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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2129/2023

ACPR/235/2024 du 09.04.2024 sur ONMMP/5053/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;USURE(DROIT PÉNAL);ESCROQUERIE;GESTION DÉLOYALE;INSTRUMENTS FINANCIERS DÉRIVÉS
Normes : CPP.310; CPP.194; CPP.319; CP.157; CP.146; CP.158

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2129/2023 ACPR/235/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 21 mars 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, Liban, représenté par Me Marc HENZELIN, avocat,
LALIVE SA, rue de la Mairie 35, case postale 6569, 1211 Genève 6,

recourant,


contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 15 décembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 28 décembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 décembre 2023, notifiée le 18 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte déposée le 27 janvier 2023 contre plusieurs employés de [la banque] B______ SA (ci-après B______ SA) et une filiale de celle-ci, B______ (LEBANON) SAL (ci-après : B______ LEBANON), pour usure, gestion déloyale et escroquerie.

Il conclut, sous suite de frais et dépens, chiffrés à CHF 5'000.-, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction.

b. Le recourant a versé, dans le délai imparti, les sûretés en CHF 2'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, citoyen libanais né en 1966, domicilié dans ce pays, est titulaire d'un baccalauréat en "computer and communication engineering" et d'une maîtrise en "telecommunication engineering" obtenue aux USA en 1991. Il a travaillé dans diverses sociétés, notamment dans ce pays, avant de devenir le directeur général de la société libanaise C______ SA.

b. Le 3 novembre 2010, A______ a ouvert une relation bancaire auprès de la succursale genevoise de B______ SA.

À cette occasion, il a signé avec la banque, entre autres, un contrat cadre pour les opérations de change "over the counter" (OTC) et options de vente et d'achat sur devises et métaux précieux – soumis au droit suisse avec for à Genève –, un document relatif aux connaissances et à l'expérience en rapport avec les instruments financiers et un acte de nantissement général et un formulaire de requête en vue de l'obtention d'une ligne cadre de crédit.

c. Parallèlement, A______ a conclu un contrat de conseil en placements ("Advisory Investement Services") – soumis au droit libanais avec for à D______ [Liban] – avec B______ LEBANON, société à laquelle il a conféré une procuration sur le compte susmentionné.

Ce contrat confirmait qu'il avait les connaissances nécessaires pour investir dans les instruments financiers envisagés et était conscient de leurs risques ("the Client confirms having the necessary knowledge for dealing in the contemplated financial instruments; and having been fully aware of the risks, terms and conditions of such financial instruments" [art. 2.4]).

Son art. 4.1 prévoyait le droit pour B______ LEBANON de facturer ses services au client ("may charge the Client fees for services provided or other remuneration as notified by the Company to the Client from time to time"). L'art. 4.2 mentionnait en outre la possibilité pour cette entité, entre autres, de recevoir et conserver, ou partager avec d'autres sociétés du groupe B______, des rémunérations liées aux transactions opérées au nom du client, sans que dites rémunérations ressortent du relevé de celles-ci, et qu'elles ne lui seraient communiquées que sur demande ("The Company may receive and retain from, and share with its associates, companies of the B______ Group, and other third parties remuneration in respect of transactions effected or investments held on behalf of the Client. Details of any such remuneration will not be set out in the confirmation for the relevant transaction, but will be made available on request. The Company may deal on behalf of the Client with or through an associate or any other company of the B______ Group on their normal terms on an arm's lenght basis and such associate may retain any resulting fees, commission or profits").

d. En mai 2012, A______ a signé un document destiné à permettre à B______ SA d'évaluer ses connaissances en matière de produits financiers (le client étant supposé comprendre les caractéristiques distinctives et les risques sous-jacents importants de la catégorie de produits et/ou des aspects du risque concerné) et son expérience dans le domaine (le client devant avoir réalisé au moins cinq opérations de plus de CHF 10'000.- chacune dans le produit concerné durant les deux précédentes années auprès d'une banque).

Il y a déclaré avoir de l'expérience dans les investissements directs, les fonds, les opérations à terme et produits dérivés, ainsi que dans les risques liés aux opérations de change et aux matières premières. Il avait en revanche seulement des connaissances dans les produits structurés et les OTC, au sujet desquels de la documentation lui a alors été remise.

e. À la même époque, A______ a conféré une procuration sur son compte à E______, directeur administratif et financier de C______ SA, qui, selon B______ SA, avait une grande expérience en matière bancaire et financière et a joué un rôle important dans les décisions d'investissement du prénommé, notamment en confirmant, en octobre 2014, la stratégie adoptée dans la gestion du portefeuille et le profil de risque élevé associé à celle-ci (cf. PP 100'255, 100'260 et 100'262).

f. A______ avait en effet investi ses actifs principalement dans des options et produits structurés OTC "maison", conçus et émis par B______ SA, qui en était contrepartie, et fondé sa stratégie sur un taux de change EUR/CHF maintenu par la BANQUE NATIONALE SUISSE (ci-après BNS) au-dessus du taux plancher de CHF 1.20.

Selon les rapports d'investissements remis par la banque, son portefeuille présentait un solde positif de USD 1'155'360.- à fin 2011, USD 4'025'263.- à fin 2012, USD 4'812'260.- à fin 2013 et USD 4'720'330.- à fin 2014, après avoir culminé à USD 4'999'872.- le 31 août 2014.

g. À teneur des "client notes" postérieures à 2012 prises par la banque, l'attention de A______ a, à plusieurs reprises, été attirée sur les risques associés aux produits structurés dans lesquels il investissait (cf. PP 100'283, 100'285, 100'298 et 100'328). Le 11 septembre 2014, l'augmentation de la volatilité du marché des changes a, en particulier, été discutée (PP 100'255 et 100'267); il en a été de même, en janvier 2013, juillet 2014 et octobre 2014, des risques de concentration des produits (cf. PP 100'320, 100'274 et 100'262), dont il était pleinement conscient (cf. PP 100'323).

h. Le 15 janvier 2015, la BNS a communiqué sa décision d'abandonner le taux plancher EUR/CHF, générant une panique sur les marchés.

i. À cette suite, B______ SA a effectué un appel de marge pour un montant de CHF 7'530'000.-, ce qui a entraîné la liquidation de l'intégralité du portefeuille de A______ et des avoirs en compte pour combler cette marge.

j. Par courrier du 13 février 2015, B______ SA a informé A______ qu'elle mettait un terme à son crédit et l'a mis en demeure de lui verser une somme de EUR 2'783'711.85 plus intérêts.

k. A______ ayant refusé de s'acquitter de ce montant et requis le détail des calculs ayant permis d'aboutir à ce solde, B______ SA l'a assigné en paiement, par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 5 juillet 2016.

Depuis lors, les parties s'opposent devant les juridictions civiles genevoises, en l'état sur le point limité à l'étendue des informations et documents devant être transmis par la banque à A______, ce dernier ayant agi en reddition de compte pour connaître notamment la manière dont le prix des options était fixé, le montant des commissions perçues par B______ SA sur le prix de vente des contrats d'option et les rémunérations qui avaient, cas échéant, été reversées à B______ LEBANON et/ou à des employés des deux entités (C/1______/2016).

Dans ce cadre, le Tribunal fédéral a notamment rendu, le 1er mars 2021, un arrêt dans lequel il a qualifié d'abusive la demande de reddition de compte de A______, en tant qu'elle concernait les documents et informations antérieurs à la liquidation, relatifs à la méthode d'évaluation permettant de valoriser les options (4A_599/2019). Cet arrêt sera repris en tant que de besoin dans la partie "en droit" ci-après.

En l'état, la dernière décision judiciaire dans cette cause est un arrêt de la Cour de justice du 11 novembre 2022 (ACJC/1474/2022), qui a été frappé d'un recours au Tribunal fédéral, où la cause est toujours pendante à ce jour (arrêt à rendre 4A_568/2022).

l. Le 27 janvier 2023, A______ a déposé plainte contre cinq employés de B______ SA (F______, G______, H______, I______ et J______) et deux employés de B______ LEBANON (K______ et L______) dont les agissements, constitutifs selon lui d'usure, gestion déloyale et escroquerie, auraient conduit à l'enrichissement de la banque, respectivement à la diminution de ses propres actifs.

Il avait acquis de B______ SA des produits structurés OTC, composés de plusieurs options "exotiques", dont le prix était calculé et fixé par la banque qui les créait. B______ SA utilisait pour ce faire un système dénommé "M______", qui lui permettait d'ajouter des marges, commissions et autres frais en modifiant les paramètres de calculs de ses produits, étant précisé qu'en tant qu'émettrice, la banque était seule à définir la méthode et les paramètres de valorisation débouchant sur le montant ("premium") que les parties devaient lui verser. C'est ainsi que B______ SA avait fixé de manière opaque les marges qu'elle percevait par rapport aux conditions du marché de gré à gré. À titre d'exemple, l'un des experts, auquel il avait eu recours en décembre 2022, avait recalculé l'ensemble des primes des options exotiques composant chaque produit structuré en se référant aux données fournies par N______ et O______ [services d'information économiques et fournisseurs de données sur les marchés financiers], et avait abouti, sur deux transactions, à la conclusion d'un excédent de prime, par rapport au marché, de l'ordre de CHF 50'000.-, en plus de la prime de CHF 77'533.66 reversée au client (cf. pce 13, chargé plainte, p. 7).

Pour l'inciter à souscrire à ces produits structurés OTC, ou à les liquider de manière anticipée, B______ LEBANON, respectivement son conseiller en placement auprès de cet établissement, K______, avaient affirmé que certains d'entre eux participaient d'une stratégie à coût zéro ("zero premium strategy"), c'est-à-dire que ni le client, ni la banque, ne versait de prime à l'autre lors de l'acquisition du produit, l'achat de l'option étant financé par la vente d'une autre option et le montant des deux "primes" se compensant. Les affirmations de K______ étaient corroborées par le fait que la documentation bancaire qui lui était remise ne mentionnait pas de prime et qu'à aucun moment du processus de souscription, les employés mis en cause – F______, G______ et H______, qui avaient, en qualité de "client advisor" sur son compte à Genève, émis plusieurs confirmations de transactions sur produits structurés OTC; I______, qui était son "relationship manager" auprès de B______ SA lors de l'ouverture du compte; J______ qui, en tant que chef d'équipe, les supervisait; K______ ainsi que L______, qui, en qualité de "managing director", lui avait conseillé à plusieurs reprises des investissements – ne l'avaient informé de l'existence de rétrocessions payées par B______ SA à B______ LEBANON. En effet, comme à chaque liquidation de produit, B______ SA fixait le prix en recourant à son système "M______", la banque pouvait fixer un prix gonflé par rapport au marché de gré à gré et prélever ainsi à son insu de nouvelles commissions et rétrocessions, la succession de liquidation/rachat ayant pour corollaire d'augmenter le montant des primes cachées qu'elle percevait.

Il avait ainsi appris après plus de cinq ans de procédure en reddition de comptes que B______ SA prélevait des commissions exorbitantes à l'émission et au dénouement de chaque produit. Il estimait en effet celles-ci à 26% de la valeur de son portefeuille sur une année, en se référant aux chiffres communiqués par B______ SA, qui avait reconnu avoir versé à B______ LEBANON, en 2014, en lien avec les transactions intervenues, USD 616'996.80, ce qui représentait environ 13% de la valeur totale de son portefeuille. Il semblait par ailleurs qu'une rémunération était prélevée sur ces commissions en faveur de K______, ce qui plaçait celui-ci dans une position de conflit d'intérêts manifeste.

À cela s'ajoutait le fait que, selon l'expert qu'il avait mandaté après l'éclatement du litige avec B______ SA, son portefeuille présentait une trop grande exposition aux produits structurés OTC, lesquels étaient fortement décriés en raison de profits limités pour le client par rapport à des risques élevés. Or, en tant qu'émetteur du produit, B______ SA n'ignorait rien de leur ratio risque/rendement, qu'il était impossible au client de déterminer, puisque la banque se contentait de lui dispenser les informations contenues dans l'accord-cadre OTC et les term-sheets de chaque produit, sans offrir de détail sur les risques concrets liés à ces investissements. Les employés de B______ SA et B______ LEBANON avec lesquels il avait eu affaire ne l'avaient pas non plus informé de ce ratio ni du risque de pertes démesurées qu'il encourait.

Les employés de la banque avaient profité de son inexpérience en matière de produits structurés OTC et du fait que B______ SA était seule à connaître le contenu des paramètres de calcul de son système "M______" pour s'enrichir par la perception de commissions usuraires, qui tombaient sous le coup de l'art. 157 CP.

B______ SA avait profité et abusé de sa position d'émetteur pour le tromper sur la nature et la qualité des produits structurés OTC qui lui avaient été conseillés par le biais de sa filiale. En faisant bénéficier ses employés d'une rémunération supplémentaire sur les transactions ("Relationship Manager mark-up"), elle les avait incités à accumuler ces produits dans son portefeuille. B______ SA avait agi astucieusement, vu l'impossibilité pour lui, faute d'information, de se rendre compte de la tromperie. Il avait ainsi été victime d'escroquerie.

m. Par courrier du 13 avril 2023, le Ministère public a sollicité de A______ une copie de la procédure C/1______/2016, que le Tribunal fédéral, auprès duquel la cause était pendante, lui avait refusée.

n. À cette suite, A______ a remis au Ministère public, le 21 avril 2023, une clé USB contenant l'ensemble des écritures et pièces échangées entre les parties dans le cadre de la procédure civile, de même que les décisions du Tribunal de première instance, de la Cour de justice et du Tribunal fédéral rendues dans cette cause – dont l'arrêt 4A_599/2019 susmentionné –, ce qui représente 22 dossiers et 324 fichiers, d'une taille totale de 493 Mo (517'744'595 octets).

Il a aussi informé le Ministère public avoir déposé au Liban une action judiciaire en paiement de USD 12 millions en invoquant, à titre principal, la nullité des actes passés avec B______ SA et B______ LEBANON et, subsidiairement, la responsabilité contractuelle et/ou civile de ces deux entités.

Par courrier du 20 novembre 2023, il a précisé que cette demande avait été rejetée par jugement du 6 juillet 2023, mais que le délai d'appel n'était pas encore échu.

o. À plusieurs reprises, A______ s'est plaint de l'inaction du Ministère public et l'a sommé d'agir, sous peine du dépôt d'une requête visant la constatation d'un déni de justice.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a relevé que A______ n'avait, jusqu'à l'appel de marge de janvier 2015, jamais émis la moindre contestation ni réserve à propos des opérations exécutées sur la base de ses instructions, ni remis en cause le prix des options que la banque lui décomptait. Ce n'était que dans le cadre de la procédure civile l'opposant à la banque qu'il avait évoqué la question des commissions cachées et des rétrocessions perçues par sa cocontractante. Il apparaissait ainsi que le litige était avant tout de nature civile, et qu'il n'appartenait pas à l'autorité pénale d'intervenir dans celui-ci. Une non-entrée en matière sur la plainte s'imposait donc.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que, dans la mesure où le Ministère public avait sollicité l'entraide du Tribunal fédéral sur la base de l'art. 194 CPP, il ne pouvait plus clore la procédure par une ordonnance de non-entrée en matière, laquelle devait dès lors être annulée. Le fait de ne pas l'avoir interpellé avant de statuer et de ne pas s'être prononcé sur les allégués développés dans sa plainte, violait par ailleurs son droit d'être entendu.

La quasi inaction du Ministère public durant près de 11 mois constituait, de même, un déni de justice.

Sur le fond, il n'avait que des connaissances de base en matière bancaire et ne disposait pas de l'expérience nécessaire pour comprendre le fonctionnement des produits structurés OTC qu'il acquérait et que des commissions seraient prélevées. Ce n'était qu'après l'examen des documents mis à disposition par la banque qu'il avait suspecté l'existence de commissions cachées. La simple existence d'une procédure civile n'excluait pas ipso jure celle d'une infraction pénale et le Ministère public n'avait pas expliqué en quoi l'absence de réalisation des infractions d'usure, escroquerie et gestion déloyale serait manifeste. Compte tenu de son inexpérience et de la proportion des commissions occultes perçues par B______ SA, ainsi que de la démultiplication de celles-ci du fait des opérations de clôtures couplées à de nouvelles opérations d'émission, les éléments constitutifs de l'usure étaient manifestement réunis. En profitant de sa qualité d'émetteur et de contrepartie pour le tromper sur la nature et la qualité des produits structurés OTC conseillés par le biais de B______ LEBANON, et en versant des rétrocessions à sa filiale et à ses employés, la banque avait également probablement incité ceux-ci à investir de façon continue dans ces produits pour permettre à B______ SA d'accumuler des gains. Partant, les éléments constitutifs de la gestion déloyale étaient réalisés. Enfin, étant seule à définir la méthode et les paramètres de son système informatique de valorisation, B______ SA avait astucieusement réalisé un profit inadmissible au détriment de son client, de sorte que les éléments constitutifs de l'escroquerie étaient également réalisés.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             Le recours est recevable, dans la mesure où il a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

3.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir laissé s'écouler près de 11 mois avant de statuer sur sa plainte, ce qui violait le principe de la célérité, et de ne pas l'avoir interpellé préalablement au prononcé de l'ordonnance de non-entrée en matière.

3.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Le terme "immédiatement" indique que l'ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue à réception de la dénonciation, de la plainte ou du rapport de police avant qu'il soit procédé à de plus amples actes d'enquête et qu'une instruction soit ouverte selon l'art. 309 CPP. Le ministère public peut néanmoins procéder à certaines vérifications avant de refuser d'entrer en matière, notamment demander des compléments d'enquête à la police, mais aussi procéder à ses propres constatations, ce qui comprend le droit de consulter les fichiers, dossiers et renseignements disponibles (arrêt du Tribunal fédéral 7B_2/2022 du 24 octobre 2023 consid. 2.1.1).

La décision n'est ainsi soumise à aucun délai, le procureur devant simplement veiller au respect du principe de célérité (art. 5 CPP; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 4 ad art. 310).

3.2. Avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, le ministère public n'a pas à informer les parties ni n'a l'obligation de leur fixer un délai pour présenter d'éventuelles réquisitions de preuve, l'art. 318 CPP n'étant pas applicable dans ce cas. Le droit d'être entendu des parties est en effet assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours, qui leur permet de faire valoir tous leurs griefs auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (cf. art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1096/2018 du 25 janvier 2019 consid. 2.2).

3.3. Le ministère public ne peut plus rendre une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu'il a ouvert une instruction. Si une instruction au sens de l'art. 309 CPP a été ouverte, formellement ou matériellement, il doit la clôturer formellement (art. 318 CPP), puis rendre une ordonnance de classement (art. 319 ss CPP; cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_89/2022 du 2 juin 2022 consid. 2.2).

Toutefois, lorsque le ministère public ordonne une non-entrée en matière au lieu d'un classement, il ne se justifie pas de l'annuler pour ce seul motif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_425/2022 du 15 février 2023 consid. 4.1.1).

3.4. En l'espèce, la plainte déposée fin janvier 2023 par le recourant, qui porte sur un état de fait complexe, était accompagnée d'un volumineux chargé de pièces, dont une partie en anglais. Le recourant a ensuite fait parvenir au Ministère public, à la demande de ce dernier, l'entier des documents résultant de la procédure civile, soit sept ans de procédure représentant plus de 300 fichiers à analyser. Ultérieurement, il a encore précisé que la demande en paiement déposée au Liban sur la base du même complexe de fait que sa plainte avait été rejetée, en précisant que le délai d'appel n'était pas échu. Le Ministère public ne saurait dès lors se voir reprocher une quelconque lenteur, au vu de l'ampleur des documents remis; il était par ailleurs légitimé à patienter dans l'attente que le jugement libanais lui soit communiqué et que des renseignements sur la suite réservée à la procédure lui soient spontanément fournis, dès lors que ces éléments étaient susceptibles d'avoir une incidence sur le sort de la plainte.

Dans ces conditions, et quand bien même le recourant s'est plaint à plusieurs reprises de l'inaction du Ministère public, aucun manque de célérité contraire à l'art. 5 CPP ne saurait être constaté.

La demande de production d'un dossier au sens de l'art. 194 al. 1 CPP est considérée comme un acte d'instruction ne pouvant en principe être exécuté qu'une fois l'instruction ouverte (arrêt du Tribunal fédéral 6B_89/2022 du 2 juin 2022 consid. 2.2). Ainsi que cela ressort de la jurisprudence, le fait qu'une ordonnance de non-entrée en matière, plutôt qu'un classement, ait, à tort, été rendue, ne constitue toutefois pas un motif suffisant d'annulation, ce d'autant moins que le Ministère public a essuyé un refus du Tribunal fédéral, de sorte qu'aucune pièce n'a été versée au dossier par ce biais, qui aurait nécessité une prise de position du recourant.

Le fait que le Ministère public n'a pas invité le recourant à formuler des observations préalablement à sa décision n'a pas non plus d'incidence sur la validité de l'ordonnance entreprise, cette omission ayant pu être réparée dans le cadre de la présente procédure de recours.

Les griefs du recourant à ce propos seront, partant, rejetés.

4. Le recourant reproche au Ministère public d'avoir refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

4.1.1. Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 8 ad art. 310).

L'art. 310 al. 1 let. a CPP doit être appliqué dans le respect de l'adage in dubio pro duriore, qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions de la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de trancher (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_27/2023 du 12 septembre 2023 consid. 3.2).

4.1.2. En l'espèce, la plainte ne permet pas de discerner quels sont les comportements reprochés à quels protagonistes et, partant, de déterminer sous l'angle de quelles infractions ils doivent être appréhendés. La plainte se limite en effet à une description globale des faits, sans détail du rôle de chacun des mis en cause – hormis celui joué éventuellement par K______, qui aurait été le conseiller en placement libanais du recourant – de sorte qu'elle ne permet pas de retenir que les éléments constitutifs des infractions évoquées seraient réalisés, et par qui.

L'on rappellera à cet égard que, pour être valable, la plainte doit exposer de manière détaillée le déroulement des faits sur lesquels elle porte, pour que l'autorité pénale sache pour quel état de fait l'ayant droit demande une poursuite pénale. Elle doit contenir un exposé détaillé des circonstances concrètes, sans qu'il soit nécessaire qu'elles soient absolument complètes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_942/2017 du 5 mars 2018 consid. 1.1).

On ne peut considérer que la plainte satisfasse ces réquisits et l'on ne saurait exiger du Ministère public qu'il mette en œuvre une audition du plaignant à seule fin de lui permettre de compléter ses faits de manière à comprendre quels comportements auraient, le cas échéant, un caractère pénal.

Une non-entrée en matière peut dès lors, sans formalisme excessif, être prononcée pour ce motif déjà.

Cela étant, les conditions de l'art. 310 al. 1 let. a CPP sont de toute façon réalisées.

4.2.1. L'art. 157 CP punit, du chef d'usure, quiconque aura exploité la gêne, la dépendance, l'inexpérience ou la faiblesse de la capacité de jugement d'une personne en se faisant accorder ou promettre par elle, pour elle-même ou un tiers, en échange d'une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le plan économique.

4.2.1.1. L'infraction s'inscrit dans le contexte d'un contrat onéreux et consiste à obtenir ou se faire promettre, en exploitant la faiblesse de l'autre partie, une contreprestation disproportionnée (ATF 130 IV 106 consid. 7.2).

Il y a inexpérience au sens de cette disposition lorsque la personne lésée ne connaît pas, de manière générale, le domaine d'activité concerné. Une inexpérience relative au contrat en cause, lorsque le lésé ne connaît pas les circonstances pertinentes du cas concret, ne suffit donc pas (ATF 130 IV 106 consid. 7.3; arrêt du Tribunal fédéral 6P_37/2007 du 24 août 2007 consid. 7.4; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 17 ad art. 157). Il n'est par ailleurs pas possible pour une personne de se retrancher derrière son inexpérience lorsque le caractère risqué et spéculatif d'une opération lui a été clairement expliqué (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, n. 21 ad art. 157). Néanmoins, selon le Tribunal fédéral, dans le cas de transactions commerciales difficiles, il faut moins se baser sur une expérience "moyenne" que sur un manque d'information de la personne lésée, typique du type de transaction (arrêt du Tribunal fédéral 6P_37/2007 du 24 août 2007 consid. 7.4). L'inexpérience ne doit alors être niée que si le lésé a été informé des particularités des opérations en cause au point de pouvoir comprendre dans les grandes lignes les risques spécifiques qui y sont liés et le modèle commercial appliqué (arrêts du Tribunal fédéral 6P_37/2007 du 24 août 2007 consid. 7.4 et 6P_26/2006 du 18 octobre 2006 consid. 5).

4.2.1.2. Pour qu'il y ait usure, il faut par ailleurs que l'avantage pécuniaire obtenu soit en disproportion évidente, sur le plan économique, avec la prestation fournie ou promise en échange. Le rapport entre la prestation et la contre-prestation se calcule normalement d'après le prix ou la rémunération usuels dans le commerce pour des crédits, des choses ou des services de ce genre, si tant qu'ils existent (ATF 82 IV 145 consid. 2). La loi et la jurisprudence ne fournissent pas de limite précise pour déterminer à partir de quand le déséquilibre entre les prestations est usuraire. Les critères à prendre en considération, parmi lesquels celui des risques encourus, rendent difficile une évaluation en chiffres. La disproportion doit toutefois excéder sensiblement les limites de ce qui apparaît usuel et normal au regard de l'ensemble des circonstances et s'imposer comme telle à toute personne avertie. Dans la doctrine, une limite de l'ordre de 20 % est évoquée pour les domaines réglementés; pour les autres domaines, il y a usure, dans tous les cas, dès 35 % (ATF 92 IV 132 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_27/2009 du 29 septembre 2009 consid. 1.2; B. CORBOZ, op.cit. n. 37-38 ad 157).

4.2.1.3. Dans l'arrêt 6P_26/2006 précité, concernant des clients possédant des connaissances profanes dans le maniement d'instruments financiers traditionnels (placements à terme, actions et obligations), mais aucune dans celui des instruments financiers dérivés (contrats à terme et options), pour lesquels les commissions prélevées étaient comprises entre 32% et 63% des investissements, le Tribunal fédéral a admis l'inexpérience, au motif que, bien qu'informés dans les grandes lignes des risques liés au commerce d'instruments financiers dérivés et, en particulier, de la possibilité d'une perte totale, ils n'avaient pas été informés des rapports économiques des opérations sur produits dérivés et n'avaient pas non plus reçu les bases qui leur auraient permis, en les étudiant eux-mêmes, de reconnaître le mode de calcul des commissions et les chances de gain pratiquement inexistantes (arrêt du Tribunal fédéral 6P_26/2006 du 18 octobre 2006 consid. 5).

Dans l'affaire objet de l'arrêt 6P_37/2007 du 24 août 2007, portant sur des opérations sur options pour lesquelles l'intermédiaire avait facturé des commissions tout d'abord de 3/8èmes, puis de 2/5èmes de la prime nette d'option, correspondant à 27.3% et 28.6% du montant versé par le client, le Tribunal fédéral a également admis l'inexpérience. En effet, des commissions d'un tel montant réduisaient considérablement les perspectives de gain des clients inexpérimentés en matière d'opérations sur options; or, les informations qui leur avaient été fournies – lesquelles portaient notamment sur le montant des commissions – ne leur permettaient pas d'évaluer cet impact sur leurs chances de gain et de se rendre compte que celles-ci étaient en réalité extrêmement faibles (consid. 7.5).

Le Tribunal fédéral a, de même, confirmé qu'il y avait disproportion manifeste entre les prestations des clients et celles de l'intermédiaire, en présence de commissions s'élevant entre 0,5 % et 9 % de la valeur de base des actions, représentant, par opération d'option, 25 à 61 % de la prime (prix d'achat des options), ce qui rendait impossibles les chances pratiques de gain des investisseurs (arrêt du Tribunal fédéral 6B_10/2009 du 6 octobre 2009 consid. 3.9).

4.2.2. En l'espèce, le recourant soutient n'avoir que des connaissances de base en matière bancaire. Le Tribunal fédéral s'est toutefois montré d'une opinion contraire, dans l'arrêt 4A_599/2019 du 1er mars 2021 le concernant, en retenant que l'intéressé, "qui investissait des montants très importants, était manifestement un homme d'affaires avisé disposant de bonnes connaissances sur les instruments financiers sophistiqués en jeu" (cf. consid. 7.1.2). Le recourant était par ailleurs à l'évidence entouré de conseillers financiers indépendants de la banque, à l'instar de E______, lequel suivait avec attention la gestion opérée et a confirmé, en dernier lieu en octobre 2014, malgré les mises en garde de la banque, la stratégie adoptée. Outre la documentation transmise par la banque, le recourant était enfin parfaitement informé du fait qu'il n'existait aucun prix du marché pour les options OTC dans lesquelles il investissait et que celui-ci était fixé par sa cocontractante, soit B______ SA, en fonction de divers paramètres qu'elle seule maîtrisait. Or, "pendant la période en cause, il n'a jamais contesté l'exécution des ordres qu'il donnait à la banque, ni remis en cause le prix des options OTC qu'elle décomptait. En particulier, il n'a jamais requis de sa cocontractante la communication des modèles d'évaluation des options et les détails des calculs des premiums" (arrêt du Tribunal fédéral 4A_599/2019 du 1er mars 2021 consid. 7.1.1).

Le prélèvement d'une marge et de commissions, en matière d'achat et de vente d'instruments financiers, est par ailleurs en soi usuel (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_547/2012 consid. 4.1 et 4.2), de sorte que le recourant ne peut être suivi lorsqu'il prétend qu'il n'avait pas l'expérience pour comprendre que des commissions cachées seraient prélevées en sus, ce d'autant moins que le contrat signé avec B______ LEBANON mentionnait expressément leur existence.

Dans ces conditions, le recourant ne saurait se retrancher derrière son inexpérience alléguée, et tenter ainsi de contourner le refus du Tribunal fédéral de contraindre la banque à lui fournir les documents et informations antérieurs à la liquidation, au motif que sa demande était disproportionnée et chicanière (arrêt du Tribunal fédéral 4A_599/2019 du 1er mars 2021 consid. 7.1.1).

Les commissions reversées à B______ LEBANON n'ont par ailleurs pas excédé 13% de la valeur totale du portefeuille – ce qu'il soutient lui-même –, ce qui est bien en deçà de la proportion arrêtée par la doctrine et la jurisprudence pour qu'un cas d'usure au sens de l'art. 157 CP puisse être envisagé. L'existence d'une marge cachée de 13%, venant s'ajouter à celle de B______ LEBANON, au profit de B______ SA n'est, à cet égard, comme l'a qualifié le Tribunal fédéral "qu'une simple hypothèse" de la part du recourant (cf. arrêt 4A_599/2019 du 1er mars 2021 consid. 7.1.1), qui ne repose sur aucun élément concret. L'on ne saurait à cet égard se référer aux primes des options exotiques composant chaque produit structuré pour conclure que la banque se serait "servie" de manière excessive au passage, les risques liés à un investissement direct dans le sous-jacent étant différents de ceux résultant de l'acquisition du produit structuré composé de ce même sous-jacent.

À cela s'ajoute que, jusqu'à l'abandon du taux plancher par la BNS, les investissements du recourant se sont révélés profitables, puisque la valeur de son portefeuille a connu une hausse constante. Il ne saurait dès lors prétendre que le prélèvement des commissions rendait ses chances de gain pratiquement inexistantes. Sa situation n'est dès lors en rien comparable à celle des cas cités sous chiffre 4.2.1.3 supra, dans lesquels une disproportion manifeste des prestations a été reconnue.

Il s'ensuit qu'il n'existe pas de soupçon suffisant de la réalisation des éléments constitutifs de l'infraction d'usure, de sorte qu'une non-entrée en matière sur la plainte sur ce point était en toute hypothèse fondée.

4.3. L'art. 146 CP réprime le comportement de quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne et l’aura de la sorte déterminée à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.

4.3.1. Par tromperie, il faut entendre tout comportement destiné à faire naître chez autrui une représentation erronée des faits (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2; 135 IV 76 consid. 5.1).

4.3.2. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas; encore faut-il qu'elle soit astucieuse. Tel est le cas lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 143 IV 302 consid. 1.3; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2). L'astuce n'est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2).

4.3.3. En l'espèce, le recourant estime que B______ SA, étant seule à définir la méthode et les paramètres de son système informatique de valorisation débouchant sur le montant des primes, a astucieusement réalisé un profit inadmissible, à son détriment.

Ce faisant, le recourant ne décrit pas d'édifice de mensonges, de manœuvres frauduleuses, de mise en scène susceptibles de faire penser que la condition de l'astuce pourrait être réalisée. Le fait que B______ SA était seule à maîtriser les paramètres de calcul des produits qu'elle lui vendait était connu de lui et le recourant ne prétend pas avoir jamais posé de questions à ce sujet.

L'existence de commissions était en outre mentionnée dans la documentation contractuelle qu'il avait signée, avec la précision que leur montant n'apparaîtrait pas dans les décomptes, mais lui serait communiqué sur demande. L'on ne voit à cet égard pas une exception à cette règle, s'agissant des produits à stratégie "zero premiums", et que l'on puisse déduire de l'existence d'une compensation des primes en résultant l'absence de commissions en faveur des intervenants. Le recourant ne prétend à cet égard pas que ses interlocuteurs lui auraient menti en lui affirmant le contraire ou l'auraient incité à renoncer à de quelconques vérifications. Compte tenu de ses compétences et de celles de son entourage, tout soupçon d'astuce doit dès lors être nié.

Cela suffit à exclure l'ouverture d'une instruction visant l'infraction d'escroquerie, l'ordonnance querellée étant également fondée sur ce point.

4.4. Se rend coupable de gestion déloyale au sens de l'art. 158 ch. 1 CP quiconque, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, porte atteinte à ces intérêts ou permet qu'ils soient lésés.

Sur le plan objectif, l'infraction de gestion déloyale au sens de l'art. 158 ch. 1 CP suppose un devoir de gestion ou de sauvegarde, la violation d'une obligation inhérente à cette qualité et qu'il en résulte un dommage. L'infraction est intentionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_412/2016 du 10 février 2017 consid. 2.1).

4.4.1. Selon la jurisprudence, seul peut avoir une position de gérant celui qui dispose d'une indépendance et d'un pouvoir de disposition suffisamment autonome sur tout ou partie de la fortune d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise, par exemple. Ce pouvoir peut se manifester tant extérieurement par la passation d'actes juridiques que par la défense, sur le plan interne, d'intérêts patrimoniaux ou par des actes matériels, (ATF 129 IV 124 consid. 3.1; 123 IV 17 consid. 3b; 120 IV 190 consid. 2b).

Le gérant de fortune constitue un exemple type de gérant au sens de l'art. 158 CP (ATF 120 IV 190 consid. 2b p. 193; arrêt du Tribunal fédéral 6B_967/2013 du 21 février 2014 consid. 3.1). En revanche, des employés de banque n'endossant qu'un devoir formel de vérification de bons de paiement ne revêtent pas cette qualité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1035/2014 du 25 janvier 2016 consid. 3.2).

4.4.2. Le comportement délictueux visé à l'art. 158 CP n'est pas décrit par le texte légal. Il consiste à violer les devoirs inhérents à la qualité de gérant. Le gérant sera ainsi punissable s'il transgresse, par action ou par omission, les obligations spécifiques qui lui incombent en vertu de son devoir de gérer et de protéger les intérêts pécuniaires d'une tierce personne. Savoir s'il y a violation de telles obligations implique de déterminer, au préalable et pour chaque situation particulière, le contenu spécifique des devoirs incombant au gérant. Ces devoirs s'examinent au regard des dispositions légales et contractuelles applicables, des éventuels statuts, règlements internes, décisions de l'assemblée générale, buts de la société et usages spécifiques de la branche (arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.3.1, 6B_845/2014 du 16 mars 2015 consid. 3.2, 6B_233/2013 du 3 juin 2013 consid. 3.2 et 6B_446/2010 du 14 octobre 2010, consid. 8.4.1).

4.4.3. En Suisse, sont applicables à la gestion de fortune les règles du mandat, en particulier les obligations de diligence et de fidélité (art. 398 al. 2 CO ; cf.
ATF 124 III 155 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_967/2013 précité consid. 3.2.1).

Il en résulte que les conseillers ou intermédiaires en investissement qui sont spécialisés dans le négoce en bourse de produits dérivés sont soumis, à côté d'un devoir d'information, à un devoir de conseil et de mise en garde. Dans ce cadre, ils doivent notamment informer le client sur toutes les pertes importantes survenues, sur les risques de conflits d'intérêts ou sur des changements de politique dans les placements, de même que si l'importance de la rémunération est telle qu'elle influe sur le résultat de la gestion. Le fait, pour un gérant de fortune, de taire les prestations qu'il perçoit de la banque dépositaire, est donc considéré comme étant constitutif de gestion déloyale au sens de l'art. 158 CP, parce que le client, faute de l'information nécessaire, n'est pas en mesure de réclamer au gérant la restitution à laquelle il peut prétendre et subi, de ce fait, un dommage par la non-augmentation de son actif. Le Tribunal fédéral a par ailleurs jugé qu'une convention attribuant toutes rétrocessions éventuelles au gérant n'était valable qu'en cas d'information suffisante du mandant, notamment au sujet des paramètres des engagements de rétrocession concédés par des tiers, ainsi que l'ordre de grandeur de ces futures ristournes, l'adéquation de l'information étant fonction du degré de connaissance du mandant, l'indication d'un pourcentage de la fortune gérée étant en tout état suffisante (ATF 144 IV 294 consid. 3; 138 III 755 consid. 6.3; 137 III 393 consid. 2; 124 III 155 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_967/2013 précité consid. 3.2.1).

Le devoir de fidélité oblige par ailleurs le mandataire à s'abstenir de toute démarche qui pourrait nuire aux intérêts de son mandant. Le gérant ne peut donc pas entreprendre des placements inutiles dans le seul but de débiter à ce dernier des commissions pour les transactions effectuées, notamment effectuer des mouvements dans le portefeuille du client qui ne se justifient nullement au vu des intérêts de celui-ci, mais qui ont pour unique but de fonder des commissions, ce que la pratique qualifie de churning ou barattage. Un tel procédé, qui porte gravement atteinte aux intérêts du client, tombe sous le coup de l'art. 158 CP (ATF 142 IV 346 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_967/2013 précité consid. 3.2.1).

4.4.4. Dans le cas présent, la plainte déposée par le recourant, même si elle évoquait l'art. 158 CP, ne contenait aucun développement sur les conditions d'application de cette disposition. Le Ministère public n'a pas davantage examiné les faits dénoncés sous cet angle, au vu de la motivation de sa décision. Dans son recours, A______ fait valoir que B______ SA a profité et abusé de sa position d'émetteur et de contrepartie pour le tromper sur la nature et la qualité des produits qui lui étaient conseillés par le biais de B______ LEBANON, ce qui lui avait permis, de même qu'à cette dernière et à leurs employés, de prélever des commissions et rétrocessions cachées à son détriment. Quant à B______ LEBANON et à ses employés, ces rétrocessions les avaient probablement poussés à l'inciter à investir dans ces produits, malgré le conflit d'intérêts existant.

Quand bien même les relations contractuelles entre B______ SA et le recourant comportent des éléments de mandat, il n'apparaît pas que cette banque, ou un quelconque de ses employés, ait été chargé de la gestion des fonds déposés sur le compte. Faute pour la précitée de revêtir une position de gérante au sens décrit sous chiffre 4.4.1. supra, l'existence de soupçons de la commission d'actes tombant sous le coup de l'art. 158 CP doit être niée.

En ce qui concerne B______ LEBANON et ses employés, la question de savoir si l'un ou l'autre de leurs actes pourrait contrevenir aux obligations telles que rappelées sous chiffre 4.4.3. supra peut demeurer ouverte. Le contrat de conseil en placements signé en novembre 2010 est en effet soumis au droit libanais, de sorte que l'on ne saurait se référer sans autre à la jurisprudence rendue en Suisse pour déterminer si une violation de leurs devoirs pourrait leur être reprochée. À cet égard, force est de constater que le recourant ne mentionne aucune disposition contractuelle ou de droit libanais susceptible d'entrer en considération. Force est également de constater que l'intéressé a été débouté de toutes ses prétentions civiles à l'encontre de B______ SA et B______ LEBANON par les juridictions de ce pays. S'il s'est abstenu de transmettre leur jugement au Ministère public, il est donc probable que la raison réside dans le fait que la responsabilité contractuelle de ces entités a été exclue de manière convaincante.

Dans ces circonstances, c'est à juste titre que le Ministère public a considéré que les éléments constitutifs de l'infraction de gestion déloyale n'étaient manifestement pas réunis, le litige entre les parties étant de nature purement civile.

5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 2'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés en totalité à CHF 2'500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son avocat, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

 

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

 

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/2129/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

2'415.00

Total

CHF

2'500.00