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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/152/2008

ATA/975/2015 du 22.09.2015 sur DCCR/683/2010 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : DROIT FISCAL ; IMPÔT ; IMPÔT SUR LE REVENU ET LE BÉNÉFICE ; DÉCISION DE TAXATION ; CALCUL DE L'IMPÔT ; FARDEAU DE LA PREUVE ; PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT ; VALEUR FISCALE ; ACTION(PAPIER-VALEUR)
Normes : LIFD.16.al1; LIFD.20.al1.letc; aLIPP-IV.2.al6.letc
Résumé : Vente d'actions d'une société anonyme détenue par une société de participation à son propre actionnaire et co-actionnaire. Examen du prix fixé pour la cession des actions en vue de déterminer si celui-ci l'a été à des conditions préférentielles, et ceci de manière flagrante. Examen des différentes méthodes d'évaluation des titres non cotés.
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/152/2008-ICC ATA/975/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 septembre 2015

2ème section

dans la cause

 

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

 

Mme et M. A______

représentés par Anca Fiduciaire SA, mandataire

 

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 10 mai 2010 (DCCR/683/2010)


EN FAIT

1) Le litige concerne l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2005 et l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2005 de Mme et M. A______, domiciliés à Genève.

2) B______(ci-après : B______), sise à Genève, a pour but social depuis le 27 mai 1998, la gestion, la direction et la coordination des activités et services dans les domaines de l'hôtellerie, la parahôtellerie, la restauration, ainsi qu'investissements financiers et travaux de construction et de rénovation liés à ces domaines ; la prise de participations (dans le respect de la Lex Friederich) et la détention de patentes.

3) C______ Holding SA (ci-après : C______), sise à Genève depuis le 21 février 1977, avait pour but social, en 2004, les études et réalisations de projets commerciaux et industriels, la perception de commissions résultant de celles-ci dans les domaines industriels et commerciaux d'entreprises, l'encaissement de royalties résultant d'accords commerciaux ou industriels, conclus par l'intermédiaire de la société ; les études et consultations pour le compte de tiers, commerces de toute matière ; accessoirement l'importation et exportation de marchandises, produits et articles ; les opérations relatives aux activités d'agences de voyages et touristiques, de frêt aérien et de représentations de lignes aériennes ; l'exploitation de commerces de vêtements.

4) Au 31 décembre 2004, M. A______ détenait cinq cents des deux mille actions nominatives de CHF 1'000.- du capital social de B______, dont il présidait le conseil d'administration. C______ détenait mille cinq cent actions du capital de B______, soit le 75 % restant.

À cette même date, M. A______ détenait la totalité du capital social d'C______ et son épouse était vice-présidente du conseil d'administration.

5) Les résultats de B______ au 31 décembre 2001 montrent une perte de CHF 70'694.- ; au 31 décembre 2002, une perte de CHF 286'973.-. Au 31 décembre 2003, le bénéfice net s'est élevé à CHF 66'777.69 (CHF 1'585'535.77 de produits, sous déduction de CHF 1'518'758.08 de charges) ; au 31 décembre 2004, le bénéfice net s'est élevé à CHF 2'697'155.61 (CHF 6'290'660.- de produits sous déduction de CHF 3'039'352.47 de charges et CHF 554'152.65 de provision pour impôts).

Selon le bilan au 31 décembre 2004, le total des fonds propres de la société s'élevait à CHF 3'524'820.76 :

capital-action : CHF 1'506'000.-
résultat reporté au 1.1.2005 CHF (678'334.85)
résultat de l'exercice CHF 2'697'155.61
Total fonds propres CHF 3'524'820.76

6) Le 7 juin 2005, lors d'une séance du conseil d'administration de B______, il a été décidé de proposer à l'assemblée générale des actionnaires de distribuer un dividende brut de CHF 1'200'000.- et d'attribuer un montant de CHF 221'000.- à la réserve générale, puis de reporter le solde du bénéfice 2004 en CHF 597'120.70. Au 31 décembre 2004, B______ présentait un bénéfice de CHF 2'697'155.61 dû à un produit sur la vente d'un paquet d'actions D______, à des intérêts relatifs à des placements effectués par la direction, à des honoraires comptabilisés pour la gestion d'un hôtel à Crans et à des honoraires de gestion de la holding. Les actions D______, d'une valeur nominale de CHF 415'000.-, avaient été vendues en mars 2004 pour un montant de CHF 5'112'000.-, soit avec un produit net de CHF 4'695'000.-.

7) Le 17 octobre 2005, C______ a vendu à M. A______ le lot de mille cinq cents actions de B______ qu'elle détenait, pour le prix de CHF 1'708'428.55, soit de CHF 1'138.95 par action.

À teneur de la convention de vente signée entre C______ et M. A______, ce prix représentait 75 % de l'intégralité des fonds propres de B______, dont le total avait été arrêté à CHF 2'277'904.74 selon un bilan provisoire au 31 août 2005 :

Capital-action : CHF 1'506'000.-

Réserve légale : CHF 221'000.-

Résultat reporté au 1.1.2005 : CHF 597'820.76

Résultat de l'exercice : (CHF 46'916.02)

Total fonds propres : CHF 2'277'904.74

Au 31 août 2005, B______ détenait toujours CHF 100'000.- en valeur nominale d'actions D______ S.A.

8) Le 7 juillet 2006, les contribuables ont transmis leur déclaration fiscale 2005 à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC).

Selon l'état des titres, les contribuables s'étaient répartis les titres C______ et B______. M. A______ détenait mille deux cents actions C______ d'une valeur de CHF 624'000.-, cent actions de B______ d'une valeur de CHF 53'000.-, soit CHF 553.- par action, et quatre cents actions de B______ d'une valeur de CHF 157'600.-, soit CHF 394.- l'unité. De son côté, Mme A______ détenait sept cent nonante-huit actions d'C______ d'une valeur de CHF 414'960.-, et mille quatre cent nonante-huit actions de B______ d'une valeur de CHF 590'200.-, soit CHF 394.- l'unité.

9) Sur requête de l'AFC du 13 octobre 2006, les contribuables lui ont transmis une copie de la convention d'achat relative aux actions de B______, du procès-verbal de l'assemblée générale de B______ du 7 juin 2005, ainsi que du compte courant de M. A______ ouvert dans les livres de B______.

10) Le 31 août 2007, l'AFC a notifié aux contribuables un bordereau de taxation ICC 2005 d'un montant de CHF 338'336.10 fondé sur un revenu imposable de CHF 905'136.- et une fortune de CHF 6'436'434.-. L'AFC a également notifié un bordereau IFD de CHF 89'894.50, s'ajoutant au montant de CHF 18'217.- résultant d'un bordereau provisoire du 17 mars 2006, fondé sur un revenu imposable de CHF 940'100.-.

Leur assiette fiscale 2005 avait été modifiée, compte tenu des redressements effectués dans le cadre des taxations 2005 des sociétés C______ et B______. Ces sociétés, desquelles ils ne percevaient pas de salaires, leur avaient accordé des prestations durant l'année 2005 qui constituaient une rémunération imposable en tant que revenus. Les prestations suivantes avaient été imposées, car effectuées en faveur de l'actionnaire:

Prestations d'C______ :

Un redressement de CHF 498'823.- du prix de vente des actions B______, considéré comme insuffisant.

Prestations de B______ :

Divers montants non admis comme frais généraux de la société, réintégrés au bénéfice de celle-ci et considérés comme des prestations accordées à l'actionnaire.

11) Le 28 septembre 2007, M. A______, agissant au nom des contribuables, a formé des réclamations contre les bordereaux de taxation ICC et IFD du 31 août 2007 qu'il avait reçus le 4 septembre 2007. Il s'opposait à une reprise qui n'est plus litigieuse, ainsi qu'au redressement fiscal lié à l'achat des titres B______, contestant que cette opération ait été effectuée à un prix insuffisant.

Selon les calculs qui lui avaient été communiqués par l'AFC, celle-ci fixait la valeur de l'action B______ au 31 décembre 2004, calculée sur les fonds propres à cette date, à CHF 1'762.- l'unité. Au 31 décembre 2005, cette valeur était de CHF 1'204.-, soit une différence de CHF 558.- par action. Cette différence s'expliquait uniquement par la distribution par B______ d'un dividende 2004 de CHF 1'200'000.-, soit CHF 600.- par action. La valeur vénale des titres qui lui avaient été vendus le 17 octobre 2005, fixée à CHF 1'139.-, avait été déterminée en fonction de l'état des fonds propres, selon le bilan intermédiaire de B______ au 31 août 2005, soit après la distribution du dividende. Ce prix correspondait à la valeur des actions au moment du transfert.

M. A______ se demandait si, s'agissant d'une transaction entre une société et son actionnaire, il n'aurait pas fallu appliquer la méthode dite « des praticiens », en prenant également en considération la valeur de rendement de la société.

La réclamation portait également sur une question relative à la prise en compte de l'impôt anticipé qui n'est plus litigieuse à ce stade du contentieux.

12) Le 18 octobre 2007, l'AFC a demandé à M. A______ de lui communiquer la valeur des actions B______ qu'il retenait, en usant de la méthode dite « des praticiens ».

13) Le 5 novembre 2007, le contribuable a répondu qu'en fonction de la méthode précitée, la valeur des actions de cette société s'élevait à CHF 854'214.-, soit CHF 569.50 l'unité.

La valeur de rendement à prendre en considération équivalait à CHF 0.-. En effet, pour déterminer celle-ci, il y avait lieu de déterminer le bénéfice moyen sur les trois dernières années, en prenant le montant du résultat ressortant du compte de pertes et profits (ci-après PP) de chacune de ces années, mais en le rectifiant de la manière suivante :

 

2004

2003

2002

bénéfice/perte s/ le PP

2'697'156.-

66'778.-

-286'973.-

./. produits extraordinaires :
vente d'actions

produits extraordinaires

 

 

 

-4'738'515.-

0

0

0

0

185'540.-

+ charges extraordinaires :

Exercices antérieurs
Pertes de change

 

 

 

454'095.-

34'717.-

0

441'096.-

0

0

 

-1'146'168.-

101'495.-

-101'433.-

Total 2002 à 2004 : CHF 1'146'106.-

Moyenne sur 3 ans : CHF 382'035.-

Valeur de rendement : CHF 0.-

La moyenne entre la valeur substantielle de B______ au 31 août 2005 (CHF 2'277'904.-) et la valeur de rendement (CHF 0.-) permettait d'aboutir à une valeur des actions de CHF 1'138'952.- pour l'entier du capital social et de CHF 854'214.- pour le paquet d'actions qu'il avait acheté en 2004. Or, il avait payé CHF 1'708'429.-, soit un prix supérieur.

14) a. Le 12 décembre 2007, l'AFC a admis la réclamation du 28 septembre 2007 relative à l'ICC sur un point qui n'est plus litigieux et a maintenu la taxation pour le surplus.

La « méthode des praticiens » tenait uniquement compte du passé et omettait de considérer le dividende, ainsi que la teneur du procès-verbal du 7 juin 2005, selon lequel l'exercice 2005 était une grande réussite pour la société. Sur cette base, l'AFC maintenait que le prix des actions avait été sous-estimé de CHF 498'823.-. Au surplus, C______ n'avait pas contesté l'estimation de l'AFC, tenant compte des perspectives futures.

b. Le même jour, elle a rejeté la réclamation des contribuables relative à l'IFD, maintenant la reprise faite sur le prix d'acquisition des actions B______ par M. A______, pour des motifs si B______ à ceux qui avaient motivé le rejet de la réclamation en matière d'ICC.

c. À ces deux décisions étaient annexés deux bordereaux rectificatifs tenant compte de l'admission partielle de la réclamation. Le montant total de l'ICC s'élevait à CHF 233'336.10, fondé sur un revenu de CHF 905'136.- et une fortune de CHF 6'436'434.-.

15) Le 28 décembre 2007, M. A______ a revendu à C______ mille deux cent trois actions B______ pour un prix de CHF 1'427.- l'unité.

16) Le 7 janvier 2008, les contribuables ont recouru par deux actes séparés contenant une argumentation similaire, contre les deux décisions sur réclamation précitées, d'une part auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts s'agissant de l'ICC (cause A/152/2008 ICC), et d'autre part auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôt fédéral direct, concernant l'IFD (cause A/153/2008 IFD), dites commissions ayant été remplacées le 1er janvier 2009 par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), puis dès le 1er janvier 2011 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Ils demandaient aux deux commissions d'annuler la reprise de CHF 498'823.- sur leur revenu imposable, décidée par l'AFC.

Le litige portait uniquement sur la valeur fiscale du paquet d'actions précité.

La méthode d'estimation appliquée par l'AFC ne pouvait se justifier. La valeur des mille cinq cents actions ne pouvait pas dépasser le 75 % du montant des fonds propres de la société selon le bilan intermédiaire au 31 août 2005, soit la somme de CHF 1'708'428.- retenue comme prix dans la convention de vente du 17 octobre 2005. La distribution d'un dividende avant la vente d'une participation n'avait rien d'insolite et la vente n'avait pas été arrangée.

17) Le 14 novembre 2008, l'AFC a conclu au rejet du recours. Les sociétés de capitaux pouvaient établir des relations d'affaires avec leurs actionnaires, mais fiscalement, celles-ci devaient respecter les prix de pleine concurrence.

En l'occurrence, M. A______ avait acquis les actions de la société à un prix de faveur. Pour déterminer la valeur du marché, il fallait tenir compte du montant du dividende 2004 versé en 2005, dès lors qu'il ressortait du procès-verbal de l'assemblée générale du 7 juin 2005, que la société était saine en 2004 et qu'elle allait continuer à l'être. La valeur unitaire des titres B______ était de CHF 1'804.-, dès lors qu'il y avait lieu, pour déterminer la valeur réelle des titres, d'ajouter au montant de CHF 1'139.- un montant de CHF 600.- résultant du dividende distribué. Il en résultait une prestation de la société à son actionnaire de CHF 997'646.-, montant sur lequel elle avait à bien plaire accordé un abattement de 50 % sur la valeur des mille cinq cents actions, pour tenir compte du fait qu'aucun dividende n'avait été distribué auparavant et que, peut-être, celui octroyé en 2004 ne serait qu'occasionnel. Elle avait ainsi admis ne considérer qu'un montant de CHF 498'823.- comme prestation à l'actionnaire. Au surplus, M. A______ avait revendu à C______ mille deux cent trois actions B______ au prix de CHF 1'427.- par action.

L'ensemble de ces circonstances permettait de retenir que si un tiers avait voulu réaliser la même opération que le contribuable en 2005, il n'aurait jamais obtenu de la part d'C______ la cession des titres à un tel prix.

18) Le 12 décembre 2008, les contribuables ont maintenu leurs deux recours.

19) Le 15 juillet 2009, l'AFC a adressé des observations de même teneur dans les causes A/152/2008 ICC et A/153/2008 IFD.

20) Le 12 novembre 2009, la commission a demandé à l'AFC de lui transmettre les éléments retenus dans le calcul de la valeur substantielle de B______ et de produire les pièces comptables y relatives.

21) Le 4 décembre 2009, l'AFC a exposé que parmi les différentes méthodes utilisables pour estimer la valeur d'une société, l'AFC retenait celle appliquant la formule suivante : deux fois la valeur de rendement (RDT), plus une fois la valeur substantielle (VS) sur trois. Appliqués au cas d'espèce, les chiffres étaient les suivants :

 

 

Capital au 31.8.2005

Bénéfice 2004

Bénéfice 2003

Bénéfice comptable

 

2'697'155.-

66'777.-

Taux de capitalisation

 

6 %

6 %

 

 

 

 

Valeur de rendement 2004

 

44'952'583.-

 

Valeur de rendement 2003

 

 

1'112'950.-

 

 

 

 

Valeur comptable au 31.8.2005

2'277'904.-

 

 

(1) Réserve latente sur actions D______ S.A.

(2) 1'127'371.-

 

 

Reprise en taxation 2005, prestations à M. A______

(3) 68'457.-

 

 

Valeur substantielle

3'473'732.-

 

 

 

 

 

 

(2 X RDT + 1 VS)/3

16'513'088.-

 

 

Valeur vénale 75 %

12'384'816.-

 

 

 

(1) l'analyse des réserves latentes s'est portée uniquement sur le poste actions D______, figurant pour une valeur nominale de CHF 100'000 au 31.8.2005 et sur un prêt à D______ de CHF 646'500.-.

(2) vente d'actions D______ en mars 2004, valeur nominale de CHF 416'500.- pour CHF 5'112'000.-. Valeur au bilan CHF 100'000.-/416'500.-/Réserve latente correspondante CHF 1'227'371.- = CHF 5'112'000.-x100'000.-/416'500.- moins la valeur nominale au bilan CHF 100'000.- (annexe 3).

(3) prestations à Monsieur E______, redressement du bénéfice 2005 + CHF 102'685.-/12x8 = CHF 68'457.-.

Concernant le bénéfice 2004, l'AFC considérait que le bénéfice tel qu'il ressortait du compte de pertes et profits pouvait être conservé en raison de l'activité financière (investissement financier) qui faisait partie du but inscrit au registre du commerce et du fait que les comptes ne présentaient pas de rubriques « bénéfice extraordinaire ».

C'était donc à juste titre que l'AFC avait retenu que le prix de vente était insuffisant pour un montant de CHF 498'823.- au vu des estimations de la valeur de la société.

22) Le 10 mai 2010, la commission, après avoir joint les causes A/152/2008 et A/153/2008, a admis le recours.

Le lien d'actionnariat entre C______ et le contribuable actionnaire était établi. Il s'agissait uniquement de déterminer si la cession des actions B______ par C______ à l'actionnaire avait été faite à un prix de faveur, tant pour l'IFD que pour l'ICC.

En matière d'IFD, l'évaluation d'une action non cotée en bourse se faisait selon la méthode décrite par les « instructions concernant l'estimation des titres non cotés en bourse en vue de l'imposition sur la fortune » éditées par la Conférence des fonctionnaires fiscaux d'État, devenue la Conférence suisse des impôts (ci-après : CSI) et par l'administration fédérale des contributions, section d'estimation des titres, parues en 1995 (ci-après : instructions).

Selon ces instructions, la valeur vénale des actions dépendait du rendement passé et à venir sous la forme de dividendes et autres participations au bénéfice, ainsi que de la rentabilité de la société, mais également de sa fortune, de ses liquidités, de la stabilité de la marche des affaires. En l'espèce, les résultats de B______ en 2003 et 2004 étaient déterminants pour calculer la valeur de rendement. Or, le rendement 2004 n'était bénéficiaire qu'en raison de l'enregistrement d'un produit sur la vente d'une participation, qualifiée d'unique et extraordinaire, si bien qu'il ne devait pas être pris en considération dans le résultat de 2004. De ce fait, ce dernier se soldait par une perte largement supérieure au bénéfice 2003, si bien qu'il n'y avait pas de valeur de rendement déterminante. La valeur intrinsèque de la société devait être arrêtée à CHF 3'405'276.-, ce qui représentait une valeur de CHF 2'553'950 pour les 75 % d'actions B______ cédées. Selon les instructions précitées, cette valeur devait être divisée par trois, sans prise en considération d'autres montants puisque la valeur de rendement était nulle. La valeur déterminante des titres était ainsi réduite à CHF 651'319.-. Celle-ci était très nettement inférieure au montant convenu pour la transaction litigieuse qui était de CHF 1'708'728.-. L'administration fiscale n'avait pas démontré de disproportion entre la prestation et la contre-prestation, de sorte que la reprise contestée devait être annulée.

Le même raisonnement pouvait être fait en matière d'ICC.

23) Par acte déposé le 14 juin 2010, l'AFC a interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif, devenu depuis lors la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à l'annulation de la décision et à la confirmation de sa propre décision du 12 décembre 2007. Subsidiairement, elle a conclu à une taxation prenant en compte un montant unitaire de l'action B______ de CHF 1'702.- en tant que prix de vente de celle-ci.

La commission avait correctement appliqué les instructions, mais celles-ci n'excluaient pas de procéder à une estimation s'écartant de ce schéma, lorsque les circonstances du cas d'espèce l'exigeaient, afin de permettre de parvenir à une meilleure estimation de la valeur vénale, ou en raison de circonstances particulières.

Pour le calcul de la valeur de rendement, les évènements exceptionnels déjà prévisibles le jour déterminant pouvaient être pris en considération de manière appropriée. Ne prendre en considération que la valeur intrinsèque conduisait à un résultat ne correspondant pas à la réalité économique, de même qu'à la prise en considération d'une valeur inférieure à celle à laquelle les actions auraient été vendues si l'acheteur avait été un tiers.

En l'occurrence, il y avait lieu, pour déterminer la valeur réelle des actions, d'intégrer les perspectives de bénéfices futurs, qui s'étaient concrétisées par ailleurs en 2005 et 2006. En prenant en considération ces éléments, la valeur vénale des mille cinq cents actions B______ vendues s'établirait à CHF 3'550'441.- car la valeur de rendement ne serait pas nulle. La société avait d'ailleurs encore réalisé des bénéfices en 2007 et 2008, ce qui confortait cette solution.

Dans la méthode d'estimation qu'elle avait suivie, elle avait admis un abattement de 50 % sur la prestation accordée à l'actionnaire pour tenir compte du fait qu'aucun dividende n'avait été versé avant 2004 et, qu'à la date de l'opération de vente des actions en 2005, une telle expectative pouvait encore apparaître comme exceptionnelle. Le prix de vente du titre B______ devait être arrêté à CHF 1'471.-.

Subsidiairement, ce prix devait être de CHF 1'702.-, soit CHF 1'139.- auxquels il y avait lieu d'ajouter le montant de la réserve latente sur le titre D______, ce qui conduisait à retenir un prix de CHF 1'702.-.

24) Le 29 juin 2010, la commission a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

25) Le 30 juillet 2010, les contribuables ont conclu au rejet du recours.

Le fait que le dividende distribué couvrait presque la totalité du prix de vente des actions ne modifiait en rien la transaction, ce d'autant plus que l'acquéreur n'avait reçu qu'un quart de celui-ci, alors qu'il avait acquis le paquet d'actions pour CHF 1'708'242.-.

L'opération de revente des titres B______ en 2007 n'avait aucune incidence sur la taxation 2005. La prise en considération des évènements exceptionnels prévisibles le jour déterminant résultait de la circulaire no 28, du 28 août 2005 de la CSI, qui n'était pas applicable pour la taxation 2005.

26) Le 11 avril 2011, le juge délégué a convoqué les parties pour une audience de comparution personnelle.

a. Selon Monsieur F______, contrôleur, qui représentait l'AFC, lorsqu'il s'était agi de procéder à l'évaluation des titres B______ acquis par le contribuable, l'AFC avait considéré que les critères d'évaluation contenus dans les instructions, édition 1995, ne pouvaient s'appliquer pour déterminer la valeur vénale des titres en question. Pour déterminer celle-ci, l'AFC avait considéré qu'il était nécessaire de tenir compte du montant du dividende versé en 2005 pour chaque action et de l'ajouter à leur valeur comptable au 31 décembre 2005, calculée en fonction des fonds propres de la société à cette date. La société n'était pas en liquidation mais en continuité d'exploitation. Il fallait tenir compte, pour l'évaluation de la valeur de son titre, non seulement de sa valeur comptable, mais de sa valeur d'exploitation. C'était la raison pour laquelle l'AFC avait tenu compte de la capacité de génération d'un bénéfice conséquent de la société et de la bonne santé de la société pour l'année à venir, à teneur du procès-verbal de l'Assemblée générale qui avait décidé du versement du dividende. Le tableau que l'AFC avait inséré dans ses écritures à la commission le 4 décembre 2009 avait pour but de montrer que ne tenir compte que de la valeur comptable de la société au 31 août 2005 était insuffisant, car il fallait également tenir compte des réserves latentes. L'AFC avait constaté que la société détenait encore des titres D______. Eu égard au produit qu'avait rapporté la vente d'un premier paquet d'actions D______ en 2004, elle avait considéré qu'il y avait une réserve latente de CHF 1'270'371.- en rapport avec ces titres. L'AFC avait fait ces constats suite aux explications que le contribuable avait lui-même données dans son courrier du 25 juillet 2005. Elle avait repris ces éléments dans le tableau figurant dans son recours, qui disqualifiaient la pertinence du raisonnement ne faisant qu'appliquer les instructions sans tenir compte de la valeur substantielle et de la valeur de rendement, mais ne tenant compte que de la valeur comptable au 31 août 2005.

Au surplus, le recourant avait revendu les titres B______ en 2007 à C______ au prix de CHF 1'427.- l'action, alors que, si l'on avait fait application de la « méthode des praticiens » à cette date, la valeur du titre aurait été de CHF 1'930.-.

Le fait que B______ ait pu verser un dividende de CHF 1'200'000.- impliquait qu'on puisse ajouter à la valeur comptable du titre une part représentant une certaine rentabilité de l'action. Même si l'opération ayant généré un tel gain n'entrait pas dans le cadre des opérations courantes de cette société, le fait était qu'elle avait pu distribuer un tel dividende, et que l'on ne pouvait exclure que ce type d'opération survienne à nouveau ponctuellement dans le futur.

b. Selon le contribuable, B______ était une société qui gérait deux hôtels en 2005 avec des participations dans d'autres sociétés. En 2005, elle détenait une participation dans la société D______, dont lui-même n'était pas actionnaire. S'il avait été amené en 2005 à acheter des actions B______ à C______, c'est que cette dernière était également propriétaire d'un hôtel à Crans-Montana, sur la commune de Chermignon. Elle développait le projet d'en convertir les chambres en appartements. Il ne voulait pas que la société B______ partage les risques de cette promotion et avait donc décidé de racheter les titres B______ à C______. Il avait fixé le prix de vente de ces titres en fonction des fonds propres de la société au 31 août 2005. Il avait effectivement revendu les titres B______ à C______ en 2007 pour mieux organier sa succession. Les risques liés à la promotion de l'hôtel à Chermignon paraissaient bien moindres. Il n'y avait pas lieu de tenir compte d'autre chose que de la valeur comptable des fonds propres d'une société pour établir la valeur des titres de celle-ci s'il n'y avait pas d'autres choses à considérer, comme des projets de développement particuliers.

27) Le 11 mai 2011, l'AFC a déposé des observations finales, persistant dans ces conclusions. Contrairement à ce que M. A______ avait précisé lors de l'audience de comparution personnelle précitée, la décision de B______ de verser un dividende en 2005 n'était pas exceptionnelle mais rentrait dans le cadre de l'activité de la société, à savoir la gestion de participations, puisqu'elle détenait des participations dans différentes autres sociétés.

Le fait que le dividende de CHF 1'200'000.- versé représentait 53 % des fonds propres et 80 % du capital-actions libéré permettait aux organes de la société de reconnaître une disproportion manifeste entre le prix de vente et le dividende. Les perspectives de gain étaient importantes au moment de la vente, puisque ce seul dividende avait permis pratiquement de rembourser l'investissement initial en capital et que la société continuait son activité. Le dividende versé provenait d'une opération ponctuelle résultant d'une activité régulière de la société. Si l'on tenait compte de ce que le procès-verbal du Conseil d'administration du 7 juin 2005 faisait état de projets de développement en cours ou terminés, cela justifiait que l'on prenne en considération ces projets de développement, voire des réserves latentes pour estimer la valeur des actions. Si celles-ci avaient été vendues à un tiers, ces éléments auraient été pris en compte, ce qui justifiait la reprise sur le prix de vente des titres, contestée par les intimés.

Le tableau suivant pouvait être dressé :

 

Valeur retenue par le contribuable

Valeur retenue par l'AFC

Valeur substantielle s/décision CCR

Fonds propres à la valeur comptable au 30.08.2005

2'277'905.-

 

2'277'905.-

Fonds propres au bilan au 31.12.2005

 

2'408'099.-

 

Dividende du 07.06.2005

 

1'200'000.-

 

Abattement sur dividende irrégulier

 

-665'000.-

 

Réserve latente

 

 

1'123'371.-

Valeur de la société sans la composante rendement

2'277'905.-

 

3'405'276.-

Valeur de la société avec la composante rendement

 

2'943'099.-

 

Valeur d'une action 1/2000 (arrondi)

1'139.-

1'471.-

1'702.-

Prestation par action

322.55

 

 

Prestation pour 1'500 actions

498'823.-

 

 

28) Le 5 juillet 2013, les contribuables ont également transmis des observations, persistant dans les termes de leurs conclusions tendant au déboutement de l'AFC des fins de son recours et à la confirmation de la décision de la commission du 10 mai 2010.

C'était à juste titre que la commission avait fondé sa décision sur les instructions dont l'AFC prétendait à tort qu'elles n'étaient pas applicables au cas d'espèce. Pour éviter d'avoir à le faire, L'AFC essayait de proposer sa propre interprétation des textes établis de façon empirique et sans réelle méthode fiable, ce qui ne convainquait pas.

La méthode utilisée par l'AFC en octobre 2006 n'était pas admissible, dès lors qu'elle avait considéré sa situation économique 2005 de façon rétrospective en tenant compte des connaissances disponibles en octobre 2006, ce qui lui avait permis de prendre en considération le résultat au 31 décembre 2005, alors qu'elle aurait dû se placer dans la situation des protagonistes lors de la conclusion du contrat de vente des actions le 17 octobre 2005. Or, à cette date, les seules données disponibles étaient celles résultant des états financiers 2003 et 2004. C'est dans ce contexte que le prix de vente des actions avait été fixé. C'était en vain que l'AFC cherchait à justifier que, dans le cas d'espèce, on se trouvait dans une exception permettant d'écarter les critères résultant des instructions. L'estimation de la valeur vénale des titres non cotés selon celle-ci devait s'effectuer sur la base des éléments qui permettaient l'estimation la plus fiable. À l'évidence, lors de la vente des actions en octobre 2005, les paramètres d'estimation les plus fiables étaient les résultats réalisés de façon incontestable durant le passé et non pas un hypothétique redressement de la situation financière, même si cela s'était réalisé en partie par la suite. L'AFC n'était pas légitimée à effectuer sa propre évaluation postérieurement à l'opération de vente, en fonction d'une meilleure connaissance de ce qui s'était passé en 2005.

En 2007, lorsque les titres B______ avaient été revendus à C______, le prix avait également été fixé en fonction de la valeur des fonds propres de la société, à l'instar de ce qui s'était fait le 17 octobre 2005.

29) En réponse à une demande du juge délégué du 31 mai 2012, le contribuable a exposé le 5 juillet 2013 qu'en 2004, 41'650 actions D______ au porteur avaient été vendues pour un produit de CHF 4'695'500.-. Le montant de CHF 100'000.- de titres D______ mentionnés au 31 décembre 2004 correspondait à quatre mille sept cent quatre-vingt une nouvelles actions de CHF 10.- souscrites lors d'une augmentation du capital-actions de la société le 27 février 2004. Le solde, soit CHF 52'190.- correspondait à un agio.

Durant l'année 2005, des gains sur vente d'actions G______, H______ et I______ pour un montant total de CHF 39'071.20 avaient été réalisés.

30) Le 22 juillet 2013, l'AFC a précisé que B______ détenait des actions D______ au 31 décembre 2004 et au 31 décembre 2005. En outre, la réserve latente importante sur les titres D______ n'avait pas été prise en compte lors de la vente des actions à la valeur comptable.

31) Le 24 juillet 2013, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de l'ancienne loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010).

3) Le litige porte sur le droit de l'AFC d'effectuer une reprise sur le revenu déclaré par les contribuables, en rapport avec le prix d'achat d'actions d'une société dont ils sont actionnaires majoritaires, vendues par une société dont ils sont les seuls actionnaires.

4) En matière fiscale, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. (ATF 133 II 153 consid. 4.3 p. 158 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/234/2015 du 3 mars 2015 consid. 5e ; ATA/112/2015 du 27 janvier 2015 ; ATA/8/2013 du 8 janvier 2013). Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours en matière fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_47/2009 du 26 mai 2009 consid. 5.4 ; ATA/112/2015 précité).

5) Le contentieux concerne la taxation pour l'année 2005. Les questions de droit matériel sont résolues par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses. Pour l'IFD, sont applicables les dispositions de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et sa réglementation d'application, tandis que pour l'ICC, ce sont, outre les dispositions de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), celles de l'ancienne loi sur l'imposition des personnes physiques - Objet de l'impôt - Assujettissement à l'impôt du 22 septembre 2000 (aLIPP- I), de l'ancienne loi sur l'imposition dans le temps des personnes physiques du 31 août 2000 (aLIPP-II - D 3 12), de la loi sur l'imposition des personnes physiques - Impôt sur la fortune du 22 septembre 2000 (aLIPP-III - D 3 13) de l'ancienne loi sur l'imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable), du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14) et leur réglementation d'exécution, dont le règlement d'application de la loi sur l'imposition des personnes physiques, impôt sur la fortune du 19 décembre 2001 (aRIPP III - D 3 13.01) ainsi que la loi de procédure fiscale, du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17).

6) L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD). Selon l'art. 20 al.1 let. c LIFD, font partie du revenu imposable, les dividendes, les parts de bénéfice, l'excédent de liquidation et tout avantage appréciable en argent provenant de participations en tous genres (y compris les actions gratuites, les augmentations gratuites de la valeur nominale, etc.). L'art. 20 al.1 let. c LIFD vise à faire imposer les transactions qui favorisent l'actionnaire, notamment lorsque celui-ci profite de sa participation par d'autres moyens que le dividende ou l'excédent de liquidation (Danielle YERSIN, Yves NOËL, Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, ad art. 20 LIFD, p. 307, n° 78).

7) a. La notion de prestation appréciable en argent n'est pas juridique mais économique. L'autorité fiscale doit interpréter ce concept en se référant au contenu matériel, et non formel, de l'avantage en question (RDAF 2008 II, p. 360). La transaction en question peut ne pas être insolite, ni le contribuable avoir voulu éluder l'impôt. La requalification en « avantage appréciable en argent » n'en interviendra pas moins, si l'on doit retenir qu'économiquement l'actionnaire a été gratifié comme s'il avait reçu un dividende (Danielle YERSIN, Yves NOËL, op. cit. p. 308, n° 80).

b. En matière d'ICC, une règle similaire s'applique (art. 2 et 6, let. c aLIPP-IV).

8) a. Pour admettre l'existence d'une prestation appréciable en argent, taxable à titre de revenu, quatre conditions cumulatives doivent être réunies : la société fait bénéficier de cette prestation son actionnaire ou une personne le touchant de près ; il s'agit d'une prestation qu'il obtient sans contre-prestation correspondante  ; elle n'aurait pas été accordé dans de telles conditions à un tiers  ; la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 131 II 593  ; 119 Ib 319  ; 115 Ib 238 = RDAF 1992 85).

b. Les règles en matière de fardeau de la preuve, rappelées ci-dessus, impliquent qu'il appartient en principe à l'autorité fiscale de prouver l'existence d'une prestation appréciable en argent. Le contribuable n'a pas à supporter les conséquences d'un manque de preuve. En revanche, si l'autorité fiscale apporte suffisamment d'indices établissant une disproportion entre la prestation et la contre-prestation, il appartient alors au contribuable de démontrer l'exactitude de ses allégations et de rapporter la preuve du fait qui justifie son exonération. S'il n'y parvient pas, il doit supporter les conséquences du manque de preuves (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_76/2009 du 23 juillet 2009, consid. 2.2, publié in Revue fiscale 64 p. 834 et référence citée ; RDAF 2011 II 53 consid. 2.3).

9) En l'espèce, la reprise effectuée par l'AFC-GE concerne une vente d'actions d'une société anonyme détenue par une société de participation, à son propre actionnaire et co-actionnaire. La première des conditions précitées est donc réalisée, ce qui n'est pas contesté au demeurant. Il s'agit en revanche de déterminer si le prix fixé pour la cession des actions l'a été à des conditions préférentielles, et ceci de manière flagrante.

La réponse à cette question passe par l'évaluation de la valeur des titres concernés.

10) a. En matière d'impôt sur la fortune, les actions d'une société anonyme, non cotée en bourse, doivent être évaluées à leur valeur vénale (art. 14 al. 1 LHID), soit en fonction de la valeur de rendement de l'entreprise et de sa valeur intrinsèque (art. 5 al. 2 aLIPP III).

b. L'évaluation des titres non cotés a fait l'objet en 1995 d'une circulaire de la CSI, applicable tant pour l'IFD que pour l'ICC intitulée : « instructions concernant l'estimation des titres non cotés en vue de l'impôt sur la fortune » (ci-après : les instructions) remplacée depuis par la circulaire no 28 dans une première version du 21 août 2006, puis du 28 août 2008. Ces nouvelles versions ne sont pas applicables en l'espèce, le litige concernant l'imposition 2005.

c. En règle générale, les instructions, les circulaires et les directives administratives ou, en d'autres termes, les ordonnances administratives n'ont, selon la jurisprudence et la doctrine, pas force de loi et ne constituent pas du droit fédéral au sens de l'art. 49 let. a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) (ATF 121 II 478 consid. 2b, ATA/439/2009 du 8 septembre 2009 et les références citées). En droit cantonal, L'art. 1 aRIPP-III renvoie directement aux directives.

d. Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 121 II 478 consid. 2b ; ATA/839/2003 du 18 novembre 2003).

e. Les directives contenues dans les instructions de 1995, constituent, de jurisprudence constante, une méthode adéquate et fiable pour l'estimation des titres, non seulement en ce qui concerne l'impôt sur la fortune, mais également lorsqu'il s'agit de procéder à l'estimation de la valeur vénale de titres non cotés dans le contexte de l'impôt sur le bénéfice et l'impôt sur le revenu (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.3.1 ; 2C_1168/2013 du 30 juin 2014 consid. 3.6 et les références citées ; ATA/420/2015 du 5 mai 2015 ; ATA/232/2014 du 3 mars 2015).

f. À teneur des instructions, pour les sociétés commerciales, industrielles et de services, la valeur de l'entreprise résulte de la moyenne pondérée entre la valeur de rendement doublée d'une part, et la valeur intrinsèque déterminée selon le principe de la continuation d'autre part. Cette méthode d'évaluation, aussi dite « méthode du praticien » se résume par la formule suivante (ch. 41 instructions) :

Valeur entreprise = (2X valeur rendement + 1X valeur intrinsèque)/3

Pour déterminer la valeur de rendement, les instructions préconisent de se fonder en principe sur les deux derniers comptes annuels clos avant le jour déterminant pour l'estimation, le bénéfice net du dernier exercice étant pris en considération deux fois. Des événements exceptionnels, déjà prévisibles le jour déterminant, peuvent être pris en compte de manière appropriée lors de l'établissement de la valeur de rendement (ch. 7 et 8 instructions). Les revenus uniques et extraordinaires, tels que les gains en capital, la dissolution de réserves et de provisions, etc. seront déduits (ch. 13). La valeur intrinsèque est fondée sur la base des derniers comptes annuels clos avant le jour déterminant (ch. 17 instructions).

11) Dans certaines circonstances, le Tribunal fédéral n'exclut pas que d'autres méthodes d'évaluation reconnues puissent, isolément, s'avérer appropriées.

En effet, en droit fiscal, la valeur vénale est celle qui est attribuée à un bien lorsqu'il est aliéné dans un mouvement ordinaire d'affaires. Les instructions reposent sur la constatation empirique que la valeur vénale dépend du rendement passé et à venir sous la forme de dividendes et autres participations au bénéfice, ainsi que de la rentabilité de la société et qu'elle est influencée par d'autres facteurs comme par exemple la fortune de la société (capital, réserves), les liquidités de l'entreprise, la stabilité de la marche des affaires, etc. Il y a donc lieu de s'écarter des principes que contiennent les instructions seulement lorsque cela s'avère nécessaire pour parvenir à une meilleure estimation de la valeur vénale en raison de circonstances particulières (RDAF 2000 II 265 ; StE 1988 B 72.13.22 n° 10 consid. 2c et les décisions cantonales citées dans l'arrêt de la Cour fiscale fribourgeoise 4F 2007-5 et 4F 2007-6 du 28 novembre 2008 consid. 4b).

De telles circonstances particulières, permettant de s'écarter des instructions, ont été reconnues par la jurisprudence, notamment dans les cas où le rendement d'une société reposait presque exclusivement sur la performance de l'actionnaire majoritaire (ATA/595/2015 du 9 juin 2015) ou dans le cas où une expertise privée, fondée sur les mêmes principes que les instructions mais plus détaillée, avait permis une meilleure estimation (ATA Hoirie R. du 14 mai 1996) ainsi que dans le cas de la fondation, par scission, d'une société-fille, avec transfert des actions à un moment où il n'y a qu'un résultat intermédiaire (RDAF 2014 II p. 347).

12) Il ressort de la jurisprudence et des instructions elles-mêmes (ch. 2.3.b instructions) que ces dernières ne sont pas appliquées si la valeur vénale des titres se dégage d'un transfert représentatif ou substantiel entre tiers et que celui-ci représente la valeur réelle des titres. Cette transaction peut être postérieure à la date déterminante. Le Tribunal fédéral a appliqué ce principe pour des transactions réalisées jusqu'à sept mois après la date déterminante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 et 2C_1083/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.3.2 ; 2C_504/2009 du 15 avril 2010 ; 2A_590/2002 du 22 mai 2003).

13) a. En l'espèce, l'AFC n'expose pas clairement les motifs qui fondent son choix de ne pas faire application des instructions pour déterminer la valeur des titres. Bien plus, elle ne soulève pas de grief concret à l'égard de cette application, relevant qu'elle a été faite correctement par la commission, mais estimant que les « circonstances du cas d'espèce » exigent de s'écarter du schéma contenu dans les instructions.

b. Quant à la méthode d'évaluation préconisée, l'AFC a exposé en première instance avoir eu recours à une formule qui tient compte de deux fois la valeur de rendement, plus une fois la valeur substantielle, divisé par trois. La valeur vénale retenue étant constituée par le 75% de la valeur ainsi obtenue. Dans son calcul, l'AFC tient compte du bénéfice comptable 2003 et 2004 pour établir la valeur de rendement, ainsi que du capital au 31 août 2005, à laquelle s'ajoute une réserve latente sur les actions D______ et une reprise de taxation constituant des prestations à l'actionnaire, pour établir la valeur substantielle.

Dans ses écritures subséquentes, l'AFC a proposé un nouveau calcul tenant compte du dividende distribué, dont le 50 % était ajouté à la valeur du titre découlant de la valeur des fonds propres au 31 décembre 2005, au motif qu'il y avait lieu d'intégrer les perspectives de bénéfices futurs. Elle a également proposé dans son recours d'intégrer dans le calcul de la valeur de l'entreprise les bénéfices 2005 et 2006, soit ceux des exercices postérieurs à la vente. Dans une autre écriture, elle propose de retenir comme valeur du titre, celui qui résulterait de la valeur substantielle retenue par la commission, y compris la réserve latente, refusant toutefois de diviser ce montant par trois, comme le prévoient les instructions et comme l'a fait la commission.

En outre, elle a exposé en audience qu'il n'était pas possible de retenir uniquement la valeur des fonds propres de la société au 31 août 2005, date du bilan intermédiaire comme l'avait fait le contribuable, au motif que ce montant était insuffisant, car il fallait tenir compte des réserves latentes. Or, dans son calcul fait en application des instructions, la commission a bien tenu compte des réserves latentes, en application du ch. 31 des instructions. Ce motif ne justifie donc pas non plus de ne pas appliquer les instructions.

c. Quant aux « circonstances du cas d'espèce » pour lesquelles elle s'est abstenue d'appliquer les instructions, l'AFC indique que dans le cas d'une transaction entre proches, le résultat ne « correspond pas à la réalité économique » et « qu'un tiers, dans une situation identique à celle de l'actionnaire, n'aurait jamais obtenu un tel prix de la société ».

Ce faisant, l'AFC n'indique pas en quoi le fait, reconnu, qu'il ne s'agisse pas d'une vente entre tiers indépendants, constituerait une circonstance qui permettrait de ne pas faire application des directives, ni ne justifie le fait d'appliquer l'une ou l'autre des méthodes qu'elle préconise pour le cas d'espèce. En effet, en cas de transfert représentatif entre tiers indépendants, le prix d'acquisition est réputé représenter la valeur vénale (instructions ch. 2.3.b). D'ailleurs de jurisprudence constante, il est admis que les instructions sont également applicables lorsqu'il s'agit d'examiner quel prix aurait normalement dû être convenu si les titres avaient été acquis, non pas par l'actionnaire ou une personne proche, mais par un tiers indépendant (ATF 2A.590/2002 du 22 mai 2003 consid. 2.2 et 3.1 in fine et références citées).

Il s'agit là, non pas de motifs permettant de justifier l'application de l'une ou l'autre méthode d'évaluation de la valeur vénale mais d'affirmations non étayées. Or, il appartenait à l'AFC, qui s'oppose dans son recours à l'application des instructions faite par la commission, de démontrer ses affirmations et non seulement d'opposer ses propres calculs à ceux résultant de l'application des instructions, compte tenu des exigences en matière de fardeau de la preuve, rappelées ci-dessus.

d. Finalement, l'AFC fait grand cas du prix de vente des actions dans le transfert subséquent de décembre 2007. Or, selon la jurisprudence, même si une vente entre tiers, subséquente à la date déterminante, peut être prise en compte pour fixer la valeur vénale des titres, un délai de plus de deux ans entre les deux transferts apparaît trop long, compte tenu de la jurisprudence en la matière.

En conséquence, force est de constater que l'AFC a échoué à rapporter la preuve qui lui incombait, en ne fournissant aucune démonstration probante de l'existence de circonstances particulières qui motiveraient de s'écarter de la valeur déterminée par la commission, en application des instructions. Elle ne parvient ainsi pas à établir qu'une prestation appréciable en argent aurait été faite à l'actionnaire. Partant, la reprise faite à ce titre dans la taxation ICC et IFD 2005 du revenu des contribuables n'est pas justifiée, comme l'a admis la commission.

14) Vu ce qui précède, le recours sera rejeté.

15) Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument, le recours ayant été interjeté par une administration défendant ses propres décisions (art. 87 al. 1 2ème phr. LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure, les contribuables n'y ayant pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 juin 2010 par l'administration fiscale cantonale contre la décision du 10 mai 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Anca Fiduciaire SA, mandataire des intimés, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :