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Décisions | Tribunal pénal

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P/23948/2019

JTCO/95/2022 du 08.07.2022 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.140
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL

 

Chambre 2


8 juillet 2022

 

MINISTÈRE PUBLIC

A______SA, partie plaignante

Monsieur B______, partie plaignante, assisté de Me C______

Madame D______, partie plaignante

contre

Madame X______, née le ______1969, actuellement en exécution anticipée de peine à la Prison de Hindelbank, prévenue, assistée de Me E______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à ce que X______ soit reconnue coupable de brigandage aggravé (art. 140 ch. 1, 2 et 3 CP) et de tentative d'extorsion et chantage (art. 22 cum art. 156 ch. 1 et 3 CP), sans circonstance atténuante, à ce que sa libération conditionnelle soit révoquée et à ce qu'elle soit condamnée à une peine privative de liberté d'ensemble de 8 ans, 3 mois et 27 jours. Il sollicite l'expulsion de Suisse de la prévenue pour une durée de 15 ans, que la prévenue soit condamnée aux frais de la procédure et qu'un bon accueil soit réservé aux conclusions civiles.

B______, par la voix de son conseil, conclut à un verdict de culpabilité de X______ des chefs de brigandage aggravé (art. 140 ch. 1, 2 et 3 CP) et de tentative d'extorsion et chantage (art. 22 cum art. 156 ch. 1 et 3 CP) et demande que X______ soit condamnée à lui payer CHF 15'000.- à titre de tort moral et CHF 11'299.40, avec intérêts à 5% dès l'entrée en force du jugement, à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 CPP).

D______ conclut à un verdict de culpabilité de X______ et au paiement de CHF 10'000.-, avec intérêts à 5% dès le 19 novembre 2019, à titre d'indemnité pour tort moral.

A______SA conclut à ce que X______ soit condamnée à lui payer CHF 100'000.- à titre de réparation de son dommage matériel (art. 41 CO).

X______, par la voix de son conseil, ne s'oppose pas à un verdict de culpabilité du chef de brigandage (art. 140 ch. 1 CP) et de tentative d'extorsion et chantage (art. 22 cum art. 156 ch. 1 CP), concluant à ce que les circonstances aggravantes des chiffres 2 et 3 du brigandage et du chiffre 3 de l'extorsion soient écartées, à ce qu'elle soit mise au bénéfice de la circonstance atténuante du repentir sincère (art. 48 let. d CP) et à ce qu'une peine clémente inférieure à celle requise par le Ministère public soit prononcée, ne s'opposant pas à la révocation de la libération conditionnelle. X______ accepte les conclusions civiles des parties plaignantes, tant sur le principe que sur les montants, son conseil relevant toutefois qu'il s'en rapporte à justice sur les montants réclamés par B______, qui apparaissent trop élevés au regard de la jurisprudence.

EN FAIT

A.a. Par acte d'accusation du 22 mars 2022, il est reproché à X______ d'avoir, le 19 novembre 2019, de concert avec F______, après avoir effectué un repérage des lieux, décidé de commettre un brigandage au sein de la bijouterie G______, située à ______, à Genève. Dans ce contexte, X______ s'est présentée une première fois devant la bijouterie, le vendredi 15 novembre 2019, vers 18h37, prétendant vouloir acheter une paire de boucles d'oreilles. Après s'être vu refuser l'entrée par la gérante du magasin, D______, laquelle était en train de procéder à la fermeture, X______ lui a demandé de lui mettre les bijoux de côté, précisant qu'elle repasserait le lundi suivant. Le mardi 19 novembre 2019, vers 09h10, après avoir effectué plusieurs passages devant la bijouterie avec son comparse, X______ s'est à nouveau présentée à l'entrée du magasin. Elle s'est cependant vu refuser l'accès par une employée de la bijouterie, celle-ci n'étant pas encore prête à accueillir la clientèle. X______ est ainsi revenue le soir-même, vers 18h29, et a sonné à la porte du magasin. Après l'avoir reconnue, D______ lui a ouvert la porte avec une certaine confiance. Lorsque X______ est entrée dans la bijouterie, F______ – que D______ n'avait pas vu dans un premier temps – lui a immédiatement emboité le pas et, alors que la gérante marchait vers son comptoir de présentation, leur tournant momentanément le dos, a sorti un pistolet de poing qu'il a braqué sur cette dernière, après avoir effectué un mouvement de charge. D______ s'est retournée et, prise de peur, a effectué un mouvement de recul, tandis que F______ continuait à s'approcher d'elle, tout en lui intimant l'ordre de ne pas bouger. C'était principalement X______ qui parlait dans la bijouterie et qui donnait les ordres. Après s'être vu ordonner par la précitée d'obéir, D______ est tombée au sol, de peur. Elle a alors été relevée de force par F______, lequel l'a ensuite fortement ceinturée par derrière et, tout en pointant son arme à feu près de son ventre, l'a obligée à se rendre dans la salle du coffre-fort. Face à la résistance opposée par D______, F______ a fait usage de la force pour la maîtriser, allant même jusqu'à la soulever par derrière et la jeter au sol, lui causant des hématomes au niveau du bras droit et une blessure au niveau du poignet gauche. Après avoir rapidement fouillé la pièce principale de la bijouterie et dérobé des bijoux qui s'y trouvaient, X______ s'est à son tour dirigée dans la salle du coffre, pour en vider le contenu, tandis que F______ tenait D______ en respect avec son arme à feu, la précitée ayant été mise hors d'état de résister et se trouvant assise par terre, les mains sur la tête. Cette activité criminelle a duré environ 1 minute et 21 secondes. Elle a permis à X______ de dérober sans droit 23 montres et 5 bijoux, pour un préjudice total de CHF 122'075.- et EUR 2'800.-, faits qualifiés de brigandage aggravé au sens de l'art. 140 ch. 1, 2 et 3 CP.

b. Par le même acte d'accusation, il lui est également reproché d'avoir, le 29 septembre 2020, de concert avec deux hommes non identifiés, après avoir effectué un repérage des lieux, décidé de commettre un brigandage au sein du magasin de montres H______, situé à ______, à Lausanne. Dans ce contexte, à une date indéterminée à la fin du mois de septembre 2020, X______ s'est présentée devant le magasin précité pour se renseigner au sujet d'une montre de marque OMEGA et a pris langue avec son gérant, B______. Elle a effectué des repérages et, quelques jours plus tard, soit le mardi 29 septembre 2020, vers 11h42, s'est à nouveau présentée devant le magasin et a sonné à la porte. Après avoir reconnu X______, B______ a déverrouillé la porte d'entrée et l'a invitée à entrer avec une certaine confiance. X______ est restée sur le palier, tout en maintenant sa main droite sur la porte et, alors qu'elle détournait l'attention de B______ en lui parlant de la montre prétendument convoitée, deux hommes masqués et capuchonnés ont fait irruption dans la bijouterie. Le premier a immédiatement braqué une arme de poing sur la gorge de B______, en lui ordonnant de ne pas bouger et de se mettre parterre; le second s'est assuré de fermer la porte du magasin, avant de mettre du scotch sur le nez et la bouche de B______, de manière à lui bloquer les voies respiratoires, ce que l'intéressé a réussi à dire en hurlant, paniqué, à travers le scotch. Pendant ce temps, X______ s'affairait sans aucun scrupule à fouiller toutes les pièces de la bijouterie et à dérober tous les objets de valeur qu'elle trouvait, ce sans s'émouvoir des cris, pleurs et hurlements de détresse de B______. Alors qu'elle fouillait le bureau arrière où se trouvait le coffre, elle a ordonné à l'un de ses acolytes de lui faire amener B______, lequel a alors été trainé par les deux hommes, de la pièce principale vers l'entrée de la salle du coffre. Après avoir fait comprendre à ces derniers qu'il fallait ouvrir la porte du coffre, X______ s'est redirigée vers la pièce principale pour la fouiller, de manière méthodique et sans précipitation. Elle est ensuite revenue dans la salle du coffre et s'est mise à fouiller tous les tiroirs et armoires de la pièce, sortant toutes les montres des boîtes qu'elle trouvait et les mettant dans son sac noir. Elle a également fouillé les poches de B______. Pendant ce temps, ses deux comparses ont positionné le précité – dont les mains et les chevilles avaient été ligotées entre-temps – à genoux, devant le coffre, et lui ont intimé l'ordre de composer le code, tout en braquant l'arme de poing, à bout portant, sur sa tête. B______ a par ailleurs été frappé avec la crosse de l'arme de poing sur la tête et s'est vu menacer de mort par l'un des deux individus. Il a malgré tout su résister aux injonctions reçues, empêchant ainsi la remise du contenu du coffre à X______ et à ses acolytes. Cette activité criminelle a duré 11 minutes au total. Elle a permis à X______ de dérober sans droit cinq montres de luxe d'une valeur totale de CHF 122'800.-, ainsi que CHF 1'400.- qui se trouvaient dans la poche du pantalon de B______, causant ainsi au précité un préjudice total de CHF 124'200.-, faits qualifiés de brigandage aggravé au sens de l'art. 140 ch. 1, 2 et 3 CP et de tentative d'extorsion et chantage au sens des art. 22 cum 156 ch. 1 et 3 CP.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a. Faits du 19 novembre 2019

a.a. Le 19 novembre 2019, à 18h27, la police a été informée d'une alarme à la bijouterie G______, située à ______, laquelle venait d'être la cible d'un brigandage à main armée. La gérante du magasin, D______, a déposé plainte pénale pour ces faits le jour même.

a.b.a. X______ (Y______) et F______, déjà connus par les services de police pour des braquages de bijouterie, ont été identifiés par la police sur les images de vidéo-surveillance comme étant les auteurs du braquage.

a.b.b. Il ressort des images de la vidéosurveillance du magasin G______ que X______ s'est présentée à plusieurs reprises devant la porte de ce magasin, soit le 15 novembre 2019, vers 18h37, le 19 novembre 2019, vers 09h10 – après avoir effectué plusieurs passages devant le commerce, accompagnée de son comparse – et, enfin, le 19 novembre 2019, à 18h26, date à laquelle elle a finalement été invitée à entrer par D______.

S'agissant du déroulement des faits, les images montrent notamment:

-          F______ sortir un pistolet de sa veste et effectuer un mouvement de charge en pointant l'arme sur la victime, alors que celle-ci a encore le dos tourné,

-          F______ forcer la victime à se déplacer vers la salle du coffre, en la ceinturant et en la menaçant avec son arme, alors qu'elle tente de se débattre, pendant que X______ s'empare des bijoux présents sur les bureaux de la bijouterie,

-          F______ jeter la victime au sol, dans la salle du coffre, alors que celle-ci tente toujours de se débattre, et la tenir en respect en pointant son arme sur son ventre, puis sur sa tête, pendant que X______ vide le coffre.

Selon les images de vidéosurveillance, les faits ont duré 1 minute et 21 secondes.

a.c.a. Entendue les 19 et 21 novembre 2019 par la police puis le 25 janvier 2021 par le Ministère public, D______ a déclaré que, le 15 novembre 2019, à l'heure de la fermeture, une femme s'était présentée devant son magasin et avait montré son intérêt pour une paire de boucles d'oreilles qu'elle avait repérée dans la vitrine. Dès lors qu'elle avait déjà commencé à ranger, elle ne l'avait pas laissée entrer, mais avait accepté de mettre les boucles d'oreille dans un coffre, à son attention. Le soir des faits, cette personne avait sonné à la porte de son magasin aux fins d'acheter les bijoux mis de côté. Elle avait été lui ouvrir la porte et avait alors constaté que derrière elle se trouvait un homme. A peine les avait-elle laissés entrer que le précité s'était dirigé vers elle et avait pointé une arme sur elle. Il l'avait ensuite saisie fortement par le bras pour la forcer à se diriger dans la salle du coffre, tout en continuant à pointer son arme dans sa direction, au niveau du ventre. La femme, qui était celle qui donnait les instructions et qui commandait, lui avait ordonné d'obéir. L'homme, quant à lui, ne lui avait pas adressé la parole, étant précisé qu'elle n'était pas certaine qu'il parlait le français. Le coffre était ouvert car elle avait déjà commencé à y ranger les bijoux avant l'arrivée de ses agresseurs. L'homme l'avait mise à terre, tout en la braquant, et l'avait tenue sur le côté, tandis que la femme s'était mise à vider des boîtes à chaussures contenant des bijoux et des montres dans son cabas. Ils étaient ensuite partis. La menace de l'arme l'avait terrorisée, étant précisé que, selon elle, il s'était agi d'une arme réelle. Elle avait par ailleurs constaté que l'individu qui la tenait tremblait et avait eu peur qu'un coup parte accidentellement. Etant partiellement sourde, elle n'avait pas entendu de bruit de mouvement de charge, mais avait remarqué celui-ci en visualisant les images de la vidéosurveillance par la suite. Suite aux événements, elle avait constaté qu'elle avait des bleus sur le bras droit et une blessure sur le poignet gauche. Depuis les faits, elle faisait des cauchemars, avait peur de tout et ne se sentait plus en sécurité. Elle avait fait installer un sas de sécurité à l'entrée du magasin et disposait désormais d'un chien. Sur présentation d'une planche photographique, D______ a reconnu X______ comme étant l'un de ses agresseurs.

a.c.b. D______ a produit une liste des montres et des bijoux volés, faisant état d'un préjudice total de CHF 122'075.-, montant auquel il convenait encore d'ajouter EUR 2'800.- représentant l'argent liquide dérobé.

a.d.a. Entendue le 6 novembre 2020 par la police puis le lendemain par le Ministère public, X______ a reconnu avoir commis les faits du 19 novembre 2019, au détriment de la bijouterie G______, avec la complicité de F______. Elle a également admis avoir usé d'un stratagème au préalable, soit d'avoir, le 15 novembre 2019, fait croire à la bijoutière qu'elle était intéressée par des boucles d'oreilles et demandé à celle-ci de les lui mettre de côté. Le jour des faits, ils étaient passés une première fois devant le magasin, dans le but de commettre le brigandage, mais avaient dû rebrousser chemin car il y avait trop de monde. Lorsqu'ils étaient revenus, elle avait sonné à la porte et la vendeuse leur avait ouvert. F______ était entré avec elle, avait sorti son pistolet et avait dit à la vendeuse de ne pas bouger. Pour sa part, elle s'était directement dirigée vers le coffre, qui était ouvert, et y avait pris deux boîtes de chaussures remplies de montres et de bijoux, qu'elle avait vidées dans son sac. Chacun était ensuite parti de son côté. Dans la mesure où elle s'était directement dirigée vers le coffre, elle n'avait pas vu le traitement réservé à la victime. Elle-même n'avait pas eu de comportement violent à son égard. F______ et elle avaient eu l'idée de commettre ce brigandage ensemble, quelques jours avant de se rendre en France, alors qu'ils étaient encore en Serbie, et s'étaient mis d'accord à l'avance sur leurs rôles respectifs. F______ lui avait demandé de sonner à la porte de la bijouterie car il était plus simple d'ouvrir la porte à une femme. Elle n'avait pas été forcée et savait ce qui allait se passer, notamment que le précité utiliserait une arme factice. La bijouterie G______ avait été choisie au hasard, étant cependant relevé que le fait que celle-ci n'était pas très grande les avait aidés à se décider. L'arme utilisée par F______ lors des faits provenait d'un magasin de jouets à Annecy. Il l'avait jetée dans une poubelle lors de leur fuite. Avant la commission des faits, ils avaient séjourné en France environ 10 jours. Ils avaient dormi une nuit chez un ami de F______ puis avaient séjourné dans un motel à Annemasse. Suite aux faits, elle avait passé la nuit au motel et était repartie le lendemain matin pour la Serbie, en passant par Lyon et Belfort. La valeur des biens volés était d'environ EUR 120'000.-. Un ami de F______ s'était chargé de les revendre pour 20% de leur valeur, ce qui représentait un total d'environ EUR 24'000.- ou EUR 26'000.-. F______ et elle s'étaient partagé ce montant après avoir payé les différents intermédiaires. Elle-même avait touché une première tranche de EUR 3'000.- avant de repartir en Serbie puis, deux semaines plus tard, une seconde tranche de EUR 5'000.- par l'intermédiaire d'un chauffeur de bus qui avait reçu une commission de EUR 100.- ou 200.- pour ce service. Au total, elle avait reçu EUR 8'000.-. Lors de sa dernière sortie de prison, elle avait été renvoyée en Serbie et s'était retrouvée sans rien. Ayant accumulé beaucoup de dettes et n'étant pas parvenue à trouver du travail, elle avait décidé de se joindre à F______ pour commettre ce brigandage. Le précité et elle avaient grandi dans le même quartier et faisaient tous deux partie d'une communauté comprenant une vingtaine de personnes. La dernière fois qu'elle l'avait vu, c'était au mois de mai 2020, lorsqu'il était venu en Serbie. Elle n'avait pas d'excuses pour ce qu'elle avait fait et regrettait beaucoup ses actes.

a.d.b. A nouveau entendue par le Ministère public les 25 janvier, 19 juillet et 20 août 2021, X______ a, en substance, déclaré que c'était F______ qui l'avait contactée à sa sortie de prison, en avril 2018, et qui lui avait proposé de commettre un brigandage. Leur repérage avait consisté à regarder depuis l'extérieur de la vitrine pour voir s'il y avait des objets susceptibles d'être volés. Avant d'entrer, ils avaient vu la vendeuse prendre les objets qui avaient le plus de valeur et les sortir de la vitrine, et elle avait compris qu'elle allait les mettre dans un coffre à l'arrière. Son rôle avait effectivement été de fouiller la bijouterie, tandis que F______ maintenait la vendeuse au sol. C'était toutefois ce dernier qui lui avait indiqué où fouiller. Le fait que l'accès leur avait déjà été refusé à deux reprises ne les avait pas dissuadés. L'arme utilisée était un jouet comportant une gâchette permettant d'effectuer un mouvement de charge, ce qui donnait l'impression d'une véritable arme. S'il s'était agi d'une arme réelle, le portique de sécurité de la bijouterie aurait sonné, de même que le détecteur de métaux lors de leur passage à la frontière. X______ a, dans un premier temps, nié avoir vu son comparse braquer son arme sur la victime, avant de finalement l'admettre, une fois confrontée aux images de vidéosurveillance. Elle a pour le surplus indiqué que F______ avait toujours le pistolet sur lui lorsqu'ils s'étaient retrouvés à Annemasse, après les faits. Concernant l'argent touché grâce au brigandage, F______ lui avait remis, quatre semaines après les faits, un montant de EUR 8'000.-, en une fois, dans une enveloppe remise à un chauffeur de bus. Par la suite, à savoir deux ou trois mois après les faits, il était venu chez elle, en Serbie, et lui avait remis EUR 2'000.- ou 3'000.-. Il lui avait expliqué que chacun des deux toucherait environ EUR 11'500.- au total, voire un peu moins car deux ou trois montres ne fonctionnaient pas. Il fallait toutefois attendre la vente de tous les objets pour toucher le reste de l'argent. Elle n'avait plus revu F______ par la suite.

a.e. Après les faits, X______ est retournée en Serbie. Le 4 août 2020, elle a fait refaire son passeport, valable jusqu'au 4 août 2030, et a changé de nom en reprenant son nom de jeune fille, étant précisé que jusqu'alors, elle était connue sous le nom de famille Y______. Elle a également fait établir le 27 juillet 2020 une carte d'identité au même nom que son nouveau passeport.

Le 29 août 2020, elle a pris le bus de Golubac (Serbie) à Bâle. Elle a acheté une carte Lycamobile au nom de X______, laquelle a été activée le 31 août 2020.

b. Faits du 29 septembre 2020

b.a. Le 29 septembre 2020, à 11h59, B______, gérant du magasin de montres H______, situé à ______ à Lausanne, a contacté la police pour signaler qu'il venait d'être victime d'un brigandage à main armée dans sa bijouterie. Il a déposé plainte pénale pour ces faits le jour même.

b.b. Il ressort des images de la vidéosurveillance de la bijouterie H______ que les faits ont duré 11 minutes, soit entre 11h42 et 11h53.

On y voit notamment:

-          B______ ouvrir la porte d'entrée à l'aide d'une télécommande et aller accueillir X______, laquelle est toute souriante,

-          X______ rester quelques secondes sur le palier de la porte, tout en retenant celle-ci, et parler à B______, avant de pénétrer à l'intérieur du magasin, immédiatement suivie de ses deux comparses, capuchonnés et masqués, le premier d'entre eux tenant un pistolet dans la main droite,

-          l'homme avec le pistolet appuyer son arme sur l'arrière du crâne de B______ en lui criant de ne pas bouger puis le mettre au sol, sur le ventre, avant d'être rejoint par son complice, chargé de le ligoter avec du scotch, étant précisé que, tout au long de cette scène, l'on peut entendre les cris d'effroi de la victime,

-          X______ se diriger dans l'arrière-salle, où se situe le coffre, et se mettre à fouiller cette dernière, tandis que les gémissements de la victime continuent de retentir dans la salle principale,

-          B______, bâillonné, les mains et les pieds ligotés par du scotch, se faire trainer dans l'arrière-salle par les deux individus, être mis à genoux devant le coffre puis se faire intimer plusieurs fois l'ordre d'ouvrir celui-ci, tandis que l'individu muni d'un pistolet pointe son arme sur la tête du plaignant de manière nerveuse et agitée et lui assène, à une reprise, un coup de crosse sur le crâne, ceci pendant que X______ continue de fouiller tranquillement les lieux, effectuant un aller-retour entre l'arrière-salle et la pièce principale,

-          après plusieurs minutes, X______ venir au contact de ses comparses et tenter de communiquer avec ces derniers par des gestes – elle paraît leur dire d'abandonner en faisant notamment des "non" avec la main –, étant précisé qu'à une reprise, on l'entend également s'adresser directement à la victime en français pour, semble-t-il, lui demander d'ouvrir la porte d'entrée.

b.c.a. Entendu le 29 septembre 2020 par la police lausannoise puis le 28 avril 2021 par le Ministère public, B______ a expliqué que, le jour des faits, il se trouvait seul dans son magasin lorsque, vers 11h45, il avait entendu sonner à la porte d'entrée. Après avoir reconnu une cliente venue trois ou quatre jours auparavant pour se renseigner sur une montre de marque OMEGA, il avait déverrouillé la porte et était allé accueillir cette dernière avec une certaine confiance. Tout en restant sur le palier, la femme lui avait demandé si la montre en question était toujours disponible, ce à quoi il avait répondu que oui. Deux hommes cagoulés et masqués étaient alors apparus derrière elle et tous les trois étaient entrés dans le magasin. Les deux hommes l'avaient immédiatement attrapé et mis au sol, sur le ventre. Pendant que l'un le braquait au moyen d'un pistolet, l'autre le bâillonnait avec du scotch. A un moment donné, on lui avait également mis du scotch sur le nez, ce qui avait eu pour effet de l'empêcher de respirer. L'un d'eux l'avait remarqué et avait abaissé le scotch. On lui avait également ligoté les mains, les pieds, le torse et les bras. Les deux hommes l'avaient ensuite traîné jusqu'à l'arrière-boutique, en le soulevant par les aisselles et en le faisant glisser, et l'avaient installé devant le coffre. On lui avait alors attrapé les mains et mis celles-ci sur le clavier pour lui faire comprendre qu'il devait taper le code, ce qu'il avait refusé. Ils avaient tenté de l'intimider et l'un d'eux, qui était très agressif, lui avait donné des petits coups sur la tête avec la crosse du pistolet. L'autre homme était cependant intervenu pour le calmer, en le repoussant, et s'était excusé. On lui avait ensuite fouillé la poche droite de son pantalon et pris l'argent qui s'y trouvait, soit environ CHF 1'400.-. A un moment donné il avait entendu la femme leur donner des instructions pour partir. Selon lui, elle avait pris cette décision car elle avait compris qu'ils n'obtiendraient rien de plus. Il avait ensuite été traîné et enfermé dans les toilettes par les deux hommes. Leur départ avait encore pris quelques minutes, car ils avaient dû chercher la télécommande permettant d'ouvrir la porte d'entrée. D'une manière générale, il avait eu le sentiment que ces braqueurs étaient totalement désorganisés. Il ne pouvait dire si l'un d'eux agissait comme chef, mais avait compris que les hommes avaient pour tâche de le maintenir, tandis que la femme fouillait les lieux. Les deux hommes ne parlaient pas le français et avait uniquement prononcé quelques mots, sur un ton menaçant, afin qu'il ouvre le coffre. Quant à la femme, elle ne lui avait pas parlé. S'agissant de l'arme utilisée, il n'avait ni vu ni entendu de mouvement de charge, mais avait eu le sentiment d'être menacé avec une vraie arme. Emotionnellement, il avait tout d'abord été très choqué et avait eu peur pour sa vie. Il était parti pour leur ouvrir le coffre mais s'était finalement ravisé, se disant qu'ils ne lui feraient rien. Lorsqu'on lui avait mis le scotch sur la bouche, on lui avait fortement tiré la tête en arrière, ce qui avait eu pour effet de lui causer des douleurs aux cervicales. Ces dernières étant devenues récurrentes, il suivait depuis lors régulièrement des séances de physiothérapie et de chiropractie. Pour le surplus, il n'arrivait plus à tourner sa tête de gauche à droite et était contraint de tourner ses épaules pour ce faire, ce qui était assez handicapant, notamment pour conduire. Sur le plan psychique, ce n'était pas facile. Il avait des hauts et des bas. Il n'était pas suivi par un psychologue mais avait fait quelques séances d'hypnose qui l'avaient un peu aidé au début. S'agissant des mesures prises depuis les faits, un sas à double porte devait être prochainement posé. Son assurance avait presque intégralement remboursé son dommage, soit environ CHF 100'000.- sur CHF 125'000.-. Sur présentation d'une planche photographique, B______ a reconnu X______ comme étant son agresseur.

b.c.b. Selon l'inventaire produit le 2 octobre 2020 par B______, celui-ci s'est fait dérober cinq montres d'une valeur totale de CHF 124'200.-, ainsi que CHF 1'400.- en espèces qui se trouvaient dans la poche de son pantalon lors des faits.

b.c.c. Par courrier daté du 24 février 2021, la société A______SA, assureur du magasin H______, s'est constituée partie plaignante et a chiffré ses conclusions civiles à CHF 100'000.-.

b.d. Après les faits, la prévenue a quitté la Suisse en prenant le bus de Bâle à Golubac le 2 octobre 2020. Elle a été interpellée le 3 octobre 2020 en Hongrie, à la frontière avec la Serbie, et extradée le 6 novembre 2020 de la Hongrie vers la Suisse. Elle était notamment en possession d'une carte de visite de l'hôtel I______, à Lausanne.

b.e.a. Dans le cadre de son audition par la police du 6 novembre 2020 (cf. supra a.d.a.), X______ a été brièvement interrogée sur les faits du 29 septembre 2020. Elle a reconnu avoir commis le brigandage de Lausanne avec deux individus dont elle souhaitait taire le nom, par crainte de représailles pour sa famille, et a d'emblée tenu à préciser que son rôle avait uniquement consisté à sonner à la porte du magasin – laissant ses comparses entrer seuls à l'intérieur de celui-ci –, tout en reconnaissant avoir volé deux montres qui étaient en réparation. Pour le surplus, X______ a déclaré que c'était ses complices qui lui avaient désigné la bijouterie qu'ils allaient attaquer et qui lui avaient demandé d'observer le magasin depuis l'hôtel "I______", en prenant un café. Elle a enfin indiqué ne rien avoir perçu suite à ce brigandage, quand bien même elle aurait dû recevoir une part correspondant à 5% du butin.

b.e.b. Entendue les 9 novembre 2020 et 7 janvier 2021 par les autorités lausannoises, X______ a reconnu avoir pénétré dans la bijouterie avec ses deux complices, après que le bijoutier lui avait fait signe d'entrer. Une fois à l'intérieur, ses acolytes lui avaient emboîté le pas et avaient saisi le bijoutier. Elle les avait entendus partir à l'arrière du magasin et demander au bijoutier d'ouvrir le coffre, mais celui-ci avait refusé. A un moment donné, elle avait entendu l'un d'eux frapper la tête de la victime avec son pistolet et avait eu peur face à cette violence. Ayant compris que la victime n'allait pas ouvrir le coffre, elle leur avait demandé d'arrêter. L'arme utilisée par ses complices était en plastique, étant précisé qu'elle l'avait vue et touchée. Elle était au courant que celle-ci allait être utilisée lors du brigandage, quand bien même elle leur avait demandé de s'en abstenir. Elle contestait avoir été l'organisatrice principale de ce brigandage et avoir donné des ordres, étant précisé qu'"on ne dirige[ait] pas quelqu'un comme ça". Il n'y avait pas de chef et ils avaient agi ensemble. L'idée de commettre ce brigandage provenait des trois. C'était toutefois ses complices qui l'avaient contactée, alors qu'elle se trouvait en Serbie, et qui avaient choisi la bijouterie. Ils ne l'avaient pas forcée. Son rôle avait été de sonner à la porte car il était plus facile d'ouvrir à une femme. Pour le surplus, il n'y avait pas eu d'organisation particulière. Elle avait quitté la Serbie fin août ou début septembre 2020. Avant d'arriver à Lausanne, elle avait dormi plusieurs nuits à Belfort, où ils avaient discuté du brigandage. Ils avaient effectué plusieurs trajets aller-retour entre Belfort et Lausanne pour observer le magasin, étant précisé qu'à une reprise, ils étaient descendus tous ensemble. Le brigandage avait été préparé deux ou trois jours à l'avance et les repérages en soi n'avaient duré qu'un jour. Elle s'était rendue une première fois dans la bijouterie pour voir si on lui ouvrait la porte. Après le brigandage, elle avait pris un bus de son côté et avait retrouvé ses complices à Ouchy. Elle leur avait remis les trois montres qu'elle avait réussi à voler et l'un d'eux lui avait indiqué que le butin s'élevait à environ CHF 100'000. Ils étaient supposés se le partager à parts égales. Elle aurait dû recevoir sa part par l'intermédiaire d'un chauffeur de bus et être contactée par un membre du groupe, mais n'avait plus eu de nouvelles. Il s'agissait effectivement d'un réseau criminel et elle n'avait jamais travaillé pour celui-ci auparavant.

b.e.c. Entendue les 28 avril, 19 juillet et 20 août 2021 par le Ministère public, X______ a déclaré qu'initialement, il n'avait pas été prévu qu'elle-même entre dans le magasin, son rôle devant se limiter à sonner à la porte. Elle ignorait la raison pour laquelle elle était finalement entrée, étant précisé qu'une fois à l'intérieur, la porte s'était refermée et elle n'avait plus eu la possibilité de partir. Elle avait alors décidé de se mettre à fouiller les lieux et de prendre ce qu'elle trouverait, étant précisé qu'elle avait également cherché la clé du coffre. A un moment donné, étant la seule à parler le français, l'un de ses comparses lui avait demandé de dire à la victime d'ouvrir le coffre, ce qu'elle avait fait. Cette dernière avait alors tourné la tête de gauche à droite, lui faisant comprendre que ce n'était pas possible. Elle avait eu peur pour la victime en raison de l'agressivité très importante qui régnait dans la pièce et avait tenté de faire des gestes à ses comparses pour leur dire d'arrêter. Voyant qu'ils ne réagissaient pas, elle avait fini par s'adresser à eux en serbo-croate, quand bien même il était interdit au sein de leur groupe de parler leur langue lors d'un brigandage. L'agressivité provenait principalement de l'individu qui tenait l'arme à feu. Elle n'avait pas voulu qu'ils frappent trop fort la victime, car elle avait vu que celle-ci avait déjà du scotch sur le nez et la bouche et qu'elle était en train de s'étouffer. S'agissant de la planification du brigandage, chacun avait un rôle prédéfini, le sien consistant à sonner à la porte de la bijouterie et à y dérober les objets et bijoux se trouvant exposés ou à portée de main, ainsi qu'à réserver les chambres d'hôtel. Elle savait également quel pourcentage elle devait toucher, étant précisé que chaque participant à un brigandage touchait le même pourcentage, indépendamment de son rôle. Après avoir accepté de participer au brigandage, elle avait rencontré ses complices à Belfort pour en discuter, puis tous les trois avaient effectué des repérages pendant six jours. Le plan avait été élaboré et mis en œuvre par eux trois. Ils avaient choisi cette bijouterie car elle n'était pas dans le centre-ville, qu'elle n'était pas exposée et qu'elle ne disposait pas d'un grand dispositif de sécurité. L'un des deux complices, soit celui qui avait mis le scotch sur la victime, était effectivement un ami d'enfance. Elle avait néanmoins peur d'eux car ils avaient dit à sa famille qu'elle était une balance. Elle avait vécu le brigandage de Lausanne de manière plus intense que celui de Genève, en ce sens que ses deux comparses s'étaient montrés beaucoup plus violents que F______. Elle regrettait ses actes et se sentait vraiment mal pour les victimes. Elle tenait à présenter ses excuses.

b.f. Entendu le 29 septembre 2020 par la police lausannoise, J______, directeur de l'hôtel I______, situé à un bloc de la bijouterie, a, sur présentation d'une photographie, reconnu la prévenue comme étant une ancienne cliente du bar de l'hôtel. Il l'avait vue pour la première fois un mois auparavant et, depuis lors, elle était venue à raison d'au minimum une fois par semaine pour boire un café sur la terrasse, plutôt en fin de matinée, soit vers 11h00. Il l'avait vue pour la dernière fois une semaine et demi ou deux auparavant. A une reprise, cette femme était accompagnée d'un homme. Elle était bien habillée, bien entretenue et bien coiffée, et devait avoir entre 55 et 60 ans.

b.g. Les analyses ADN ont pour le surplus permis d'identifier le profil biologique de K______, né le ______1971, sur diverses traces biologiques prélevées sur les lieux ainsi que sur la victime.

c. Autres éléments pertinents

c.a. Selon les rapports de renseignements établis les 13 et 16 juin 2022, il n'a pas été possible de déterminer, sur la base des images de vidéo-surveillance, le caractère réel ou factice des armes utilisées dans le cadre des deux brigandages, étant précisé que selon la police, il existe actuellement sur le marché de très bonnes copies d'armes authentiques, avec lesquelles il est notamment possible d'effectuer un mouvement de charge. L'analyse des images de vidéo-surveillance a cependant permis d'établir qu'il s'est agi de deux armes de poing distinctes, celle utilisée à Lausanne ressemblant à une arme de type GLOCK, celle utilisée à Genève s'apparentant à une arme de type TAURUS PT 98 ou BERRETTA 92. L'enquête a enfin permis d'établir qu'aucun des magasins concernés ne disposait de portique de sécurité au moment des faits et qu'il n'y a pas non plus de portique de sécurité de détection de métaux aux douanes françaises situées à la frontière.

C. L'audience de jugement s'est tenue les 7 et 8 juillet 2022.

a.a. X______ a admis avoir, dans les deux cas, quitté la Serbie pour la Suisse ou la France dans le but de commettre un braquage. Elle avait besoin d'argent et n'avait pas trouvé d'autre solution. Elle contestait faire partie d'un réseau criminel. Ce n'était pas elle qui avait décidé du lieu du braquage. S'agissant de sa relation avec ses deux comparses sur le braquage de Lausanne, elle les connaissait depuis sa jeunesse. L'un d'eux, soit celui qui avait mis le scotch sur la victime, était un ami d'enfance. Contrairement à ce qu'elle avait déclaré à la police, ces personnes ne faisaient pas partie d'un réseau criminel mais travaillaient pour elles-mêmes. C'étaient eux qui avaient décidé de commettre le braquage et qui lui avaient demandé de se joindre à eux, ce qu'elle avait accepté. Lorsqu'elle avait déclaré, en cours de procédure, "on ne dirige pas quelqu'un comme ça", elle se référait à ses deux comparses du brigandage de Lausanne. Elle avait voulu dire par là qu'elle ne pouvait pas donner des ordres à un homme. Ses comparses étaient des personnes fortes, avec du caractère et une bonne position dans la société. Elle contestait les déclarations du directeur de l'Hôtel I______. Elle était arrivée quinze jours avant le braquage, et non à la fin du mois d'août, et n'était pas seule lorsqu'elle était venue boire le café sur la terrasse. Avec ses comparses, ils s'étaient rendus dans cet hôtel à trois ou quatre reprises et y avaient bu le café peut-être deux fois. Interrogée à propos des billets de bus et de la carte SIM retrouvés sur elle lors de son interpellation, X______ a indiqué s'être trouvée à Belfort depuis la fin du mois d'août et y avoir passé 15 jours, sans rien faire de particulier. Elle avait effectivement acheté une carte SIM à Lausanne le 31 août 2020, lorsqu'elle avait rendu visite à une amie, précisant qu'elle avait oublié ce détail. Ils avaient effectivement choisi les boutiques en raison de leur faible système de sécurité. Son rôle avait été de sonner à la porte et de prendre tout ce qu'elle voyait. Elle avait aussi été chargée de s'occuper de la logistique, notamment de réserver des chambres d'hôtels. S'agissant du rôle de ses comparses, ceux-ci devaient surveiller le bijoutier, soit le maîtriser, notamment en l'attachant et en s'assurant qu'il ne puisse pas bouger. Dans le cadre du braquage de Lausanne, les choses ne s'étaient pas passées comme prévu, en ce sens que la porte s'était fermée et qu'il avait fallu trouver la clé pour l'ouvrir. Dans le magasin, elle n'avait pas uniquement cherché des montres, mais aussi la clé. Si l'un de ses comparses paraissait effectivement stressé sur les images de vidéosurveillance, c'était parce qu'ils ne trouvaient pas cette dernière. Le seul ordre qu'elle leur avait donné avait été d'arrêter lorsqu'ils s'étaient mis à maltraiter le bijoutier. Elle contestait avoir demandé une dernière fois à la victime d'ouvrir le coffre avant de faire un signe à ses comparses pour leur dire d'arrêter. Aucune des armes utilisées dans le cadre des deux brigandages n'était vraie. Il était exact que, si la police ne lui avait pas dit avoir trouvé l'ADN de F______, elle n'aurait pas parlé de lui. Elle ne connaissait pas K______ et ne pouvait pas expliquer la raison pour laquelle son ADN avait été retrouvé sur les lieux et sur la victime. Elle n'avait rien touché du butin de Lausanne. S'agissant du brigandage de Genève, F______ lui avait donné EUR 3'000.-, puis EUR 5'000.- par la suite. Elle aurait dû recevoir encore une partie mais n'avait finalement rien reçu. Elle ne pouvait indiquer le montant exact du butin envisagé dans les deux braquages, dans la mesure où il s'agissait de montres d'occasion. Ils avaient cependant pensé que ce serait autour des EUR 100'000.- ou EUR 110'000.-. Elle-même avait pensé toucher EUR 20'000.- pour chacun des braquages. Avec F______, ils avaient convenu de toucher 50% du butin chacun. Avec ses comparses de Lausanne, elle devait uniquement recevoir 20%, ses comparses ayant payé pour l'essence, l'hôtel et les transports. Elle avait effectivement pensé aux victimes en préparant et en commettant les braquages mais n'aurait jamais cru que ce serait aussi horrible. Elle souhaitait s'excuser auprès de D______. Elle contestait avoir fait refaire son passeport et changé de nom dans le but de revenir en Suisse commettre un braquage, étant précisé qu'elle avait simplement souhaité reprendre son nom de jeune fille et qu'elle avait dû renouveler son passeport. Si elle avait réitéré ses actes après six ans de prison, c'était parce qu'elle n'avait pas trouvé la paix ni un travail en rentrant chez elle, et qu'elle avait fait l'erreur de retourner chez les parents de son mari. A la question de savoir ce qu'il était resté de ses déclarations devant les juges d'application des peines de Lausanne, une année après, la prévenue a répondu: "Rien, il ne restait rien". A sa prochaine sortie de prison, elle souhaitait rentrer en Serbie, retrouver sa famille et travailler. Cela serait différent de sa précédente sortie, en 2018, car elle était désormais âgée et qu'elle n'avait plus de force. Invitée à se déterminer sur les prétentions civiles déposées par les parties plaignantes, X______ a déclaré les accepter, tant sur le principe que sur le montant.

a.b. Par le biais de son conseil, X______ a produit plusieurs pièces à l'audience de jugement, parmi lesquelles figurent notamment une lettre de son frère, L______, traduite du serbe au français et datée du 1er juillet 2022, dans laquelle le précité s'engage à héberger sa sœur dès sa sortie de prison et affirme lui avoir trouvé un travail. La prévenue a également produit des attestations de travail et de formation émanant de l'établissement pénitentiaire de Hindelbank, ainsi qu'un extrait de son compte bancaire, mentionnant un solde de CHF 1'098.40 au 20 juin 2022. Elle a déclaré vouloir que son pécule soit versé aux parties plaignantes.

b.a. D______ a pour sa part confirmé sa plainte ainsi que les déclarations faites dans la procédure. Elle continuait à avoir peur lorsque quelqu'un entrait avec les mains dans les poches ou s'approchait d'elle. Quand bien même cela pouvait arriver, elle essayait de ne pas se retrouver seule dans le magasin, étant précisé qu'elle disposait désormais d'un sas à l'entrée et d'un chien, et qu'un horloger travaillait également dans le magasin. Elle avait en outre installé des miroirs partout dans le magasin et avait fait renforcer le système de sécurité. Depuis les faits, elle souffrait de pneumonies et de crises d'asthme émotives ("panic attacks"), alors qu'elle n'était pas sujette à cela auparavant.

D.a. X______ est née le ______1969 à Uzice, en Serbie, pays dont elle est ressortissante. Elle est veuve et n'a pas d'enfant. Son mari serait décédé en 1994, pendant la guerre. Sa famille, soit son demi-frère, son beau-père, ses cousins et la famille de son oncle vivent encore en Serbie. La prévenue est au bénéfice d'une formation en informatique et d'un diplôme en économie. Elle est arrivée en Suisse en 1995. Elle a travaillé dans différents domaines, notamment dans celui de la restauration. Elle a dû quitter le territoire helvétique à plusieurs reprises en raison de sa situation administrative. Elle a été incarcérée en Suisse durant plus de 6 ans et demi du fait notamment de sa participation à des brigandages entre 2009 et 2011, et a fait l'objet, depuis le 5 octobre 2015, d'une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 4 octobre 2030. Après sa sortie de prison, en avril 2018, la prévenue est retournée dans sa ville natale et n'a pas trouvé de travail. La prévenue déclare avoir des dettes pour environ EUR 20'000.- à EUR 30'000.- en Serbie, dont EUR 16'000.- auraient déjà été remboursés par ses soins ainsi que grâce à l'aide de son frère.

b.a. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, X______ a été condamnée le 15 décembre 2014, par le Tribunal criminel de Lausanne, à une peine privative de liberté de 10 ans pour brigandage en bande, tentative de brigandage en bande, complicité de brigandage en bande, instigation à tentative de brigandage en bande, faux dans les certificats, délit contre la LArm, séjour illégal, activité lucrative sans autorisation et actes préparatoires délictueux au brigandage. Sa libération conditionnelle a été prononcée le 11 avril 2018, avec un délai d'épreuve jusqu'au 7 août 2021 et un solde de peine de 3 ans, 3 mois et 27 jours.

b.b. Il ressort des jugements rendus le 15 décembre 2014 par le Tribunal criminel de Lausanne et le 23 mars 2018 par le Collège des juges d'application des peines de Lausanne versés à la procédure les éléments suivants:

-          la précédente condamnation de la prévenue repose, en substance, sur son implication dans le cadre de quatre braquages de bijouteries commis entre 2009 et 2011, dans les régions de Lausanne, Crans-Montana, Verbier et Rolle, selon un mode opératoire quasiment identique à celui utilisé dans le cadre de la présente affaire, étant précisé que, dans deux cas, il a été considéré que X______ avait agi en tant que principale instigatrice, s'occupant notamment de la planification des attaques et donnant les ordres. Dans le cas survenu à Rolle – qui est resté au stade de la tentative –, il a en outre pu être établi que l'arme utilisée était une vraie arme, munitionnée, et que X______ a cherché à se la procurer pour que son complice s'en serve aux fins de menacer le bijoutier;

-          lors de l'audience de jugement devant le Tribunal criminel de Lausanne, la prévenue a notamment déclaré, s'agissant de sa situation personnelle, que son mari avait appartenu à un groupe qui s'était formé à Uzice, pour commettre des brigandages en Europe de l'Ouest, et était décédé en 1994, dans le cadre d'un règlement de comptes. Elle a admis avoir aidé des membres dudit groupe par la suite, notamment en leur trouvant des hébergements en Suisse. La prévenue a pour le surplus exprimé des regrets pour les victimes, demandant à pouvoir s'adresser directement à ces dernières en se levant et en les regardant dans les yeux. S'agissant de ses projets à la sortie de prison, elle a en particulier déclaré que son seul désir était de retourner dans son pays, de trouver une petite maison dans un village ("loin des mauvaises personnes") et de recommencer à travailler dans la restauration. Elle a enfin souligné que "jusqu'à la fin de ma vie je ne retournerai pas en Suisse même si l'on ne peut jamais dire jamais";

-          dans le cadre de l'examen de sa libération conditionnelle, la prévenue a exprimé beaucoup de regrets envers les victimes. Il a notamment été relevé qu'elle pleurait beaucoup lorsque ce sujet était abordé et qu'elle disait que cela faisait remonter des sentiments de honte. Lors de son audition du 25 janvier 2018, elle a déclaré, s'agissant des actes à l'origine de sa condamnation, que c'était "la pire chose que j'ai faite dans ma vie" et a indiqué qu'après tant d'années de prison, elle avait pris conscience qu'elle n'avait pas le droit de revenir en Suisse.

 

EN DROIT

1. Culpabilité

1.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst., concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence.

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a).

1.1.2. L'art. 140 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui aura commis un vol en usant de violence à l'égard d'une personne, en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle ou en la mettant hors d'état de résister.

Les chiffres 2 à 4 de l'art. 140 CP traitent des formes qualifiées de brigandage.

1.1.2.1. En vertu de l'art. 140 ch. 2 CP, le brigandage sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au moins, si son auteur s'est muni d'une arme à feu ou d'une autre arme dangereuse.

La qualification de l'art. 140 ch. 2 CP doit être retenue dès lors que l'auteur s'est muni d'une arme à feu, peu importe qu'il ait eu l'intention de s'en servir ou qu'il s'en soit servi (arrêt 6B_737/2009 du 28 janvier 2010 consid. 1.3.2). Par arme, on doit comprendre tout objet qui, d'après sa destination, peut être utilisé pour attaquer ou se défendre (ATF 117 IV 135 consid. 1c/bb). La circonstance aggravante dépend du caractère objectivement dangereux de l'arme qui se déduit de critères objectifs et non de l'impression qu'elle produit sur la victime (ATF 113 IV 60 consid. 1a). Pour apprécier si une arme est dangereuse, il faut se référer à sa nature, à savoir, examiner si elle est propre à causer de graves lésions, ce qui est le cas des grenades à main, des bombes, des pétards à gaz, des pistolets à air comprimé, des fusils à pompe, des sprays lacrymogènes projetant du gaz CN, des coups-de-poing américains, certaines armes blanches pouvant blesser ou tuer à distance, un pistolet factice pouvant être utilisé en raison de sa forme et de son poids comme un objet contondant d'attaque ou de défense, un revolver d'alarme à gaz chargé avec des cartouches contenant du CN susceptibles de provoquer un oedème pulmonaire ou de graves dommages oculaires, ainsi qu'une machette présentant une lame recourbée de 35 cm affûtée d'un côté (ATF 113 IV 60 consid. 1a; ATF 118 IV 142 consid. 3e; arrêt du Tribunal fédéral 6B_710/2007 du 6 février 2008 consid. 2.2.1; Macaluso et al., Commentaire romand du Code pénal II, Bâle 2017, n°47 ad art. 140 et n°93-94 ad art. 139). Il est en outre nécessaire que l'arme considérée soit chargée, ou à tout le moins que l'auteur dispose de la munition sur lui au moment des faits, et qu'elle soit en état de fonctionner (ATF 110 IV 80 consid. 1b ; Dupuis et al., Petit commentaire du code pénal, Bâle 2017, n°21 ad art. 140)

La circonstance aggravante définie à l'art. 140 ch. 2 CP constitue une circonstance dite réelle, qui confère à l'acte une gravité objective plus grande et qui influe en conséquence sur le sort de tous les participants, à condition qu'ils la connaissent. Ainsi, le coauteur et le complice d'un brigandage sont passibles de la même sanction que les auteurs, même si un seul de ceux-ci réalise une des circonstances aggravantes, lorsque ce comportement relève de la décision dont l'infraction est le fruit (arrêt du Tribunal fédéral 6S.203/2005 du 6 septembre 2005 consid. 3.2).

1.1.2.2. L'art. 140 ch. 3 CP prévoit une peine privative de liberté de deux ans au moins si l'auteur a commis le brigandage en qualité d'affilié à une bande formée pour commettre des brigandages ou des vols ou si de toute autre manière la façon d'agir dénote qu'il est particulièrement dangereux.

La notion de caractère particulièrement dangereux visée à l'art. 140 ch. 3 CP doit être interprétée restrictivement, dès lors que le brigandage implique, par définition, une agression contre la victime et donc une mise en danger plus ou moins grave. Il faut que l'illicéité de l'acte et la culpabilité présentent une gravité sensiblement accrue par rapport au cas normal. Cette gravité accrue se détermine en fonction des circonstances concrètes. Sont des critères déterminants notamment le professionnalisme de la préparation du brigandage, la façon particulièrement audacieuse, téméraire, perfide, astucieuse ou dépourvue de scrupules avec laquelle il a été commis et l'importance du butin escompté (ATF 117 IV 135 consid. 1a; 116 IV 312 consid. 2d et e). Une mise en danger concrète de la victime suffit, sans qu'une lésion ne soit nécessaire. Le Tribunal fédéral a admis à plusieurs reprises que l'auteur qui ne se borne pas à porter sur lui une arme à feu, mais qui l'utilise en l'exhibant pour intimider autrui, agit de manière particulièrement dangereuse (ATF 120 IV 317 consid. 2a; 118 IV 142 consid. 3b; 117 IV 419 consid. 4b; arrêt 6B_988/2013 du 5 mai 2014 consid. 1.4.1). Une telle qualification doit ainsi en principe être retenue lorsqu'une arme chargée mais assurée ou non armée est dirigée par l'auteur vers la victime (ATF 117 IV 419 consid. 4c; arrêt 6B_737/2009 du 28 janvier 2010 consid. 1.3.2). La brutalité de l'auteur n'est en revanche pas indispensable (ATF 116 IV 312 consid. 2e). L'implication de plusieurs auteurs est également une circonstance à prendre en considération dans la qualification de l'art. 140 ch. 3 CP (arrêt 6B_988/2013 du 5 mai 2014 consid. 1.4.1).

1.1.3. Selon l'art. 156 ch. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura déterminé une personne à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, en usant de violence ou en la menaçant d'un dommage sérieux, sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Si l'auteur a exercé des violences sur une personne ou s'il l'a menacée d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle, la peine sera celle prévue à l'art. 140 (art. 156 ch. 3 CP).

Dans le cas aggravé (156 ch. 3 CP), les moyens de contrainte sont les mêmes que ceux du brigandage (ATF 129 IV 61 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_356/2012, consid. 1.2.2). Pour que cette disposition soit applicable, il faut donc que l'auteur ait usé de violence envers une personne, l'infraction de base supposant exclusivement une violence contre les choses, ou qu'il ait menacé une personne d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle, la menace visant un autre bien juridiquement protégé étant insuffisante (arrêt du Tribunal fédéral 6S.282/2002 du 26 novembre 2002 consid. 3.1, non publié, in ATF 129 IV 22). La menace au sens de l'art. 156 ch. 3 CP exercée sur une personne doit être sérieuse, en ce sens qu'elle doit être propre à contraindre une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances; la sensibilité de la victime en l'espèce est sans importance (Corboz, Les infractions en droit suisse, Volume I, 3e éd., Berne 2010, n° 30 ad art. 156).

Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, le dol éventuel étant suffisant, et dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_275/2016 du 9 décembre 2016 consid. 4.2.5).

1.1.4. La distinction entre le brigandage et l’extorsion (art. 156 CP) renvoie à la question de savoir si le concours de la victime pour obtenir un avantage pécuniaire est nécessaire ou non. Dans l’affirmative, l’article 156 CP est seul applicable, alors que le brigandage peut être retenu dans la négative (Dupuis et al., op. cit., n°41 ad art. 140). En cas de violences ou de menaces d’un danger imminent pour la vie ou l’intégrité corporelle, l'art. 156 al. 3 CP renvoie à la peine prévue pour le brigandage, ce qui relativise l’importance pratique de la qualification de l’infraction (Macaluso et al., op. cit., n°77 ad art. 140).

1.1.5. A teneur de l'art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire.

La tentative suppose que l'auteur réalise tous les éléments subjectifs de l'infraction et qu'il manifeste sa décision de la commettre, mais sans en réaliser tous les éléments objectifs (ATF 137 IV 113 consid. 1. 4. 2; 120 IV 199 consid. 3e).

1.2. En l'espèce, les faits décrits dans l'acte d'accusation sont établis par les éléments du dossier, en particulier par les images de vidéosurveillance des deux brigandages, les déclarations des plaignants et les aveux de la prévenue.

La prévenue a ainsi commis, par deux fois, des vols dans des bijouteries, en usant de violence, de contrainte et d'une arme, pour maitriser ses victimes et les mettre hors d'état de résister, afin de s'emparer de tous les bijoux et valeurs trouvés.

Elle a également, dans le cas de Lausanne, tenté de contraindre le bijoutier à composer le code du coffre-fort, pour s'emparer des bijoux et valeurs à l'intérieur, en usant de violence à son encontre et en le menaçant avec une arme pointée sur sa tête, alors qu'il se trouvait à genoux, bâillonné et attaché.

Ces faits sont constitutifs de brigandage, la prévenue ayant agi en coactivité avec un comparse, ami d'enfance, dans le premier cas, respectivement avec deux comparses dans le second cas. L'infraction de tentative d'extorsion est également réalisée s'agissant du second cas, étant relevé que c'est seulement parce que le plaignant a courageusement résisté à la violence exercée contre lui que les malfrats ne sont pas parvenus à leurs fins.

Il convient désormais d'examiner si les faits réalisent également l'une ou l'autre des circonstances aggravantes prévues aux art. 140 et 156 CP.

1.2.1. S'agissant de la circonstance aggravante de l'art. 140 ch. 2 CP

On ne peut se fier aux déclarations de la prévenue sur le caractère factice des armes utilisées, dans la mesure où celles-ci ont passablement varié sur de nombreux aspects, y compris s'agissant de l'utilisation desdites armes. A cet égard, on relèvera notamment que la prévenue a, dans un premier temps, nié que F______ ait braqué son arme sur la victime, avant de finalement l'admettre, après avoir été confrontée aux images de vidéosurveillance. Elle a également donné des explications contradictoires s'agissant du sort de l'arme et a enfin tenté de soutenir que, si l'arme utilisée à Genève avait été réelle, le détecteur de métaux de la douane et le portique de sécurité de la bijouterie auraient sonné, alors qu'il est établi que la bijouterie en question ne disposait pas d'un tel dispositif lors des faits et qu'aucune des douanes françaises situées à la frontière ne dispose de portique de sécurité de détection de métaux. Enfin, les déclarations de la prévenue sur le caractère factice des armes sont contredites par les éléments résultant du jugement du Tribunal criminel de Lausanne, lesquels attestent notamment du fait qu'elle s'est déjà procuré une vraie arme par le passé afin que son complice s'en serve pour menacer un bijoutier.

Nonobstant ce qui précède, le Tribunal constate, s'agissant du brigandage de Lausanne, que les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que l'arme utilisée était réelle, ni, a fortiori, qu'elle était chargée. Il y a donc lieu de retenir la version la plus favorable à la prévenue, soit qu'il s'agissait d'une arme factice.

S'agissant du brigandage de Genève, on ne comprend pas pour quelle raison F______ effectuerait un mouvement de charge, de surcroît à un moment où la victime lui tourne le dos – excluant ainsi a priori que ce geste vise à l'intimider –, comme cela ressort des images de vidéosurveillance, s'il ne s'agissait pas d'une vraie arme. Ce geste conduirait plutôt à conclure qu'il s'agissait d'une véritable arme, qui plus est chargée. Cela étant, à défaut d'autres éléments et dans la mesure où il ressort des rapports de renseignements des 13 et 16 juin 2022 que certaines armes factices permettent d'effectuer un mouvement de charge, la prévenue sera également mise au bénéfice du doute sur ce point.

La circonstance aggravante prévue à l'art. 140 ch. 2 du brigandage ne sera ainsi pas retenue. Cela n'enlève rien au fait que, dans les deux cas, des armes dont la ressemblance avec de vraies armes est déroutante ont été utilisées pour menacer, intimider et soumettre les victimes, qui ont cru qu'elles étaient réelles. Ces éléments seront ainsi pris en considération dans le cadre de la fixation de la peine.

1.2.2. S'agissant de la circonstance aggravante de l'art. 140 ch. 3 CP

Il est établi que, pour chaque brigandage, la prévenue et ses comparses ont effectué des repérages, ces derniers ayant d'ailleurs duré un mois dans le cas de Lausanne. A cet égard, il y a lieu de relever que les déclarations – fluctuantes – de la prévenue s'agissant de la durée des repérages sont contredites par les billets de bus et la carte SIM retrouvés sur elle lors de son interpellation – lesquels démontrent qu'elle se trouvait déjà dans la région à compter de la fin du mois d'août 2020 –, ainsi que par les déclarations du directeur de l'hôtel I______. Pour le surplus, la prévenue et ses comparses disposaient de toute la logistique nécessaire, dormant dans des motels ou chez des connaissances les jours précédents, ainsi que du réseau nécessaire pour écouler immédiatement leur butin.

Le mode opératoire, identique à celui utilisé dans les braquages précédents pour lesquels la prévenue a été condamnée, était bien rôdé et bien défini. Elle a su mettre en confiance ses victimes par ses visites successives, son apparence, son âge et son visage souriant. Ses acolytes masculins ne surgissaient qu'à la dernière minute, ce qui dénote une manière d'agir particulièrement perfide et astucieuse. Ils étaient déterminés et prêts à revenir le nombre de fois nécessaire pour trouver le bon moment pour agir.

Les auteurs ont commis leur forfait un mardi, en fin de journée, dans le premier cas, respectivement un mardi, en fin de matinée, dans le second cas, dans des magasins situés dans des rues commerçantes d'un centre-ville, avec l'affluence de passants que cela implique et que l'on voit d'ailleurs sur les images de vidéo-surveillance, sans que cela ne les perturbe le moins du monde. Ils devaient par ailleurs supposer que les bijouteries étaient équipées d'alarmes et de caméras, mais cela ne les a nullement dissuadés d'agir.

Les deux comparses du second brigandage ont pris le soin de se masquer, ce que ne pouvait faire la prévenue, supposée inspirer confiance pour pouvoir entrer dans la boutique et permettre à ses comparses d'y pénétrer à leur tour. Ses déclarations selon lesquelles son rôle devait se limiter à sonner à la porte sont dénuées de toute crédibilité et au demeurant contredites par les images de vidéosurveillance. Il est constant qu'elle devait fouiller les lieux et ramasser le maximum de valeurs, y compris les espèces, pendant que ses comparses maitrisaient les victimes.

La prévenue a agi avec un comparse, respectivement deux, lesquels font vraisemblablement partie d'une organisation criminelle. Son lourd passé criminel et ses liens avec le milieu de la criminalité, qui résultent notamment du fait qu'elle dit avoir été contactée pour participer à ces brigandages, démontre son professionnalisme.

S'il n'a pas pu être établi que les armes utilisées sur les brigandages étaient réelles, elles apparaissaient comme telles et ne ressemblaient manifestement pas à des jouets. Les deux victimes étaient d'ailleurs persuadées qu'il s'agissait de vraies armes.

Au vu du mode opératoire utilisé, toujours identique, de l'emploi d'armes – et de scotch dans le second cas –, ainsi que de la répartition des rôles convenue, la prévenue ne pouvait ignorer qu'une certaine violence serait utilisée à l'encontre des victimes.

Dans le cadre du premier brigandage, la victime a été maitrisée par la force et au moyen d'une arme braquée sur son ventre puis sur sa tête, après que le prévenu F______ avait effectué un mouvement de charge en braquant l'arme sur son dos. Elle a en outre été inutilement malmenée, ceinturée et jetée au sol. Si les images de vidéosurveillance dénotent une violence certaine, la victime ayant été ceinturée et jetée au sol, les malfrats, malgré leur absence de scrupules, n'ont pas fait usage de violence physique à proprement parler, dans le sens où ils n'ont pas frappé leur victime gratuitement. Ils étaient deux et les faits se sont déroulés très rapidement, soit en l'espace de moins d'une minute et trente secondes. Le butin s'est élevé à près de CHF 125'000.-.

Pour ces faits, on se trouve à la limite de la dangerosité particulière et cette circonstance aggravante ne sera pas retenue. Il sera néanmoins tenu compte de tous les éléments susmentionnés dans la fixation de la peine.

Les circonstances doivent être appréciées différemment dans le cadre du second brigandage. En effet, dans ce cas, les malfrats n'ont pas hésité à braquer leur arme sur la gorge du bijoutier, à lui mettre du scotch sur le visage, soit le nez et la bouche, l'empêchant ainsi de respirer durant quelques instants, à lui ligoter mains et pieds puis à le trainer de force dans la salle du coffre. Les images de vidéosurveillance attestent ici aussi de la violence exercée à l'égard de la victime, dont les cris d'effroi, parfaitement audibles sur la vidéo, ne les ont à aucun moment dissuadés de poursuivre leur forfait. Pendant ce temps, la prévenue s'attelait à fouiller les lieux à la recherche de valeurs, étant relevé que ce n'est que dans un second temps que les malfrats se sont éventuellement mis à chercher la télécommande de la porte d'entrée. Cette activité criminelle a duré 11 minutes. Le butin s'est également élevé à près de CHF 125'000.-.

Au vu du professionnalisme mis en œuvre dans la planification et l'exécution des infractions, de la manière d'agir violente et de la mise en scène à l'encontre de la victime, de l'importance du butin escompté et obtenu, de l'utilisation d'une arme – fût-elle factice –, du nombre de malfrats, soit trois, et de la durée des faits, la circonstance aggravante de l'art. 140 ch. 3 CP sera retenue pour ce second complexe de faits.

1.2.3. S'agissant de la circonstance aggravante de l'art. 156 ch. 3 CP

Il est également établi qu'après avoir trainé la victime dans la salle du coffre, les malfrats l'ont, durant de longues minutes, exhortée à composer le code, en braquant l'arme sur sa tête et en la frappant à une reprise d'un coup de crosse sur l'arrière du crâne, alors qu'elle avait les membres liés, qu'elle était bâillonnée et qu'elle se trouvait à genoux, à la merci des malfrats. La prévenue a pleinement participé à ces faits et accepté que ses comparses violentent de la sorte le bijoutier, tandis qu'elle-même fouillait tranquillement les lieux pour s'emparer des valeurs qu'elle trouvait.

Elle ne s'est d'aucune manière émue des gémissements et des cris du bijoutier. Ce n'est que parce qu'elle a réalisé que ce dernier ne s'exécuterait pas et qu'elle était probablement inquiète du temps écoulé qu'elle a finalement enjoint ses comparses d'abandonner et de partir, après avoir demandé à la victime d'ouvrir la porte. Ces derniers ont encore pris le soin d'emmener le prévenu, toujours ligoté, dans les toilettes, pour assurer leur fuite, avant de partir dans des directions opposées.

Au vu des circonstances et de la violence employée, laquelle est allée au-delà de ce qui était nécessaire à la commission du forfait, la circonstance aggravante de l'art. 156 ch. 3 CP sera également retenue, étant relevé, à titre superfétatoire, que cela n'a aucune incidence sur la peine, dans la mesure où les éléments précités auraient en tout état été pris en considération au stade de la fixation de celle-ci et auraient abouti au prononcé d'une peine largement supérieure au plancher fixé par l'art. 156 ch. 3 CP.

2. Peine

2.1.1. Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.1). Le facteur essentiel est celui de la faute (arrêt du Tribunal fédéral 6B_992/2008 du 5 mars 2009 consid. 5.1). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_759/2011 du 19 avril 2012 consid. 1.1).

2.1.2. Selon l'art. 40 CP, la durée de la peine privative de liberté va de trois jours à 20 ans.

2.1.3. Selon l'art. 48 let. d CP, le juge atténue la peine si l’auteur a manifesté par des actes un repentir sincère, notamment s’il a réparé le dommage autant qu’on pouvait l’attendre de lui.

2.1.4. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

Une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation suppose, à la différence de l'absorption et du cumul des peines, que le tribunal ait fixé (au moins de manière théorique) les peines (hypothétiques) de tous les délits (ATF 144 IV 217 consid. 3.5.3).

2.1.5. Selon l'art. 89 CP, si, durant le délai d'épreuve, le détenu libéré conditionnellement commet un crime ou un délit, le juge qui connaît de la nouvelle infraction ordonne sa réintégration dans l'établissement (al. 1). Si, en raison de la nouvelle infraction, les conditions d'une peine privative de liberté ferme sont réunies et que celle-ci entre en concours avec le solde de la peine devenu exécutoire à la suite de la révocation, le juge prononce, en vertu de l'art. 49 CP, une peine d'ensemble. Celle-ci est régie par les dispositions sur la libération conditionnelle. Si seul le solde de la peine doit être exécuté, l'art. 86, al. 1 à 4, est applicable (al. 6).

La nouvelle infraction doit revêtir une certaine gravité, à savoir être passible d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire (cf. art. 10 CP). La commission d'un crime ou d'un délit n'entraîne toutefois pas obligatoirement la révocation de la libération conditionnelle. Selon l'art. 89 al. 2 CP, le juge renoncera à la réintégration s'il n'y a pas lieu de craindre que le condamné ne commette de nouvelles infractions. Par sa nature même, le pronostic à émettre ne saurait être tout à fait sûr; il doit suffire de pouvoir raisonnablement conjecturer que le détenu ne commettra pas de nouvelles infractions (arrêts 6B_663/2009 du 19 octobre 2009 consid. 1.2; 6B_303/2007 du 6 décembre 2007 consid. 6; ATF 98 Ib 106 consid. 1b).

2.1.6. A teneur de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure.

2.2. En l'espèce, la faute de la prévenue est très lourde. Elle a commis deux brigandages de bijouteries en l'espace de dix mois, au mépris du patrimoine et de l'intégrité physique et psychique de ses victimes. Ses comparses ont fait preuve de violence et de brutalité, ce qu'elle savait et a pleinement accepté, et les attaques ont engendré des conséquences importantes et traumatisantes pour les victimes, lesquelles ont dû changer leur manière de travailler. Le butin escompté était important, celui finalement obtenu atteignant plus de CHF 120'000.- pour chacun des brigandages.

La volonté criminelle de la prévenue est particulièrement intense. Elle est venue spécifiquement en Suisse depuis la Serbie pour commettre ses méfaits, par deux fois, en changeant de nom dans l'intervalle et en faisant refaire son passeport juste avant son second voyage, et ce alors qu'elle avait été condamnée à une peine privative de liberté de 10 ans, qu'elle avait purgé plus de 6 ans de prison, qu'elle était toujours dans le délai d'épreuve de la libération conditionnelle et qu'elle faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse.

S'agissant de son rôle, c'est elle qui a effectué les repérages, qui s'est occupée de la logistique et qui a mis en confiance ses futures victimes, de manière à permettre à elle et à ses comparses de pénétrer dans les bijouteries. C'est aussi elle qui donnait les instructions, qui fixait le cadre et les limites – notamment en signalant le départ dans le cadre du brigandage de Lausanne, vu que la victime ne cédait pas – et qui s'est occupée de ramasser tranquillement le butin, avec un sang-froid désarçonnant, pendant que ses comparses maltraitaient les victimes.

Sa situation personnelle n'explique pas ses agissements. Elle disposait d'un toit, de l'entourage de sa famille et aurait pu trouver un travail honnête, vu sa formation et son expérience professionnelle.

Sa collaboration à la procédure a été médiocre. Si elle a certes rapidement admis sa culpabilité, elle pouvait difficilement en faire autrement au vu des éléments de preuve incontestables, les faits étant filmés. Elle s'est pour le surplus contredite sur de nombreux éléments, s'est montrée stratégique dans ce qu'elle voulait bien concéder et n'a admis les faits qu'une fois confrontée aux éléments matériels ne lui laissant pas d'autre choix. Elle n'a fourni aucun élément permettant d'identifier ses comparses dans le cadre du second brigandage et n'a parlé de F______ que parce qu'elle savait qu'il avait déjà été identifié par la police. Elle n'a donné aucune information probante sur l'acquisition des armes ni aucun élément permettant de retrouver le butin, au moins en partie. Elle s'est enfin contredite sur sa rémunération. Sa collaboration semble ainsi surtout relever de la tactique procédurale.

Sa prise de conscience est inexistante. Elle n'a eu de cesse de minimiser son rôle et sa responsabilité, connaissant parfaitement la stratégie et le comportement à adopter pour tenter de réduire sa peine.

Les regrets exprimés apparaissent de pure circonstance et être dictés par les enjeux de la procédure. Devant le Tribunal criminel de Lausanne, la prévenue avait déjà pu entendre le traumatisme subi par ses victimes et s'était dite désolée pour leurs souffrances. On ne voit pas en quoi les regrets exprimés ce jour seraient plus sincères. Par ailleurs, le fait qu'elle récidive un an après sa libération conditionnelle, dans le délai d'épreuve, et après plus de 6 ans et demi de prison, de la même manière, en utilisant une arme,– fût-elle factice, l'effet étant le même pour les victimes –, démontre son absence particulière de scrupules et son indifférence pour les conséquences de ses actes sur ses victimes.

Les conditions strictes du repentir sincère ne sont pas réalisées, le simple fait d'exprimer des excuses, de manifester son intention de verser son pécule aux parties plaignantes, ce qu'elle n'a, à ce jour, pas fait, et d'acquiescer à leurs conclusions civiles n'étant pas particulièrement méritoire.

Il y a concours d'infractions, facteur d'aggravation de la peine.

La prévenue a agi alors qu'elle a déjà été condamnée à 10 ans de prison pour des faits similaires en tous points.

Seule une peine privative de liberté ferme entre en considération, au vu de la gravité des faits et de son antécédent spécifique.

En outre, la prévenue ayant récidivé dans le délai d'épreuve, il y a lieu de révoquer la libération conditionnelle prononcée le 23 mars 2018 et de fixer une peine d'ensemble.

Une peine privative de liberté d'ensemble de 9 ans sera en définitive prononcée, sous déduction de 644 jours de détention avant jugement, incluant une peine privative de liberté de 4 ans pour le brigandage aggravé et la tentative d'extorsion aggravée de Lausanne (peine de base), à laquelle s'ajoutent une peine de 2 ans et demi (3 ans de peine hypothétique) pour le premier cas de Genève, ainsi que le solde de peine à subir de 3 ans, 3 mois et 27 jours.

3. Expulsion

3.1.1. A teneur de l'art. 66a al. 1 let. c CP, le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné pour brigandage (art. 140) ainsi que pour extorsion et chantage qualifiés (art. 156, ch. 2 à 4), quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans.

Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l’étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportent pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse (art. 66a al. 2 CP).

3.1.2. Conformément à l'art. 66c al. 2 CP, la peine ou partie de peine ferme ou la mesure privative de liberté doit être exécutée avant l’expulsion

3.1.3. Selon l'art. 20 de l'ordonnance sur la partie nationale du Système d'information Schengen (N-SIS) et sur le bureau SIRENE (Ordonnance N-SIS), les ressortissants d'Etats tiers ne peuvent être signalés aux fins de non-admission ou d'interdiction de séjour que sur la base d'une décision prononcée par une autorité administrative ou judiciaire. L'inscription dans le SIS des signalements aux fins d'expulsion pénale est requise par le juge ayant ordonné cette mesure.

Un signalement dans le SIS présuppose que les conditions de signalement des art. 21 et 24 du règlement (CE) No 1987/2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (Règlement SIS II) soient remplies. Un signalement dans le SIS ne peut être effectué que sur la base d'une évaluation individuelle tenant compte du principe de proportionnalité. Il est ainsi nécessaire que ledit signalement soit justifié par le caractère raisonnable, la pertinence et l'importance de l'affaire.

3.2. En l'espèce, l'expulsion est obligatoire au vu des infractions commises. Elle sera prononcée pour une durée de 15 ans pour tenir compte de la gravité des faits et de l'antécédent spécifique de la prévenue.

Le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) sera pour le surplus également ordonné.

4. Conclusions civiles et en indemnisation

4.1.1. La partie plaignante peut faire valoir ses conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure (art. 122 al. 1 CPP). Le fondement juridique des prétentions civiles réside dans les règles relatives à la responsabilité civile des art. 41 ss CO. La partie plaignante peut ainsi réclamer la réparation de son dommage (art. 41 à 46 CO) et l'indemnisation de son tort moral (art. 47 et 49 CO), dans la mesure où ceux-ci découlent directement de la commission de l'infraction reprochée au prévenu.

4.1.2. Si le prévenu acquiesce aux conclusions civiles, sa déclaration doit être consignée au procès-verbal et constatée dans la décision finale (art. 124 al. 3 CPP).

4.1.3. En vertu de l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le tribunal statue sur les prétentions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu. Il renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile lorsqu'elle n'a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (art. 126 al. 2 let. b CPP).

4.1.4. Aux termes de l'art. 433 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (lit. a). La partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2).

La partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette norme lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l'exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (arrêt du Tribunal fédéral 6B_159/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.2).

4.2. La prévenue ayant acquiescé aux conclusions civiles, tant sur le principe que sur le montant, elle sera condamnée à payer les montants réclamés par les parties plaignantes. Les frais réclamés par B______ à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure seront cependant réduits pour tenir compte du tarif d'avocat stagiaire pour l'audience de jugement.

5. Sort des objets et valeurs patrimoniales séquestrés

5.1.1. A teneur de l'art. 267 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l’ayant droit (al. 1). La restitution à l’ayant droit des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n’ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation sont statuées dans la décision finale (al. 3).

5.1.2. Les autorités pénales peuvent compenser les créances portant sur des frais de procédure avec les indemnités accordées à la partie débitrice dans la même procédure pénale et avec des valeurs séquestrées (art. 442 al. 4 CPP).

5.2. Les objets figurant sous chiffres 2 à 9 de l'inventaire n°28803320201106 seront restitués à X______.

Les valeurs patrimoniales figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n°28803320201106 seront séquestrées en vue d'être compensées avec les frais de la procédure.

 

 

6. Indemnisation et frais

6.1 Vu le verdict de culpabilité, la prévenue sera condamnée aux frais de la procédure, lesquels s'élèvent à CHF 26'449.75, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 426 al. 1 CPP).

6.2. Le défenseur d'office sera indemnisé (art. 135 CPP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable de brigandage (art. 140 ch. 1 CP; ch. 1.1.1 de l'acte d'accusation), de brigandage aggravé (art. 140 ch. 1 et 3 CP; ch. 1.1.2 de l'acte d'accusation) et de tentative d'extorsion aggravée (art. 156 ch. 1 et 3 CP cum art. 22 CP).

Révoque la libération conditionnelle accordée le 23 mars 2018 par l'Office des juges d'application des peines, Lausanne (solde de peine de 3 ans 3 mois 27 jours) (art. 89 al. 1 CP).

Condamne X______ à une peine privative de liberté d'ensemble de 9 ans, sous déduction de 644 jours de détention avant jugement (dont 35 jours de détention extraditionnelle et 311 jours de détention en exécution anticipée de peine; art. 40 et 89 al. 6 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de X______ pour une durée de 15 ans (art. 66a al. 1 let. c CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

Constate que X______ acquiesce aux conclusions civiles (art. 124 al. 3 CPP).

Condamne X______ à payer à A______SA CHF 100'000.-, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Condamne X______ à payer à D______ CHF 10'000.-, avec intérêts à 5% dès le 19 novembre 2019, à titre de réparation du tort moral (art. 49 CO).

Condamne X______ à payer à B______ CHF 15'000.-, à titre de réparation du tort moral (art. 49 CO).

Ordonne la restitution à X______ des objets figurant sous chiffres 2 à 9 de l'inventaire n° 28803320201106 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne X______ à verser à B______ CHF 7'853.04, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 26'449.75, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne le maintien du séquestre et compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec les valeurs patrimoniales séquestrées figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 28803320201106 (art. 442 al. 4 CPP).

Fixe à CHF 7'285.75 l'indemnité de procédure due à Me E______, défenseur d'office de X______ (art. 135 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Céline TRUFFER

La Présidente

Katalyn BILLY

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

24'603.75

Convocations devant le Tribunal

CHF

240.00

Frais postaux (convocation)

CHF

35.00

Emolument de jugement

CHF

1'500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

21.00

Total

CHF

26'449.75

Indemnisation du défenseur d'office

Vu les art. 135 CPP et 16 RAJ et les directives y relatives ;

Bénéficiaire :  

X______

Avocate :  

E______

Etat de frais reçu le :  

27 juin 2022

 

Indemnité :

Fr.

5'627.50

Forfait 10 % :

Fr.

562.75

Déplacements :

Fr.

320.00

Sous-total :

Fr.

6'510.25

TVA :

Fr.

501.30

Débours :

Fr.

274.20

Total :

Fr.

7'285.75

Observations :

- Tps déplacement Lausanne (St) Fr. 183.–
- Billets train Lausanne Fr. 91.20

- 23h35 admises* à Fr. 110.00/h = Fr. 2'594.15.
- 15h10 admises* à Fr. 200.00/h = Fr. 3'033.35.

- Total : Fr. 5'627.50 + forfait courriers/téléphones arrêté à 10 % vu l'importance de l'activité déployée (art 16 al 2 RAJ) = Fr. 6'190.25

- 4 déplacements A/R à Fr. 55.– = Fr. 220.–
- 1 déplacement A/R à Fr. 100.– = Fr. 100.–

- TVA 7.7 % Fr. 501.30

* En application de l'art. 16 al. 2 RAJ, réductions de:
i) 1h30 (chef d'étude) et 3h15 (stagiaire) pour le poste "conférences":
- forfait 1h30 (déplacements compris) pour les visites à Champ-Dollon, maximum 1 visite/mois plus 1 visite avant ou après audiences.
- les entretiens téléphoniques sont des prestations comprises dans le forfait "courriers/téléphones".
ii) 0h15 (chef d'étude) et 0h25 (stagiaire) pour le poste "procédure":
- la préparation de déterminations, les observations TMC et la requête d'exécution de peine anticipée, ne nécessitant pas d'investissement particulier en terme de travail juridique, sont des prestations comprises dans le forfait "courriers/téléphones".
iii) 5h00 (stagiaire) pour le poste "audiences":
- la rémunération de l'avocat-e de la première heure devant être sollicitée auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire moyennant la formule idoine.

- Suppression de 4h20 (stagiaire) du poste audience pour tenir compte du temps effectif d'audience au Ministère public du canton de Vaud.
- Ajout de 1h40 pour tenir compte de la moitié du temps de déplacement en train à destination de Lausanne (libellé "Déplacement Lausanne (St)", montant CHF 183.00).
- Ajout de CHF 91.20 (4 x 22.80) pour les billets de train Genève-Lausanne et Lausanne-Genève.
- Réduction de 13h50 (stagiaire) pour étude dossier/préparation audience/étude pièces car excessif (faits admis et filmés) et compté en partie à double avec chef d'Etude.
- L'assistance juridique admet 1h00, à bien plaire, pour les recherches juridiques pour les stagiaires. Nous profitons de cette décision de taxation pour attirer votre attention sur le fait que les heures consacrées à l'acquisition de connaissances ainsi qu'à la formation du stagiaire en général, ne peuvent ni ne doivent être prises en charges par l'assistance juridique.
- Ajout de 7h10 (chef d'Etude) pour l'audience de jugement et le verdict.

Voie de recours si seule l'indemnisation est contestée

Le défenseur d'office peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours, devant la Chambre pénale de recours contre la décision fixant son indemnité (art. 135 al. 3 let. a et 396 al. 1 CPP; art. 128 al. 1 LOJ).

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

 

 

Notification postale à X______, soit pour elle son conseil

Notification postale au Ministère public

Notification postale à A______SA

Notification postale à B______, soit pour lui son conseil

Notification postale à D______