ci ne reçoive pas ce courrier (ATA/596/2009 du 17 novembre 2009 consid. 6) ; la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c) ; le classement erroné par l’avocate des recourants de la demande d’avance de frais dans un dossier des mêmes clients mais relatif à une affaire non contentieuse, la non inscription du délai pour payer au rôle de l'Étude et l’ignorance de la date de réception (ATA/150/2021 du 9 février 2021 consid. 4) ; l’erreur de l’administrateur et avocat de la société qui n’avait pas adressé à temps la demande d’avance de frais à l’actionnaire en charge du compte (ATA/684/2021 du 29 juin 2021 consid. 4f).

Il ressort de la jurisprudence que tant la partie que son mandataire doivent avoir un comportement exempt de toute faute (ATF 119 II 86 consid. 2 ; 
114 II 181 consid. 2). Les principes de la représentation directe déploient tous leurs effets (arrêt du Tribunal fédéral 2C_511/2009 du 18 janvier 2010 consid. 5.3). S'agissant d'aspects aussi fondamentaux que le respect d'un délai unique pour effectuer une avance de frais, il incombe à l'avocat de s'assurer que la communication qu'il adresse à son mandant lui est bien parvenue
(ATF 110 Ib 94 consid. 2).

Selon la jurisprudence, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres ; ce principe vaut également en droit public (arrêts du Tribunal fédéral 2C_577/2013 du 4 février 2014 consid. 6.1 ; 2C_280/2013 du 6 avril 2013).

c. De jurisprudence constante la sanction de l’irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l’avance de frais ne procède pas d’un excès de formalisme ou d’un déni de justice, pour autant que les parties aient été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le versement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 104 I 105 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 263 ss et art. 86 LPA). La gravité des conséquences d’un retard dans le paiement de l’avance sur la situation du recourant n’est pas pertinente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 et les références).

d. En l’espèce, les recourants ne contestent pas avoir omis de verser l’avance de frais dans le délai imparti et n’allèguent pas ne pas avoir été avertis du délai et des conséquences de son inobservation. Ils invoquent uniquement un cas de force majeure qui les aurait empêchés sans leur faute de verser l’avance de frais.

Or, contrairement à ce qu’ils prétendent, la confusion du bulletin de versement des SIG avec celui du TAPI pour l’avance de frais ne saurait constituer un cas de force majeure. En effet, le fait d’avoir confondu des bulletins de versement relève d’une circonstance sur laquelle les recourants avaient entièrement prise. Il ne s’agit nullement d’un événement extraordinaire et imprévisible, survenu en dehors de leur sphère d'influence.

Les recourants ne peuvent pas non plus se prévaloir de l’erreur de leur mandataire, qui, selon la jurisprudence précitée, leur est opposable. Ils admettent, du reste, que ce dernier leur a transmis le bulletin de versement. Or, dans la mesure où ils ne contestent pas avoir reçu le pli recommandé comportant l’invitation à s’acquitter de l’avance de frais dans le délai échéant au 29 novembre 2021, force est de retenir qu’ils avaient tous les éléments utiles en leur possession pour effectuer le paiement dans le délai imparti par l’autorité précédente.

Les recourants ne peuvent ainsi se prévaloir d’un cas de force majeure justifiant la restitution du délai pour payer l’avance de frais. L’avance de frais n’ayant pas été acquittée dans le délai imparti, le TAPI était fondé à déclarer le recours irrecevable. Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

3) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants, pris solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 janvier 2022 par Monsieur A______ et Mme B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ et Mme B______, pris solidairement, un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ et Madame B______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :