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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/18056/2023

AARP/222/2025 du 18.06.2025 sur JTDP/1214/2024 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : LÉSION CORPORELLE SIMPLE
Normes : CP.180; CP.123
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18056/2023 AARP/222/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 18 juin 2025

 

Entre

A______, domicilié chez B______, ______, comparant par Me Jean-Yves HAUSMANN, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1214/2024 rendu le 9 octobre 2024 par le Tribunal de police,

 

et

 

C______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1214/2024 du 9 octobre 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'injure (art. 177 al. 1 du Code pénal suisse [CP]), de menaces (art. 180 al. 1 CP) et de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP) et condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 30.-, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans). Les frais de la procédure ont été mis à sa charge.

A______ entreprend partiellement ce jugement. Il conclut à son acquittement des infractions de menaces et de lésions corporelles simples, au prononcé d'une peine pécuniaire clémente qui tienne compte des acquittements en appel, avec un délai d'épreuve de deux ans, et à la modification de la répartition des frais de la procédure.

b. Selon l'ordonnance pénale du 6 octobre 2023, il est reproché à A______, le 16 août 2023, aux alentours de 19h55, sur la terrasse de l'établissement D______, à Genève, d'avoir violenté C______, en particulier en le poussant au sol, puis en lui écrasant le genou gauche et en lui donnant un coup de pied sur le torse. Ces gestes ont causé à C______ diverses lésions constatées médicalement le lendemain.

Dans ces circonstances, il a porté atteinte à l'honneur de C______, en le traitant de "sous-merde" ainsi qu'en lui faisant un doigt d'honneur, et l'a menacé de mort, l'effrayant de la sorte.

C______ a déposé plainte pénale pour ces faits.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 16 août 2023, A______ s'est invité dans la conversation de C______ et E______, lesquels étaient attablés sur la terrasse du bar D______, ainsi que cela ressort des déclarations constantes et concordantes de ces derniers, ainsi que des propos initiaux de A______ à la police, puis au Ministère public (MP). Dans cette mesure, les explications ultérieures du précité, à teneur desquelles il avait été intégré à la discussion par les deux amis, ne sont guère crédibles, d'autant moins que lors des débats d'appel, il a concédé avoir tendance à intervenir dans des situations qui ne le regardaient pas.

C______ a expliqué de manière constante qu'à peine entré dans la discussion, A______ s'était immédiatement montré virulent, indiquant aux deux amis qu'il s'énervait lorsqu'il était contredit (PV police et PV MP).

a.b. Par la suite, C______ a signifié à A______ vouloir mettre un terme à la discussion.

En réaction, A______ est devenu agressif (PV police et PV MP A______ ; PV police et PV MP C______) et a haussé le ton (PV police E______), puis a traité C______ de "sous-merde" et lui a fait des doigts d'honneur, avant de se diriger vers lui (lui avait "foncé dessus", PV police C______ ; s'était "approché", PV police E______).

A______ a dans un premier temps expliqué son comportement par le fait qu'il avait considéré comme étant "injuste" d'être exclu de la discussion (PV MP), avant de contester, devant le premier juge, tout comportement agressif à ce stade. Or, ses dénégations subséquentes ne sont pas convaincantes vu les explications fournies initialement et le fait qu'il ne remet pas en cause, au stade de l'appel, le verdict de culpabilité d'injures prononcé à son encontre.

b.a. Selon A______, une fois proche de C______, celui-ci lui avait donné "un petit coup de torse furtif", geste contesté par ce dernier, tandis que pour E______, les deux hommes s'étaient retrouvés front contre front.

b.b. A______ a ensuite poussé C______, ce qui l'a fait chuter, comportement qu'il a justifié en raison du coup qu'il a allégué avoir reçu.

C______ a indiqué que A______ lui avait alors écrasé le genou et donné un coup de pied sur le torse, du haut vers le bas, le pied à plat. Au MP, il a précisé s'être retrouvé avec le pied droit de A______ sur son genou droit et le pied gauche de celui-ci sur son torse. A______ a admis en appel "avoir pu marcher sur C______ au moment où [il était] agrippé par E______". Il a pour le surplus reconnu au cours de la procédure préliminaire que sa réaction avait été disproportionnée (PV MP), avant de soutenir avoir agi en situation de légitime défense (PV TP).

b.c. E______ est intervenu dans l'altercation en saisissant A______ au niveau du cou et en lui bloquant une de ses jambes avec les siennes. Ce geste les a tous deux conduits au sol et a permis au premier de maîtriser le second.

E______ a expliqué avoir réagi ainsi car il avait vu A______ se jeter sur C______ pour le frapper, sans pouvoir affirmer si A______ avait eu le temps de donner un coup avant qu'il intervienne.

b.d. A______ a indiqué s'être senti "étranglé" par E______ et avoir perdu connaissance pendant une fraction de seconde, ce qui expliquait pourquoi personne ne s'en était rendu compte. La pression était telle qu'il n'arrivait plus à respirer.

Aux termes du rapport d'interpellation du 16 août 2023, les policiers intervenus sur les lieux ont rapporté que A______ n'avait déclaré avoir perdu connaissance qu'après avoir entendu la victime faire valoir son droit de déposer plainte, déclarations qu'il a ensuite maintenues au cours de l'instruction.

b.e. C______ a aidé son ami à immobiliser A______ en lui tenant les poings. Le tenancier de l'établissement a demandé aux deux hommes de "relâcher la pression", précisant que la police avait été contactée.

Une fois immobilisé, A______ s'est débattu et a tenté de frapper E______ pour se libérer.

C______ a complété ses premières déclarations, ajoutant au MP avoir reçu à ce moment-là des coups de pied au niveau du torse de la part de son agresseur.

A______ a confirmé avoir asséné des coups de pied, mais ignorait quelle partie du corps il avait touché. Il avait répété aux deux hommes qu'il fallait desserrer leur étreinte et avait essayé de se libérer de celle-ci en les frappant.

b.f. Dans ce même laps de temps, il a proféré des menaces de mort à plusieurs reprises, adressées à C______ et E______.

C______ a expliqué les avoir comprises comme lui étant destinées, ce qui l'avait effrayé. Il avait eu peur que son ami lâche l'agresseur et, partant, peur pour sa vie, d'autant plus qu'il y avait des morceaux de verre par terre.

A______ a déclaré ne pas avoir voulu mettre ses menaces à exécution, il avait tenu de tels propos sous le coup de l'agitation, parce que E______ l'étranglait violemment et qu'il avait perdu connaissance.

c. A______ a initialement déclaré avoir bu trois bières et fumé deux joints le jour des faits, ce qu'il a par la suite nié pour expliquer qu'il sortait de la dépendance et se trouvait alors dans une phase euphorique. Devant le procureur, il a présenté des excuses au plaignant, expliquant ne pas s'être rendu compte qu'il l'avait blessé, lui qui souhaitait uniquement se débarrasser de l'emprise que les deux amis avaient sur lui.

d. Selon les photographies annexées au rapport de renseignements du 17 août 2023, A______ présente des dermabrasions au milieu du dos et au-dessus du coude droit, C______ au genou gauche, au dos, sur le torse ainsi qu'au-dessus des deux coudes, et E______ au poignet et au coude droits.

E______ a déclaré s'être coupé avec des débris de verres jonchant le sol.

e. À teneur du constat médical effectué le 17 août 2023, C______ présentait une dermabrasion à la face dorsale de la main gauche, une dermabrasion de la face postérieure de l'humérus prédominant du côté gauche et de la face dorsale de la main gauche, ainsi que des douleurs à la palpation des épineuses dorsales, de l'épicondyle latéral du coude gauche et du supéro-externe de la rotule du genou gauche.

C. a. Lors des débats d'appel, par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions et sollicite une indemnisation pour ses frais de défense en appel (art. 429 al. 1 let. a CPP).

b. C______ ne s'est pas présenté aux débats d'appel bien que dûment convoqué. Il n'a été ni excusé, ni représenté. Par courrier reçu le 19 décembre 2024 par la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), il a indiqué tenir "fermement [sa] position concernant A______".

c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

d. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

D. A______ est né en 1980 à Genève et est de nationalité suisse, célibataire et sans enfant. Il dit avoir obtenu un master en sciences économiques à l'Université de Genève. Il vit avec sa mère, dont il s'occupe, et à laquelle il verse mensuellement un loyer de CHF 660.-. Il perçoit l'aide sociale à hauteur de CHF 1'800.- par mois. Ses primes d'assurance-maladie sont prises en charge par l'Hospice général. Il a des poursuites à hauteur de CHF 35'000.-.

Selon ses dires, il avait été dépendant à la morphine depuis 2010, avec des périodes d'abstinence. Il avait suivi un traitement de substitution à partir de 2018. Au moment des faits, il ne prenait plus de morphine, mais avait rechuté par la suite.

L'extrait de son casier judiciaire suisse est vierge.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par les art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), 32 al. 1 Cst. et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 127 I 28 consid. 2a).

2.1.2. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

2.1.3. Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_942/2017 du 5 mars 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.5).

2.2. L'art. 123 ch. 1 al. 1 CP réprime le comportement de quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé.

L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés. À titre d'exemples, la jurisprudence cite l'administration d'injections, la tonsure totale et tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

2.3. Selon l'art. 180 al. 1 CP, se rend coupable de menaces quiconque par une menace grave, alarme ou effraie autrui.

Sur le plan objectif, l'infraction de menace suppose que l'auteur ait émis une menace grave (1) et que la victime ait de ce fait été effectivement alarmée ou effrayée (2) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_754/2023 du 11 octobre 2023 consid. 3.1).

La menace est grave si elle est de nature à effrayer une personne raisonnable, placée dans une situation identique (ATF 122 IV 322 consid. 1a). Les menaces de lésions corporelles graves ou de mort doivent être considérées comme graves au sens de l'art. 180 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2018 du 1er octobre 2018 consid. 3.1 ; 6B_1428/2016 du 3 octobre 2017 consid. 2.1 ; AARP/392/2023 du 20 octobre 2023 consid. 3.1).

Le lésé doit enfin avoir été effectivement alarmé ou effrayé, ce qui implique qu'il considère l'objet du comportement menaçant comme possible et qu'il suscite chez lui de la peur (arrêts du Tribunal fédéral 6B_754/2023 du 11 octobre 2023 consid. 3.1 ; 6B_1254/2022 du 16 juin 2023 consid. 7.1 ; 6B_617/2022 du 14 décembre 2022 consid. 2.2.1).

Subjectivement, l'intention de l'auteur doit porter tant sur son comportement menaçant que sur l'effroi suscité de ce fait chez le lésé ; le dol éventuel suffit (arrêts du Tribunal fédéral 6B_754/2023 du 11 octobre 2023 consid. 3.1 ; 6B_1254/2022 du 16 juin 2023 consid. 7.1 ; 6B_508/2021 du 14 janvier 2022 consid. 2.1).

2.4.1. Quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente, a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances (art. 15 CP).

La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise (ATF 106 IV 12 consid. 2a ; 104 IV 232 consid. c). Celui qui est visé par une attaque imminente à son intégrité n'a pas à attendre jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour se défendre ; il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. La seule perspective qu'une querelle pourrait aboutir à des voies de fait ne suffit pas. Par ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à la défense. Un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense. Il en va de même du comportement qui tend à prévenir une attaque certes possible mais encore incertaine, c'est-à-dire à neutraliser l'adversaire selon le principe que la meilleure défense est l'attaque (ATF 93 IV 81 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_130/2017 du 27 février 2018 consid. 3.1 ; 6B_346/2016 du 31 janvier 2017 consid. 2.1.2).

2.4.2. À teneur de l'art. 16 al. 1 CP, si l'auteur, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l'art. 15, le juge atténue la peine.

Selon l'art. 16 al. 2 CP, celui qui repousse une attaque en excédant les limites de la légitime défense n'agit pas de manière coupable si cet excès provient d'un état excusable d'excitation ou de saisissement causé par l'attaque. 

Ce n'est que si l'attaque est la seule cause ou la cause prépondérante de l'excitation ou du saisissement que celui qui se défend n'encourt aucune peine et pour autant que la nature et les circonstances de l'attaque rendent excusable cette excitation ou ce saisissement. La peur ne signifie pas nécessairement un état de saisissement au sens de l'art. 16 al. 2 CP. Une simple agitation ou une simple émotion ne suffit pas. Il faut au contraire que l'état d'excitation ou de saisissement auquel était confronté l'auteur à la suite de l'attaque l'ait empêché de réagir de manière pondérée et responsable (ATF 101 IV 119 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_922/2018 du 9 janvier 2020 consid. 2.2 et 6B_873/2018 du 15 février 2019 consid. 1.1.3).

2.5.1. En l'espèce, il est établi à teneur du dossier que l'intimé a bien été poussé au sol par l'appelant, puis a reçu de celui-ci un coup de pied au torse. Au cours de l'instruction, le prévenu a reconnu ces deux gestes, lesquels sont corroborés par les déclarations de l'intimé et du témoin.

En projetant le plaignant au sol puis en lui assénant a minima un coup de pied, l'appelant n'a pu qu'envisager et accepter de lui causer les lésions qui ont été attestées dans le constat médical du lendemain. Les lésions mises en évidence sur les photographies ainsi que dans le constat médical sont compatibles avec le récit de l'intimé. L'intimé a ainsi subi des lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 ch. 1 al. 1 aCP.

2.5.2. Il n'est pas contesté par le prévenu, au stade de l'appel, qu'il a proféré des menaces de mort alors qu'il se trouvait à terre, immobilisé par le témoin. Le prévenu a admis au cours de l'instruction que dites menaces étaient adressées aux deux hommes, sans distinction quant au destinataire de celles-ci.

Les menaces de mort proférées à l'encontre des deux hommes par le prévenu, alors qu'il venait d'attaquer gratuitement l'intimé, de le mettre à terre et qu'il se débattait violemment contre le témoin, qui se limitait à le maîtriser, constituaient objectivement une menace de nature à faire craindre au plaignant des lésions corporelles plus graves ou un danger pour sa vie.

L'intimé est par ailleurs crédible quand il indique avoir été concrètement effrayé et avoir eu peur pour sa vie. Il a été attaqué par le prévenu sans motif, avec une agressivité certaine, qui s'est intensifiée (insulte de "sous-merde", doigts d'honneur, mise à terre). L'appelant n'a pas hésité à accompagner ses mots d'une atteinte à l'intégrité physique de sa victime. Il opposait une violence farouche à son immobilisation par le témoin. Le sol était jonché de tessons de bouteilles, lesquels avaient déjà blessé les trois protagonistes en différents endroits comme il ressort des photographies au dossier.

2.5.3. L'appelant a ainsi bien infligé intentionnellement à l'intimé des lésions corporelles simples et a sciemment émis une menace grave à son égard, à tout le moins sous la forme du dol éventuel. Il devait envisager que le plaignant allait prendre les menaces au sérieux et considérer qu'elles lui étaient destinées, vu l'attaque qu'il venait de subir.

2.5.4. Il n'est en revanche pas clairement établi au dossier que le prévenu aurait volontairement donné un coup au genou ou au torse de l'intimé lorsque ce dernier se trouvait au sol, alors que lui-même était encore debout. Le témoin n'a pas été en mesure d'en confirmer l'existence et si le prévenu n'exclut pas avoir pu "marcher" sur le genou de l'intimé, il a en revanche exclu lui avoir alors porté des coups. En outre, les faits se sont déroulés rapidement, le témoin ayant réagi immédiatement lorsqu'il a vu le prévenu s'élancer contre son ami à terre, ce qui a entraîné leur chute dans la foulée de son intervention. Partant, faute d'être suffisamment établis, les coups au genou et au torse du plaignant ne seront pas retenus.

2.6. L'appelant allègue avoir agi en état de légitime défense.

En dépit de ce qu'il soutient, il s'est montré agressif, si ce n'est dès qu'il s'est immiscé dans la discussion, à tout le moins lorsqu'il en a été exclu. Puis, il a adopté un comportement offensif, constitutif d'une attaque au sens de l'art. 15 CP, lorsqu'il s'est dirigé vers l'intimé et l'a projeté au sol, étant rappelé qu'il ressort des déclarations concordantes de l'intimé et du témoin que c'est l'appelant qui est à l'origine du premier geste agressif, aucun mouvement du torse de la part de l'intimé n'ayant en particulier été relevé par le témoin et celui-ci conteste avoir agi de la sorte.

Vu la rapidité de l'attaque de l'appelant, l'intimé n'a pas été en mesure de la repousser et s'est retrouvé à terre. Dans ces circonstances, le témoin, lequel se trouvait derrière le prévenu, l'a saisi au cou pour interrompre son offensive en l'immobilisant. En se débattant violemment et en proférant des menaces de mort, alors qu'il était maintenu au sol, le prévenu a riposté aux conséquences de sa propre attaque, étant précisé qu'aucun élément au dossier n'objective la perte de conscience alléguée par l'appelant, dont il apparaît peu probable qu'elle ait pu être causée par l'intervention du témoin. Celle-ci apparaît d'autant moins avérée qu'il n'en a pas fait état d'entrée de cause lors de l'intervention des policiers. C'est donc en vain qu'il invoque ce fait pour tenter de justifier l'agressivité dont il a fait preuve une fois au sol.

Dans ce contexte, la légitime défense invoquée par l'appelant (art. 15 CP, a fortiori 16 CP) ne saurait être envisagée.

2.7. Les verdicts de culpabilité prononcés à son encontre des chefs d'infractions aux art. 123 ch. 1 al. 1 aCP et 180 al. 1 CP doivent ainsi être confirmés.

3. 3.1. Les lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP) et les menaces (art. 180 al. 1 CP) sont punissables d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. L'injure est sanctionnée d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5.5, 5.6 et 5.7), ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 35 consid. 2.1). L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 ; 136 IV 1 consid. 2.6.4). Il en va de même de l'utilisation par le prévenu de son droit à ne pas coopérer volontairement à la procédure pénale (ATF 149 IV 9 consid. 5.1.3).

3.3. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

3.4. À teneur de l'art. 44 al. 1 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans. Dans le cadre ainsi fixé par la loi, la durée du délai d'épreuve est à déterminer en fonction des circonstances du cas, en particulier selon la personnalité et le caractère du condamné, ainsi que du risque de récidive. Plus celui-ci est important plus long doit être le délai d'épreuve et la pression qu'il exerce sur le condamné pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1339/2016 du 23 mars 2017 consid. 1.1.2).

3.5. La faute du prévenu est loin d'être insignifiante. Il s'en est pris violemment et gratuitement à l'intégrité physique du plaignant, qu'il a de plus injurié et menacé.

Ses mobiles sont égoïstes et relèvent d'un comportement colérique mal maîtrisé. Sa frustration d'avoir été exclu d'une conversation dans laquelle il s'était immiscé sans y avoir été invité ne justifiait aucunement un tel déchaînement de violence.

Sa situation personnelle n'explique ni ne justifie ses actes et les faits survenus sont sans lien avec la toxicodépendance dont il allègue souffrir.

Sa collaboration a été globalement mauvaise s'agissant des faits les plus graves (lésions corporelles simples et menaces) et il a fourni des explications fantaisistes (coup de torse, perte de connaissance) pour tenter de se disculper. Il a toutefois admis les injures.

Il n'a pas non plus hésité pas à se positionner en victime et ses dénégations, tout comme son absence de repentir, dénotent une absence de prise de conscience de l'illicéité de son comportement.

Il n'a pas d'antécédent, facteur neutre sur la peine.

Il y a concours d'infractions, facteur d'aggravation de la peine, et cumul d'infractions punissables de peines de genre différent.

L'appelant ne conteste pas, au-delà des acquittements plaidés, la quotité de la peine pécuniaire fixée par le premier juge, étant relevé que le sursis prononcé lui est acquis (art. 391 al. 2 CPP).

Une peine pécuniaire de 40 jours-amende sanctionne adéquatement les lésions corporelles simples, infraction la plus grave, auquel il convient d'ajouter 10 jours-amende (peine hypothétique : 20 jours-amende) pour sanctionner les menaces (art. 180 al. 1 CP) et 10 jours-amende (peine hypothétique : 20 jours-amende) pour l'infraction d'injure (art. 177 CP). La peine globale de 60 jours-amende est ainsi justifiée.

La durée du délai d'épreuve de trois ans est par ailleurs appropriée aux circonstances. Il n'apparaît en effet pas justifié de réduire ce délai au minimum légal, au vu de l'absence de prise de conscience de l'appelant.

4. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), lesquels comprennent un émolument de décision de CHF 1'000.-.

Vu l'issue de l'appel, la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance ne sera pas revue (art. 428 al. 3 CPP).

5. Par identité de motifs, l'appelant sera débouté de ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1214/2024 rendu le 9 octobre 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/18056/2023.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'255.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP), de menaces (art. 180 al. 1 CP) et de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 936.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Condamne A______ à payer un émolument complémentaire de CHF 600.- à l'État de Genève".

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 

 

 

 

 

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'536.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'255.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'791.00