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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15626/2022

ACPR/641/2023 du 16.08.2023 sur OTMC/1982/2023 ( TMC ) , REJETE

Descripteurs : PROLONGATION;SOUPÇON;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15626/2022 ACPR/641/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 16 août 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocat,

recourant

contre l'ordonnance rendue le 6 juillet 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés

 


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 17 juillet 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 6 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après; TMC) a prolongé les mesures de substitution en vigueur (cf. infra B.n) à son encontre jusqu’au 12 janvier 2024.

Le recourant conclut à l'annulation de cette décision et à la modification des mesures de substitution visées sous let. b et c par d'autres, qu'il propose.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        À teneur du rapport d'arrestation du 5 mai 2022, C______, née en 2000, s'était présentée, la veille avec des amis, au poste de police afin de déposer plainte contre A______. Il l'avait abordée, le 8 février 2022, sur le Pont de D______; ils avaient discuté puis couché ensemble. Ils avaient eu une relation amoureuse et passionnelle, bien que tumultueuse, jusqu'au 3 mai 2022.
Rapidement, elle avait constaté qu'il était instable et dangereux.

b.        Le 5 mai 2022, A______ a été mis en prévention pour lésions corporelles, contrainte et dommages à la propriété pour avoir:

-          le 26 avril 2022, alors que C______ conduisait, donné une gifle et un coup de poing dans la mâchoire à cette dernière, puis claqué la portière côté passager tellement fort que la vitre s'était brisée, et, ensuite, jeté [le téléphone mobile] E______/1______ [marque, modèle] de l'intéressée dans le Rhône ;

-          le 28 avril 2022, détruit ledit véhicule [appartenant à la mère de l'intéressée, G______];

-          régulièrement harcelé téléphoniquement C______;

-          le 29 avril 2022, mordu cette dernière alors qu'ils prenaient un bain;

-          le 3 mai 2022, alors que C______ avait décidé de s'éloigner de lui, sonné à de multiples reprises à la porte et tapé fort contre la porte, de telle sorte qu'une intervention d'un serrurier a été nécessaire pour la réparer, puis, alors que la précitée avait rejoint son véhicule dans le garage, après s'être dissimulé, frappé à la vitre du véhicule.

c.         À l'issue de l'audience, le Procureur l'a remis en liberté avec des mesures de substitution, ordonnées le lendemain par le TMC, dont en particulier l'interdiction de se rendre au domicile de C______ à D______ [GE], ainsi qu'au bar H______ et l'interdiction de quelque contact que ce soit avec C______, jusqu'à décision contraire du Procureur.

d.        Par ordonnance du 12 mai 2022, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de C______. Cette dernière avait sollicité, par courrier du 6 mai 2022, une mesure de protection urgente expliquant que son compagnon avait profité de la fortune qu'elle avait héritée de son père et qu'elle avait été victime, de la part de A______, de violences et menaces; elle avait déposé plainte auprès de la police.

e.         À l'audience du 16 juin 2022, C______ a déclaré ne pas vouloir participer à la procédure en qualité de partie plaignante, revenant sur ses déclarations à la police et déclarant avoir été influencée par les personnes qui l'avaient accompagnée. Elle avait également été contrainte par des membres de sa famille de demander une curatelle. Elle n'avait pas revu le prévenu depuis le dépôt de sa plainte mais souhaitait le revoir; elle était enceinte. Elle a demandé la suspension de la procédure.

Le prévenu a, par contre, admis avoir revu plusieurs fois C______. Leur relation était saine; ils avaient des problèmes de couple; pour le reste, il s'agissait d'exagérations.

Le Procureur a suspendu la procédure pour 6 mois (art. 55a CP) et ordonné à A______ de suivre un programme de prévention de la violence et de poursuivre le traitement psychothérapeutique afin de traiter son trouble obsessionnel, entrepris depuis le 6 mai 2022.

f.         À teneur du rapport d'interpellation du 24 juillet 2022, la police a été appelée, la veille, par G______, inquiète pour sa fille qui avait eu un conflit avec A______. Les policiers avaient frappé à la porte du domicile, sans réponse, mais avaient reçu des messages provenant du téléphone portable de A______, précisant qu'il se trouvait au [festival] I______, qu'une caméra les filmait et qu'il était avec sa compagne. Lorsque le serrurier avait posé sa perceuse sur la serrure, A______ avait ouvert la porte. C______, présente, était visiblement choquée et avait pleuré. A______ se trouvait dans un état de colère extrême. Au poste de police, il n'avait cessé de vociférer, hurler, frapper violemment contre les murs et le mobilier ainsi que la porte de la cellule. Une prise en charge hospitalière avec évaluation psychiatrique avait été ordonnée.

C______, couverte d'hématomes, a déclaré que A______ l'avait frappée et mordue; il avait tenté de la frapper au ventre, alors qu'elle était enceinte de onze semaines. Très peu loquace et mutique, elle semblait en état de choc; elle souhaitait aller à l'hôpital.

À l'hôpital, un médecin a déclaré aux policiers que le 30 avril 2022, A______ avait dérobé une blouse médicale afin de s'introduire dans le bâtiment et aller frapper C______ dans sa chambre.

g.        Le 25 juillet 2022, le Procureur a prévenu A______ de lésions corporelles (art. 123 ch. 1 et 2 al. 1 et 6 CP) et d'injures (art. 177 al. 1 CP) pour avoir, à Genève, dans le cadre conjugal, au domicile commun, sis rue 2______ no. ______, à D______ :

o   le 23 juillet 2022, frappé à plusieurs reprises C______, en l'empoignant et en lui donnant plusieurs coups de poing sur la poitrine et le ventre, alors qu'elle était enceinte de 11 semaines, lui disant qu'il allait la faire avorter, ainsi que mordue à deux reprises les deux bras, lui causant de la sorte diverses lésions ;

o   dans les circonstances précitées, injurié cette dernière, en la traitant à plusieurs reprises de "pétasse" et "salope", l'atteignant de la sorte dans son honneur.

h.        À teneur du constat du 20 juin 2023 du CURML, ordonné le 23 juillet 2022, C______, présentait, le 24 juillet 2022, les lésions traumatiques suivantes: des dermabrasions au niveau du visage (nez; région infra-orbitaire droite), de l'épaule gauche, du bras gauche, de l'avant-bras droit, du poignet gauche, de la jambe droite et du pied droit; une abrasion de la muqueuse de la lèvre supérieure, à droite (visage); des dermabrasions et des ecchymoses au niveau du cou (région antéro-latérale gauche); des ecchymoses au niveau du visage (front; paupière supérieure droite; région infra-orbitaire droite; joue gauche; muqueuse des lèvres supérieure et inférieure à droite), du dos, des bras, des cuisses, des genoux et de la jambe gauche; des ecchymoses arciformes voire circulaires au niveau de l'oreille droite, de la joue gauche, des bras et de l'avant-bras droit; quelques pétéchies au niveau de la peau du visage bilatéralement (régions infra-orbitaires et de l'oreille droite) et des érythèmes du cuir chevelu (région occipitale médiane). Ces traumatismes étaient compatibles avec les faits rapportés par l'expertisée soit: des traumatismes contondants; des coups de poing; une manœuvre de strangulation manuelle; des morsures humaines.

Elle présentait également des ecchymoses jaunâtres ou avec un halo jaunâtre au pourtour, au niveau du bras gauche, de l'avant-bras gauche, de la cuisse gauche et de la jambe gauche, évoquant des traumatismes antérieurs aux faits.

i.          Le 26 juillet 2022, le TMC a ordonné la mise en détention provisoire de A______, laquelle a été ensuite régulièrement prolongée jusqu'au 23 janvier 2023.

j.          Le 19 septembre 2022, le Procureur a prévenu A______ de tentative de meurtre (art. 22 et 111 CP) et de contrainte sexuelle (art. 189 CP) pour avoir en 2022, à trois reprises, étranglé C______, dont une jusqu'à la perte de connaissance et, à une date indéterminée en 2022, mis de force la main dans la culotte et les doigts dans le vagin de C______ alors qu'elle avait clairement exprimé son refus.

C______, qui a déclaré vouloir participer à la procédure comme partie plaignante au pénal et au civil, a notamment expliqué avoir retiré sa plainte, le 12 mai 2022, parce que A______ le lui avait demandé et qu'elle n'avait pas eu d'autre choix, de peur que ce dernier lui fasse du mal ainsi qu'à d'autres personnes.

k.        Par courrier du 7 octobre 2022, les HUG ont dénoncé A______ pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 CP).

Le 30 avril 2022, A______, ami d'une patiente qui se trouvait aux urgences, s'était présenté dans ce service, avec un comportement dénigrant et menaçant et avait refusé de quitter les lieux, jusqu'à l'appel de la police. Il était ensuite revenu, portant une tenue de médecin; s'était enfermé dans une pièce du service avec la patiente, laquelle était sortie en courant pour s'enfuir. Il s'était mis à courir dans le service au milieu des patients; avait donné un coup dans le ventre d'une collaboratrice et dans une bousculade, tentant de fuir, arraché des bouts d'ongles à un médecin. Il avait ensuite essayé de mordre et de frapper des soignants et blessé l'un d'eux au pouce. Lorsque la police était intervenue, il s'était montré très familier en banalisant la gravité de la situation.

l.          Le 13 octobre 2022, le Procureur a prévenu A______ d'injure et de dommages à la propriété au préjudice de J______.

m.      Dans leur rapport du 19 décembre 2022, les experts psychiatres ont retenu que A______ souffrait d'un mode d'utilisation nocif d'alcool et de cannabis. Ils n'ont pas retenu de diagnostic de trouble de la personnalité, mais relevé l'existence de traits de personnalité dysfonctionnels tels que l'immaturité, un manque de maitrise de soi dans certains moments de frustration, le recours à la manipulation parfois ainsi que des aspects narcissiques.

L'évaluation du risque de violence de l'expertisé mettait en évidence l'existence de nombreux facteurs de risques comme ses antécédents judiciaires, les caractéristiques de sa personnalité, son usage de substances, sa difficulté à se soumettre durablement à des mesures, son introspection et sa remise en question limitées. L'expertisé présentait un risque de violence générale évalué comme moyen et qui pourrait concerner tout individu, mais ce risque était plus important dans un contexte conjugal ou de relation affective (risque élevé).

Un suivi centré sur la violence permettrait à l'expertisé de travailler sur ses représentations en matière de violence, notamment dans le couple, et sur des stratégies alternatives à la violence en cas de conflit ou de frustration. Une réinsertion socio-professionnelle, par le biais d'une formation ou de projet d'emploi, constituerait une mesure intéressante pour la gestion de la récidive.

n.        Le 13 janvier 2023, le Procureur a remis A______ en liberté et par ordonnance du 16 janvier 2023, le TMC a ordonné les mesures de substitution suivantes, jusqu’au 12 juillet 2023:

a.      obligation de déférer à toute convocation du pouvoir judiciaire,

b.      obligation de se loger au domicile de ses parents, à K______ [GE],

c.       interdiction de se rendre dans les lieux suivants : [dans la commune] de D______ et en particulier les allées et logements sis no. ______ rue 3______ (domicile de A______), no. ______ rue 2______ (domicile de C______), no. _______ rue 4______ (domicile de J______), au L______ de D______, no. ______ rue 5______, et/ou M______, no. ______ rue 6______, et dans tout autre bar, restaurant ou lieu public à D______, jusqu'à décision contraire du Procureur,

d.      obligation d'avoir un travail ou une activité régulière, étant précisé qu'une attestation en ce sens devrait être fournie au Service de probation et d'insertion (ci-après; SPI),

e.       interdiction de tout contact, de quelque forme que ce soit, avec C______, G______ et J______ jusqu'à décision contraire du Procureur,

f.        obligation d'entreprendre, au rythme et conditions fixés par le thérapeute, un traitement psychothérapeutique, par exemple auprès [du centre de psychothérapie] N______,

g.      obligation de se soumettre à un contrôle biologique régulier de l'abstinence s'agissant de la consommation d'alcool et de drogue,

h.      obligation de produire en mains du SPI, chaque mois, un certificat attestant de la régularité du suivi thérapeutique,

i.        obligation de se présenter au SPI [ ] d'ici au lundi 16 janvier 2023, à 12h00,

j.        obligation de suivre les règles ordonnées par le SPI dans le cadre du suivi des mesures de substitution.

o.        Lors de l'audience du 27 juin 2023, la Dre O______, médecin psychiatre qui suit C______ depuis juin 2021, s'est exprimée notamment sur les conséquences du comportement du prévenu sur la santé psychique de la précitée et sur l'emprise qu'il avait sur elle, la pression qu'il lui avait mise afin qu'elle interrompe ses séances de psychothérapie et qu'elle retire sa plainte.

p.        A______ a déclaré, lors de l'audience du 10 février 2023, avoir un emploi à 50% chez P______ et chercher un emploi supplémentaire. Il avait beaucoup de dettes dont le loyer de D______. À la remarque du Procureur qu'il pourrait résilier le bail, il a répondu "je pourrais vivre au Pérou également".

Lors de l'audience du 27 juin 2023, il a déclaré avoir quitté P______, après un mois, faute de motivation; travaillé depuis le 15 mai 2023, sur appel, chez Q______, avec des horaires et un salaire variables. Il recevait "une demi-pension" de l'Hospice général, et n'avait plus d'aide pour son logement de D______; il pensait qu'il sortirait du barème à réception de son premier salaire. Il avait conservé son appartement [situé dans la commune de] D______ grâce au soutien de ses parents et d'un emprunt.

q.        Dans son rapport du 14 mars 2023 – le seul à teneur du dossier –, le SPI mentionne que le prévenu avait assisté aux entretiens fixés et s'était présenté aux consultations de prise en charge thérapeutique avec contrôles d'abstinence à l'alcool. L'intéressé avait élu domicile chez ses parents et refusait de céder l'appartement qu'il louait à D______. Il affirmait respecter l'interdiction de se rendre à D______ mais se disait affecté par cette décision. Début mars 2023, il avait annoncé avoir été licencié de son emploi chez P______; il n'a pas produit la preuve de son renvoi; il se disait très actif dans le milieu du bénévolat, à nouveau sans transmettre de preuves.

r.         Son casier judiciaire suisse comporte trois condamnations, entre 2018 et 2021, pour opposition aux actes de l'autorité, lésions corporelles simples aggravées (art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 2 CP), injure, délit contre la LArm et infractions à la LCR.

C.            Dans l'ordonnance querellée, le TMC estime que les charges sont suffisantes pour que soient prolongées les mesures de substitution. Ces charges reposaient sur les aveux partiels du prévenu, les déclarations des parties plaignantes, le constat de lésions traumatiques ainsi que les déclarations de la Dre O______; elles ne s'étaient pas amoindries depuis sa dernière ordonnance.

L'instruction se poursuivait, le Ministère public devant encore entendre le prévenu à la suite du témoignage de la Dre O______ laquelle corroborait les déclarations de C______. Le risque de collusion était toujours tangible, vis-à-vis de cette dernière et de J______, vu leurs déclarations contradictoires. En particulier, il convenait impérativement d'éviter que le prévenu n'entre en contact avec C______ compte tenu de l'emprise psychologique qu'il avait sur elle, étant rappelé qu'elle avait retiré une première plainte, et considérant la fragilité de la victime actuellement sous curatelle. Il n'avait pas respecté les mesures de substitution lors de la première mise en liberté mais avait récidivé.

Il importait dès lors que le prévenu ne puisse pas se rendre dans les lieux habituellement fréquentés par C______. Au vu de l'importance du risque de collusion, la demande du prévenu de pouvoir réintégrer son logement à D______ et de pouvoir fréquenter son club de boxe à D______, ce qui impliquait qu'il fréquente quotidiennement certaines rues du quartier, était prématurée. Si l'obligation du prévenu de résider à K______ restreignait sa liberté personnelle, cela ne l'empêchait pas de faire du sport, y compris gratuitement, ni même de retrouver son coach pour faire de la boxe ailleurs qu'au club.

Le risque de réitération demeurait par ailleurs concret, au vu des divers épisodes de violence évoqués et des trois antécédents judiciaires de violence du prévenu, ainsi qu'en raison de sa consommation nocive de stupéfiants et d'alcool. Ce risque était confirmé par les résultats de l'expertise.

D.            a. À l'appui de son recours, A______ considère que les risques de collusion et de réitération étaient de plus en plus réduits et pouvaient être palliés par des mesures de substitution moins contraignantes.

Il fait grief au Ministère public et au TMC de s'être bornés à retenir qu'un risque de collusion tangible persistait à l'égard des parties plaignantes, quand bien même elles avaient toutes été entendues et confrontées. Il avait reconnu avoir entretenu une relation emprunte de violence avec C______ et avait, au fil de la procédure, admis une majorité des faits reprochés. On imaginait mal qu'il tente aujourd'hui d'exercer la moindre influence sur la plaignante. Il n'avait jamais cherché à reprendre contact avec elle depuis sa remise en liberté ni avec J______.

S'il avait certes des antécédents judiciaires de violence, il avait, depuis sa période de détention provisoire, entamé un important processus de prise de conscience. Il avait progressivement assumé sa part de responsabilité dans les actes qui lui étaient reprochés, qu'il avait admis en partie. Il avait fait état de regrets et présenté ses excuses. De plus, alors même qu'il ne présentait aucun trouble psychique pathologique et qu'aucune mesure thérapeutique à proprement parler n'avait été préconisée, il avait entamé un suivi thérapeutique centré sur la gestion de la violence, cette prise de conscience et ce suivi étant des facteurs permettant de réévaluer le risque de récidive à la baisse. De plus, il s'était efforcé de reprendre en main sa vie professionnelle. Après un essai chez P______, il avait trouvé un emploi de durée déterminée chez Q______. Ces diverses démarches de réinsertion professionnelle démontraient son envie d'avancer et de se responsabiliser.

L'obligation de se loger au domicile de ses parents à K______ et l'interdiction de se rendre dans la [commune de] D______ (son lieu de vie et son centre social) restreignaient drastiquement sa liberté personnelle, depuis plus de six mois. Cela l'avait contraint à contracter des emprunts afin de ne pas perdre le bail de son appartement, l'Hospice général refusant de supporter le loyer d'un logement dans lequel il ne résidait plus.

En outre, il n'avait pas l'autorisation de fréquenter son club de boxe [se situant à] D______, avec lequel il avait été actif dans le milieu associatif et sportif, et où il pouvait se rendre sans avoir à payer un abonnement, grâce à ses liens avec le coach. Or, les experts psychiatriques avaient relevé l'importance de son lien avec son coach, qui semble être un soutien important dans son quotidien. En outre, depuis sa remise en liberté, il avait pris près de 30 kg. La reprise de cette activité sportive et bénévole lui était absolument nécessaire, afin de maintenir son hygiène de vie ainsi que le lien social.

Il considère que l'interdiction de se rendre dans la [commune de] D______ était disproportionnée. Il propose d'adapter la délimitation de la zone interdite, en lui permettant d'accéder à ces deux adresses, par un chemin défini (qu'il décrit) et dans un périmètre circonscrit, évitant tout passage proche du logement de C______.

b. Le TMC maintient son ordonnance sans autres observations.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il était nécessaire de maintenir le prévenu éloigné du domicile de C______.

Le prévenu avait adopté une attitude d'opposition face aux mesures de substitution; persistait à vouloir modifier les mesures de substitutions en sa faveur, "de tourner rapidement la page de la procédure" et de réinvestir [la commune ] D______ comme centre de vie; avait continué à payer le loyer de son logement, sans pour autant en avoir les moyens; avait cessé toute activité sportive – alors qu'il y avait d'autres clubs de boxe en ville de Genève et en particulier à K______ – laissant entendre qu'il ne reprendrait la boxe qu'au M______ de la rue 6______. Les cheminements proposés afin de se rendre au Club de boxe et à son domicile illustraient cette absence de prise de conscience et cette volonté de reprendre le contrôle de la situation en dépit des interdictions qui lui étaient faites.

Le Ministère public rappelle que le prévenu n'avait pas respecté les premières mesures de substitution qui lui faisaient interdiction de tout contact avec C______, il avait fini par la croiser (lui-même admettait qu'il était très difficile de ne pas la croiser compte tenu de la proximité de leur centre de vie), s'était rendu chez elle, puis il avait récidivé, se montrant toujours plus violent, ce qui avait nécessité son incarcération. À noter qu'au moment de son interpellation il se trouvait chez C______ et que celle-ci était enceinte.

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222, 237 al. 4 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne consacre pas une ligne à l’existence de charges suffisantes contre lui, sauf à dire avoir reconnu avoir entretenu une relation emprunte de violence avec la plaignante et avoir, au fil de la procédure, admis une majorité des faits reprochés. Il n’y a donc pas à examiner ce point (art. 385 al. 1 let. a CPP).

3.             Le recourant conteste les risques de collusion et de réitération.

3.1. Selon l'art. 221 al. 1 let. b CPP, applicable aux mesures de substitution par renvoi de l'art. 237 al. 4 CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves.

Pour retenir l'existence d'un risque de collusion au sens de l'art. 221 al. 1 let. b CPP, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 ; 132 I 21 consid. 3.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_687/2021 du 11 janvier 2022 consid. 4.1).

3.2. Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 146 IV 326 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_668/2021 du 4 janvier 2022 consid. 4.1). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1).

3.3. En l'espèce, le recourant fait déjà l'objet d'une précédente condamnation pour lésions corporelles simples aggravées. Il est par ailleurs prévenu, notamment, de tentative de meurtre son ex-compagne, laquelle était enceinte.

Il convient, en outre, de constater que le recourant témoigne d'une absence de prise de conscience de la gravité des faits qui lui sont reprochés par sa persistance à vouloir réinvestir D______ comme centre de vie, à continuer à payer le loyer de son logement, sans en avoir les moyens, cessant toute activité sportive et laissant entendre qu'il ne reprendrait la boxe qu'au M______ de la rue 6______, alors que la victime vit dans le même quartier.

Le prévenu allègue une prise de conscience entamée lors de sa détention provisoire. Or, c'est peu après avoir été mis en liberté qu'il a récidivé et les actes qui lui sont reprochés sont d'une gravité plus grande. S'il assume une "part de responsabilité", il n'hésite pas à en reporter une partie sur son ex-compagne. En outre, il est capable de colère et de violence telles qu'il ne semble pas que la thérapie entamée – à supposer qu'elle soit encore régulièrement suivie – soit suffisante à réduire le risque de nouveaux débordements. De plus, l'intéressé ne fait pas montre, contrairement à ce qu'il soutient, d'une réelle prise en main de sa vie professionnelle au point de réduire le risque de récidive. Il avait cessé son emploi chez P______, par manque d'engouement; et n'aurait qu'un emploi de durée déterminée et sur appel chez Q______, au sujet duquel aucun document n'a été produit et dont on ignore s'il est encore d'actualité.

Il existe donc un risque concret de réitération.

Le risque de collusion est également concret dans la mesure où le prévenu a déjà fait pression sur la victime pour qu'elle retire sa plainte, et pour ce faire n'a pas hésité à se rendre aux urgences des HUG et y dérober des tenues de médecins pour pénétrer dans la chambre de la jeune femme. Le prévenu, qui n'a pas admis l'entier des faits reprochés, pourrait à nouveau tenter d'influencer celle-ci.

4.             Le recourant se plaint d'une violation du principe de la proportionnalité.

4.1.       Pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction d'un droit fondamental doit être apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), et il faut que ceux-ci ne puissent pas être obtenus par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts) (ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; ATF 143 I 403 consid. 5.6.3).

En vertu du principe de proportionnalité ancré à l'art. 36 al. 3 Cst., l'autorité doit tenter autant que possible de substituer à la détention toute autre mesure moins incisive propre à atteindre le même résultat (ATF 133 I 270 consid. 2.2). Le Code de procédure pénale le prévoit expressément à l'art. 237, en énumérant, de manière non exhaustive (cf. ATF 142 IV 367 consid. 2.1), certaines mesures de substitution, notamment l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (let. c) ou l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (let. g). Une interdiction de travailler est également abordée en doctrine, par exemple lorsque l'infraction reprochée est en lien avec la place de travail ou avec la profession du prévenu (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 14c ad art. 237).

Conformément à l'art. 237 al. 5 CPP, le tribunal peut en tout temps révoquer les mesures de substitution, en ordonner d'autres ou prononcer la détention provisoire si des faits nouveaux l'exigent ou si le prévenu ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées. Le tribunal compétent dispose dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, comme cela ressort de la formulation potestative de la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1B_485/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3.1).

4.2. S'agissant de l'atteinte aux intérêts du recourant engendrée par les mesures de substitution critiquées, on ne voit pas qu'elle soit plus intense aujourd'hui que lors du prononcé des allègements auxquels le recourant a lui-même souscrit. Certes, le loyer de l'appartement à D______ représente un surcoût pour le recourant, mais il pourrait résilier le bail ou solliciter de le sous-louer. Les désagréments liés au fait qu'il ne peut pas se rendre à sa salle de sport [situé dans la commune de] D______ apparaissent dérisoires dans la mesure où il pourrait se rendre ailleurs pour s'entraîner. Enfin, il n'avait pas respecté l'interdiction de se rendre à D______ et de s'abstenir de tout contact avec la plaignante lors de sa première mise en liberté avec des mesures de substitution.

À cette aune, une nouvelle prolongation des mesures de substitution d'une durée de six mois n'apparait donc pas disproportionnée, celle-ci s'avérant toujours nécessaire au vu des risques concrets de collusion et de réitération qui perdurent.

5.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

6.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

6.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue (arrêts du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1 ; 1B_300/2019 du 24 juin 2019 consid. 4 ; 1B_164/2017 du 15 août 2017 consid. 2 ; 1B_488/2016 du 24 janvier 2017 consid. 2 ; 6B_705/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2 ; 1B_272/2012 du 31 mai 2012 consid. 6.2 ; 1B_705/2011 du 9 mai 2012 consid. 2.3.2). La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 précité consid. 5.1).

6.2.       En l'occurrence, le recours est le premier à être dirigé contre les mesures de substitution de sorte que l'on peut admettre qu'il ne procède pas d'un abus. L’indemnité du défenseur d’office sera cependant fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

7.             N’obtenant pas gain de cause, le recourant supportera les frais de la procédure de recours fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6, qui rappellent que l'autorité de deuxième instance est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de recours, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de l’instance, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président ; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges ; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

P/15626/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00