Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2440/2019

ATAS/255/2020 du 23.03.2020 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2440/2019 ATAS/255/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 mars 2020

10ème Chambre

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Sciez, France

 

 

recourant

 

contre

Caisse interprofessionnelle AVS de la FÉdÉration des Entreprises Romandes FER CIAM 106.1, sise rue de Saint-Jean 98, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        La société B______ Sàrl (ci-après : la société), inscrite au Registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) le ______ 2012, a été affiliée en qualité d'employeur auprès de la Caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse ou l'intimée). La société était active dans l'ingénierie dans le domaine mécanique, thermique, électrique, aéronautique et toute activité commerciale.

2.        Monsieur A______ (ci-après : l'intéressé ou le recourant), domicilié dans le canton de Genève jusqu'à fin 2016, a été inscrit au RC en tant qu'associé gérant, au bénéfice de la signature individuelle, dès la création de la société jusqu'au 27 janvier 2015. Monsieur C______ en a été l'associé avec signature individuelle dès le ______ 2012, avant d'en être l'associé gérant avec signature individuelle à partir du 27 janvier 2015.

3.        En juin 2014, la fiduciaire D______ Associés SA a communiqué à la caisse la déclaration des salaires versés par la société à son personnel en 2013. M. C______ était l'unique salarié de la société.

4.        Entre le 27 juin 2014 et le 15 décembre 2014, la caisse a adressé à la société les décomptes de cotisations pour les années 2013 et 2014.

5.        À la demande de M. C______, la caisse a rendu le 22 juillet 2014 une décision de sursis au paiement portant sur le décompte de cotisations du 27 juin 2014 et les intérêts moratoires y afférents. L'arrangement, non respecté, a été annulé le 10 octobre 2014.

6.        Faute de règlement des cotisations dans les délais impartis, la société s'est vu notifier des sommations.

7.        La société n'ayant toujours pas versé les cotisations dues, la caisse a entamé en avril 2015 des procédures de poursuite à son encontre.

8.        En ce qui concernait les cotisations arriérées pour 2013 et celles de janvier à août 2014, l'office des poursuites a rendu le 29 octobre 2015 des décisions de non-lieu de notification des commandements de payer sur lesquelles figurent la mention : « l'office est dans l'impossibilité de procéder à la notification du présent acte de poursuite. La société n'a plus d'activité au siège social, selon l'enquête de l'agent notificateur. L'associé-gérant M. C______ est domicilié : Impasse E______ - 01170 Segny (F). Nous l'avons convoqué à cette adresse mais sans réponse de sa part ».

9.        Le 15 février 2016, la caisse s'est vu délivrer des procès-verbaux de saisie valant actes de défaut de biens relatifs aux cotisations dues pour septembre à décembre 2014.

10.    Par pli du 17 mars 2016, la caisse a informé la société que la soustraction de cotisations constituait une infraction pénale et qu'elle était dans l'obligation de dénoncer le cas aux autorités compétentes. La société était invitée dans le délai imparti à faire une proposition pour amortir la créance.

11.    Par courrier du 19 mai 2016, la caisse a fait savoir à l'intéressé qu'à défaut de règlement de la dette ou de proposition concrète d'amortissement dans le délai accordé, elle devrait déposer une dénonciation pénale.

12.    Le même jour, la caisse a adressé un courrier analogue à M. C______.

13.    Le 10 août 2016, la caisse leur a octroyé un ultime délai pour ce faire.

14.    Suite à une demande d'arrangement de paiement de l'intéressé, par courrier du 19 décembre 2016, la caisse l'a invité à s'acquitter d'un premier acompte de CHF 1'089.90 d'ici fin décembre 2016. L'arrangement consisterait ensuite en des paiements mensuels de CHF 990.- dès le 30 janvier 2017 pour amortir le montant de la part pénale.

15.    La société a été exclue de la caisse avec effet au 31 décembre 2016.

16.    Le 1er février 2017, la caisse a établi une décision de sursis au paiement portant sur la part pénale des cotisations impayées pour les années 2013 et 2014.

17.    L'extrait de compte relatif à la période du 1er juillet 2012 au 24 août 2017 enregistre notamment les sommes payées, les frais de poursuite en lien avec les cotisations arriérées des années 2013 et 2014, ainsi que le montant des intérêts moratoires calculés jusqu'au jour de la faillite.

18.    Par décision du 25 août 2017, la caisse a réclamé à l'intéressé, à titre de réparation de dommage, la somme de CHF 19'837.25, correspondant aux cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC et assurance-maternité pour les années 2013 et 2014, ainsi qu'aux cotisations dues au régime des allocations familiales pour 2014, frais et intérêts moratoires inclus, selon le tableau suivant :

Cotisations AVS/AI/APG 

CHF 10'574.55

Cotisations AC 

CHF 2'258.65

Cotisations AF 

CHF 1'780.20

Cotisations Amat 

CHF 96.-

Frais administratifs 

CHF 309.60

Intérêts moratoires 

CHF 3'367.60

Frais de poursuites 

CHF 1'100.65

Taxes de sommation 

CHF 350.-

Total

CHF 19'837.25

M. C______, qui n'avait pas pu être localisé, était solidairement responsable du dommage (le montant que celui-ci devait payer s'élevait à CHF 34'475.- selon décision séparée du 18 octobre 2017).

19.    Par jugement du 2 novembre 2017, le Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après : le TPI) a prononcé la dissolution de la société, conformément à l'art. 731b de la loi fédérale complétant le Code civil suisse, du 30 mars 1911 (CO, Code des obligations - RS 220) ; sa liquidation a été ordonnée selon les dispositions applicables à la faillite.

20.    Par courrier du 6 septembre 2017, l'intéressé a formé opposition à la décision du 25 août 2017. Il a expliqué avoir créé la société à la demande de M. C______ et, étant domicilié en Suisse, assumé la responsabilité de gérant. Malgré ses diverses mises en garde, celui-ci n'avait payé ni ses honoraires, ni les charges sociales. L'intéressé refusait de s'acquitter d'un autre montant que celui de la part pénale.

21.    Le 19 février 2018, la procédure de faillite a été suspendue faute d'actif.

22.    Par jugement du 9 avril 2018, le TPI a clôturé pour défaut d'actifs la liquidation de la faillite de la société. Selon mention au RC, la société a été radiée d'office le 20 mars 2019.

23.    Par décision sur opposition du 3 juin 2019, la caisse a réduit le montant du dommage à CHF 14'830.05, après avoir tenu compte des versements effectués par l'intéressé sur la part pénale, ainsi que de la déduction de CHF 57.20 au titre de la redistribution de la taxe CO2 2015. Celui-ci, en sa qualité d'organe formel de la société, était responsable du dommage causé à la caisse pendant la période litigieuse. Son comportement était constitutif de négligence grave. Il lui incombait de veiller au respect des obligations légales de la société en matière d'assurances sociales. Il aurait dû soit démissionner plus tôt, soit mettre en oeuvre toute mesure afin que les cotisations soient payées.

24.    Par courrier du 18 juin 2019 adressé à la caisse, et transmis par celle-ci à la chambre de céans comme objet de sa compétence, l'intéressé a formé « opposition totale » à la décision précitée. Il avait payé la part pénale. Or, M. C______ était le responsable direct du dommage. L'intéressé refusait donc de s'acquitter du solde encore dû.

25.    Dans sa réponse du 30 juillet 2019, l'intimée a maintenu sa décision sur opposition. La période litigieuse s'étendait du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, durant laquelle le recourant était organe formel. Le paiement de la part pénale des cotisations sociales impayées - déduit du dommage , en vue d'éviter une dénonciation pénale, ne le libérait pas de sa responsabilité. Les cotisations étaient dues par l'employeur, subsidiairement, par les organes, sur les salaires des employés, quelles que soient leurs fonctions. M. C______ était salarié de la société pendant la période litigieuse. Bien que celui-ci fût considéré comme étant solidairement responsable, l'intimée était en droit de réclamer l'intégralité du dommage au recourant, lequel pouvait se retourner contre M. C______. Les rapports internes entre ces deux messieurs ne concernaient toutefois pas l'intimée.

26.    Dans sa réplique du 29 août 2019, le recourant a répété la teneur de son courrier du 18 juin 2019, et ajouté que M. C______ ne lui avait pas payé ses honoraires. Il refusait donc de s'acquitter des cotisations sociales de celui-ci. Il a également reproché à l'intimée de ne pas avoir pris toutes les mesures utiles pour retrouver M. C______, parti aux États-Unis.

27.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

b. Selon l'art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l'art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l'employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l'employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

c. La société ayant été domiciliée dans le canton de Genève du 2 juillet 2012, date de son inscription au RC, jusqu'au moment de sa radiation le 20 mars 2019, la chambre de céans est également compétente ratione loci.

2.        La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l'employeur y est réglée de manière plus détaillée qu'auparavant et les art. 81 et 82 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS  RS 831.101) ont été abrogés.

Il faut toutefois préciser que le nouveau droit n'a fait que reprendre textuellement, à l'art. 52 al. 1 LAVS, le principe de la responsabilité de l'employeur figurant à l'art. 52 aLAVS, la seule différence portant sur la désignation de la caisse de compensation, désormais appelée assurance. Les principes dégagés par la jurisprudence sur les conditions de droit matériel de la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 aLAVS (dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2002) restent par ailleurs valables sous l'empire des modifications introduites par la LPGA (ATF 129 V 11 consid. 3.5 et 3.6).

3.        a. Les dispositions de la novelle du 17 mars 2011 modifiant la LAVS sont entrées en vigueur le 1er janvier 2012. Elles n'ont pas amené de changements en matière de responsabilité subsidiaire des organes fondée sur l'art. 52 LAVS. En effet, outre quelques retouches de forme, le nouvel art. 52 al. 2 LAVS concrétise les principes établis par la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (cf. Message relatif à la modification de la LAVS du 3 décembre 2010, FF 2011 519, p. 536 à 538). Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références).

En l'espèce, les montants litigieux concernent la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, de sorte que l'art. 52 al. 1 LAVS est applicable dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2012. Du point de vue matériel, l'art. 52 al. 1 LAVS dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2011 ne diffère pas de celle en vigueur depuis le 1er janvier 2012 qui l'a remplacée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 du 31 mai 2017 consid. 3.2 et la référence).

b. Le 1er janvier 2020 est entrée en vigueur la révision du droit de la prescription du CO, entraînant la modification de l'art. 52 al. 3 LAVS. Eu égard au principe de droit intertemporel selon lequel les dispositions légales applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 consid. 1), c'est la teneur de cette disposition en vigueur jusqu'au 31 décembre 2019 qui est applicable au cas d'espèce.

4.        a. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

b. En l'espèce, quand bien même, dans son courrier du 18 juin 2019 adressé par erreur à l'intimée, laquelle l'a transmis à la chambre de céans comme objet de sa compétence, le recourant a indiqué former « opposition totale » à la décision sur opposition du 3 juin 2019, il a en réalité interjeté un recours contre cette dernière. De cet acte, rédigé par un justiciable non représenté par un avocat, on comprend qu'il demande l'annulation de la décision attaquée, de sorte que son recours satisfait aux exigences, peu élevées, de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 61 let. b LPGA).

Interjeté par ailleurs dans le délai de trente jours, le recours sera déclaré recevable, étant relevé que les délais sont réputés observés lorsqu'une partie s'adresse par erreur en temps utile à une autorité incompétente (art. 17 al. 5 LPA).

5.        Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice causé à l'intimée, par le défaut de paiement des cotisations sociales (AVS-AI-APG et AC ainsi qu'AMat et AF) entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2014, frais et intérêts moratoires compris.

6.        a. L'art. 14 al. 1er LAVS en corrélation avec les art. 34 et suivants RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 193 consid. 2a).

b. À teneur de l'art. 52 LAVS, en vigueur dès le 1er janvier 2012, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

La nouvelle teneur de l'art. 52 al. 2 LAVS codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATAS/610/2013 du 18 juin 2013 consid. 4a).

7.        À titre liminaire, il convient d'examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

8.        a. Les délais prévus par l'art. 52 al. 3 LAVS doivent être qualifiés de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2 ; FF 1994 V 964 ; FF 1999 p. 4422). Alors que le délai de prescription de deux ans commence à courir dès la connaissance du dommage, celui de cinq ans débute, en revanche, dès la survenance du dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Cela signifie qu'ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2).

b. Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d'employés ou ouvriers) dues par l'employeur, les contributions aux frais d'administration, les intérêts moratoires afférant aux cotisations impayées à l'échéance, conformément à l'art. 41bis RAVS, jusqu'au jour de l'ouverture de la faillite (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 452/00 du 7 juin 2001), les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations - DP, ch. 8017). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

c. Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2; ATF 126 V 443 consid. 3a). Ainsi, en matière de cotisations, un dommage se produit au sens de l'art. 52 LAVS lorsque l'employeur ne déclare pas à l'AVS tout ou partie des salaires qu'il verse à ses employés et que, notamment, les cotisations correspondantes se trouvent ultérieurement frappées de péremption selon l'art. 16 al. 1 LAVS. Dans un tel cas, le dommage est réputé survenu au moment de l'avènement de la péremption (ATF 112 V 156 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 35/06 du 4 octobre 2006 consid. 6). Ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; ATF 123 V 12 consid. 5c).

Un dommage se produit également en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

d. Selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, et valable sous l'empire de l'art. 52 al. 3 LAVS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 18/06 du 8 mai 2006 consid. 4.2), il faut entendre par moment de la «connaissance du dommage», en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1).

Lorsque la caisse subit un dommage à cause de l'insolvabilité de l'employeur mais en dehors de la faillite de celui-ci, le moment de la connaissance du dommage et, partant, le point de départ du délai de prescription coïncident avec le moment de la délivrance d'un acte de défaut de biens ou d'un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens définitif au sens de l'art. 115 al. 1 LP (en corrélation avec l'art. 149 LP), soit lorsque le procès-verbal de saisie indique que les biens saisissables font entièrement défaut (ATF 113 V 256 consid. 3c). C'est à ce moment que prend naissance la créance en réparation du dommage et que, au plus tôt, la caisse a connaissance de celui-ci au sens de l'art. 82 aRAVS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 284/02 du 19 février 2003 consid. 7.2).

En cas de faillite, le moment de la connaissance du dommage correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3).

e. S'agissant des actes interruptifs de prescription, il sied de retenir ce qui suit.

Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, «chaque acte judiciaire des parties» suffit à produire cet effet (art. 138 CO). Cette notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l'opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

9.        En l'espèce, le délai de prescription de deux ans dès la connaissance du dommage a commencé à courir au plut tôt au moment de la délivrance le 15 février 2016 des procès-verbaux de saisie valant actes de défaut de biens. En réclamant au recourant, le 25 août 2017, la réparation de son dommage, l'intimée a agi en temps utile, soit pendant les délais de deux et cinq ans prescrits par l'art. 52 al. 3 LAVS.

Par la suite, ledit délai a été interrompu et un nouveau délai de même durée a commencé à courir le 6 septembre 2017 (opposition), le 3 juin 2019 (décision sur opposition), le 18 juin 2019 (recours) et depuis lors, par chaque acte judiciaire des parties, de sorte qu'à ce jour, la prescription n'est pas acquise.

10.    L'action en réparation du dommage n'étant pas prescrite, il convient à présent d'examiner si les autres conditions de la responsabilité de l'art. 52 LAVS sont réalisées, à savoir si le recourant peut être considéré comme étant « l'employeur » tenu de verser les cotisations à l'intimée, s'il a commis une faute ou une négligence grave et enfin s'il existe un lien de causalité adéquate entre son comportement et le dommage causé à l'intimée.

11.    À teneur de l'art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

a. S'agissant de la notion d'« employeur », la jurisprudence considère que, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n'existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b; ATF 122 V 65 consid. 4a; ATF 119 V 401 consid. 2). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L'art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

b. La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO.

En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a; ATF 117 II 432 consid. 2b; ATF 117 II 570 consid. 3; ATF 107 II 349 consid. 5a; Thomas Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

c. Le Tribunal fédéral a reconnu la responsabilité non seulement des membres du conseil d'administration, mais également celle de l'organe de révision d'une société anonyme, du directeur d'une société anonyme disposant du droit de signature individuelle, du gérant d'une société à responsabilité limitée ainsi que du président, du directeur financier ou du gérant d'une association sportive (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 34/04 du 15 septembre 2004 consid. 5.3.1 et les références, in SVR 2005 AHV n. 7 p. 23; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.1).

d. S'agissant plus particulièrement du cas d'une Sàrl, les gérants qui ont été formellement désignés en cette qualité, ainsi que les personnes qui exercent cette fonction en fait, sont soumis à des obligations de contrôle et de surveillance étendues, dont le non-respect peut engager leur responsabilité (art. 827 CO en corrélation avec l'art. 754 CO). Ils répondent selon les mêmes principes que les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à une caisse de compensation ensuite du non-paiement de cotisations d'assurances sociales (ATF 126 V 237 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 252/01 du 14 mai 2002 consid. 3b et d, in VSI 2002 p. 176; arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2). Ils ont l'obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires, ce qui inclut notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires; ils sont tenus en corollaire de prendre les mesures appropriées lorsqu'ils ont connaissance ou auraient dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société (ATF 114 V 219 consid. 4a; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_152/2009 du 18 novembre 2009 consid. 6.1, in SVR 2010 AHV n° 4 p. 11).

12.    En l'espèce, le recourant était inscrit au RC en tant qu'associé gérant de la société, au bénéfice d'une signature individuelle, du 2 juillet 2012 au 27 janvier 2015. Il doit ainsi être qualifié d'organe formel de la société, et en conséquence, il peut être appelé à titre subsidiaire à réparer le dommage causé à l'intimée pour le non-paiement des cotisations litigieuses durant son mandat.

13.    Le recourant revêtant la qualité d'organe formel du 2 juillet 2012 au 27 janvier 2015, il convient maintenant de déterminer s'il a commis une faute qualifiée ou une négligence grave au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS.

L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

14.    En l'espèce, en acceptant le mandat d'associé gérant, le recourant est devenu organe de plein droit de la société et devait, à ce titre, assumer les tâches prescrites par la loi. La raison pour laquelle il a accepté son mandat (i.e. il était à l'époque domicilié en Suisse à l'inverse de M. C______, associé) n'a pas d'importance (cf. ATAS/394/2018 du 9 mai 2018 consid. 6b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_713/2013, 9C_716/2013 du 30 mai 2014 consid. 5.2). Peu importe également le fait que M. C______ ne se soit pas acquitté des charges sociales malgré les mises en garde du recourant. En sa qualité de gérant, il appartenait en effet à ce dernier de se renseigner sur la situation financière de la société, de consulter les pièces comptables pertinentes, de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à la caisse de compensation et de prendre les mesures qui s'imposaient pour s'assurer du règlement des cotisations sociales, et ce, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein de la société (cf. dans ce sens : arrêt 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Le recourant ne peut pas se libérer de sa responsabilité en soutenant qu'il ne s'occupait pas de la gestion de la Sàrl dans les faits, car cela constitue déjà en soi un cas de négligence grave (cf. dans ce sens : arrêt 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.2). En conservant formellement un mandat de gestion qu'il n'assumait pas réellement, le recourant occupait une situation comparable à celle d'un homme de paille, qui se déclare prêt à assumer ou à conserver un mandat d'associé gérant d'une Sàrl, tout en sachant qu'il ne pourra (ou ne voudra) pas le remplir consciencieusement, et viole, en cela, son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b). Par ailleurs, si le recourant avait correctement effectué son mandat, il aurait pu constater que les cotisations sociales étaient impayées et prendre les mesures qui s'imposaient ou alors démissionner immédiatement de ses fonctions (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3).

En définitive, le recourant a commis une négligence qui doit, sous l'angle de l'art. 52 LAVS, être qualifiée de grave, et c'est à tort qu'il fait valoir que le solde des cotisations arriérées doit être imputé en priorité à M. C______, qui serait, selon lui, le « responsable direct du dommage ». En effet, la caisse de compensation jouit d'un concours d'actions et le rapport interne entre les coresponsables ne la concerne pas; chacun des débiteurs répond solidairement envers elle de l'intégralité du dommage et il lui est loisible de rechercher tous les débiteurs, quelques-uns ou un seul d'entre eux, à son choix (ATF 119 V 87 consid. 5a). L'intimée pouvait donc agir uniquement contre le recourant, en sa qualité d'organe formel ayant commis une négligence grave. Partant, l'intimée n'était pas obligée de prendre des mesures pour localiser M. C______, parti vivre aux États-Unis. Enfin, le fait que ce dernier n'ait pas payé les honoraires du recourant n'est pas un motif d'exculpation, pas plus que ne l'est le fait que le recourant, personnellement, se soit acquitté d'une partie de la dette de cotisations avant que l'administration ne lui réclame la réparation du dommage en regard de l'art. 52 LAVS (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 25/05 du 12 octobre 2005 consid. 6).

15.    a. La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle et) adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

b. D'après la jurisprudence, les manquements de la caisse de compensation à des prescriptions élémentaires relatives à la fixation et à la perception des cotisations constituent une faute grave, concomitante à celle des administrateurs, qui justifie de réduire le montant du dommage, pour autant que celui-ci entre dans un rapport de causalité notamment adéquate avec le comportement illicite reproché (ATF 122 V 189 consid. 3c). Constitue par exemple un motif de réduction l'octroi irrégulier d'un sursis au paiement ou le fait de ne pas ordonner par voie de décision le paiement de cotisations arriérées avant le délai de péremption de cinq ans (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 307/02 du 28 janvier 2004 consid. 8.1).

16.    a. En l'espèce, la passiveté du recourant est en relation de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par l'intimée, dès lors que, s'il avait correctement exécuté son mandat, il aurait pu veiller au paiement des cotisations aux assurances sociales. Son comportement a donc favorisé la survenance du préjudice.

b. Rien ne permet de retenir que l'intimée aurait gravement négligé son obligation d'exiger le paiement des cotisations et d'en poursuivre l'encaissement. En effet, les décomptes de cotisations ont régulièrement fait l'objet de tentatives de recouvrement et, dès avril 2015, de nombreuses poursuites ont été engagées. Par ailleurs, le dommage était déjà survenu au moment où l'intimée a accordé un plan de paiement le 1er février 2017. L'octroi du sursis au paiement respecte du reste les conditions fixées à l'art. 34b RAVS. L'intimée ayant agi conformément au droit, on ne saurait retenir une faute concomitante.

17.    Quant au montant du dommage qui comprend les cotisations impayées du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ainsi que les frais administratifs, de sommation, de poursuite et les intérêts moratoires arrêtés à l'ouverture de la faillite, ce qui est conforme aux prescriptions en vigueur , le recourant ne conteste pas que le solde dû s'élève à CHF 14'830.05 après déduction des montants qu'il a versés et de la redistribution de la taxe CO2.

Toutefois, en lien avec le défaut de paiement des cotisations à l'assurance-maternité cantonale, malgré la modicité des montants en cause et bien que le recourant n'ait pas remis en cause dans son recours le calcul de l'intimée en tant qu'il porte sur les cotisations impayées, la chambre de céans applique le droit d'office en vertu de l'art. 61 let. d LPGA (Jean METRAL in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 74 ad. art. 61 LPGA). Il y a lieu à cet égard de relever que la chambre de céans, statuant en plénum, conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ, a récemment rendu un arrêt de principe en la matière, dans une cause similaire, dont il y a lieu de reprendre ici les principes.

a. Le principe de la légalité, consacré à l'art. 5 al. 1 de la Constitution (Cst - RS 101), signifie que le droit est la base et la limite de l'activité de l'Etat. Il revêt une importance particulière en droit fiscal, où il est érigé en droit constitutionnel indépendant à l'art. 127 al. 1 Cst. Cette norme - qui s'applique à toutes les contributions publiques, tant fédérales que cantonales ou communales - prévoit en effet que les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul, doivent être définis par la loi. Si cette dernière délègue à l'organe exécutif la compétence d'établir une contribution, la norme de délégation ne peut constituer un blanc-seing en faveur de cette autorité (ATF 135 I 130 consid. 7.2). Ce principe est applicable par analogie aux autres prestations pécuniaires (ATF 134 I 179 consid. 6.1). En d'autres termes, l'exigence d'une base légale ne concerne pas que le rang de la norme - à savoir celui d'une loi formelle en cas de restrictions graves - mais s'étend à son contenu, qui doit être suffisamment clair et précis (arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3.1). Le principe de la légalité exige, dans l'intérêt de la sécurité du droit et de l'égalité de traitement, une précision suffisante et appropriée des règles de droit à appliquer. Toutefois, cette exigence ne peut être comprise en termes absolus et permet au législateur d'utiliser des termes généraux et relativement vagues dont l'interprétation et l'application doivent être laissées à la pratique. Le degré de précision requis ne peut être déterminé dans l'abstrait mais dépend, entre autres, de la diversité des états de fait à régler, de la complexité et de la prévisibilité de la décision à rendre dans le cas d'espèce, des destinataires de la norme, et de la gravité de l'atteinte aux droits constitutionnels (ATF 138 I 378 consid. 7.2). En matière de contributions publiques, les conditions de perception de la contribution doivent être énoncées de manière suffisamment précise pour empêcher l'autorité d'application de disposer d'une marge de manoeuvre excessive et permettre aux administrés d'en apprécier les conséquences financières éventuelles et d'adapter leur comportement en connaissance de cause (ATF 133 V 402 consid. 3.2). En cas de renvoi d'un texte législatif à une autre réglementation, il est possible qu'une telle référence conduise à une restriction d'une liberté fondamentale, telle que, par exemple, la liberté économique. Il convient dès lors de tenir compte du principe de la légalité au moment d'introduire un renvoi (Guide de législation 2019 édité par l'Office fédéral de la justice, n. 742).

b. En matière de responsabilité de l'employeur pour le dommage subi en raison du non-paiement de cotisations d'assurance, les principes qui précèdent ont été concrétisés comme suit.

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la LAFam au 1er janvier 2009, l'octroi d'allocations familiales - hors du domaine de l'agriculture - était réglé par le droit cantonal. Les cantons ont réglé la responsabilité de l'employeur en cas de non-paiement des cotisations afférentes à ces prestations de quatre manières différentes : renvoi général à l'application par analogie des normes de la LAVS ; renvoi à l'application par analogie de la LFA s'agissant de l'exécution de la loi cantonale ; renvoi exprès à l'art. 52 LAVS (solution choisie par le législateur genevois) ; et disposition cantonale à la teneur analogue à l'art. 52 LAVS (Marco REICHMUTH, op. cit., nn. 377-384). Selon la doctrine, une base légale doit être prévue par le droit cantonal pour rechercher l'employeur responsable du dommage lié au non-paiement des cotisations, et un renvoi général aux dispositions de la LAVS applicables à titre supplétif n'est pas suffisant (Ulrich KIESER, Streifzug durch das Familienzulagenrecht in RSAS 1995 pp. 281-283).

La jurisprudence a également eu l'occasion de souligner que l'art. 52 LAVS ne concerne pas les cotisations d'allocations familiales de droit cantonal en l'absence de disposition analogue, ni les cotisations dues à l'institution de prévoyance. S'il existe incontestablement un intérêt à réclamer la réparation du dommage relatif aux cotisations en matière d'allocations familiales, il n'appartient pas aux tribunaux d'instituer des responsabilités pour lesquelles il n'existe pas de base légale (SVR 1997 AHV N° 128 consid. 5). En revanche, elle a considéré qu'un renvoi général aux normes de la LAVS était un renvoi dynamique (sur cette notion, se référant le plus souvent à des normes émanant d'organismes privés, cf. ATF 136 I 316 consid. 2.4.1), et qu'il n'était pas arbitraire en cas de renvoi par la législation cantonale aux dispositions de la LAVS, déclarées applicables par analogie, de retenir que la responsabilité prévue par l'art. 52 LAVS portait également sur les cotisations relatives aux allocations familiales dues en vertu du droit cantonal (par exemple arrêts du Tribunal fédéral 9C_720/2008 du 7 décembre 2009 consid. 5.5.3 dans une cause zurichoise, et 2P.284/1998 du 21 février 2001 consid. 4b/bb rendu dans une cause nidwaldienne). Elle a aussi admis que le renvoi de la LACI aux dispositions de la LAVS suffisait à fonder la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS pour l'omission de s'acquitter des contributions dues en vertu de cette loi (ATF 113 V 186 consid. 4b). Notre Haute Cour a également examiné l'art. 28 de la loi zougoise sur les allocations familiales, dont l'alinéa premier a la teneur suivante : « Soweit dieses Gesetz den Vollzug nicht abschliessend regelt, finden die Bestimmungen des Bundesgesetzes über die Familienzulagen in der Landwirtschaft als ergänzendes Recht Anwendung. », ce qui peut être traduit par « Pour autant que la présente loi ne règle pas son exécution de manière exhaustive, les dispositions de la loi fédérale sur les allocations familiales dans l'agriculture sont applicables à titre de droit supplétif ». Elle a retenu que la loi zougoise ne contient pas de disposition sur la responsabilité, mais un renvoi dynamique à une autre législation, ce qui est problématique eu égard aux exigences de précision de la base légale et de répartition démocratique des compétences, lorsque le droit auquel il est renvoyé contient des dispositions qui, compte tenu de leur signification pour la situation juridique des justiciables, doivent être prévues par une loi ou être démocratiquement légitimes. Un tel renvoi peut toutefois constituer des bases légales suffisantes à certaines conditions. Il faut pour cela qu'il soit suffisamment clair et dénué d'ambiguïté. Dans le cas d'espèce, la norme zougoise se distingue de la disposition du canton de Nidwald ayant fait l'objet de la jurisprudence précitée, en tant qu'elle renvoie non pas à la LAVS, mais à la LFA. Un tel renvoi indirect est encore plus problématique au regard du principe de la légalité. De plus, la notion d'exécution (Vollzug), tant dans son acception tant juridique que dans le langage quotidien, ne recouvre pas une norme de droit matériel instituant une responsabilité. En outre, le droit cantonal des allocations familiales et la LAVS, de rang fédéral, ne présentent pas un lien de connexité suffisant pour renoncer à une base légale claire. Le Tribunal fédéral a conclu que l'art. 28 de la loi cantonale zougoise ne constitue pas une base légale suffisante pour réclamer l'indemnisation du préjudice résultant du non-paiement de cotisations sociales selon le droit cantonal (ATF 134 I 179 consid. 6.4). De manière générale, dans le domaine de la procédure en réparation du dommage prévue par le droit des assurances sociales, les questions réglées par le droit cantonal ne sont pas à ce point subordonnées à celles de droit fédéral que des voies de droit distinctes ne se justifient pas (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 142/04 du 12 août 2005 consid. 1).

On peut en outre rappeler que le principe de la légalité s'applique en matière de responsabilité publique, qui ne peut être engagée que si une norme le prévoit (sur cette question, cf. Pierre MOOR / Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., Berne 2011, pp. 880-887). Or, l'obligation de l'employeur de percevoir les cotisations et de remettre les décomptes est une tâche de droit public (ATF 137 V 51 consid. 3.2), et la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est une responsabilité de droit public pour faute (Thomas NUSSBAUMER, Die Haftung des Verwaltungsrates nach Art. 52 AHVG, AJP 1996 p. 1073).

c. La loi genevoise instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption
(LAMat - RSG J 5 07) est entrée en vigueur le 1er juillet 2001. Cette loi visait à pallier le rejet populaire de l'assurance-maternité fédérale, que la population genevoise avait massivement approuvée, avec 74.3 % de votes favorables, en instituant une allocation pour perte de gain en cas de maternité (allocation de maternité) ou en cas de placement d'un enfant en vue de son adoption (allocation d'adoption) (Projet de loi sur l'assurance-maternité [PL 8204] et exposé des motifs, Mémorial du Grand Conseil, MGC 2000 20/IV 3148). Le financement était prévu par le prélèvement de cotisations sous forme de supplément aux cotisations AVS sur le revenu d'une activité lucrative, dont le taux était fixé par le Conseil d'État (cf. art. 2 al. 3 et 5 aLAMat). L'art. 18 let. d aLAMat prévoyait l'application par analogie de la législation sur l'AVS à la procédure, à la responsabilité et à l'exécution, en particulier s'agissant de la responsabilité de l'employeur.

Le 1er juillet 2005, la LAMat a subi une refonte totale afin de s'adapter au nouveau droit fédéral, lequel prévoyait dès cette date des allocations de maternité en suite de la modification de la LAPG et remplaçait en grande partie les prestations alors servies en vertu du droit cantonal. Par conséquent, il fallait adapter le droit cantonal au nouveau droit fédéral pour maintenir les acquis genevois dans le domaine de la maternité et de l'adoption (Exposé des motifs du projet de loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption [PL 9499], Mémorial du Grand Conseil, MGC 2004-2005/VI A 4438-4439). Le financement des prestations prévues reste identique à celui prévu par l'ancienne loi.

La LAMat dans sa nouvelle teneur dispose à son art. 2 que dans la mesure où la loi ne contient pas de dispositions expresses, les dispositions pertinentes de la LAPG, notamment ses articles 16b et suivants, sont applicables par analogie. L'exposé des motifs précise au sujet de cet article que les prestations prévues par le présent projet de loi correspondent aux compétences réservées au canton en vertu de l'article 16h LAPG. Dans l'exercice de ses compétences, le canton doit toutefois s'aligner, pour le surplus, sur le droit fédéral. Par conséquent, le droit cantonal ne contiendra que les dispositions indispensables, et pour tout le reste, il y aura application par analogie du droit fédéral, en vertu du renvoi général prévu par la présente disposition (Exposé des motifs, MGC 2004-2005/VI A 4440).

Les art. 16b à 16h LAPG régissent l'allocation de maternité. Ils définissent notamment les ayants droit, le début et l'extinction du droit et le montant de l'allocation.

L'art. 21 al. 2 LAPG arrête qu'à moins que cette loi n'en dispose autrement, les dispositions de la LAVS concernant les employeurs, les caisses de compensation, le règlement des comptes et des paiements, la comptabilité, la révision des caisses et le contrôle des employeurs, la Centrale de compensation et le numéro d'assuré sont applicables par analogie. La responsabilité des organes de l'AVS, au sens de l'art. 49 LAVS, est réglée à l'art. 78 LPGA, ainsi qu'aux art. 52, 70 et 71a LAVS, qui s'appliquent par analogie.

d. Dans sa jurisprudence rendue dans les litiges portant sur la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS, la chambre de céans a confirmé la responsabilité fondée sur l'art.  52 LAVS pour le dommage lié au défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la aLAMat, au vu du renvoi de l'art. 18 let. d aLAMat (par exemple ATAS/61/2006 du 18 janvier 2006 consid. 6). Sous l'empire de la nouvelle LAMat, la chambre de céans a poursuivi sa pratique, sans analyser précisément si le renvoi prévu par le nouveau droit cantonal satisfaisait aux exigences découlant du principe de la légalité.

Cependant, comme on l'a vu, la LAMat ne reprend pas la responsabilité prévue à l'art. 52 LAVS et ne prévoit pas l'application de cette loi par analogie. Elle renvoie uniquement à la LAPG, et plus précisément - mais certes non exclusivement - à des dispositions sans lien avec la responsabilité de l'employeur.

Contrairement à l'ultime détermination de l'intimée, la chambre de céans considère que ce renvoi en chaîne, qui n'évoque ni la responsabilité de l'employeur, ni même les dispositions matérielles de la LAVS, ne satisfait pas aux exigences découlant du principe de la légalité, notamment en matière de précision et de prévisibilité, et dont le respect doit être apprécié avec rigueur, dès lors que la mesure ici en question est incisive. Le cadre légal est ainsi similaire à celui qu'a examiné le Tribunal fédéral dans l'arrêt précité portant sur la disposition zougoise.

Force est ainsi de constater que si la responsabilité du recourant au sens de l'art. 52 LAVS doit être confirmée, comme on l'a vu, il n'existe pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat. (ATAS/79/2020 du 30 janvier 2020 consid. 14)

18.    Eu égard à ce qui précède, le recours est très partiellement admis, et la cause sera renvoyée à l'intimée pour nouveaux calculs du dommage excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants, et nouvelles décisions sur ce point.

Le recourant obtenant très partiellement gain de cause, n'étant pas représenté par un conseil et n'ayant au demeurant pas soutenu avoir dû exposer des frais pour défendre ses intérêts dans le cadre de la procédure judiciaire, il n'a pas droit à une indemnité.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet très partiellement.

3.      Annule la décision de l'intimée du 3 juin 2019.

4.      Renvoie la cause à l'intimée pour nouveaux calculs et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le