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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2663/2020

ATA/976/2020 du 30.09.2020 sur JTAPI/750/2020 ( MC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2663/2020-MC ATA/976/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 septembre 2020

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Magali Buser, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
7 septembre 2020 (JTAPI/750/2020)


EN FAIT

1) Monsieur A______, née le ______ 1986, est originaire du Nigéria.

2) Le 22 août 2011, M. A______ a déposé une demande d'asile en Suisse.

3) Le 15 novembre 2012, M. A______ a été refoulé en Suisse en provenance d'Allemagne.

4) Le 10 septembre 2013, l'autorité compétente, aujourd'hui le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), a rendu une décision de non-entrée en matière sur la demande d'asile du 22 août 2011 et prononcé le renvoi de Suisse de M. A______.

5) Le 1er avril 2014, le SEM a prononcé une décision d'interdiction d'entrée en Suisse contre M. A______, valable jusqu'au 31 mars 2018.

6) Le 31 mars 2016, M. A______ a déposé une nouvelle demande d'asile.

Le 4 mai 2016, le SEM a rendu une décision de non-entrée en matière, et a à nouveau prononcé le renvoi de M. A______ de Suisse.

7) Dans le cadre de procédures Dublin, M. A______ a été refoulé de Suisse vers l'Italie le 24 juin 2017.

8) Revenu en Suisse, M. A______ a à nouveau été refoulé vers l'Italie le
23 octobre 2017.

9) Le 14 mai 2018, le SEM a notifié à M. A______ une décision du 9 avril 2018 lui faisant interdiction d'entrer en Suisse jusqu'au 8 avril 2021.

10) Le casier judiciaire de M. A______ indique qu'il est originaire de Gambie (à tort), et qu'il a fait l'objet de huit condamnations pénales en Suisse depuis le
13 octobre 2011, dont les trois dernières ont été prononcées à Genève.

Le 13 octobre 2011, M. A______ a été condamné par le Ministère public argovien pour entrée illégale (art. 115 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20).

Le 6 décembre 2011, il a été condamné par le Ministère public de Bâle-Ville pour opposition aux actes de l'autorité (art. 286 du code pénal suisse du
21 décembre 1937 - CP - RS 311.0).

Le 24 avril 2012, il a été condamné par le Ministère public de Bâle-Ville pour opposition aux actes de l'autorité (art. 286 CP), infraction d'importance mineure (art. 172ter CP) et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI).

Le 15 août 2013, il a été condamné par le Ministère public de Bâle-Ville pour non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI).

Le 23 mars 2016, il a été condamné par le Ministère public de Thurgovie pour entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI).

Le 7 septembre 2017, il a été condamné par le Ministère public genevois pour opposition aux actes de l'autorité (art. 186 CP) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. a LEI).

Le 16 février 2018, il a été condamné par le Ministère public genevois pour entrée illégale et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. a LEI).

Par jugement du 5 décembre 2018, le Tribunal correctionnel de Genève a reconnu M. A______ coupable notamment d'infractions à l'art. 19 al. 1 let. b et d et al. 2 let. a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), l'a condamné à une peine privative de liberté de trois ans, et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans en application de l'art. 66a al. 1 CP. Ce jugement est entré en force.

11) Le 4 juin 2020, la police genevoise a sollicité de swissREPAT l'inscription de M. A______ sur un vol spécial à destination du Nigéria.

12) Le 12 juin 2020, l'office cantonal de la population et des migrations
(ci-après : OCPM) a notifié à M. A______ une décision de non-report d'expulsion judiciaire, déclarée exécutoire nonobstant recours, par laquelle la police était chargée de procéder à l'expulsion de M. A______ dans les meilleurs délais. M. A______ a été aussitôt pris en charge par la police en vue de son refoulement de Suisse.

13) Le 12 juin 2020, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six semaines sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 LEI, en vue de son refoulement au Nigéria.

14) Par jugement du 16 juin 2020, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pour la durée de six semaines, soit jusqu'au 23 juillet 2020 inclus.

15) Par arrêt du 3 août 2020, la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours de M. A______ contre le jugement.

16) Par arrêt 2C_634/2020 du 3 septembre 2020, le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt précité et ordonné la libération immédiate de M. A______.

Selon les considérants de l'arrêt, reçus le 7 septembre 2020, l'exécution forcée du renvoi vers le pays concerné ne pouvait être qualifiée de possible dans un délai prévisible, et donc de réalisable, que si l'autorité ou le juge disposaient d'indications suffisamment concrètes permettant de retenir qu'il existait au moins une chance sérieuse d'y procéder, même si celle-ci s'avérait mince. Ces indications étaient en particulier fournies par le SEM. À défaut, il fallait admettre qu'il n'y avait pas de perspectives sérieuses d'exécution du renvoi et le détenu devait être libéré. La vague possibilité que l'obstacle au renvoi pourrait être levé dans un avenir prévisible ne suffisait pas à justifier le maintien en détention.

En l'espèce, l'indication que des vols à destination du Nigéria devraient reprendre avant octobre 2020 demeurait trop vague. L'évolution relativement favorable de la pandémie ne permettait pas de conclure que l'espace aérien nigérian serait rouvert aux vols internationaux dans un délai raisonnable.

Il n'était pas d'emblée exclu que les faits nouveaux rapportés dans ses écritures par le SEM, s'ils venaient à être confirmés, pourraient justifier la détention du recourant en vue de renvoi, dans une nouvelle procédure.

17) Le 3 septembre 2020, à sa sortie de l'établissement de détention, M. A______ a été remis en mains de la police, et à 21h45, le commissaire de police a prononcé à son encontre une interdiction de quitter le territoire de la commune de Vernier, tel que délimité par le plan annexé à la décision, pour une durée de douze mois, en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI.

M. A______ n'avait aucune intention d'obtempérer aux décisions de renvoi et d'expulsion et de retourner au Nigéria. Il mettait tout en oeuvre pour se soustraire à ces décisions. L'assignation à résidence permettrait de mettre en oeuvre le refoulement et avait également pour but de protéger l'ordre et la sécurité publics en éloignant M. A______ des lieux notoirement connus en matière d'actes répréhensibles et de prévenir ainsi la commission d'infractions par ses soins, la durée de douze mois tenant compte du temps que nécessiteraient les démarches restant à effectuer en vue de son refoulement.

M. A______ devait se présenter une fois par semaine à la police, au « vieil hôtel de police » dans le quartier de la Jonction (ci-après : VHP), pour attester sa présence. Des exceptions assortissaient la mesure pour permettre ce déplacement hebdomadaire ainsi que les déplacements au centre administratif du Bouchet, route de Meyrin 49, et dans d'autres lieux, médicaux, administratifs et judiciaires, pour autant qu'il soit porteur d'une convocation écrite ou d'une carte de
rendez-vous.

M. A______, assisté de son conseil, a aussitôt formé opposition devant le commissaire de police.

18) Entendu le 7 septembre 2020 par le TAPI, M. A______ a confirmé son opposition, expliquant qu'il devait se rendre à l'étude de son avocate, boulevard Saint Georges, ou encore chez le médecin s'il tombait malade. Il ne pouvait retirer les CHF 10.- qu'il ne recevait quotidiennement de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) qu'à la poste de Montbrillant.

Le commissaire de police a expliqué qu'il était possible de délivrer des
sauf-conduits pour les rendez-vous chez l'avocate ou chez le médecin et qu'en cas d'urgence M. A______ avait le droit de se rendre dans un centre d'urgence médicale. Le commissaire allait examiner avec l'hospice si le subside pouvait être perçu ailleurs.

Lors de leur audition, les parties ont indiqué ne pas encore avoir reçu les considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral du 3 septembre 2020.

Le commissaire de police a indiqué que l'assignation à la commune de Vernier résultait du fait que c'était au foyer des C______ que l'hospice avait trouvé une place pour loger M. A______. Il n'y avait pas lieu de donner des indications au sujet de l'organisation d'un vol, s'agissant d'une assignation et M. A______ étant libre.

M. A______ a confirmé avoir compris la portée de la mesure d'assignation et conclu à ce qu'elle soit modifiée et élargie à l'ensemble du canton de Genève, et à ce qu'il soit constaté qu'il avait été détenu de manière illicite pendant trois heures le 3 septembre 2020.

Le commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition.

Par courrier du même jour à 11h16, M. A______ a expliqué s'être trompé et conclure en réalité à ce que soit constaté le caractère illicite de sa détention pendant une durée de quatre heures le 3 septembre 2020.

19) Par jugement du 7 septembre 2020, notifié le 9 septembre 2020, le TAPI a rejeté l'opposition formée par M. A______ et a déclaré irrecevable sa conclusion en constatation de l'illicéité de sa détention.

Celui-ci séjournait illégalement en Suisse depuis plus de neuf ans et avait fait l'objet de plusieurs condamnations, notamment pour trafic de drogue. Il constituait ainsi une menace pour l'ordre et la sécurité suffisante pour justifier une assignation à résidence visant à l'éloigner du centre-ville de Genève, lieu notoire du trafic de stupéfiants selon la jurisprudence.

La mesure était apte à atteindre le but, soit de pouvoir contrôler le lieu de séjour et s'assurer de la disponibilité de M. A______ pour préparer son renvoi, celui-ci ayant déclaré et montré par son comportement qu'il entendait se soustraire à cette décision, étant revenu à plusieurs reprises en Suisse par le passé après avoir été refoulé. Il n'était pas impossible que des faits nouveaux permettent à l'avenir d'envisager l'exécution du renvoi et justifient alors une détention à ces fins. Il n'était toutefois question pour l'instant que d'une assignation à résidence, qui constituait une simple restriction à la liberté personnelle, et le seuil pour ordonner une telle mesure n'avait pas été placé très haut.

La commune de Vernier disposait notamment de parcs, d'installations sportives, de centres commerciaux, de pharmacies, de transports publics, d'un service social, d'un centre d'hébergement destiné aux migrants et bénéficiant de sa propre équipe sociale, d'un lieu distribuant une aide alimentaire aux familles précaires, d'un centre médical, d'une offre culturelle et de bibliothèques. Son territoire s'étendait sur 768 hectares. M. A______ y jouirait d'une liberté de mouvement totale. La durée de l'assignation était longue, mais demeurait admissible compte tenu du comportement de M. A______, condamné pénalement à plusieurs reprises et qui avait toujours fait fi des décisions de renvoi et d'interdiction d'entrée en Suisse, ainsi que des difficultés auxquelles les autorités étaient confrontées pour l'exécution de son refoulement. Des exceptions assortissaient la mesure. Celle-ci respectait le principe de proportionnalité.

Les conclusions en constatation du caractère illicite de la détention de M. A______ étaient exorbitantes de l'objet du litige, et celui-ci devait le cas échéant agir en responsabilité de l'État devant le Tribunal civil de première instance.

20) Par acte remis à la poste le 21 septembre 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu'il lui soit fait interdiction de quitter le territoire de la République et canton de Genève pour une durée de six mois, et que l'illégalité de sa détention par la police durant quatre heures le 3 septembre 2020 soit constatée. Préalablement, lui-même, son avocate et Mme B______ devaient être entendus.

Le choix d'un foyer à Vernier était aléatoire et résultait des disponibilités. Il ne pouvait donc être fondé sur la volonté d'éloigner le recourant des lieux du trafic de drogue. À cela s'ajoutait que la commune de Vernier était lourdement touchée par le trafic de stupéfiants, selon des données fournies par la police lors d'une conférence de presse annuelle du 25 mars 2019. La mesure n'était donc pas apte à atteindre son but. Le recourant pourrait être retrouvé partout dans le canton lorsque l'expulsion deviendrait possible. L'assignation à une seule commune apparaissait disproportionnée.

L'obligation de s'annoncer chaque semaine à VHP obligeait le recourant à violer son assignation territoriale.

La durée de la mesure, de douze mois, était étonnante, la décision querellée mentionnant les informations du commissaire de police selon lesquelles plusieurs compagnies aériennes avaient programmé la reprise de leurs vols à destination du Nigéria, dès le 28 août 2020 pour Ethiopian Airlines, dès le 3 septembre 2020 pour Turkish Airlines et dès le 20 octobre 2020 pour Air France. L'expulsion pouvant être organisée plus rapidement que dans un délai d'un an, la durée apparaissait disproportionnée.

Les conditions au prononcé d'une rétention au sens de l'art. 73 LEI n'étaient pas remplies, ni celle d'une détention administrative au sens des art. 75 s. LEI. Il était choquant que le juge de la détention en matière de police des étrangers se déclare incompétent pour constater les licéités de la détention du recourant le
3 septembre 2020, entre 17h23 et 21h30 ; il n'avait pas été informé des raisons qui motivaient sa détention dans les cellules du VHP ; il n'avait pu s'entretenir avec son conseil, ni appeler une personne de confiance ou encore un mandataire, et aucun procès-verbal n'avait été rédigé. Il avait finalement été accompagné par la police, à sa sortie du vieil hôtel de police à 22h08, pour aller au foyer C______.

La détention avait pour but de pouvoir lui notifier la décision objet du recours et entretenait donc un lien direct avec celle-ci, de sorte qu'il appartenait au TAPI de constater son illicéité.

21) Le 25 septembre 2020, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Ce n'était qu'à 17h23 le 3 septembre 2020 que le Tribunal fédéral avait adressé par télécopie aux parties le dispositif de son arrêt ordonnant la mise en liberté immédiate du recourant. La décision avait pris les parties par surprise, d'autant que la veille encore l'autorité nigériane de l'aviation civile avait confirmé la reprise des vols internationaux dès le 5 septembre 2020. Une fois les considérants connus, la seule mesure qui restait à disposition pour garantir l'exécution de l'expulsion était l'assignation à résidence. La recherche urgente d'un lieu d'hébergement avait conduit au choix du centre C______ le soir même. Ce n'était ainsi qu'à 21h45 que le recourant s'était vu notifier par le commissaire de police l'interdiction de quitter le territoire de la commune de Vernier.

L'assignation à un lieu de résidence en application de l'art. 74 LEI n'emportait qu'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle. Le choix avait en l'occurrence été dicté par la nécessité. Même si la commune de Vernier connaissait également un trafic de stupéfiants, l'assignation du recourant à son territoire réduisait de toute évidence mieux le risque que s'il était autorisé à circuler dans tout le canton. La durée de la mesure était relative, car elle prendrait fin dès que l'expulsion pourrait être mise en oeuvre.

L'acheminement du recourant à l'hôtel de police était rendue nécessaire par la procédure de mesures de contrainte.

Le 25 septembre également, le commissaire a produit l'échange de courriels établissant que seul le foyer C______ offrait une place pour le recourant.

22) Le 25 septembre 2020, le recourant a répliqué.

Il s'en est rapporté aux développements et conclusions contenus dans son recours.

23) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans un délai de dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 23 septembre 2020 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, la chambre administrative est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (al. 3 1ère phr.).

3) Le litige a pour objet l'étendue territoriale et la durée de l'assignation à résidence prononcée par le commissaire de police et validée par le TAPI, ainsi que la conformité au droit du refus par le TAPI de constater l'illicéité de quatre heures de détention du recourant.

4) Le recourant sollicite préalablement son audition, celle de son avocate et d'un témoin au sujet des circonstances de la notification de l'assignation à résidence.

a. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 3.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/1001/2018 du 25 septembre 2018 consid. 2a) et n'implique pas non plus une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (ATF 140 I 68 consid. 9.6).

b. En l'espèce, vu l'issue sur litige sur la question de la rétention, il n'y a pas lieu de donner suite à la demande d'auditions.

5) a. Aux termes de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée si celui-ci n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics. Cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants. L'art. 6 al. 3 LaLEtr prévoit que l'étranger peut être contraint à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment à la suite d'une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommages à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

b. L'interdiction de pénétrer dans une région déterminée ne constitue pas une mesure équivalant à une privation de liberté au sens de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et n'a donc pas à satisfaire aux conditions du premier alinéa de cette disposition (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, Berne, 2010 ; Andreas ZÜND in Marc SPESCHA/Hanspeter THÜR/Peter BOLZLI, Migrationsrecht, 2ème éd., 2013, ad art. 74, p. 204 n. 1).

Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

d. L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue de la mesure. Selon le Tribunal fédéral, celle-ci doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Ainsi, la mesure ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2 ; ATA/1347/2018 du 13 décembre 2018 consid. 6), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

e. La jurisprudence fédérale admet que la mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prévue à l'art. 74 LEI peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2A.253/2006 du 12 mai 2006 ; 2C_231/2007 du 13 novembre 2007), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, op. cit., p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.

Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c ; ATA/304/2020 du 20 mars 2020 consid. 4b ; ATA/748/2018 du 18 juillet 2018 consid. 4b).

f. La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants, ainsi qu'à maintenir les requérants d'asile éloignés des scènes de la drogue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1). Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue ou des contacts avec des extrémistes suffisent à justifier une telle mesure, de même que la violation grossière des règles tacites de la cohabitation sociale (ATA/607/2013 du 12 septembre 2013 consid. 4 ; ATA/46/2013 du 25 janvier 2013 consid. 3 et les références citées).

6) En l'espèce, le recourant ne conteste pas ne disposer d'aucune autorisation de séjour en Suisse. Il ne conteste pas avoir été condamné à de multiples reprises, la dernière fois pour un trafic de stupéfiants. Il ne conteste pas avoir été expulsé pénalement de Suisse ni être l'objet d'une interdiction d'entrée. Il s'oppose par contre à l'exécution de son renvoi vers le Nigéria.

a. Il est établi, et il ne paraît pas contesté par le recourant, que ses antécédents pénaux et son absence de ressources peuvent faire craindre qu'il ne trouble ou menace à nouveau la sécurité et l'ordre publics, en particulier en se livrant au trafic illégal de stupéfiants.

Le recourant soutient cependant que l'assignation à une commune pour éviter le contact avec le milieu du trafic de stupéfiants est inefficace vu la diffusion de ce dernier sur l'ensemble du canton, et serait partant disproportionnée, faute d'adéquation.

Cette manière de voir ne saurait être suivie. Si le trafic de stupéfiants est certes répandu, il nécessite une grande mobilité de ses protagonistes, en vue de prendre possession de la marchandise, de la transporter, puis de la livrer, voire de modifier régulièrement les lieux de leurs transactions et prospections sur le domaine public. Aussi n'est-il pas déraisonnable de limiter la liberté de mouvement du recourant à une commune déterminée, cette mesure étant à tout le moins de nature à réduire significativement le risque qu'il trouble à nouveau à l'ordre public.

Le fait que la commune de Vernier ait le statut de ville, par son territoire, sa population et son équipement, permet par ailleurs de conclure que l'assignation n'entraîne pas une limitation excessive des contacts sociaux et de l'accès par le recourant à ses besoins courants.

La décision est assortie d'exceptions pour l'accès aux administrations, aux soins, des sauf-conduits peuvent être délivrés pour d'autres déplacements nécessaires, et le subside journalier de l'hospice doit pouvoir être remis dans un centre social de la commune de Vernier.

Le recourant objecte encore qu'il pourrait être retrouvé sur l'ensemble du territoire du canton en vue de l'exécution de son renvoi.

Cet argument ne résiste toutefois pas à l'examen, tant il est vrai que la recherche du recourant sur un territoire plus exigu se révélera le moment venu plus efficace et rapide.

Ainsi, sous l'angle du périmètre, l'assignation à résidence n'apparait-elle pas violer le principe de proportionnalité.

Le grief sera écarté.

b. Le recourant soutient encore que la durée de l'assignation serait disproportionnée, dès lors que des vols pourraient bientôt être à nouveau organisés en direction du Nigéria.

L'assignation à résidence constituant une atteinte légère à la liberté personnelle, des durées de un voire deux ans ont déjà été admises par la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_330/2015 et 2C_828/2017 précités ; ATA/1347/2018 précité).

Le recourant n'expose pas en quoi et ne soutient d'ailleurs pas que le fait de ne pouvoir, sauf exception justifiée, quitter le périmètre de la commune de Vernier durant douze mois l'affecterait particulièrement.

C'est le lieu de relever que le Tribunal fédéral a considéré qu'une interdiction territoriale prononcée contre un petit trafiquant (condamné à quarante jours-amende avec sursis puis deux mois de détention pour vente de haschisch) ne pouvait en tout cas être efficace en-dessous d'une durée de six mois (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2).

Quant à l'argumentation du recourant relative à la possibilité d'organiser prochainement le rapatriement, elle tombe à faux car la survenance de cet événement mettrait en soi fin à l'assignation territoriale.

La durée de l'assignation n'apparaît ainsi pas disproportionnée.

Le grief sera écarté.

7) Le recourant se plaint enfin que le TAPI ait refusé de constater le caractère illicite de sa détention, quatre heures durant, le 3 septembre 2020.

Le recourant soutient que sa conduite et son maintien à l'hôtel de police en vue d'y être entendu en présence de son conseil, de se voir annoncer le prononcé d'une mesure de contrainte, de pouvoir s'exprimer à son sujet puis de se la voir notifier formellement et de pouvoir s'y opposer formellement, constitue une arrestation suivie d'une détention, qui sont illicites.

a. Au chapitre des mesures de contrainte prévues par la LEI (section 5),
l'art. 73 dispose, sous la note marginale « rétention », que les autorités compétentes de la Confédération ou des cantons peuvent procéder à la rétention de personnes dépourvues d'autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement afin de leur notifier une décision relative à leur statut de séjour (al. 1 let. a), d'établir leur identité et leur nationalité, pour autant qu'elles aient l'obligation de collaborer à cet effet (al. l let. 2), étant précisé que la rétention dure le temps nécessaire pour garantir la collaboration de la personne concernée ou pour permettre son interrogatoire et, le cas échéant, son transport et ne peut excéder trois jours (al. 2), la personne devant en outre être informée du motif de sa rétention (al. 3 let. a), avoir la possibilité d'entrer en contact avec les personnes chargées de sa surveillance si elle a besoin d'aide (al. 3 let. b), et s'il est probable que la rétention excède vingt-quatre heures, doit avoir la possibilité de régler ou de faire régler au préalable ses affaires personnelles urgentes (al. 4), l'autorité judiciaire compétente contrôle, a posteriori et sur requête, la légalité de la rétention (al. 5), dont la durée n'est pas comptabilisée dans la durée de la détention en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion, de la détention en phase préparatoire ou de la détention pour insoumission.

b. En l'espèce, le recourant a fait le 3 septembre 2020 l'objet d'une rétention au sens de l'art. 73 LEI, dont il n'est pas contesté qu'elle a eu pour but le choix, la préparation et la notification de la mesure de contrainte prévue à l'art. 74 LEI.

Il s'est plaint au TAPI de l'illicéité de cette rétention, et il appartenait au TAPI, en sa qualité d'autorité compétente saisie d'une telle requête, d'examiner sa légalité, en application de l'art. 73 al. 5 LEI et de l'art. 7 al. 4 let. f LaLEtr.

C'est ainsi à tort que le TAPI s'est déclaré incompétent, de sorte que le recours sera partiellement admis, le ch. 3 du dispositif de son jugement déclarant la requête de contrôle irrecevable annulé, et la cause lui sera renvoyée pour instruction et nouvelle décision sur ce point.

Pour le surplus, le recours sera rejeté et le jugement querellé confirmé.

8) Vu la nature de la cause, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant, qui obtient partiellement gain de cause (art. 87 al. 2 LPA). Le commissaire de police ayant conclu au rejet du recours, l'indemnité sera mise à la charge du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 septembre 2020 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
7 septembre 2020 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 septembre 2020 en ce qu'il déclare irrecevable la conclusion prise par Monsieur A______ visant à ce que soit constatée sa détention illégale durant quatre heures le 3 septembre 2020 ;

confirme le jugement pour le surplus ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali Buser, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :