Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2088/2021

ATA/1273/2021 du 23.11.2021 sur JTAPI/756/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2088/2021-PE ATA/1273/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 novembre 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Vadim Negrescu, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 juillet 2021 (JTAPI/756/2021)


EN FAIT

1) Par décision du 22 mai 2021 adressée à Monsieur A______, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour avec activité lucrative.

2) Par acte du 14 juin 2021, M. A______ a interjeté recours à l’encontre de cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

3) Par courrier recommandé du 18 juin 2021, le TAPI a imparti à l’intéressé un délai échéant le 19 juillet 2021 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 500.-, sous peine d’irrecevabilité de son recours.

4) Selon le système de suivi des envois de la Poste, le pli a été distribué au conseil de l’intéressé le 21 juin 2021.

5) Par jugement du 27 juillet 2021, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

La demande de paiement de l’avance de frais avait été correctement acheminée par courrier recommandé du 18 juin 2021, à l’adresse du conseil de M. A______, auprès de qui celui-ci avait fait élection de domicile. Elle avait été distribuée le 21 juin 2021 audit conseil. L’avance de frais n’avait pas été effectuée dans le délai imparti et l’intéressé n’avait pas sollicité le bénéfice de l’assistance juridique. Pour le surplus, rien en permettait de retenir que lui ou son conseil aurait été victime d’un empêchement non fautif d’agir en temps utile.

6) Par acte du 14 septembre 2021, M. A______ a interjeté recours contre ledit jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation.

La société B______, qui avait déposé la requête en sa faveur, avait reçu, par pli du 22 mai 2021, une facture de l’OCIRT lui demandant de s’acquitter de CHF 350.- à titre de taxe administrative pour l’instruction de la demande d’autorisation de travail.

Le TAPI avait envoyé sa facture le 18 juin 2021 à son conseil qui la lui avait fait suivre le 21 juin 2021. Le 22 juin 2021, il s’était acquitté de celle de l’OCIRT, pensant payer l’avance de frais du TAPI. Il s’agissait d’une confusion, dans la mesure où il pensait réellement avoir effectué, dans le délai, le paiement demandé par le TAPI. La société avait d’ailleurs confirmé au TAPI, suite à son interpellation, qu’elle était prête à l’engager. Il était en conséquence prouvé que tant lui-même que la société avaient la volonté de poursuivre une activité en commun. L’avance de frais avait finalement été faite le 28 juillet 2021.

Il ne contestait pas ne pas s’être acquitté de l’avance de frais dans le délai imparti. Ceci était toutefois dû à une confusion, dans le cadre des nombreuses démarches nécessaires pour l’obtention de son permis.

7) L’OCIRT a conclu au rejet du recours. Les montants des factures étaient différents, soit CHF 350.- pour l’OCIRT et CHF 500.- pour le TAPI. Les destinataires n’étaient pas les mêmes, soit DEE OME pour l’OCIRT et PJ – CCRA pour le TAPI. Enfin, le recourant était représenté par un conseil qui connaissait les conséquences du non-paiement de l’avance de frais dans le délai.

8) Dans sa réplique, le recourant a relevé sa grande diligence puisqu’il s’était acquitté de la facture le lendemain de la réception de la lettre de son conseil. Ni lui-même, ni son conseil, n’étaient aptes à faire la différence dans les acronymes DEE OME et PJ – CCRA qui ne faisaient référence ni au TAPI ni à l’OCIRT. Cependant, toutes deux mentionnaient le nom du recourant et de l’OCIRT. De plus, dans les deux cas, le bénéficiaire était l’État. La confusion était compréhensible. Le TAPI avait fait preuve de formalisme excessif.

9) Sur ce, les parties ont été informées le 5 novembre 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile et auprès de la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 11 et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé du jugement d’irrecevabilité prononcé par le TAPI pour non-paiement de l’avance de frais dans le délai imparti.

3) Le recourant se plaint de formalisme excessif.

a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a et les références citées).

b. En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable
(al. 2).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c ; ATA/881/2010 du 14 décembre 2010 consid. 4a).

c. La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.), le principe de l’interdiction du déni de justice formel qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_254/2016 du 9 mai 2016 consid. 5.2). L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.1 ; ATA/49/2017 du 24 janvier 2017). Ainsi en va-t-il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2014 du 8 mai 2014 consid. 4.1 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 261 n. 2.2.4.6 et les références citées).

De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2 ; ATA/564/2012 du 21 août 2012).

De jurisprudence constante, la sanction de l’irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l’avance de frais ne procède pas d’un excès de formalisme ou d’un déni de justice, pour autant que les parties aient été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le versement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 précité consid. 3.1 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, op.cit., n. 1’002 ad art. 86 LPA).

d. En l’espèce, dès lors que le recourant ne conteste ni avoir été dûment averti du montant à verser, du délai imparti pour le versement, du caractère suffisant de celui-ci pour s’acquitter de l’avance de frais (art. 86 al. 1 LPA), ni avoir été dûment averti des conséquences attachées au non-paiement de l'avance de frais dans le délai, ni enfin avoir versé l'avance de frais après l'échéance dudit délai, le grief de formalisme excessif doit être rejeté.

e Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/158/2020 du 11 février 2020 ; ATA/38/2020 du 14 janvier 2020 ; ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b et les références citées).

f. Aux termes de l'art. 16 al. 1 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé ; les cas de force majeure sont réservés.

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée), partant de son représentant.

Le Tribunal fédéral a récemment confirmé l’application stricte, dans la jurisprudence genevoise, de l'art. 86 al. 2 LPA et des conséquences légales d'un non-paiement de l'avance de frais dans le délai imparti (arrêt du Tribunal fédéral 1C_339/2020 du 20 octobre 2020 consid. 2.4 et les références citées).

g. En l'espèce, les deux factures concernées, aux montants distincts, indiquaient clairement l’expéditeur, soit respectivement le TAPI et l’OCIRT et la cause du paiement sollicité, soit le recours du 14 juin 2021, respectivement la taxe administrative pour l’instruction du dossier d’autorisation. Le recourant ne peut non plus tirer argument du fait que, dans les deux cas, l’État de Genève serait créancier, dès lors qu’il appartient au débiteur de l'avance de frais de s'assurer que la somme correcte a bien été créditée sur le compte de l'autorité concernée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_719/2014 du 26 novembre 2014 consid. 4.2 et les références citées ; ATA/1247/2020 du 8 décembre 2020). La confusion alléguée par le recourant ne remplit en conséquence pas les conditions très strictes du cas de force majeure dès lors qu’elle lui est imputable.

En tous points infondé le recours sera rejeté.

4) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui voit son recours rejeté (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 juillet 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Vadim Negrescu, avocat du recourant, à l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.