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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20088/2022

ACPR/372/2023 du 22.05.2023 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ
Normes : CPP.382; CPP.385

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20088/2022 ACPR/372/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 22 mai 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par MStéphane GRODECKI, avocat, rue Général-Dufour 15, case postale 5556, 1211 Genève 11,

recourante,

contre l’ordonnance rendue le 17 février 2023 par le Ministère public,

et

LA CAISSE DE COMPENSATION B______ ainsi que LA FONDATION C______, ayant leur siège ______, comparant par Me Pierre VUILLE, avocat, rue des Alpes 15, case postale 1592, 1211 Genève 1,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 28 mars 2023, A______, prévenue, recourt contre l’ordonnance portant la date du 17 février précédent, communiquée par pli simple – que la recourante dit avoir reçu le 20 mars suivant –, à teneur de laquelle le Ministère public a admis la qualité de partie plaignante de la CAISSE DE COMPENSATION B______ (ci-après : CAISSE B______) et de la FONDATION C______ (ci-après : C______).

Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de cette décision, le statut de demanderesse au pénal des deux assureurs sociaux précités devant être circonscrit à l’infraction à l’art. 87 LAVS et celui de demanderesse au civil, leur être refusé "pour toute la procédure".

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d’écritures ni débats.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. En automne 2022, CAISSE B______ et C______ ont déposé une plainte pénale contre les administrateurs d’une société anonyme ayant son siège à Genève, parmi lesquels A______.

En substance, elles leur reprochaient d’avoir omis de verser, en leur faveur, les cotisations sociales prélevées sur les salaires d’employés de cette société et de les avoir utilisées à d’autres fins. Ce faisant, les mis en cause avaient violé les dispositions pénales des lois sur les assurances : vieillesse et survivants (art. 87 LAVS; RS 831.10), invalidité (art. 70 LAI; RS 831.20), chômage (art. 6 LACI; RS 837.0) et maternité (art. 17 al. 1 LAMat; RS GE J 5 07). Ils avaient aussi contrevenu à l’art. 76 al. 3 LPP [recte : art. 76 al. 1 let. c LPP; RS 831.40].

Elles se constituaient "partie[s] civile[s]", leur dommage consistant dans le montant des cotisations impayées.

b.a. Par pli du 5 septembre 2022, le Ministère public a sollicité de A______ qu’elle se détermine, par écrit, sur ces faits, ajoutant qu’une procédure préliminaire était ouverte contre elle.

b.b. Sous la plume de son défenseur privé, la prénommée a contesté la qualité de partie plaignante de CAISSE B______ et C______.

C. Dans sa décision déférée, le Procureur a considéré que ces deux assureurs sociaux revêtaient le statut querellé, en application de l’art. 79 al. 3 LPGA (RS 830.1).

D. À l’appui de son recours – qui ne comporte aucun développement sur son intérêt juridiquement protégé à contester l’ordonnance attaquée –, A______ soutient que le Ministère public a méconnu la portée de l’art. 79 al. 3 LPGA; en effet, cette norme n’autorisait les assureurs sociaux à se constituer parties plaignantes qu'en lien avec les infractions aux art. 87 LAVS et 148a CP (obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale). De plus, selon la jurisprudence cantonale et la doctrine, leur participation était uniquement admise comme demandeurs au pénal, et non au civil.

EN DROIT :

1. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les actes manifestement irrecevables (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2. 2.1. Le recours a été interjeté dans le délai utile – les réquisits de l'art. 85 al. 2 CPP n'ayant pas été observés –, par la prévenue, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

2.2. L'art. 382 al. 1 CPP soumet la qualité pour recourir à l'existence d'un intérêt juridiquement protégé à l’annulation/la modification de la décision litigieuse.

2.2.1. Le recourant est tenu d’établir (cf. art. 385 CPP) l’existence d’un tel intérêt, en particulier lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (arrêt du Tribunal fédéral 1B_304/2020 du 3 décembre 2020 consid. 2.1).

2.2.2. Dit intérêt doit être actuel et pratique (arrêt du Tribunal fédéral 1B_304/2020 précité, consid. 2.1).

Dans sa jurisprudence, la Chambre de céans se prononce au cas par cas sur la recevabilité du recours exercé par un prévenu contre l'admission d'une partie plaignante (ACPR/817/2022 du 21 novembre 2022, consid. 2.2.2). Ainsi entre-t-elle en matière lorsque des inconvénients juridiques pourraient en résulter pour le prévenu, par exemple lorsqu'il s'agit de protéger des secrets d'affaires (ACPR/190/2020 du 11 mars 2020; ACPR/462/2019 du 20 juin 2019; ACPR/174/2019 du 6 mars 2019).

Si elle admet que la situation du prévenu puisse être péjorée par la présence d'une partie plaignante autorisée à exercer ses droits procéduraux, à prendre des conclusions, tant civiles que pénales, contre lui et à faire appel d'un éventuel acquittement, il n'en demeure pas moins que de simples inconvénients de fait, tels que l'allongement de la procédure et/ou l'augmentation de son degré de complexité, ne suffisent pas (ACPR/369/2016 du 16 juin 2016). Les circonstances pouvant néanmoins entrer en ligne de compte sont, notamment, la présence à la procédure d'autres parties plaignantes dont le statut n'est pas ou plus remis en question, voire le mode de poursuite – d'office ou sur plainte – des infractions dont la partie plaignante se prévaut (ACPR/258/2021 du 20 avril 2021; ACPR/302/2018 du 31 mai 2018, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_317/2018 du 12 décembre 2018 ; ACPR/407/2019 du 4 juin 2019, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_334/2019 du 6 janvier 2020).

2.3. En l’espèce, la recourante n’expose pas, dans son acte, quel serait son intérêt juridiquement protégé à voir limiter (sur le plan pénal), voire nier (sur le volet civil) la qualité de partie plaignante des intimées.

Or, rien n’est moins évident à la lecture du dossier.

En effet, les intimées bénéficient déjà d’un tel statut en lien avec l’art. 87 LAVS – faute de contestation de la décision querellée sur ce point –, de sorte que leur participation à l’instruction est acquise.

De surcroît, les comportements incriminés sont similaires (i.e. absence de versement, aux caisses topiques, de diverses cotisations sociales prélevées sur les salaires d’employés) et les intimées, assistées du même avocat. L’on ne voit donc pas que la cause serait sensiblement simplifiée si ces dernières étaient, à ce stade, écartées de la procédure en ce qui concerne les autres infractions dénoncées (notamment celles aux art. 70 LAI et 76 al. 1 let. c LPP).

Les normes précitées se poursuivent, en outre, d’office, donnée qui atténue le rôle d'accusateur privé que les intimées pourraient jouer en lien avec celles-ci.

Quant à la faculté, pour les intimées, de prendre des conclusions civiles, il appartiendra au juge chargé de se prononcer sur celles-ci de statuer à ce sujet.

Il s’ensuit que, faute d’intérêt juridique, actuel et pratique, la recourante n’est pas habilitée à quereller l’ordonnance entreprise. Son recours est donc irrecevable.

3. La prévenue succombe (art. 428 al. 1, 2ème phrase, CPP).

Elle supportera, en conséquence, les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, à la CAISSE DE COMPENSATION B______ et à la FONDATION C______, soit pour elles à leurs conseils respectifs, ainsi qu’au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/20088/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

505.00

-

CHF

Total

CHF

600.00