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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20015/2021

ACPR/304/2023 du 03.05.2023 sur ONMMP/635/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ABUS D'AUTORITÉ;POLICE;LÉSION CORPORELLE SIMPLE;ASSISTANCE JUDICIAIRE
Normes : CPP.310; CPP.136; CEDH.3; CP.312; CP.126; CP.123; CP.31

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20015/2021 ACPR/304/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 3 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, Allemagne, comparant par Me Roxane SHEYBANI, avocate, OratioFortis Avocates, rue Etienne-Dumont 22, 1204 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 16 février 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 3 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 février 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 12 octobre 2021 et rejeté sa demande d'assistance juridique.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi de l'assistance judiciaire et à la production des images de vidéosurveillance du poste de police B______ [GE] du 16 juin 2021. Principalement, il conclut à l'annulation de la décision querellée et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public d'ouvrir une instruction.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par courrier daté du 12 octobre 2021, reçu par le Ministère public le 18 octobre suivant, A______, ressortissant allemand et ouzbek, domicilié en Allemagne, a déposé plainte contre cinq policiers ayant procédé à son contrôle le 16 juin 2021 à Genève, ainsi que contre toute autre personne le cas échéant impliquée, des chefs de lésions corporelles simples (art. 123 CP), voies de fait (art. 126 CP), contrainte (art. 181 CP) et abus d'autorité (art. 312 CP).

En substance, il était venu à Genève à l'occasion de la rencontre entre les chefs d'État américain et russe Joe BIDEN et Vladimir POUTINE, le 16 juin 2021. Ce jour-là, aux alentours de 11h, alors qu'il patientait sans mot dire à proximité du jet d'eau, où une foule s'était rassemblée pour observer le passage des convois présidentiels, il avait été abordé par cinq policiers en uniforme noir. Sur instructions de ces derniers, il avait présenté ses papiers d'identité puis marché jusqu'au fourgon de police situé à distance, avant d'être plaqué contre un mur et fouillé. Ne parlant pas le français et maîtrisant mal l'anglais, il avait demandé, en allemand et en russe, l'aide d'un interprète, les motifs de son contrôle ainsi que la rédaction d'un procès-verbal y relatif, mais les policiers – qu'il ne comprenait pas – n'avaient accédé à aucune de ses requêtes. Durant 30-40 minutes, il avait subi une fouille de sécurité, lors de laquelle il lui avait été demandé d'enlever son pantalon. Sur demande d'un policier, il avait tenu son passeport allemand dans ses mains, à la hauteur de son t-shirt, sur lequel figuraient une effigie de Vladimir POUTINE et l'inscription "Hands off Uzbekistan" [soit en traduction libre : "Ne touchez pas à l'Ouzbékistan"]. Plusieurs photographies de lui avaient été prises par l'agent.

Par ailleurs, souffrant d'un handicap physique, le contraignant à se déplacer en béquilles et à porter des chaussures orthopédiques, il lui était très difficile de se tenir debout. Or, les policiers avaient refusé de le laisser s'asseoir, de sorte qu'il avait eu "très mal aux jambes".

Par la suite, un agent lui avait demandé de retirer son t-shirt – en raison du portrait du président russe et du slogan y figurant –, ce qu'il avait refusé de faire. Quelques instants plus tard, trois autres policiers en uniforme bleu étaient arrivés. Alors qu'il ne comprenait toujours pas ce qui lui était reproché, il avait été conduit "au poste B______", où il avait fait l'objet d'une fouille de sécurité et été soumis à un éthylotest. Placé dans "une petite cellule en béton", ses affaires, dont ses béquilles et chaussures orthopédiques, lui avaient été retirées. Il n'avait pas pu bénéficier de l'aide d'un interprète ni contacter ses proches. Les policiers avaient également refusé de dresser un procès-verbal relatif à sa fouille et au "séquestre" de ses effets personnels. Après un "certain temps", un agent l'avait informé qu'il allait lui prélever ses empreintes digitales. Il avait donc réclamé ses chaussures et ses béquilles mais seules ces dernières lui avaient été restituées, de sorte qu'il avait été contraint de se déplacer pieds nus, en tenant son pantalon – sa ceinture ayant été "confisquée" –, ce qui avait été "extrêmement douloureux" et humiliant. Finalement, après avoir passé "plusieurs heures" au poste, il avait été libéré sans aucune explication ni document attestant de sa "détention".

Choqué du traitement "dégradant" subi, il était retourné à proximité du jet d'eau afin d'assister au passage des convois présidentiels. Or, une quinzaine de minutes plus tard, six ou sept policiers en uniforme noir étaient apparus ; une policière avait pris des photographies de lui puis passé des appels téléphoniques. Quelques minutes après, six autres policiers – qui n'étaient pas les mêmes que ceux ayant procédé à son premier contrôle dans la journée – lui avaient demandé de décliner son identité et l'avaient fouillé. Lorsque deux hommes, C______ et D______, dont il avait fait la connaissance la veille, lors d'un rassemblement "anti-Poutine" à Genève, avaient commencé à filmer le contrôle, les policiers étaient devenus nerveux et agressifs. À leur tour, C______ et D______ avaient été fouillés. Les policiers, dont les numéros de matricule étaient dissimulés par une bande blanche, avaient refusé de s'exprimer avec eux en allemand.

Par la suite, il avait été "traîné de force" jusqu'au fourgon de police, ce qui lui avait causé des douleurs intenses aux jambes et aux pieds. Humilié et ignorant toujours les raisons de son contrôle, il avait refusé de monter à bord et avait crié, à la suite de quoi un policier lui avait saisi l'épaule droite, lui causant des douleurs importantes au bras. Une fois placé de force à l'intérieur du fourgon, il avait été conduit "au poste B______", où il n'avait pas pu bénéficier de l'aide d'un interprète. Les policiers avaient également refusé d'établir un procès-verbal relatif à son contrôle et de le laisser téléphoner à son entourage. Ses affaires, dont ses chaussures, lui avaient été retirées, et il avait été soumis à un second éthylotest. Par ailleurs, lors de sa fouille, les agents, qui lui avaient demandé de baisser son pantalon, lui avaient palpé son entrejambe. Finalement, après avoir passé "près de deux heures" au poste, il avait été relâché sans aucune explication.

Il sollicitait l'ouverture d'une instruction, l'octroi de l'assistance judiciaire, l'audition de C______ et de D______, la production des vidéos prises par ces derniers ainsi que des images de vidéosurveillance du fourgon de police et du poste de police en date du 16 juin 2021.

a.b. À l'appui de sa plainte, A______ a produit diverses pièces, parmi lesquelles :

- un certificat médical établi le 31 août 2021, en allemand, selon lequel il était contraint de porter à vie des chaussures orthopédiques ainsi que des béquilles suite à une poliomyélite ;

- deux documents émanant des autorités allemandes, datés des 21 et 24 septembre 2017, le reconnaissant invalide à 100% et fixant le montant de ses prestations sociales ;

- une photographie de lui prise au bord du lac, à Genève, sur laquelle il figure, béquilles en mains, vêtu du t-shirt décrit dans sa plainte ;

- neuf photographies de policiers vêtus d'un uniforme noir, lequel est muni, sur la manche gauche, de l'écusson officiel de la police cantonale genevoise, recouvert par une bande blanche. Un des agents semble procéder à la fouille des effets personnels d'un homme à proximité de l'arrêt de bus "E______" ; et

- une clé USB comportant l'ensemble des documents susvisés ainsi que six séquences vidéos relatives au second contrôle policier ayant eu lieu à proximité de l'arrêt de bus "Mont-Blanc".

b. La procédure a été transmise à l'Inspection générale des services (ci-après, IGS) pour complément d'enquête (art. 309 al. 2 CPP).

b.a. Les 2 juin et 1er décembre 2022, l'IGS a rendu deux rapports circonstanciés, pièces à l'appui, dont il ressort, en substance, ce qui suit :

i. En vue du sommet présidentiel russo-américain organisé le 16 juin 2021, une opération spécifique avait été mise en place.

ii. A______ avait fait l'objet de deux contrôles policiers distincts durant l'opération. Ces contrôles, réalisés fortuitement à quelques heures d'intervalle, par des groupes de policiers différents, avaient pour origine la tenue vestimentaire de l'intéressé, "ostensiblement hostile" au président russe.

iii. La plainte pénale ayant été déposée près de quatre mois après les faits, les images de vidéosurveillances du poste F______ [GE] – où A______ avait été conduit à deux reprises – n'avaient pas pu être récupérées. Il en allait de même des images du poste B______ – où le prénommé, contrairement à ses allégations, n'avait jamais été conduit – et de la voie publique.

iv. L'extrait du journal des évènements n°1______ mentionne qu'à la demande de la Centrale d'engagement et de coordination des alarmes (CECAL), les policiers G______, H______ et I______ s'étaient rendus au square du E______, où A______ avait été soumis aux contrôles usuels, à 11h15. Ce dernier avait ensuite été conduit au poste F______ pour faire l'objet de contrôles approfondis, qui s'étaient révélés négatifs. Il avait été libéré du poste aux alentours de 13h00.

v.  Selon une inscription faite au journal des évènements n° 2______, à 18h47, une patrouille avait été requise pour procéder au contrôle de A______ au quai du E______, à l'intersection avec le quai J______. Cette patrouille, composée de K______ et de L______, avait conduit l'intéressé au poste F______ pour réaliser des contrôles approfondis, qui s'étaient révélés négatifs. A______ avait été élargi vers 18h53.

vi. À teneur du journal des évènements majeurs (JEM) – tenu ponctuellement pour lister et horodater des évènements survenus dans le cadre d'un engagement particulier –, les convois présidentiels russe et américain avaient circulé sur le pont du E______, respectivement entre 12h59 et 13h14 (trajet à l'aller), puis entre 19h25 et 20h02 (au retour). Selon une inscription faite à 18h40, A______, portant un t-shirt à l'effigie de Vladimir POUTINE, se trouvait sur le pont en question à 18h30. Il avait ensuite été conduit au poste F______.

vii. L'enquête de police n'avait pas permis de déterminer quel groupe de maintien de l'ordre (MO) ou ELI (Éléments légers d'intervention) avait été à l'origine du premier contrôle d'identité de A______. En revanche, selon les images versées à la procédure par celui-ci, le second contrôle avait été opéré par un groupe ELI (le groupe 1), faisant partie de l'escadron "Rive droite", dirigé par la sergente-cheffe M______, et composé notamment du caporal N______ ainsi que des appointés O______ et P______.

viii.  Selon l'ordre particulier valable ce jour-là, l'escadron "Rive droite" avait pour mission de "se [tenir] prêt à empêcher tout trouble à la sécurité et à l'ordre public dans la profondeur de son secteur d'action" et de "se [tenir] prêt à interpeller, identifier, tout individu suspect dans le cadre de l'opération" (cf. page 4, point 3.2).

ix. L'ordre particulier précisait encore que les groupes ELI avaient reçu pour instructions "d'effectuer des contrôles de zones, empêcher autant que faire se peut les troubles à l'ordre et à la sécurité publique et interpeller et identifier les fauteurs de troubles" (cf. page 3, point 1.3).

x. L'écusson officiel de la police, figurant sur l'uniforme noir porté par les groupes MO et ELI, avait été recouvert par une bande blanche le jour des faits litigieux. Le numéro de matricule, habituellement porté sur la poitrine, figurait sous le gilet de combat réglementaire porté.

b.b. L'IGS a décrit les six vidéos produites par A______. Ces images, visionnées par la Chambre de céans, montrent ce qui suit :

Sur la première séquence, créée à 17h55 et durant 58 secondes, on distingue le début du pont du E______, depuis la rive droite. La situation paraît calme et aucun convoi policier n'est en déplacement. Quelques personnes se trouvent derrière les barrières de sécurité. Des policiers, vêtus d'un uniforme noir, s'éloignent d'un fourgon. Des agents portant un uniforme bleu et une chasuble estampillée "POLIZEI" se trouvent également sur les lieux. A______ n'apparaît pas.

Les séquences vidéos n°2 et 3 [créées le 18 juin 2021 à 13h14], d'une durée respective de 21 et 6 secondes, montrent A______ se tenant debout, dos au mur d'un immeuble. P______ procède à son contrôle d'identité, tandis que N______ et O______ assurent la sécurité des alentours. M______ et le sergent-major Q______, tous deux au téléphone, se trouvent légèrement à l'écart. La situation paraît calme.

Sur la quatrième séquence, d'une durée d'une minute et 4 secondes, A______ et P______ échangent calmement en anglais. Le premier, qui semble évoquer son premier contrôle policier, s'adresse ensuite en russe à deux individus s'étant approchés pour observer et filmer le contrôle policier.

Sur les vidéos n°5 et 6, créées à 18h12 et à 18h15, d'une durée respective de 14 et 20 secondes, O______ et N______ abordent les deux individus en question afin de les escorter jusqu'à A______, qui se trouve dos à un mur. Les deux individus expliquent aux policiers parler l'allemand ; l'un d'eux affirme ensuite d'un ton péremptoire qu'en Suisse, on parle allemand. M______ lui demande de présenter son passeport, en tentant de formuler sa requête en allemand, avant de lui dire "contrôle police". L'individu la questionne, notamment sur le motif de son contrôle.

Les policiers ne manifestent aucune nervosité ou agressivité sur les images vidéos. Par ailleurs, aucun usage de la force ou de la contrainte à l'encontre du plaignant n'est apparent.

b.c. L'IGS a également procédé à l'audition, en qualité de personnes appelées à donner des renseignements, de neuf policiers impliqués dans l'un ou l'autre des deux contrôles dénoncés par A______.

i. G______ a expliqué que, vers 11h15, la CECAL avait demandé l'intervention d'une patrouille au square du E______, à la suite du contrôle d'un individu portant un t-shirt injurieux à l'égard du président russe. Selon ses souvenirs, l'homme en question "gênait" le passage des convois présidentiels. Arrivés sur place, H______, I______ et lui-même avaient été mis en présence d'un groupe MO ou ELI. A______ tenait des béquilles et avait de la peine à marcher. Après avoir présenté ses papiers d'identité, ce dernier avait été acheminé au poste F______ pour être soumis à des contrôles. Le trajet menant au poste s'était déroulé sans incident. À son arrivée, l'intéressé avait été placé dans une salle d'audition. Son sac à dos avait été fouillé et il avait été soumis au test AFIS, qui s'était révélé négatif. Il avait été libéré environ 30 minutes après son arrivée. S'il avait été conduit au poste, c'était parce qu'il était inconnu des bases de données et que son attitude, de même que sa tenue vestimentaire, étaient suspectes. Afin de s'assurer qu'il ne présentait aucun danger pour la manifestation en cours, des contrôles approfondis avaient été jugés nécessaires, étant précisé qu'il s'agissait de contrôles usuels et que ceux-ci s'étaient déroulés sans incident.

Dans la mesure où A______ ne comprenait pas le français, ses collègues et lui s'étaient exprimés avec lui en anglais ou en allemand, deux langues dans lesquelles lui-même se "débrouillait". Il ne se souvenait pas de la teneur exacte de leur discussion, hormis le fait que A______ était mécontent d'être conduit au poste et qu'il avait posé des questions relatives aux raisons de son contrôle, auxquelles ses collègues et lui avaient répondu. L'intéressé s'était bien comporté, de sorte que l'usage de la force n'avait pas été nécessaire. Pour le surplus, il n'avait pas le souvenir que ce dernier eût formulé des requêtes auxquelles son équipe aurait refusé de donner suite. Dans l'hypothèse où il aurait effectivement demandé l'aide d'un interprète, l'établissement d'un procès-verbal ou à pouvoir téléphoner à ses proches, il lui aurait été répondu que ce n'était pas possible, la procédure d'appréhension ne le prévoyant pas.

Selon lui, A______ avait compris le motif de son contrôle mais était contrarié d'en faire l'objet. Il ne se souvenait pas que ce dernier eût demandé que la fouille et le "séquestre" de ses effets personnels soient protocolés, étant précisé que ses affaires n'avaient pas été saisies, de sorte qu'il n'avait pas été nécessaire d'établir un inventaire. Pour le surplus, il se souvenait des béquilles mais non des chaussures portées par A______. Quoiqu'il en soit, ses collègues et lui n'auraient eu aucune raison de ne pas les lui restituer, surtout s'il avait manifesté une quelconque douleur. A______ n'avait subi aucun traitement dégradant, étant précisé que son équipe était toujours restée professionnelle et avait suivi la procédure habituelle. Son numéro de matricule, qu'il ne refusait jamais de communiquer, figurait sur sa tenue. Enfin, il ignorait que l'intéressé avait fait l'objet d'un second contrôle.

ii. H______ a en substance confirmé les déclarations de G______. A______ n'avait manifesté aucune douleur ou gêne durant le trajet menant au poste. À son arrivée, il avait été placé dans une salle d'audition et non aux violons. Pour sa part, il n'avait pas participé à la fouille mais avait tenté d'expliquer à l'intéressé le déroulement de la procédure en allemand ; G______ s'en était finalement chargé. A______ avait dû ôter ses chaussures pour des raisons de sécurité, comme le voulait la procédure, étant précisé qu'il ne s'en était pas plaint ni n'avait demandé à pouvoir les récupérer. A______ était énervé d'être au poste et semblait pressé de le quitter. Il y avait été traité correctement, s'étant même vu offrir un verre d'eau car il avait chaud. Après avoir été prié de ne pas troubler la manifestation, il avait quitté les lieux sans formuler la moindre plainte. Son contrôle au poste avait duré 1 heure environ, sous le régime de l'appréhension, laquelle les autorisait à garder une personne dans les locaux pendant 3 heures au maximum.

iii. I______ a corroboré les dires de ses collègues, ajoutant que A______ n'avait pas été soumis à une fouille complète – à savoir à nu –, mais à une palpation de sécurité, laquelle fut au demeurant rapide.

iv. M______ a expliqué avoir participé à l'opération en qualité de cheffe de groupe ELI, dont la mission était de maintenir l'ordre, en particulier lors des passages des convois présidentiels, de sécuriser des points fixes et de prévenir tout débordement. Dans ces circonstances, des contrôles préventifs avaient été opérés. Aux alentours de 18h45, un collègue avait aperçu un individu arborant un t-shirt visiblement hostile à Vladimir POUTINE. Dans la mesure où le convoi présidentiel russe allait passer peu de temps après, son groupe avait pris la décision de procéder au contrôle de cette personne, qui ne parlait pas le français et avait manifesté son mécontentement. Son équipe était restée professionnelle, malgré le manque de coopération de A______. Même si ce dernier semblait avoir parfaitement compris les raisons de son contrôle, ses collègues et elle avaient sollicité l'aide d'un policier confédéré germanophone.

A______ avait été soumis à une palpation de sécurité, sans avoir été déshabillé. Après qu'elle eut contacté par téléphone son chef de section, il avait été décidé, au vu des circonstances, de faire appel à une patrouille pour soumettre l'intéressé à des contrôles approfondis. Des collègues avaient donc conduit A______ au poste F______. Aucun incident ne s'était produit durant le contrôle et l'usage de la force ou de la contrainte n'avait pas été nécessaire. Le prénommé n'avait pas non plus été menotté, compte tenu du fait qu'il marchait à l'aide de béquilles et qu'il portait des chaussures spéciales. Le contrôle approfondi n'avait pas pu être réalisé sur place, au vu du nombre de personnes présentes, de leur mission et du profil de l'intéressé.

Deux hommes, qui ne parlaient pas français et semblaient connaître A______, s'étaient approchés d'eux pour filmer le contrôle, à la suite de quoi elle leur avait demandé "de circuler". Ces individus, qui avaient refusé d'obtempérer, avaient finalement été contrôlés. Ses collègues et elle n'avaient pas refusé de s'exprimer en allemand avec eux, étant précisé qu'elle avait tenté d'échanger dans cette langue avec A______, lequel avait fait semblant de ne pas comprendre et compliquait la situation. Aucun de ses collègues ne s'était montré agressif ou nerveux. Le prénommé se déplaçait sans l'aide de quiconque, au moyen de ses béquilles ; lorsqu'il était monté dans le fourgon, elle ne l'avait pas entendu crier. Pour le surplus, son numéro de matricule ne figurait pas sur sa tenue, étant précisé que la bande blanche était le brassard de reconnaissance des groupes. Son équipe n'avait pas participé au premier contrôle.

v. N______ a confirmé les déclarations de ses collègues, réitérant que A______ n'avait manifesté aucune gêne ou douleur durant celui-ci.

vi. O______ a également corroboré les dires des autres policiers. Dans la mesure où A______ s'était adressé à eux en allemand, ils avaient sollicité l'aide d'un policier confédéré germanophone. Alors que A______ faisait toujours mine de ne rien comprendre, ses collègues et lui étaient restés patients, calmes et professionnels.

vii. P______ a ajouté qu'aucun débordement ne s'était produit durant le contrôle, hormis le fait que celui-ci avait été long et compliqué en raison du comportement de A______, qui avait adopté une attitude provocatrice et faisait mine de ne pas comprendre leurs demandes. Pourtant, les motifs de son contrôle et les mesures prises lui avaient été expliqués en allemand par un policier confédéré, lequel était resté jusqu'au terme de l'intervention de rue et lui avait donc également indiqué qu'il allait être conduit au poste pour y être soumis à des contrôles approfondis.

viii. K______ a déclaré que, vers 18h45, L______ et lui-même avaient été sollicités par la CECAL, à la suite d'une demande de la BSP ou d'un groupe ELI. À leur arrivée, A______ était calme. Ce dernier n'avait pas été traîné de force mais était monté à bord du véhicule de police sans faire preuve de résistance. Il n'avait pas non plus crié. Le trajet menant au poste F______ s'était déroulé sans incident. A______ avait été placé en salle d'audition puis soumis à une palpation de sécurité, comme la procédure l'exigeait. Ses chaussures et béquilles avaient été placées devant la porte, tandis que ses autres affaires avaient été rangées dans un casier prévu à cet effet. Aucun objet n'avait été saisi. Les contrôles d'usage avaient été réalisés, lesquels leur avaient permis de constater que l'intéressé avait déjà fait l'objet d'un contrôle plus tôt dans la journée. Les vérifications s'étant finalement révélées négatives, A______ avait été rapidement élargi. Ce dernier était calme et n'avait rien réclamé. S'il avait eu des difficultés à se déplacer, il n'avait manifesté aucune douleur ni gêne. Tout s'était bien déroulé, de sorte que l'usage de la force n'avait pas été nécessaire. A______ avait été conduit au poste pour des raisons de sécurité, au vu de la foule présente dans la rue. L'intéressé avait dû rester dans leurs locaux environ 25 minutes. L______ et lui ne parlaient pas allemand, de sorte qu'ils avaient dû s'adresser à A______ en français ou en anglais. Ce dernier avait néanmoins compris la raison de son contrôle et de sa présence au poste.

ix. L______ a déclaré que les effets personnels de A______ avaient été déposés devant la salle d'audition. Il n'avait pas le souvenir que ce dernier eût réclamé ses béquilles ou ses chaussures, étant précisé que s'il l'avait fait, son collègue et lui les lui auraient restituées. L'intéressé ne s'était plaint de rien et semblait avoir compris la raison de son contrôle. Lors de la fouille de sécurité, son entrejambe avait pu être palpé du revers de la main, comme le voulait la procédure.

C. i. Dans sa décision querellée, le Procureur retient que les infractions envisagées n'étaient pas réalisées.

En ce qui concernait les infractions de lésions corporelles simples (art. 123 CP) et de voies de fait (art. 126 CP), la plainte déposée le 12 octobre 2021 pour des faits s'étant déroulés le 16 juin 2021 était tardive. Il n'était par ailleurs pas établi que lors de son contrôle au poste de police, A______ avait souffert de douleurs intenses aux jambes et aux pieds ni à l'épaule droite. Il n'y avait donc pas lieu à qualification juridique sur ce point.

L'art. 181 CP ne trouvait pas application dans le cas d'espèce, l'infraction d'abus d'autorité absorbant celle de contrainte. Les faits dénoncés devaient par conséquent être examinés uniquement sous l'angle de l'art. 312 CP.

En l'occurrence, il ressortait des ordres en vigueur le jour des faits que les policiers avaient pour mission d'assurer la sécurité et l'ordre publics, en interpellant et en identifiant au besoin les éventuels fauteurs de trouble. Aussi, dans la mesure où l'évènement en cause était une rencontre entre deux présidents, dans un contexte de tensions internationales, le niveau de sécurité était élevé, en particulier à proximité du parcours emprunté par les cortèges présidentiels. Dans ces circonstances, toute personne prenant la décision de s'approcher de la manifestation pouvait raisonnablement s'attendre à faire l'objet d'un contrôle. Or, le plaignant s'était non seulement placé sur le trajet des convois présidentiels, mais l'avait fait vêtu d'un t-shirt hostile à Vladimir POUTINE. La police était dès lors autorisée à lui demander son identité (art. 47 al. 1 LPol), puis de poursuivre les contrôles au poste de police (al. 2), voire de l'appréhender (art. 215 CPP), s'il était soupçonné de vouloir commettre une infraction lors du passage du président russe.

Malgré son premier contrôle, le plaignant, toujours vêtu du t-shirt à l'effigie du président russe, était retourné sur les lieux.

G______ et un policier confédéré lui avaient expliqué, en allemand, les motifs de leur intervention, de sorte que la présence d'un interprète n'était pas nécessaire. De plus, il ne résultait pas du dossier qu'il aurait rencontré des difficultés à comprendre la procédure lorsqu'il se trouvait au poste F______. En tout état, lors de son second contrôle, quand bien même il n'aurait pas saisi les explications de K______ et de L______, lesquels s'étaient adressés à lui en français et en anglais, il n'ignorait plus, à ce stade, la procédure applicable. Au surplus, l'assistance d'un interprète n'était prévue qu'en cas d'audition d'un prévenu, conformément à l'art. 158 al. 1 let. d CPP, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, le plaignant ayant seulement fait l'objet d'un contrôle d'identité.

Par ailleurs, il n'était pas non plus établi qu'il aurait fait l'objet d'une fouille corporelle, lors de son premier contrôle. Cet acte aurait quoiqu'il en soit été justifié pour des raisons de sécurité. Lors de son second passage au poste, les policiers l'avaient palpé, y compris à l'entrejambe, ce qu'ils étaient autorisés à faire pour s'assurer qu'il n'était pas en possession d'un objet dangereux. Pour le surplus, le plaignant n'avait pas allégué que ladite palpation aurait duré plus de temps que nécessaire.

Selon les explications concordantes des policiers, ces derniers n'avaient jamais eu besoin de faire usage de la force ou de la contrainte lors des deux contrôles litigieux. En outre, il n'était pas démontré qu'ils auraient empêché le plaignant de s'asseoir, ni qu'ils auraient refusé de lui restituer ses béquilles et/ou ses chaussures orthopédiques. L'intéressé avait été relâché rapidement et la durée de ses contrôles au poste n'avait de loin pas excédé trois heures.

La procédure applicable dans ces situations ne prévoyait pas la rédaction d'un procès-verbal ou d'un quelconque document attestant de la présence d'une personne au poste (art. 47 LPol), à l'exception d'une inscription au journal des évènements de la police, ce qui avait été fait. De la même manière, un inventaire n'était dressé qu'en cas de séquestre d'objets ou de valeurs (art. 266 al. 2 CPP), ce qui n'était pas le cas en l'espèce, puisque les affaires du plaignant lui avaient été restituées au terme de ses contrôles. Aucun document n'avait donc à être établi.

En conséquence, il n'y avait pas de place pour un quelconque abus d'autorité.

ii. S'agissant de la requête d'assistance judiciaire, les faits dénoncés par le plaignant s'inscrivaient dans le cadre de l'activité professionnelle des policiers. Dans ces circonstances, le prénommé ne disposait d'aucune action civile contre eux. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (1B_341/2013), un droit à l'assistance judiciaire pouvait néanmoins être directement déduit de l'article 29 Cst, lorsque le plaignant invoquait des actes de violence étatique. L'octroi de l'assistance judiciaire était alors subordonné aux conditions d'indigence, de nécessité d'un défenseur et de chances de succès de l'action. Or, cette jurisprudence n'était pas applicable au cas d'espèce, faute d'actes de violence étatique. Le serait-elle que la condition des chances de succès ne serait pas réalisée.

iii. En ce qui concernait les réquisitions de preuve, C______ et D______ étaient, selon les informations communiquées par le plaignant, domiciliés en Allemagne, de sorte que seul l'envoi d'une commission rogatoire dans ce pays permettrait, peut-être, de procéder à leurs auditions. Cette démarche n'apparaissait toutefois pas nécessaire, voire disproportionnée, au vu des autres témoignages recueillis et des images versées à la procédure. Quant à la production des vidéos prises par les prénommés, la demande était peu compréhensible, puisqu'il les avait lui-même produites à l'appui de sa plainte et qu'elles figuraient au dossier. Par ailleurs, les images de vidéosurveillance du poste F______ avaient été détruites, conformément à l'art. 61 al. 2 LPol, avant le dépôt de la plainte, de sorte qu'elles ne pouvaient plus être versées à la procédure. Il en allait de même des images de la voie publique (art. 42 al. 2 LIPAD). Les véhicules de police n'étaient pas équipés de caméras de vidéosurveillance.

D. a. À l'appui de son recours, A______ se plaint d'une violation de l'art. 310 CPP et du principe "in dubio pro duriore".

L'emploi du conditionnel, dans l'ordonnance querellée, suggérait qu'un doute subsistait et que les faits n'étaient pas tenus pour établis. Sa version des faits n'apparaissait pas moins crédible que celles des policiers, de sorte que le Ministère public ne pouvait rendre la décision querellée.

Par ailleurs, en transmettant le dossier à l'IGS pour complément d'enquête, plutôt que d'ouvrir une instruction et administrer ou faire administrer des preuves, en application des art. 311 et 312 CPP, le Ministère public avait violé l'art. 309 CPP. En procédant de la sorte, ce dernier l'avait en effet privé de la possibilité de participer à l'administration des preuves. Or, des doutes "subsistaient", lesquels auraient dû conduire l'autorité précédente à ouvrir une instruction.

Enfin, il persistait dans sa demande d'assistance judiciaire. Lors de son premier contrôle, il n'avait pas été autorisé à s'asseoir, malgré son handicap. "Pire", il avait été forcé à marcher au sein du poste de police pieds nus et en tenant son pantalon, ses chaussures orthopédiques et sa ceinture ayant été confisquées. Il avait non seulement ressenti une intense douleur physique mais également un fort sentiment "d'humiliation et d'avilissement", n'ayant pas été autorisé à se déplacer librement et dignement. Les faits dénoncés constituaient un traitement dégradant d'une certaine gravité. Dans ces circonstances, nonobstant l'absence de conclusions civiles, il se justifiait de le mettre au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public une violation de l'art. 309 al. 1 let. a et 2 CPP pour ne pas avoir ouvert une instruction.

3.1.  Le ministère public ne peut pas rendre une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 CPP) après avoir ouvert une instruction. Une telle ordonnance doit ainsi être rendue à réception de la plainte et ceci avant qu'il ne soit procédé à de plus amples actes d'enquête et qu'une instruction soit ouverte, sous réserve de quelques opérations simples de la part du ministère public au préalable (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 4 ad art. 310; arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2.).

Ainsi, avant de rendre une telle ordonnance, le ministère public peut procéder à ses propres constatations (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela comprend le droit de consulter les fichiers, dossiers et renseignements disponibles, ainsi que de demander à la personne mise en cause une simple prise de position, telle que prévue, en particulier, à l'art. 145 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_539/2016 du 1er novembre 2017 consid. 2.2.1 et 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2). Le ministère public peut également demander des compléments d'enquête à la police, non seulement lorsqu'il s'agit de compléter un précédent rapport au sens de l'art. 307 CPP, mais aussi lorsque la dénonciation elle-même apparaît insuffisante (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2). Lorsqu'il agit ainsi, le ministère public n'ouvre pas d'instruction et l'enquête se poursuit ou est entamée dans le cadre de l'investigation policière (art. 306 CPP; A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 22 ad art. 309).

Diverses mesures d'investigation peuvent être mises en œuvre avant l'ouverture d'une instruction, telle que l'audition des lésés et suspects par la police sur délégation du ministère public (art. 206 al. 1 et 306 al. 2 let. b cum art. 309 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_875/2018 du 15 novembre 2018 consid. 2.2.1). Les informations recueillies à cette occasion lui permettront de décider de la suite qu'il convient de donner à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_290/2020 du 17 juillet 2020 consid. 2.2.).

3.2.  En l'occurrence, le recourant se méprend lorsqu'il reproche au Ministère public d'avoir, sans ouvrir une instruction, demandé un complément d'enquête à l'IGS. Le Procureur s'est en effet limité aux mesures d'investigations possibles avant l'ouverture d'une instruction, conformément à l'art. 309 al. 2 CPP. La procédure n'a donc pas dépassé le stade des premières investigations et le Ministère public était habilité à rendre une ordonnance de non-entrée en matière. Le droit du recourant de s'exprimer sur les déclarations des policiers devait, en conséquence, s'exercer par le biais du recours contre la décision entreprise, ce qu'il a fait.

Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

4.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas avoir retenu l'existence de lésions corporelles simples et/ou de voies de fait.

4.1.  Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).

4.2.  Une ordonnance de non-entrée en matière doit également être rendue lorsqu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5)

4.3.1. L'art. 123 ch. 1 al. 1 CP, relatif aux lésions corporelles simples, punit, sur plainte, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé qui ne peut être qualifiée de grave au sens de l'art. 122 CP.

Selon l'art. 123 ch. 2 CP, la poursuite aura lieu d'office si le délinquant a fait usage du poison, d'une arme ou d'un objet dangereux. La poursuite a également lieu d'office si l'auteur est le conjoint de la victime et que l'atteinte a été commise durant le mariage.

4.3.2. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; ATF 117 IV 14 consid. 2a p. 15 ss).

Les voies de fait ne sont en principe punissables que sur plainte (cf. art. 126 al. 1 CP). Elles se poursuivent toutefois d'office dans les cas énumérés à l'art. 126 al. 2 CP, qui, pour chacune des hypothèses prévues, implique que l'auteur ait agi à réitérées reprises. Tel est le cas lorsque les voies de fait sont commises plusieurs fois sur la même victime – notamment un enfant (let. a) ou le conjoint (let. b) – et dénotent une certaine habitude (ATF 134 IV 189 consid. 1.2. p. 191;
129 IV 216 consid. 3.1 p. 222).

4.4.  Selon l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction.

4.5.  En l'occurrence, le recourant, qui souffre d'un handicap physique, allègue – sans toutefois apporter d'élément pour l'étayer – ne pas avoir été autorisé à s'asseoir durant la durée de son premier contrôle d'identité, ce qui lui aurait causé des douleurs importantes aux pieds. Il soutient également avoir, lors de son second contrôle, été traîné de force jusqu'au véhicule de police puis saisi à l'épaule droite par un agent, ce qui lui aurait causé de vives douleurs aux jambes, aux pieds et au bras droit. Il affirme enfin avoir, lors de son second passage au poste, été forcé à se déplacer pieds nus, ce qui lui aurait infligé une intense douleur physique. Ces faits, s'ils étaient avérés, pourraient être constitutifs de voies de fait (art. 126 CP) ou de lésions corporelles simples (art. 123 CP), soit deux infractions poursuivies uniquement sur plainte, étant précisé que les conditions d'une poursuite d'office ne sont manifestement pas réalisées dans le cas d'espèce. Pour le surplus, le recourant n'allègue ni ne démontre avoir subi des lésions corporelles graves (art. 122 CP).

Or, les faits dénoncés par le recourant se sont déroulés le 16 juin 2021. Dans ces circonstances, la plainte déposée le 12 octobre 2021, et réceptionnée par le Ministère public le 18 suivant, apparaît donc tardive (art. 31 CP), ce qui constitue un empêchement de procéder au sens de l'art. 310 al. 1 let. b CPP. Partant, l'ordonnance querellée ne souffre aucune critique sur ce point.

5.             Le recourant estime avoir été victime d'abus d'autorité.

5.1.1. L'art. 312 CP réprime les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge.

Cette disposition protège, d'une part, l'intérêt de l'État à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire. L'incrimination pénale doit être interprétée restrictivement, compte tenu de la formule très générale qui définit l'acte litigieux. L'auteur n'abuse ainsi de son autorité que lorsqu'il use de manière illicite des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire. L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt pour l'atteindre à des moyens disproportionnés (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa et b et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1351/2017 du 18 avril 2018 consid. 4.2).

Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou le dessein de nuire à autrui (arrêt du Tribunal fédéral 6B_699/2011 du 26 janvier 2012 consid. 1.1). Il faut admettre que l'auteur nuit à autrui dès qu'il utilise des moyens excessifs, même s'il poursuit un but légitime. Le motif pour lequel l'auteur agit est ainsi sans pertinence sur l'intention, mais a trait à l'examen de la culpabilité (arrêts du Tribunal fédéral 6B_579/2015 du 7 septembre 2015 consid. 2.2.1 et 6B_699/2011 du 26 janvier 2012 consid. 1.3.3). La jurisprudence retient un dessein de nuire dès que l'auteur cause par dol ou dol éventuel un préjudice non négligeable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_987/2015 du 7 mars 2016 consid. 2.6 ; 6B_831/2011 du 14 février 2012 consid. 1.4.2 ; 6S.885/2000 du 26 février 2002 consid. 4a/bb ; ATF 99 IV 13).

5.1.2. Les art. 312 et 181 CP n'entrent pas en concours, la première de ces infractions absorbant la seconde (A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 36 ad art. 312).

5.2.1. La police peut ordonner des mesures de contrainte (art. 198 al. 1 let. c CPP). Les membres autorisés du personnel de la police ont le droit d’exiger de toute personne qu’ils interpellent dans l’exercice de leur fonction qu’elle justifie de son identité (art. 47 al. 1 LPol).  Si la personne n’est pas en mesure de justifier de son identité et qu’un contrôle supplémentaire se révèle nécessaire, elle peut être conduite dans les locaux de la police pour y être identifiée (al. 2). L’identification doit être menée sans délai ; une fois cette formalité accomplie, la personne quitte immédiatement les locaux de la police (al. 3).

5.2.2. Selon l'art. 215 al. 1 CPP, afin d'élucider une infraction, la police peut appréhender une personne et, au besoin, la conduire au poste dans les but d'établir son identité (let. a), l'interroger brièvement (let. b), déterminer si elle a commis une infraction (let. c) ou déterminer si des recherches doivent être entreprises à son sujet ou au sujet d'objets se trouvant en sa possession (let. d). Si des indices sérieux laissent présumer que des infractions sont en train d'être commises ou que des prévenus se trouvent dans un lieu déterminé, la police peut en bloquer les issues et, le cas échéant, appréhender les personnes présentes (al. 4).

L'appréhension au sens de l'art. 215 CPP ne suppose pas d'emblée, au contraire de l'arrestation provisoire, que la personne concernée soit soupçonnée d'un délit (cf. ATF 139 IV 128 consid. 1.2 et ATF 142 IV 129 consid. 2.2). Lors d’une appréhension, parfois aussi appelée contrôle d’identité, la police restreint passagèrement la liberté de mouvement de personnes dans l’exercice de son droit d’investigation. Cette mesure lui permet d’établir l’identité d’une personne et de déterminer si elle a commis une infraction ou si elle a un lien quelconque avec celle-ci, en ayant par exemple vu quelque chose ou en se trouvant en possession d’objets recherchés. Le séjour au poste d'une personne appréhendée doit (précisément parce qu'il n'existe contre elle aucun soupçon concret) durer nettement moins de trois heures au total (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de procédure, FF 2006 1057, pp. 1205 et 1206).

5.2.3. Aux termes de l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du présent code ou d'une autre loi.

5.2.4.  La police peut fouiller une personne appréhendée ou arrêtée, notamment pour assurer la sécurité de personnes (art. 241 al. 4 CPP), ce qui comprend la personne appréhendée elle-même et les policiers présents. Il s'agira par exemple de vérifier que la personne soumise à la fouille ne serait pas porteuse d'une arme ou d'objets susceptibles d'être séquestrés pour servir de moyens de preuve (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 39 ad art. 241).

5.2.5. Selon l'art. 250 al. 1 CPP, la fouille d'une personne comprend l'examen des vêtements portés, des objets et bagages transportés, du véhicule utilisé, de la surface du corps ainsi que des orifices et cavités du corps qu'il est possible d'examiner sans l'aide d'un instrument.

Cet acte de contrainte doit respecter le principe de proportionnalité. La fouille sommaire se résout à une palpation alors que la fouille complète implique le déshabillage de la personne aux fins de permettre l'examen de la surface de son corps et de ses cavités naturelles. La fouille doit ainsi se restreindre à la palpation lorsque celle-ci est suffisante par rapport aux buts probatoires poursuivis. Ainsi, une fouille complète n'est proportionnée que lorsque les objets recherchés ne pourraient pas être détectés par une simple palpation par-dessus les habits (Y. JEANNERET / A.
KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE, op. cit., n. 2 ad art. 250).

5.3.  En l'espèce, les actes dénoncés par le recourant ont fait l'objet d'une enquête effective et approfondie par l'IGS, à l'occasion de laquelle les policiers impliqués ont été entendus.

Aucun manquement pénalement répréhensible de la part de ces derniers n'en est ressorti.

Tout d'abord, il est constant que le jour des faits, en raison d'un sommet diplomatique, un dispositif sécuritaire exceptionnel a été mis en place par la police. Cette dernière a notamment reçu pour mission d'empêcher tout trouble à la sécurité et à l'ordre publics, en interpellant et en identifiant tout individu suspect ou fauteur de troubles (cf. Ordres spécifiques pour le 16 juin 2021).

Or, selon les explications concordantes des policiers auditionnés, les deux contrôles litigieux ont été motivés par l'attitude du recourant – qui se trouvait à proximité du parcours emprunté par les cortèges présidentiels –, et sa tenue vestimentaire visiblement hostile au président russe. Afin de s'assurer qu'il ne présentait pas un danger pour la manifestation en cours, les policiers étaient donc légitimés à contrôler son identité, conformément aux ordres reçus et à l'art. 47 al. 1 LPol.

Les agents ont encore précisé qu'au vu du nombre de personnes présentes à la manifestation, de la sensibilité de l'évènement et du fait que le recourant ne figurait pas dans la base de données de la police, il avait été décidé de le conduire au poste pour réaliser des contrôles supplémentaires, ce qu'ils étaient également autorisés à faire, conformément aux art. 47 al. 2 LPol et 215 CPP. À cet égard, il sied de rappeler que l'appréhension au sens de cette dernière disposition ne suppose pas, au contraire de l'arrestation provisoire, que la personne concernée soit soupçonnée d'avoir commis une infraction. On ne décèle donc ici aucun abus d'autorité.

Le recourant, qui parle le russe et l'allemand, affirme que les policiers ne lui auraient pas communiqué les raisons de ses contrôles dans une langue qu'il comprenait et qu'il n'avait pas pu bénéficier de l'aide d'un interprète. Cette version est contestée par l'ensemble des policiers. G______, qui a participé au premier contrôle et acheminé le recourant au poste F______, a notamment déclaré avoir répondu, en anglais et en allemand, aux diverses questions du recourant, lequel semblait avoir compris ses explications mais être agacé d'être contrôlé. Ses déclarations sont corroborées par celles de I______ et de H______, ce dernier ayant ajouté avoir également expliqué le déroulement de la procédure au recourant en allemand. En tout état, il est surprenant que ce dernier soit parvenu à comprendre et à suivre les instructions des agents – lesquels lui ont notamment demandé de présenter ses papiers d'identité, de les suivre jusqu'à un véhicule de police puis de tenir son passeport dans les mains, à la hauteur de son t-shirt –, mais non les motifs de son appréhension. À cela s'ajoute que lors du premier contrôle, il reconnaît avoir été prié par un policier de retirer son t-shirt – ce qu'il a au demeurant refusé –, de sorte qu'il ne saurait valablement soutenir avoir ignoré la raison du premier contrôle policier.

En ce qui concerne le second contrôle, M______, N______, O______ et P______ ont unanimement déclaré avoir demandé l'appui d'un policier confédéré parlant allemand, lequel aurait expliqué au recourant les motifs de son interpellation et le déroulement de la procédure, en particulier le fait qu'il serait conduit au poste pour y être soumis à des contrôles plus approfondis. Cette version des faits est corroborée par K______ et L______, qui ont expliqué avoir acheminé le recourant au poste F______, où ce dernier n'avait posé aucune question et semblait avoir compris les raisons de son appréhension. En définitive, il est démontré que le recourant a bien reçu l'information sur les motifs – identiques – ayant conduit différents groupes de policiers à le contrôler à deux reprises le jour des faits litigieux.

Pour le surplus, l'art. 215 CPP n'offre pas la possibilité à la personne appréhendée, laquelle ne revêt pas le statut de prévenu, de faire appel à un interprète, ni de contacter par téléphone ses proches. Aucun abus d'autorité ne peut dès lors être imputé aux policiers, étant encore précisé que ces derniers ont affirmé ne pas se souvenir que le recourant eût demandé l'assistance d'un interprète ou fait état d'une quelconque autre demande.

Le recourant semble également se plaindre des fouilles dont il aurait fait l'objet, étant précisé qu'aucun élément au dossier ne permet d'établir qu'une fouille corporelle aurait été réalisée par les agents, lors d'aucun des contrôles. Quoiqu'il en soit, ce type de fouille aurait été autorisé par la loi (art. 250 al. 1 CPP), en particulier pour des motifs de sécurité (art. 241 al. 4 CPP). En ce qui concerne les palpations, l'on ne saurait reprocher aux policiers de s'être assurés que le recourant ne dissimulait pas sur lui des objets dangereux, avec lesquels il aurait pu menacer sa propre sécurité ou celle de tiers. En outre, le dossier ne recèle aucun indice laissant penser que lesdites fouilles seraient intervenues de manière contraire au droit. Le recourant ne le soutient du reste pas.

Aucun élément au dossier ne permet non plus de retenir que G______, H______ et I______ auraient refusé de restituer les chaussures orthopédiques appartenant au recourant, lorsque celui-ci se trouvait au poste pour la première fois. Les policiers concernés ont en effet unanimement déclaré que lesdites chaussures avaient été retirées pour des motifs de sécurité, comme la procédure l'exigeait, mais que le recourant ne s'en était pas plaint ni n'avait manifesté une quelconque douleur ou gêne, auquel cas elles lui auraient été restituées. Il n'est pas non plus démontré que les policiers auraient refusé de communiquer leurs numéros de matricule, étant relevé que le recourant ne soutient pas les avoir expressément demandé, mais s'est uniquement plaint que ceux-ci auraient été dissimulés par une bande blanche. Or, il résulte du dossier, en particulier des photographies produites par le recourant lui-même, qu'une bande blanche couvrait en réalité l'écusson officiel de la police.

En ce qui concerne le contrôle d'identité, la procédure ne prévoit pas la rédaction d'un procès-verbal ou d'un quelconque document attestant de la présence d'une personne au poste (art. 47 LPol a contrario), à l'exception d'une inscription au journal des évènements, qui a été réalisée. Les policiers n'avaient donc pas l'obligation de remettre au recourant un document attestant de son contrôle et/ou de son bref séjour au poste. Il n'y avait pas non plus lieu d'établir un inventaire (art. 266 al. 2 CPP), puisque l'ensemble des affaires du recourant lui a été restitué, aucun objet ou valeur n'ayant été saisi. En tout état, les policiers ont soutenu que le recourant n'avait formulé aucune requête dans la rue et/ou lorsqu'il se trouvait au poste, mais semblait uniquement pressé de quitter les lieux. Aucun abus d'autorité n'a donc été commis.

Par ailleurs, selon les explications concordantes des policiers, ils n'ont jamais eu besoin de recourir à l'usage de la force ou de la contrainte. O______ a précisé que ses collègues et lui étaient restés professionnels et calmes durant toute la procédure, malgré le fait que le recourant eût compliqué la situation, en faisant mine de ne pas comprendre leurs demandes. En l'état, aucun élément du dossier ne permet d'infirmer ces explications, qui sont corroborées par les images vidéos produites par le recourant, dans lesquelles on ne décèle aucune nervosité ou agressivité de la part desdits policiers. Quant à K______ et L______, ils ont contesté avoir traîné et placé de force le recourant dans un fourgon, affirmant que l'intéressé était monté à bord du véhicule de son plein gré, sans faire preuve de résistance. Par ailleurs, M______, N______, O______, P______, K______ et L______ ont tous déclaré ne pas l'avoir entendu crier. Pour le surplus, les policiers ont affirmé que les deux trajets menant au poste s'étaient déroulés dans le calme et sans heurt, ce que le recourant ne conteste pas.

Enfin, le temps passé par ce dernier au poste ne paraît pas disproportionné. À cet égard, les policiers ont tous expliqué que l'intéressé avait été rapidement libéré, dès lors que les contrôles s'étaient révélés négatifs, ce qui est corroboré par les extraits du journal des évènements du 16 juin 2021 et les images vidéos produites par le recourant. En effet, il en résulte que ce dernier a été contrôlé une première fois aux alentours de 11h15 puis libéré du poste aux alentours de 13h. La seconde fois, il a été appréhendé par les agents de police aux alentours de 18h15 puis relâché vers 18h53. Ses séjours au poste ont dès lors duré nettement moins de trois heures, de sorte qu'aucun abus d'autorité ne peut être reproché aux policiers. Pour le surplus, selon les déclarations concordantes de ces derniers, lesquelles sont corroborées par les images vidéos produites par le recourant lui-même, la durée des contrôles réalisés dans la rue a été rendue nécessaire par l'attitude de l'intéressé, qui prétendait ne rien comprendre aux instructions des policiers et compliquait la situation. Lors du second contrôle, deux personnes, ne parlant pas le français, se sont par ailleurs immiscées dans le contrôle et l'on filmé, rendant plus ardu le travail des policiers, lesquels sont néanmoins restés calmes, comme le démontrent les séquences vidéos produites par le recourant.

Au vu de l'ensemble de ces considérations, c'est à juste titre que le Ministère public a retenu que les policiers visés avaient agi dans le cadre de leur mission et sans excéder leurs prérogatives. En dépit de ce qu'assène le recourant, il ne ressort des faits qu'il décrit nul dessein dolosif de la part des agents visés, nulle atteinte à sa dignité ni geste visant à l'humilier. Partant, les conditions d'application de l'art 312 CP ne sont pas réalisées.

Aucun acte d'instruction ne serait de nature à modifier les conclusions qui précèdent. Le recourant n'en demande d'ailleurs aucun dans son recours, hormis la production des images de vidéosurveillance du poste B______, où il n'a jamais été conduit. En tout état, comme il a été vu supra, tant les images du poste B______ que celles du poste F______ ont été détruites, conformément à l'art. 61 al. 2 LPol, avant le dépôt de la plainte, de sorte qu'elles ne peuvent être versées au dossier.

6.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

7.             Le recourant soutient qu'il disposerait d'un droit à l'assistance judiciaire fondé sur le droit conventionnel. Il invoque dans ce cadre l'interdiction de traitements inhumains ou dégradants.

7.1.  À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). L'assistance judiciaire gratuite en faveur de la partie plaignante est limitée à un but précis, à savoir de permettre à cette partie de faire valoir ses prétentions civiles. Lorsque, comme à Genève (arrêt du Tribunal fédéral 1B_405/2012 du 6 septembre 2012 consid. 1.2.), une collectivité publique assume une responsabilité exclusive de toute action directe contre l’auteur de l’acte illicite dénoncé, exercer l’action civile par adhésion à la procédure pénale est exclu, et une telle action doit être considérée comme vouée à l’échec (« aussichtslos »), au sens de l’art. 136 al. 1 let. b CPP (arrêt du Tribunal fédéral 1B_355/2012 du 12 octobre 2012 consid. 4).

7.2. Lorsque l'action civile n'est pas possible, la jurisprudence reconnaît dans certains cas à la partie plaignante le droit d'obtenir l'assistance judiciaire sur la base de l'art. 29 al. 3 Cst., lorsque les actes dénoncés sont susceptibles de tomber sous le coup des dispositions prohibant les actes de torture et autres peines ou traitements cruels ou dégradants (cf. art. 3 CEDH, 10 al. 3 Cst. et Convention des Nations Unies du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [RS 0.105]; cf. ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 p. 88 s.; cf. arrêt 1B_561/2019 du 12 février 2020 et les arrêts cités).

7.3. L'art. 3 CEDH interdit la torture, ainsi que les peines ou traitements inhumains ou dégradants. La Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants oblige notamment les États parties à se doter d'une loi réprimant les traitements prohibés et à instituer des tribunaux compétents pour appliquer cette loi. La première phrase de l'art. 13 de la Convention oblige les États parties à reconnaître aux personnes qui se prétendent victimes de traitements prohibés, d'une part, le droit de porter plainte et, d'autre part, un droit propre à une enquête prompte et impartiale devant aboutir, s'il y a lieu, à la condamnation pénale des responsables (ATF 131 I 455 consid. 1.2.5).

Pour tomber sous le coup de ces dispositions, le traitement dénoncé doit en principe être intentionnel et atteindre un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum dépend de l'ensemble des circonstances de la cause, notamment la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux, le sexe, l'âge et l'état de santé de la victime (ATF 139 I 272 consid. 4 p. 278). Un traitement doit être qualifié de dégradant s'il est de nature à créer des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité propres à humilier ou à avilir la victime, de façon à briser sa résistance physique ou morale ou à la conduire à agir contre sa volonté ou sa conscience (arrêts du Tribunal fédéral 1B_771/2012 du 20 août 2013 consid. 1.2.2 publié in PJA 2013 1688; 1B_729/2012 du 28 mai 2013 consid. 2.1 et les arrêts cités).

7.4. En l'occurrence, conformément à la jurisprudence précitée, le recourant doit établir avoir été victime d'un usage illicite de la violence, d'un acte de torture ou d'un traitement cruel, inhumain ou dégradant de la part des policiers impliqués.

Or, il ressort des développements ci-avant que tel n'a pas été le cas.

Par conséquent, il ne saurait se fonder sur le droit constitutionnel pour prétendre à l'obtention de l'assistance judiciaire gratuite, dès lors que les conditions découlant de la jurisprudence développée plus haut ne sont manifestement pas remplies.

Sa demande d'assistance judiciaire sera donc rejetée. 

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 500.- compte tenu de sa situation financière (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

9.             Le rejet de la demande d’assistance judiciaire sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_215/2018 du 14 juin 2018 consid. 1.2).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance juridique.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/20015/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

-

CHF

Total

CHF

500.00