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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/11574/2020

AARP/185/2023 du 01.06.2023 sur JTDP/1109/2022 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.07.2023, rendu le 22.12.2023, REJETE, 6B_896/2023
Descripteurs : SÉJOUR ILLÉGAL;TRAVAIL AU NOIR;USAGE DE FAUX(DROIT PÉNAL);PEINE PÉCUNIAIRE;SURSIS À L'EXÉCUTION DE LA PEINE
Normes : LEI.115.al1.letB; LEI.115.al1.letC; LEI.118; CP.22.al1; CP.34; CP.42
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11574/2020 AARP/185/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 16 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______, comparant par Me W______, avocat, ______, Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1109/2022 rendu le 12 septembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 12 septembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquitté de faux dans les certificats (art. 252 du Code pénal suisse [CP]), mais l'a reconnu coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]), d'activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP cum art. 118 al. 1 LEI). Le TP l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction de deux jours-amende, correspondant à deux jours de détention avant jugement, à CHF 70.- l'unité, avec sursis durant trois ans. Les frais de la procédure ont été mis à sa charge à raison de 7/10èmes (soit CHF 805.70), de même que l'émolument complémentaire de jugement de CHF 1'000.-.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement complet.

b. Selon l'ordonnance pénale du Ministère public (MP) du 13 août 2020, les faits suivants sont encore reprochés à A______ :

b.a. Entre le mois de juin 2018 et le 30 juin 2020, jour de son interpellation par la police, il a séjourné à Genève et y a exercé une activité lucrative, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires, entre les 2 août 2019 et 30 juin 2020 (selon les périodes pénales retenues in fine par le TP, jugement entrepris consid. 2.2.4).

b.b. Dans le cadre d'une demande "Papyrus" déposée le 18 mars 2019 auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), il a produit des documents falsifiés, notamment des fiches de salaire émises par les sociétés C______ SA, D______ SÀRL et E______ SÀRL, dans le but d'induire en erreur l'OCPM, afin d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour, laquelle ne lui a toutefois pas été délivrée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. A______, ressortissant du Kosovo, né le ______ 1985, a adressé à l'OCPM "une demande pour l'obtention d'un permis de travail – cas de rigueur et intérêt économique du pays" datée du 18 mars 2019, dans laquelle il exposait notamment exercer une activité lucrative à Genève, dans le domaine du déménagement, depuis 2007, et faire preuve d'une bonne intégration en Suisse.

a.b. À l'appui, il a notamment produit les documents suivants :

-                        un contrat de travail sur appel conclu avec la société C______ SA le 20 juin 2008, pour un emploi de déménageur, dont le point 14, relatif aux fors en cas d'actions relevant du droit du travail, fait référence aux articles 34 et 35 du Code de procédure civile suisse (CPC), entré en vigueur le 1er janvier 2011 ;

-                        26 fiches de salaire établies par C______ SA, entre les mois de juin 2008 et de novembre 2014 ;

-                        neuf fiches de salaire établies par D______ SÀRL, entre les mois de février 2015 et mars 2017 ;

-                        une attestation de travail du 31 mars 2017 établie par D______ SÀRL, indiquant que A______ avait bénéficié d'un contrat de travail sur appel en qualité de manutentionnaire de janvier 2015 au 31 mars 2017 ;

-                        une lettre de recommandation du 10 mars 2019 signée par F______, à la suite du travail effectué par A______ au sein de C______ SA ;

-                        une lettre de recommandation du 14 mars 2019 signée par G______, indiquant avoir fréquenté A______ dans le cadre de relations professionnelles ;

-                        des fiches de salaire établies par E______ SÀRL pour les mois de juillet et d'août 2019 ;

-                        une confirmation d'abonnement aux transports publics genevois du 27 avril 2018 ;

-                        des récépissés de paiements auprès de H______ [entreprise de télécommunication] entre octobre 2018 et février 2019 ;

-                        une attestation d'évaluation orale en français du 11 février 2019 ;

-                        la preuve de paiement d'un abonnement de fitness de février 2019 à janvier 2020 ;

-                        la quittance d'achat d'un téléphone, dont la date n'est pas visible mais dont la garantie s'étend jusqu'au 17 septembre 2020 ;

-                        une attestation de l'OCPM du 6 décembre 2019, selon laquelle A______ résidait à l'adresse suivante : p.a. M. I______, rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, ce que l'intéressé avait annoncé le 1er décembre précédent.

a.c. Par courrier du 8 août 2019, l'OCPM a notamment demandé à A______ de produire tout justificatif de sa présence continue en Suisse depuis la date indiquée de son arrivée en 2007, tels que les preuves des versements de primes de l'assurance maladie-accidents, fiches de salaire, extraits de comptes bancaires, facture nominative de téléphone, abonnement TPG en son nom, etc. (au moins une par année depuis 2007).

b.a. Dans le cadre d'une enquête relative à des demandes d'autorisation de séjour "Papyrus", la police a procédé à l'arrestation de A______ au domicile de son frère, B______, sis rue 2______ no. ______, à Genève, le 30 juin 2020, le dossier qu'il avait déposé auprès de l'OCPM révélant des anomalies.

En particulier, d'après l'analyse de la police, les fiches de salaire établies pour les années 2008 à 2014 par C______ SA, tout comme celles établies par D______ SÀRL pour les années 2015 à 2017, présentaient des erreurs s'agissant du taux de cotisation relatif aux retenues obligatoires.

L'adresse de D______ SÀRL indiquée sur la fiche de salaire établie pour le mois de février 2015 était, par ailleurs, erronée, la société étant alors domiciliée à la rue 3______, non à la route 4______, d'après l'extrait du Registre du commerce.

Enfin, malgré l'existence alléguée de divers emplois et la présence de fiches de salaire, l'extrait de compte individuel de A______ auprès de l'Office cantonal des assurances sociales (OCAS), daté du 29 juin 2020, était vierge.

b.b. L'analyse du téléphone portable de A______ a révélé qu'il avait préalablement déposé une demande d'asile auprès des autorités françaises le 2 janvier 2019.

Lors de son audition en France, le précité avait relaté avoir suivi des études de criminalistique de 2010 à 2013, puis obtenu un master en droit à l'Université de L______ au Kosovo en 2014. Il avait en outre expliqué qu'ayant été victime d'un enlèvement au Kosovo le 10 avril 2018, il avait, le 15 avril 2018, quitté le pays pour se rendre en Suisse, où il n'avait eu aucun point d'attache, ni hébergement, raison pour laquelle il s'était rendu en France le 3 décembre 2018.

b.c. Sur son compte FACEBOOK, A______ mentionnait avoir obtenu un master en criminalistique et juridique-pénal à l'Université "M______" de L______ en 2015.

La lecture de son profil FACEBOOK laissait penser qu'il avait dû vivre au Kosovo jusqu'en avril 2018, celui-ci comportant de nombreuses localisations dans ce pays entre décembre 2012 et mars 2018, tandis que la première publication où il était localisé à Genève datait du 18 juin 2018. Titrée "Genéve CH!", elle était associée à des photographies de lui devant des sites touristiques genevois. Plusieurs de ses "amis" sur FACEBOOK avaient commenté cette publication en lui souhaitant de bonnes vacances, messages auxquels il avait répondu par des remerciements.

c. A______ a été entendu à différentes reprises au cours de la procédure, assisté d'un interprète.

c.a. À la police, il a reconnu avoir séjourné en Suisse sans les autorisations nécessaires. Il avait grandi au Kosovo et était venu pour la première fois en Suisse en 2007, pour y travailler et y faire sa vie. Depuis lors, il était retourné dans son pays d'origine deux ou trois fois, voire plus.

Sur les recommandations de compatriotes, il avait fait appel à K______ pour déposer sa demande "Papyrus" auprès de l'OCPM en mars 2019, mais avait ensuite renoncé à ses services, ayant appris que ce dernier n'était pas réellement avocat. Il savait qu'à l'appui de cette demande, il devait prouver sa présence en Suisse depuis 10 ans ainsi que le fait d'y avoir travaillé. Il avait transmis au précité différents documents utiles, soit notamment ses contrats de travail, ses quittances de fitness, de téléphone et ses fiches de salaire depuis 2008. Il avait remis plusieurs sommes d'argent à K______, mais ne se souvenait plus du montant total payé pour son intervention. Il a reconnu lui avoir envoyé le 19 août 2019 le message WhatsApp "tu te souviens pour quelle année tu as fait la demande [ ] que je suis ici depuis 2007 ou 2008?", dans la mesure où il n'avait que des justificatifs pour 2008 et non pour 2007, alors que l'OCPM lui en demandait pour cette dernière année.

Il a confirmé avoir travaillé de manière irrégulière pour C______ SA de 2008 à 2013, avoir été payé cash et avoir reçu des fiches de salaire. De 2014 à 2017, il avait travaillé de manière occasionnelle pour D______ SÀRL, avait été payé cash et avait également reçu des fiches de salaire. Il n'expliquait pas les erreurs dans les taux de cotisation mentionnés sur ces fiches de salaire, n'étant pas économiste. Depuis 2018, il travaillait pour N______ SA à O______ [VD] et, depuis le mois d'août 2019, y était employé de manière déclarée, dès lors qu'il avait signé un contrat de travail et qu'il recevait des fiches de salaire. Il était toutefois en arrêt de travail depuis le mois d'avril 2020 et comptait reprendre son activité au début du mois de juillet 2020. En 2019, il avait également travaillé deux mois pour E______ SÀRL, avait perçu sa rémunération en cash et avait reçu des fiches de salaire. Ce n'était pas son problème si l'extrait de son compte individuel établi par l'OCAS était vierge. Il avait travaillé pour les entreprises indiquées et il appartenait à l'État de "trouver les coupables", soit les sociétés qui n'avaient pas versé les cotisations dues.

Eu égard à ses localisations au Kosovo, mises en évidence sur son compte FACEBOOK jusqu'au mois de mai 2018, il a répondu que l'on ne pouvait pas croire toutes les informations qui y étaient visibles. Il s'était, en dernier lieu, rendu dans son pays d'origine à la fin de l'année 2017 et était revenu en Suisse au mois d'avril 2018. Il avait inventé les faits relatés à la police en France et déposé une demande d'asile dans ce pays par crainte d'être renvoyé au Kosovo.

c.b. Par la suite, devant le MP et la police, A______ a confirmé ses premières déclarations.

Depuis son arrivée en Suisse en août 2007, il était en fait retourné à plusieurs reprises au Kosovo pour des séjours de deux semaines à un mois, au maximum, pour des vacances. Si, sur FACEBOOK, il était localisé dans son pays d'origine au cours de la période durant laquelle il soutenait s'être trouvé en Suisse, c'était parce qu'il était possible de se localiser au Kosovo sur cette application, tout en se trouvant à Genève. Il n'avait pas utilisé de VPN (Virtual Private Network), ignorant de quoi il s'agissait. Après qu'il lui eut été expliqué que s'il n'utilisait pas de VPN, l'adresse IP de sa localisation au moment où il postait une publication sur FACEBOOK s'affichait, il a indiqué qu'un tiers avait pu utiliser son compte. Il n'avait pas suivi d'études universitaires au Kosovo en 2015, mais avait rendu visite à des amis. Depuis son arrivée en Suisse, il avait toujours travaillé, dans les cantons de Genève, Vaud et Fribourg, et cela de manière déclarée, quand bien même il n'était pas en possession d'un permis de travail.

Tous les documents qui avaient été produits auprès de l'OCPM étaient vrais. Il ignorait pourquoi l'adresse mentionnée sur l'une des fiches de salaire établie par D______ SÀRL était inexacte. Les fiches de salaire à l'en-tête de cette dernière société et de C______ SA lui avaient été remises, en original, par leurs patrons, soit G______ et F______, lorsqu'il avait travaillé pour ces entreprises. Il payait le prix des actes de ses employeurs et de K______, ce qui était injuste.

d. Les prétendus employeurs de A______ ont également été auditionnés.

d.a. G______ était le gérant légal de P______ SÀRL, anciennement D______ SÀRL, depuis 2015 ou 2017. Le gérant de fait de cette société, F______, était un ami. Ce dernier avait racheté la société. À sa connaissance, l'entreprise n'avait eu aucune activité ni employés. Il ne connaissait pas A______, ne l'ayant jamais vu et n'en ayant jamais entendu parler. Il n'avait jamais vu ni signé l'attestation de travail, relative au précité, établie au nom de D______ SÀRL. Il en allait de même de la lettre de recommandation établie à son nom en faveur de A______, la signature apposée ayant dû être falsifiée. Il n'avait jamais établi de fiches de salaire au nom de D______ SÀRL pour A______, ni ne lui avait remis de tels documents.

d.b.a. F______ avait créé C______ SA en 2008 et en avait été le dirigeant jusqu'à sa faillite en 2015. Après réflexion, le nom de A______ lui disait vaguement quelque chose. Le précité avait peut-être travaillé pour lui mais il n'en conservait aucun souvenir. Sur présentation du contrat de travail signé par A______ avec C______ SA, il a confirmé que celui-ci correspondait au contrat-type de la société et lui semblait correct. Il portait effectivement sa signature. S'agissant de la lettre de recommandation établie à son nom et portant également sa signature, il l'avait possiblement remise à A______. La société ayant engagé de nombreux employés, il était incapable de dire à quelles périodes ce dernier avait travaillé pour lui. En fait, il se souvenait avoir rencontré A______ il y a très longtemps, lequel avait certainement travaillé pour lui, sans quoi il ne lui aurait pas remis une telle lettre de recommandation. A______ avait alors nécessairement reçu des fiches de salaire, lesquelles étaient établies par la secrétaire. Il ignorait pourquoi, sur certaines d'entre elles, les taux de cotisations relatives à l'assurance maternité et à l'assurance chômage étaient erronés, ni pourquoi aucune desdites cotisations n'avait été reversée à teneur des renseignements fournis par l'OCAS, tout en reconnaissant qu'il devait lui-même s'occuper de déclarer les employés.

S'agissant de D______ SÀRL, il en avait été le gérant de fait et G______ s'était occupé de la partie administrative, mais ils n'étaient pas parvenus à relancer les activités de la société. Elle avait peut-être eu un ou deux employés, lesquels n'avaient toutefois travaillé que de manière insignifiante. Si A______ était en possession de fiches de salaire de cette société, il avait dû les établir, bien qu'il ne se souvînt pas l'avoir employé. Il ne se souvenait pas non plus de la lettre de recommandation établie au nom de G______ en faveur de A______, mais il devait l'avoir lui-même rédigée.

À l'issue de son audition, la police lui ayant reposé la question de savoir si A______ avait réellement travaillé pour lui, F______ a répondu qu'il ne se souvenait "pas du tout" et qu'il était extrêmement confus. À la question de savoir s'il avait fourni tous ces documents à A______ dans le but de l'aider dans le cadre de sa demande d'autorisation de séjour, alors que l'intéressé n'avait pas travaillé pour lui, il a refusé de répondre.

d.b.b. Par ordonnance pénale du 10 août 2021, F______ a été reconnu coupable de complicité de faux dans les certificats (art. 25 et 252 CP) et d'infraction à l'art. 116 al. 1 let. a LEI, et condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 80.- pour avoir, à Genève, à une date indéterminée et indéterminable, mais entre le mois d'avril 2018 et le 18 mars 2019, facilité le séjour en Suisse de A______, ressortissant kosovar démuni de titre de séjour, notamment en lui procurant de faux documents tels que des fiches de salaire et des attestations de travail , lesquels étaient destinés à être utilisés pour améliorer sa situation, puisqu'ils avaient été déposés dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour auprès de l'OCPM, aucune autorisation n'ayant toutefois été délivrée.

d.b.c. Entendu par le MP sur opposition, F______ a expliqué qu'il ne contestait que la peine prononcée à son encontre, non sa culpabilité. Il avait uniquement voulu aider quelqu'un. Il présentait ses excuses et sollicitait la clémence.

d.b.d. Par ordonnance pénale du 12 novembre 2021, qu'il n'a pas contestée, F______ a été reconnu coupable des mêmes infractions que celles retenues dans l'ordonnance pénale du 10 août 2021, mais condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 30.-.

d.c.a. Q______, gérant de N______ SA, a indiqué avoir engagé A______ en qualité d'aide-monteur le 2 août 2019, au bénéfice d'un contrat de travail à durée indéterminée, avec un taux d'activité de 70%. Ce dernier avait travaillé du 2 août 2019 au 14 avril 2020 et reçu des fiches de salaire. En raison d'une incapacité de travail de plus de six mois, il avait finalement été licencié.

Au moment de son engagement, A______ avait fourni des copies de ses cartes AVS et d'identité kosovare ainsi qu'une attestation de l'OCPM du 3 avril 2019, confirmant qu'il était dans l'attente d'un permis de séjour. Ce dernier avait été en règle, sans quoi il n'aurait pas été engagé. A______ avait été déclaré aux autorités et ses charges sociales avaient été payées. Le 10 octobre 2019, le précité avait remis un formulaire M à N______ SA, laquelle l'avait complété et signé avant de le lui rendre. Il ignorait pourquoi ce document n'avait pas été transmis aux autorités administratives.

d.c.b. Selon le rapport de renseignements du 30 juin 2021, après vérifications auprès des autorités administratives, aucune demande d'autorisation de travail et/ou formulaire M n'avaient été adressés à l'OCPM pour le compte de A______, en lien avec N______ SA. Il en découlait que A______ était démuni de toute autorisation de travail.

d.c.c. Par ordonnance pénale du 10 août 2021, qu'il n'a pas contestée, Q______ a été reconnu coupable d'infraction à l'art. 117 al. 1 LEI et condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 230.-, avec sursis durant trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 1'300.-, pour avoir, à Genève, entre le 2 août 2019 et le 14 avril 2020, en sa qualité d'administrateur avec signature individuelle de la société N______ SA, employé A______ en qualité d'aide-monteur, alors qu'il le savait dépourvu d'autorisation de travail.

e. En première instance, A______ a contesté les faits reprochés. Il s'était installé en Suisse au début de l'année 2008 et avait déposé une demande d'autorisation de séjour, respectivement de travail en Suisse, le 21 mars 2019, non le 18 mars 2019, dans le cadre de l'opération "Papyrus". Bien qu'il n'ait pas sollicité une telle autorisation dans l'intervalle, il estimait ne pas avoir travaillé illégalement dès lors qu'il avait toujours bénéficié d'un contrat de travail. La police ne l'avait jamais contrôlé avant le 30 juin 2020.

S'agissant de ses nombreuses localisations dans son pays d'origine, ressortant de son compte FACEBOOK entre 2012 et le mois de mars 2018, il a expliqué que sa copine avait régulièrement accédé à ce compte, depuis le Kosovo, lorsque tous deux s'y rencontraient. Il rappelait, par ailleurs, que les informations mentionnées sur FACEBOOK n'étaient pas nécessairement le reflet de la vérité. Sa copine avait, par exemple, écrit qu'il était au bénéfice d'un Master, pour se vanter, alors que tel n'était pas le cas. Elle avait "posté" trop de choses sur son compte, ce qui lui avait porté préjudice et avait mené à leur séparation. Il a maintenu avoir menti aux autorités françaises en leur indiquant avoir quitté le Kosovo le 15 avril 2018, afin d'éviter d'y être renvoyé.

Il a confirmé que les documents fournis à l'appui de sa demande "Papyrus" lui avaient été remis par ses patrons, F______ et G______. Quand bien même ce dernier soutenait ne pas le connaître, ne pas l'avoir employé et ne pas avoir établi ou signé d'attestation le concernant, il avait bien signé l'attestation remise, tout comme les autres documents. Il ignorait pourquoi F______ avait déclaré ne pas se rappeler s'il l'avait réellement employé et pourquoi il avait refusé de répondre à la question de savoir s'il lui avait fourni des documents mensongers. Il n'était pas au courant du fait que F______ avait été condamné en lien avec les documents de travail le concernant. À propos du fait que le contrat de travail signé le 20 juin 2008 avec C______ SA mentionnait des dispositions légales entrées en vigueur plusieurs années plus tard, il a répondu qu'il n'était ni patron, ni comptable. Il s'était contenté de signer les documents, sans en comprendre le contenu.

Il se sentait condamné deux fois. Ses patrons l'avaient "roulé dans la farine", en ne payant pas les charges sociales. Il était mis en cause par les autorités pénales sans avoir fait quoi que ce soit de mal, hormis travailler. La procédure était une perte de temps et une injustice. Il y était assisté d'un interprète, car la grammaire française n'était pas son fort et qu'il parlait "le langage du chantier".

C. a.a. Devant la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), A______ a maintenu ses précédentes déclarations, notamment quant au fait qu'il était arrivé en Suisse pour la première fois en 2007, qu'il avait signé les contrats de travail rédigés par ses patrons sans les comprendre et que ses nombreuses localisations au Kosovo entre 2012 et mars 2018, ressortant de son compte FACEBOOK, était dues à des agissements de sa copine, R______, au Kosovo. Celle-ci, qui était en possession de ses identifiants, avait en effet gardé son compte FACEBOOK activé et fait toute sorte de publications sur son profil, pour se vanter de son copain. Leur relation avait pris fin vers 2015 et 2016. Si des amis lui avaient souhaité, en 2018, sur son compte FACEBOOK de passer de bonnes vacances à Genève, c'était parce qu'il lui était arrivé de rentrer pour deux à trois semaines, voire pendant un mois au Kosovo. En voyant sa photo, ils lui avaient ainsi souhaité de bonnes vacances.

Il contestait avoir quitté son pays d'origine pour la Suisse au printemps 2018, maintenant que c'était sa copine qui utilisait son compte FACEBOOK et qu'il avait menti aux autorités françaises pour ne pas être renvoyé au Kosovo. Il avait créé un nouveau profil FACEBOOK, qu'il avait fermé par la suite, n'ayant pas besoin de deux comptes. Il avait récupéré son premier compte lorsqu'il s'était séparé de sa copine. Il ne se souvenait pas des dates auxquelles il avait créé ces comptes FACEBOOK. Il ne pouvait pas dire combien de temps avait duré la période durant laquelle il s'était séparé puis remis, puis à nouveau séparé de son ex-copine. Il pouvait uniquement dire qu'il y avait eu de nombreux soucis avec elle et que leur relation était toxique.

Concernant la publication de photos sur lesquelles il apparaissait dans des lieux touristiques à Genève le 18 juin 2018, il les avait lui-même prises et les avait envoyées à sa copine. Après qu'il lui eut été fait remarquer qu'il avait précédemment indiqué s'être séparé d'elle en 2015-2016, il a déclaré s'être peut-être trompé dans la date de leur rupture. En fait, depuis leur séparation en 2016, son ex-copine avait continué à faire un mauvais usage de son compte FACEBOOK et refusé de lui donner ses identifiants. Il avait fini par la menacer du dépôt d'une plainte au Kosovo, ses publications lui ayant causé beaucoup de problèmes.

Il n'avait appris que tout récemment que les entreprises pour lesquelles il avait travaillé n'avaient payé aucune charge sociale pour lui. Ce n'était pas de sa faute. Un des patrons avait bien écrit qu'il avait travaillé pour lui, en fournissant une copie de son passeport. Il avait été étonné par les déclarations de G______ et de F______. Il pensait que ceux-ci avaient eu peur d'être sanctionnés pour leurs manquements. Il réalisait que l'analyse de son compte FACEBOOK pouvait prêter à confusion. Cela étant, il était formel quant au fait qu'il avait vraiment travaillé pour les sociétés indiquées.

a.b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions et requiert une indemnité pour ses frais d'avocat de CHF 4'439.90, décompte de prestations à l'appui.

Aucun indice ne permettait de retenir une intention de tromper les autorités dans le cadre de sa demande "Papyrus". Le TP n'avait pas pris en considération le témoignage de F______ qui avait confirmé que l'appelant avait travaillé pour lui, avant de changer de version en raison de la crainte d'être lui-même condamné. L'appelant avait changé de représentant lorsqu'il avait appris que K______ n'était pas un vrai avocat. Il n'avait pas constitué lui-même le dossier envoyé à l'OCPM, de sorte qu'il ne savait même pas ce qui s'y trouvait.

Concernant les infractions à l'art. 115 LEI incriminées, l'OCPM faisait concrètement preuve de tolérance vis-à-vis des personnes dans la même situation que l'appelant, en les autorisant à travailler et à séjourner en Suisse sur la base de l'art. 17 al. 2 LEI, dès le dépôt de leur demande de régularisation, ce qui était ignoré des autorités pénales. Au surplus, dans la mesure où il était demandé aux personnes déposant une demande "Papyrus" de prouver qu'elles avaient séjourné et travaillé en Suisse pendant 10 ans, sans autorisation, pour bénéficier d'un tel programme, il y avait un non-sens à les condamner ensuite pour séjour et travail illégaux, sous peine de violer le principe juridique nemo tenetur se ipsum accusare, soit le droit de ne pas s'auto-incriminer. Un tel procédé relèverait par ailleurs d'une fishing expedition illicite et d'une tromperie, rendant toute preuve en découlant inexploitable.

Aussi, il convenait d'acquitter l'appelant des infractions reprochées pour toute période pénale incriminée. À tout le moins dès le 18 mars 2019, date du dépôt de sa demande "Papyrus", aucune infraction ne pouvait lui être reprochée, étant injuste de condamner une personne pour des faits qu'elle devait prouver. Si par impossible, l'appelant devait être reconnu coupable d'infractions à la LEI, il convenait d'arrêter la période pénale au 18 mars 2019 et de ne le condamner qu'à une peine ne dépassant pas 30 jours-amende.

b. Par courrier du 8 décembre 2022, le MP a conclu au rejet de l'appel.

D. a. A______, né le ______ 1985 à S______, au Kosovo, pays dont il est originaire, est célibataire et sans enfant. Ses parents sont décédés. Il a six frères et sœurs, ainsi qu'un demi-frère, dont l'un est décédé. Deux frères et deux sœurs habitent au Kosovo. Un frère habite à Genève et un autre en Italie.

Après avoir suivi l'école obligatoire, il a fait une école professionnelle de laborantin en chimie jusqu'en 2003 et obtenu un diplôme de fin d'étude dans ce domaine.

Il a ensuite commencé à travailler, notamment pour son frère, dans une station-service au Kosovo. Il a travaillé pour T______ SA dans le canton de Vaud, pour un salaire de CHF 4'066.-, jusqu'au 31 janvier 2023. Le lendemain des débats d'appel, soit le 28 mars 2023, il devait signer un nouveau contrat de travail comme ouvrier avec l'entreprise U______ SA, active dans le bâtiment dans le canton de Vaud.

Ayant déménagé à la rue 5______ no. ______, à V______ [GE] (adresse qui apparaît être le domicile de son frère, B______, d'après une consultation de la base de données CALVIN) depuis l'audience de jugement, il fait désormais valoir un loyer de CHF 1'580.-. Il ne paye aucune assurance maladie, n'a ni dettes, ni fortune.

b. L'extrait du casier judiciaire suisse de A______ ne fait état d'aucune condamnation.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]). La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

L'appel ne suspend la force de chose jugée du jugement attaqué que dans les limites des points contestés (art. 402 CPP).

1.2. L'acquittement de l'appelant du chef de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) n'est pas contesté en appel et est donc, d'ores et déjà, acquis. Seule sa condamnation des chefs d'infractions à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI, pour les périodes de juin 2018 au 30 juin 2020 (pour le séjour illégal) et du 2 août 2019 au 30 juin 2020 (pour le travail illégal), ainsi que de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP cum art. 118 al. 1 LEI) demeure litigieuse.

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1145/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.2).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.1.2. Se rend coupable de violation de l'art. 115 al. 1 LEI, quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse prévues à l'art. 5 LEI (let. a), y séjourne illégalement (let. b) ou exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c).

En principe, l'étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d'autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l'étranger (art. 17 al. 1 LEI). Cela vaut aussi pour l'étranger résidant illégalement en Suisse qui tente de légaliser son séjour par le dépôt ultérieur d'une demande d'autorisation de séjour durable (ATF 139 I 37 consid. 2.1). Selon le message du Conseil fédéral, le requérant ne peut pas se prévaloir, déjà durant la procédure, du droit de séjour qu'il sollicite ultérieurement, à moins qu'il ne remplisse "très vraisemblablement" les conditions d'admission (FF 2002 3469 ss, p. 3535).

L'art. 17 al. 2 LEI prévoit, en effet, que l'autorité cantonale compétente peut autoriser l'étranger à séjourner en Suisse durant la procédure si les conditions d'admission sont manifestement remplies.

2.1.3. L'art. 118 al. 1 LEI sanctionne le comportement de quiconque induit en erreur les autorités chargées de l'application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et obtient, de ce fait, frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers, ou évite le retrait d'une autorisation.

L'auteur doit avoir un comportement frauduleux qui induit l'autorité en erreur relativement à un fait essentiel, ce qui amène celle-ci à accorder ou à ne pas retirer une autorisation ; il doit ainsi exister un lien de causalité adéquate entre la tromperie et l'octroi de l'autorisation de séjour au sens que si l'autorité avait eu connaissance de la vérité, elle n'aurait pas délivré ladite autorisation (AARP/327/2021 du 19 octobre 2021 consid. 2.2.1).

Le résultat de l'infraction se produit lorsque l'autorisation de séjour est accordée ; à défaut, il s'agit d'une tentative (AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2 ; M.S. NGUYEN / C. AMARELLE [éds], Code annoté de droit des migrations, vol. II, Loi sur les étrangers [LEtr], Berne 2017, ch. 2.2 n. 10 ad art. 118).

L'infraction de comportement frauduleux à l'égard des autorités est une infraction intentionnelle ; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2018 du 13 janvier 2022 consid. 5.1).

2.1.4. L'opération dite "Papyrus", qui a pris fin au 31 décembre 2018, a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE, bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir : avoir un emploi, être indépendant financièrement, ne pas avoir de dettes, avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum pour les familles avec enfants scolarisés ou sinon dix ans minimum, faire preuve d'une intégration réussie, et ne pas avoir de condamnation pénale autre que celle pour séjour illégal (ATA/1255/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5 ; ATA/1153/2022 du 15 novembre 2022 consid. 7 ; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 7).

2.1.5. Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. ; ce principe est également rappelé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP qui prévoit que les autorités pénales s'y conforment (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.1).

Le principe de la bonne foi protège ainsi le justiciable dans la confiance légitime qu'il place dans sa relation avec les autorités. Le MP a récemment changé de pratique quant à l'opportunité de poursuivre une infraction de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) dans l'hypothèse où un prévenu est acquitté de celle prévue par l'art. 118 LEI, dans le cadre d'une opération de régularisation comme "Papyrus", et ce pour la période pénale couverte par celle-ci. Ce raisonnement s'inscrit dans le contexte particulier où des étrangers sans autorisation sont invités par l'État à dévoiler leur situation irrégulière dans l'espoir de se voir octroyer un permis. Il paraît en effet conforme au principe de la bonne foi que les autorités pénales, qui n'auraient pas eu connaissance du séjour illégal sans la révélation volontaire de l'administré, ne le poursuive pas si celui-ci n'adopte aucun comportement frauduleux à l'égard des autorités (AARP/70/2023 du 6 mars 2023 consid. 3.1 et 3.2 ; AARP/118/2023 du 27 mars 2023 consid. 2.1.5). Cela se justifie également au regard de la règle selon laquelle nul ne peut être contraint de s'auto-incriminer, qui constitue un principe général applicable à la procédure pénale, découlant de l'art. 32 Cst., de l'art. 14 al. 3 let. g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II ; RS 0.103.2) et du droit à un procès équitable au sens de l'art. 6 ch. 1 CEDH (ATF 142 IV 207 consid. 8.3).

2.2.1. En l'espèce, il est établi que l'appelant, ressortissant kosovar démuni de tout permis en Suisse, a déposé, en mars 2019, une demande d'autorisation de séjour et de travail auprès de l'OCPM, dans le cadre de l'opération "Papyrus", et qu'il en connaissait les conditions, soit notamment celles de prouver sa présence en Suisse depuis 10 ans ainsi que le fait d'y avoir travaillé.

À cet égard, si l'appelant indique avoir recouru aux services d'un tiers, à savoir K______, pour déposer son dossier auprès de l'OCPM, il ne conteste pas lui avoir lui-même remis les différents documents produits à l'appui de sa demande. Sur cette base, l'appelant persiste à soutenir qu'il séjourne en Suisse depuis 2007, voire 2008, et qu'il a travaillé pour les entreprises visées dans l'acte d'accusation, entre 2008 et 2019, tandis qu'un faisceau d'indices l'infirme.

En premier lieu, tel que cela ressort de l'analyse effectuée par la police, les fiches de salaire établies pour les années 2008 à 2014 par C______ SA, tout comme celles établies par D______ SÀRL, comportent des anomalies, dont des erreurs relatives au taux de cotisation des retenues obligatoires. Par ailleurs, l'adresse de D______ SÀRL figurant sur la fiche de salaire du mois de février 2015 est erronée. Le contrat de travail conclu entre l'appelant et la société C______ SA en juin 2008 fait, en outre, mention du Code de procédure civile suisse (CPC), soit d'une loi entrée en vigueur postérieurement, en 2011. Plus encore, malgré les emplois allégués, l'extrait de compte individuel de A______ auprès de l'OCAS est demeuré vierge jusqu'au 29 juin 2020.

En second lieu, force est de constater que les témoignages recueillis ne confortent pas le caractère plausible d'une activité exercée par l'appelant pour ces sociétés.

F______ s'est montré ambivalent quant au fait de savoir s'il avait employé l'appelant au sein de C______ SA. Après avoir déclaré que ce dernier lui disait "vaguement quelque chose", n'en conservant aucun souvenir, il a indiqué après que les documents établis en faveur de l'appelant au nom de C______ SA lui ont été présentés se souvenir de l'avoir rencontré "il y a très longtemps" et de l'avoir "certainement" employé, avant d'indiquer à nouveau qu'il ne s'en souvenait "pas du tout". Or, l'appelant se prévaut, à teneur des fiches de salaire produites, d'une activité auprès de cette société entre les mois de juin 2008 et novembre 2014, de sorte qu'il apparaît pour le moins curieux que F______ n'ait qu'un lointain souvenir de lui, voire aucun souvenir du tout, et, à plus forte raison, s'il s'agissait d'un employé recommandable. F______ n'a, en outre, pu fournir aucune explication quant aux cotisations sociales erronées indiquées sur ces prétendues fiches de salaire, ni pour quelle raison aucune cotisation n'aurait été reversée à l'OCAS pour le compte de l'appelant, sauf à s'auto-incriminer. Il a, enfin, refusé de répondre à la question de savoir s'il avait fourni les documents en question à l'appelant afin de l'aider, avant de le reconnaître dans le cadre de son opposition à l'ordonnance pénale du 10 août 2021, formée sur le seul volet de la peine. F______ n'a, en revanche, pas contesté sa condamnation pour complicité de faux dans les certificats (art. 25 et 252 CP) et d'infraction à l'art. 116 al. 1 let. a LEI, en rapport avec A______.

G______ a, quant à lui, indiqué ne pas connaître l'appelant et nié avoir établi, en sa qualité de gérant de la société D______ SÀRL, tant les fiches de salaire entre février 2015 et mars 2017 que l'attestation du 31 mars 2017 et la recommandation du 14 mars 2019, produites par l'appelant. Il ressort par ailleurs des témoignages des deux chefs d'entreprise susmentionnés que D______ SÀRL n'a pas vraiment eu d'activité ni d'employés, si ce n'est pour un travail "insignifiant". Dès lors, on ne voit pas pour quelle activité l'appelant aurait reçu de cette société un salaire à différentes reprises durant plus de deux ans.

Dans ces conditions, les documents produits par l'appelant relatifs à de prétendus emplois auprès des sociétés C______ SA, D______ SÀRL et E______ SÀRL apparaissent, de toute évidence, être des faux. Dans la mesure où l'appelant reconnaît les avoir lui-même fournis à l'appui de sa demande "Papyrus", il ne saurait se décharger d'une quelconque responsabilité sur un tiers.

À cela s'ajoute qu'il ressort du profil FACEBOOK de l'appelant sa localisation à de nombreuses reprises au Kosovo entre 2012 et mars 2018, et pour la première fois en Suisse le 18 juin 2018. Ses amis ont commenté les photos de lui devant des sites touristiques à Genève en lui souhaitant de bonnes vacances, ce qui n'est pas propre à attester d'une vie routinière sur le sol helvétique depuis 10 ans. Les dénégations de l'appelant à ce propos ne sont nullement crédibles, voire fantaisistes. Il n'apparaît en particulier pas plausible que ses localisations au Kosovo durant près de cinq ans soit le fait d'une activité de son ex-amie, l'appelant n'ayant allégué cette explication qu'après avoir été confronté aux incohérences, notamment techniques, de ses dires. Il a, par ailleurs, déclaré avoir rompu avec sa copine en 2016, alors que ses localisations au Kosovo se sont poursuivies jusqu'en mars 2018. Confronté à cette contradiction, il a soutenu, de manière maladroite, que sa copine avait continué à utiliser son profil FACEBOOK à son détriment par la suite. En outre, il a indiqué aux autorités françaises avoir quitté son pays pour se rendre en Suisse en avril 2018, ce qui coïncide précisément avec les éléments du dossier.

Enfin, l'appelant n'a pas été en mesure de fournir une quelconque preuve de sa présence en Suisse avant 2018, ce qui apparaît pour le moins singulier, s'agissant d'une personne soutenant se trouver sur le territoire depuis 2007, voire 2008. Ses attestations de domicile, sa confirmation d'abonnement aux transports publics genevois, les récépissés de ses paiements téléphoniques, la preuve de son paiement d'un abonnement de fitness ou encore la quittance d'achat de son téléphone, soit des documents de la vie quotidienne sont tous postérieurs à avril 2018. Il est finalement surprenant que l'appelant ait nécessité l'aide complète d'un interprète tout au long de la procédure malgré les 10 années prétendument passées en Suisse romande.

Tel que l'a retenu le premier juge, ces éléments constituent un faisceau d'indices suffisant permettant de sérieusement croire que l'appelant ne séjourne pas en Suisse depuis 2007 ou 2008, mais qu'il y est arrivé, au plus tôt, en 2018 et qu'il a de ce fait intentionnellement fourni des documents falsifiés à l'OCPM pour tenter d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour et de travail dans le cadre du programme "Papyrus".

2.2.2. Dans ces circonstances, l'appelant ne peut se prévaloir d'aucune autorisation, ni tolérance de la part des autorités administratives concernant son séjour en Suisse entre le mois de juin 2018 et le 30 juin 2020, si bien qu'il est demeuré illégalement sur le territoire helvétique durant cette période.

De même, il ne bénéficiait d'aucune autorisation de travail entre les 2 août 2019 et 30 juin 2020. Cela étant, il sied de considérer que l'appelant a effectivement exercé intentionnellement une activité lucrative sans autorisation durant une période pénale courant du 2 août 2019 au 14 avril 2020, date à laquelle le précité a concrètement arrêté de travailler pour N______ SA, ce qu'atteste la condamnation de son gérant pour avoir employé l'appelant sans les autorisations requises entre ces dates.

Partant, le verdict de culpabilité rendu à l'encontre de l'appelant des chefs de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), d'activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP cum art. 118 al. 1 LEI) sera confirmé.

3. 3.1. L'infraction de comportement frauduleux à l'égard des autorités est punie d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 118 al. 1 LEI). Les infractions de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) sont réprimées d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

3.2.2. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 p. 316).

3.2.3. Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l’auteur (art. 34 al. 1 CP). En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l’auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d’assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2 CP).

3.2.4. L'atténuation de la peine prévue par l'art. 22 CP au titre de tentative n'est que facultative. Si le juge n'a pas l'obligation de sortir du cadre légal, il devrait tenir compte de cette circonstance atténuante en application de l'art. 47 CP, la mesure de l'atténuation dépendant de la proximité du résultat et des conséquences effectives des actes commis (ATF 121 IV 49 consid. 1b p. 54-55).

3.3. La faute de l'appelant est importante. Il a séjourné illégalement à Genève durant deux ans et y a travaillé sans autorisation pendant près de neuf mois. Il n'a pas hésité à déposer une demande de régularisation mensongère et à produire de faux documents à l'appui auprès de l'OCPM, afin de tenter d'obtenir frauduleusement un permis de séjour et de travail en Suisse. Ce faisant, il a fait preuve d'un mépris vis-à-vis des autorités administratives genevoises et du droit des étrangers en vigueur dans le pays, ce par pure convenance personnelle.

Il y a concours d'infractions, ce qui constitue un facteur aggravant.

La collaboration de l'appelant à la procédure n'a pas été bonne, au vu de ses dénégations jusqu'en appel, malgré les preuves incriminantes recueillies et les incohérences relevées dans ses explications. Confronté à ses contradictions, il n'a cessé d'essayer d'adapter ses déclarations, de manière peu crédible. Sa prise de conscience est demeurée inexistante, l'appelant ayant persisté à nier les faits et à faire porter à autrui les conséquences de ses actes.

Sa situation personnelle n'excuse en rien ses actes. Il pouvait compter sur l'aide d'un frère, a priori légalement établi en Suisse, pour effectuer les démarches administratives qui auraient pu éventuellement lui permettre de séjourner et de travailler en Suisse de manière autorisée.

L'appelant n'a aucun antécédent judiciaire, ce qui est toutefois un facteur neutre.

Le prononcé d’une peine pécuniaire, assortie du sursis, lui est acquis (art. 34 et 42 al. 1 CP, art. 391 al. 2 CPP). Une quotité de 60 jours-amende apparaît propre à sanctionner la tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI cum 22 al. 1 CP), infraction abstraitement la plus grave, en tenant compte d'une légère atténuation de peine. Il conviendrait de l'augmenter de 20 jours-amende pour le séjour illégal (peine hypothétique : 30 jours) et de 20 jours-amende supplémentaires pour l'exercice illicite d'une activité lucrative (peine hypothétique : 30 jours), malgré la réduction apportée à la période pénale (supra, ch. 2.2.2). Cela étant, compte tenu de l'interdiction de reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP), la peine pécuniaire de 90 jours-amende prononcée par le TP, sous déduction de deux jours-amende, correspondant à deux jours de détention avant jugement (art. 51 CP), sera confirmée. Le montant du jour-amende fixé à CHF 70.- par le premier juge est par ailleurs conforme à la situation personnelle de l'appelant, ce dernier ayant indiqué être en mesure de percevoir, à tout le moins, un revenu de l'ordre de CHF 4'000.- et supportant des charges minimes. La durée du délai d’épreuve arrêtée à trois ans est adéquate (art. 44 al. 1 CP).

Partant, l’appel sera entièrement rejeté.

4. L'appelant, qui succombe, supportera l'ensemble des frais de la procédure envers l'État, comprenant en appel un émolument de CHF 1'500.- (art. 428 CPP et art. 14 al.  1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale).

5. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu à l'octroi d'une quelconque indemnité, en particulier pour les frais d'avocat de l'appelant (art. 429 al. 1 let. a CPP a contrario).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1109/2022 rendu le 12 septembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/11574/2020.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'735.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Acquitte A______ de faux dans les certificats (art. 252 CP).

Déclare A______ coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), d'activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI cum art. 22 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction de 2 jours-amende, correspondant à 2 jours de détention avant jugement (art. 34 et 51 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 70.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à 7/10èmes des frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'151.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.-, soit CHF 805.70 (art. 426 al. 1 CPP)."

 

 

 

 

 

 

 

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'151.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'735.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'886.00