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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4107/2013

ATA/420/2015 du 05.05.2015 sur JTAPI/743/2014 ( ICC ) , ADMIS

Recours TF déposé le 10.06.2015, rendu le 20.07.2015, RETIRE, 2C_518/2015
Descripteurs : IMPÔT SUR LA FORTUNE ; CALCUL DE L'IMPÔT ; SOCIÉTÉ ANONYME ; ACTION(PAPIER-VALEUR) ; COMPTABILITÉ COMMERCIALE ; BILAN(EN GÉNÉRAL) ; FORCE OBLIGATOIRE(SENS GÉNÉRAL) ; PRINCIPE EN MATIÈRE DE DROIT FISCAL ; FARDEAU DE LA PREUVE ; LIBRE APPRÉCIATION DES PREUVES
Normes : LIPP.69; LIPP.72.al1 ; LHID.13 ; LHID.14 ; aLIPP-III.4.al2 ; aLIPP-III.5.al2
Résumé : Il demeure possible pour l'autorité de taxation de s'écarter des éléments comptables figurant aux bilans d'une société anonyme non cotée pour déterminer la valeur intrinsèque de celle-ci. En l'espèce, les intimés n'ont toutefois pas apporté d'éléments suffisamment probants qui commandent de s'écarter des comptes de la société en cause. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4107/2013-ICC ATA/420/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mai 2015

2ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Sylvain Bogensberger, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 juin 2014 (JTAPI/743/2014)


EN FAIT

1) Madame et Monsieur A______ (ci-après : les contribuables) sont domiciliés à Genève.

2) Le 18 juillet 2008, ils ont déposé leur déclaration fiscale 2007. Ils déclaraient notamment détenir 1'375 actions de la Société financière d'investissement B______ Luxembourg (ci-après : B______), pour une valeur imposable de CHF 1'375'000.-.

B______ n'est pas cotée en bourse.

3) Par bordereau d'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) du 29 juillet 2008, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a procédé à la taxation d'office des contribuables pour l'année 2007. L'ICC s'élevait à CHF 80'857.85.

4) Par courrier du 13 août 2008, les contribuables, par l'intermédiaire de leur représentant, ont demandé à l'AFC d'annuler cette taxation d'office. Elle ne se justifiait pas, dès lors que l'AFC était en possession de leur déclaration fiscale du 18 juillet 2008. Par ailleurs, la taxation d'office s'écartait notablement des éléments déclarés.

5) Le 8 juillet 2009, l'AFC a informé B______ qu'elle avait arrêté, pour l'impôt 2008, à CHF 2'634.- le cours fiscal brut par action de ses 1'375 actions.

Le cours fiscal se déterminait de la manière suivante :

Capital-actions libéré CHF 1'375'000.-

Bénéfice ressortant du bilan CHF 2'109'732.-

Réserves ouvertes CHF 137'500.-

Valeur substantielle CHF 3'622'232.-

Nombre d'actions 1'375

Valeur par action CHF 2'634.35

6) Le 16 février 2010, les contribuables ont transmis à l'AFC les comptes de B______ selon deux présentations. La première était la présentation officielle en vigueur au Luxembourg, la seconde une présentation plus détaillée. Selon cette seconde présentation, les actifs de B______ au 31 décembre 2007 se composaient notamment d'un compte auprès de C______ Corporate (ci-après : C______), au Luxembourg (CHF 3'125.17), des titres D______ SA (ci-après : D______), à Grasse (France ; CHF 1'199'801.-) et une participation dans la société E______ Corp. NV (ci-après : E______), à Curaçao, aux Antilles néerlandaises (CHF 2'440'000.-).

La présentation officielle en vigueur au Luxembourg se présentait comme suit :

Actif

Actif immobilisé

CHF 3'639'801.-

Immobilisations financières

CHF 3'639'801.-

Actif circulant

CHF 2'164.31

Avoirs en banque

CHF 2'164.31

Comptes de régularisation

CHF 0.-

Perte de l'exercice

CHF 2'102'181.99

TOTAL

CHF 5'744'147.30

Passif

Capitaux propres

CHF 5'724'414.60

Capital souscrit

CHF 1'375'000.-

Réserve légale

CHF 137'500.-

Résultats reportés

CHF 4'211'914.60

Comptes de régularisation

CHF 19'732.70

TOTAL

CHF 5'744'147.30

7) Par décision sur réclamation du 18 novembre 2013, l'AFC a remis aux contribuables un bordereau rectificatif complétant et modifiant la taxation d'office du 29 juillet 2008. Le montant total d'impôts s'élevait à CHF 54'126.90.

Il arrêtait à CHF 3'621'750.- la valeur fiscale des actions B______ (CHF 2'634.- x 1'375) et ajoutait CHF 1'200'000.- à la fortune imposable des contribuables.

8) Par acte du 18 décembre 2013, les contribuables, par l'intermédiaire de leur nouveau représentant, ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à ce que la valeur totale des 1'375 actions de la société B______ soit arrêtée à CHF 1'201'973.- et à ce que le rajout de CHF 1'200'000.- au niveau de leur fortune soit supprimé, le tout « sous suite de dépens ».

B______ avait pour but social toutes opérations se rapportant directement ou indirectement à la prise de participations sous quelque forme que ce soit dans toutes sociétés ou entreprises luxembourgeoises ou étrangères, ainsi que l'administration et la gestion.

Les actifs de B______ se composaient de 6'838 actions cotées en bourse de D______, de titres de E______, ainsi que d'un compte courant auprès de la banque C______.

Au 31 décembre 2007, la valeur des actions cotées en bourse de D______ détenues par B______ se montait à CHF 1'198'843.-, ainsi qu'il ressortait du relevé du placement de F______ au 31 décembre 2007. E______, active dans le domaine immobilier, avait vendu tous ses actifs. Elle était devenue une coquille vide et devait être considérée comme inactive depuis le 12 mai 2006, selon le registre du commerce de Curaçao. Dès lors que les titres de cette société n'avaient plus de valeur en 2007, les actifs de B______ devaient être corrigés. Le compte courant ouvert auprès de C______ affichait un solde de EUR 1'890.73, soit, selon ce relevé, une contre-valeur CHF 3'130.39 au 31 décembre 2007.

La valeur de B______ devait être arrêtée à CHF 874.16 par action, ceci pour correspondre à sa réelle valeur intrinsèque de CHF 1'201'973.-. Ce montant correspondait aux actions D______ et au solde du compte détenu auprès de C______. Quant aux titres de la société E______, ces derniers n'avaient plus de valeur en 2007, ladite société ayant vendu tous ses actifs en 2002 et n'ayant plus eu d'activités par la suite.

Le montant de CHF 1'200'000.- correspondait à des objets personnels. Ceux-ci n'étaient pas imposables, ainsi que l'avait jugé le TAPI s'agissant de la taxation ICC 2006 des contribuables.

9) Dans sa réponse du 24 mars 2014, l'AFC a conclu, d'une part, à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'engageait à annuler l'ajout de CHF 1'200'000.- au niveau de la fortune des contribuables et, d'autre part, au rejet du recours.

L'AFC avait déterminé la valeur des actions de B______ en se fondant sur les « Instructions concernant l'estimation des titres non cotés en vue de l'impôt sur la fortune », éditées par la Conférence suisse des impôts et datées du 21 août 2006 (ci-après : la circulaire 28).

B______ était une société d'investissement. Les comptes annuels de cette société, clos en 2007, devaient être pris en considération pour évaluer les 1'375 actions des contribuables. Le total des fonds propres (CHF 5'724'414.60) moins la perte de l'exercice courant (CHF 2'102'181.99), aboutissait à une valeur intrinsèque arrondie à CHF 3'621'750.-, soit CHF 2'634.- par action.

Une imposition en transparence des titres contreviendrait aux principes d'estimation précités. Elle aurait pour conséquence d'éluder les fonds propres de la société composés en grande partie de réserves et du report du compte de résultat accumulé au fil des ans, qui demeurait positif en dépit des amortissements réalisés ces dernières années. L'AFC avait fait preuve de souplesse, dans la mesure où elle n'avait dégagé aucune réserve latente sur les participations.

10) Par lettre du 5 mai 2014, le TAPI a invité les contribuables à lui transmettre les comptes 2007 de E______ et à produire tout document apte à démontrer que cette société n'était qu'une coquille vide cette année-là.

11) Les contribuables ont répondu le 14 mai 2014. E______ avait vendu tous ses actifs immobiliers en 2002 et ne déployait plus d'activités depuis lors. Les derniers bilan et compte de profits et pertes avaient été établis en 2005. Cette société ne détenait plus d'actifs. Elle était considérée comme inactive depuis le 12 mai 2006 et avait été radiée. Ainsi qu'il ressortait d'une lettre annexée, G______ SA (ci-après : G______) n'avait plus facturé de frais de domiciliation concernant E______ et avait suspendu ses activités concernant cette société, le 6 mars 2006.

L'actif du bilan 2005 de E______ ne se composait que des pertes reportées et des débiteurs, le montant des créances se retrouvant au passif en tant que dettes envers la société mère. Ses produits ne comprenaient que d'autres revenus, qui équivalaient aux montants des dépenses.

12) Par jugement du 30 juin 2014, le TAPI a admis le recours des contribuables, et renvoyé le dossier à l'AFC pour nouvelle décision de taxation.

B______ était une société ayant pour but toutes opérations se rapportant directement ou indirectement à la prise de participations sous quelque forme que ce soit dans toutes sociétés ou entreprises, ainsi que l'administration et la gestion. Elle n'était pas cotée en bourse, de telle sorte que la valeur intrinsèque de cette société était déterminante pour évaluer ses actions.

Les actifs de B______ comprenaient notamment une participation dans la société E______, qu'elle avait comptabilisée pour CHF 2'440'000.- dans son bilan « luxembourgeois » au 31 décembre 2007. Ainsi qu'il ressortait du registre du commerce de Curaçao, cette société n'avait plus d'activité depuis le 12 mai 2006. Par ailleurs, selon son dernier bilan, qui datait de 2005, elle ne détenait aucun actif hormis des pertes reportées et des débiteurs. Elle n'avait réalisé aucun bénéfice. Il s'avérait ainsi qu'en 2007, E______ avait perdu toute valeur, si bien que la valeur vénale de cette participation devait être arrêtée à CHF 0.-. Il se justifiait dès lors, pour l'estimation des titres de B______, de prendre en compte la différence entre la valeur vénale (CHF 0.-) et la valeur comptable (CHF 2'440'000.-) des actions de E______.

Le cours fiscal des actions de B______ devait se calculer ainsi :

 

 

 

Capital-actions libéré

CHF 1'375'000.-

Bénéfice ressortant du bilan

CHF 2'109'732.-

Réserves ouvertes

CHF 137'500.-

Différence valeur vénale et valeur comptable

CHF 2'440'000.-

Valeur substantielle

CHF 1'182'232.-

Nombre d'actions

1'375

Valeur par action

CHF 859.81

Il s'ensuivait que la valeur de la participation détenue par les contribuables dans la société B______ devait être arrêtée à CHF 1'182'232.- (soit CHF 859.81 par action), au lieu de CHF 3'621'750.- (CHF 2'634.- par action) comme retenu par l'AFC.

13) Par acte déposé le 7 août 2014, l'AFC a interjeté recours contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à ce qu'il soit annulé et que la décision sur réclamation ICC 2007 du 18 novembre 2013 soit rétablie.

Elle a contesté l'estimation des titres non cotés de B______ telle que fixée par le TAPI. Ce dernier avait violé les art. 14 al. 1 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et 5 al. 2 de la loi sur l'imposition des personnes physiques - Impôt sur la fortune du 22 septembre 2000 (aLIPP-III - D 3 13) en s'écartant tant de la circulaire 28 que des états financiers 2007 de cette société. Il avait apprécié de manière arbitraire les faits pertinents en considérant que la participation détenue par B______ dans la société E______ n'avait aucune valeur.

Le TAPI s'était à tort écarté des comptes de la société B______ pour le calcul de sa valeur substantielle, en considérant qu'il y avait une réserve latente négative de CHF 2'440'000.- sur la participation dans E______.

Les normes comptables luxembourgeoises, qui découlaient de la quatrième directive comptable 78/660/CEE, prescrivaient le principe de prudence. Selon ce principe, tout événement qui risquait de diminuer la valeur du patrimoine de l'entreprise devait être pris en considération, de sorte que toutes moins-values latentes devaient être enregistrées. Il s'ensuivait que si la valeur de la société E______ avait réellement été nulle à la clôture des comptes 2006 déjà, le principe de prudence aurait commandé qu'un amortissement définitif de cette participation à hauteur de la dépréciation de sa valeur, à savoir CHF 2'440'000.-, fût enregistré en 2006 déjà, voire 2007. Ainsi, sauf à considérer que les états financiers de B______ n'étaient pas conformes au droit commercial luxembourgeois, ce qui n'avait pas été démontré par les contribuables, ni par le TAPI, il convenait de s'en tenir aux états financiers produits.

Le TAPI ne s'était basé sur aucune preuve tangible pour considérer que la valeur de la société E______ était nulle en 2007. Un extrait du registre du commerce de Curaçao, daté de 2014, et donc plus récent que celui produit par les contribuables, ne mentionnait aucune cessation d'activité. Ainsi, le fait que cette société ne fût pas radiée de ce registre montrait bien qu'elle était toujours active. Par ailleurs, il n'incombait pas au TAPI d'interpréter les comptes de la société E______, dans la mesure où seule la valeur des actions de B______ était en l'occurrence concernée et que des comptes avaient été déposés par cette dernière société pour l'exercice 2007.

Le TAPI aurait dû, comme l'avait fait l'AFC elle-même, se fonder sur la méthode préconisée par la circulaire 28, qui était applicable au présent litige. Selon celle-ci, les titres devaient être évalués à leur valeur intrinsèque, mais au minimum à leur valeur comptable. Il en résultait en l'espèce une valeur de CHF 2'634.- par action.

14) Dans leur réponse du 18 septembre 2014, les contribuables ont conclu, « avec suite de dépens », au maintien du jugement du TAPI du 30 juin 2014.

Dans son recours contre ce jugement, l'AFC concluait au rétablissement de la décision sur réclamation du 19 novembre 2013. Cela revenait implicitement à maintenir l'imposition du mobilier de ménage figurant au Code 16.62 de la déclaration d'impôt des contribuables, à concurrence de CHF 1'200'000.-. L'AFC s'était pourtant engagée dans sa réponse du 24 mars 2014 à dégrever ce montant. Il apparaissait ainsi vraisemblable que l'absence de référence à la non-imposition de ce mobilier de ménage relevait d'une inadvertance de l'AFC. Par conséquent, cette non-imposition devait être maintenue et le jugement du TAPI du 30 juin 2014 confirmé sur ce point.

Pour le surplus, les contribuables persistaient dans leurs conclusions de première instance. La circulaire 28 était déterminante en l'espèce. Concernant spécifiquement les titres et participations non cotés des sociétés holding pures, son ch. 31 précisait qu'ils devaient être estimés selon la circulaire 28, mais au minimum à leur valeur comptable, mais que l'on pouvait s'écarter de cette règle dans les cas qui le justifiaient. Cette règle s'appliquait tant aux titres non cotés étrangers que suisses. Ainsi, l'estimation des titres et participations non cotés pouvait s'écarter de leur valeur comptable.

Concernant les titres litigieux du cas d'espèce, le commissaire ayant examiné les comptes annuels de B______ SA 2007 avait émis une réserve au sujet de leur estimation. Ce dernier avait expressément relevé, dans un courrier signé du 28 mars 2008 faisant partie intégrante desdits comptes, que les états financiers audités de la participation E______ - figurant dans le poste « immobilisations financières » à concurrence de CHF 2'440'000.- ne lui avaient pas été soumis. Ledit commissaire n'avait dès lors pas pu se prononcer sur la valeur réelle de cet investissement. Une telle réserve figurait également en marge des comptes 2006 et 2008 de B______.

Cette réserve était justifiée. E______ avait vendu tous ses actifs immobiliers en 2002 et n'avait plus eu d'activité par la suite. Les derniers bilan et compte de pertes et profits avaient été établis pour l'exercice 2005, aucun état financier n'ayant été établi postérieurement à cette date. Les comptes 2005 faisaient uniquement ressortir des écritures strictement internes entre B______ et sa filiale E______ Cette dernière ne détenait plus d'actifs. Si elle n'avait pas été radiée, cela résultait d'une inadvertance des contribuables. Il n'en demeurait pas moins que E______ était officiellement considérée comme inactive depuis le 12 mai 2006, ce qui prouvait qu'elle n'avait plus d'activité depuis lors. Postérieurement à 2006, G______ n'avait plus facturé de frais de domiciliation concernant E______ et avait suspendu ses activités concernant la dite société le 6 mars 2006.

15) Par courrier du 8 août 2014, le TAPI a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler.

16) Par courrier du 24 octobre 2014, les contribuables ont déclaré renoncer à à déposer des observations complémentaires.

17) Par courrier du 24 octobre 2014, l'AFC a persisté dans ses conclusions.

18) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Il convient de déterminer le droit applicable, étant précisé que seul l'ICC est en cause dans la présente procédure.

3) Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 abroge les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à V).

L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010, et que les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l'ancien droit, même après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

En l'espèce, le recours concerne la période fiscale 2007. Il s'ensuit que la présente cause est régie par les dispositions de l'ancien droit (aLIPP-I à V).

4) Le litige porte sur l'estimation de la participation détenue par les contribuables dans la société B______, aux fins du calcul de leur impôt sur la fortune. En particulier, selon la recourante, c'est à tort que la juridiction inférieure s'est écartée des états financiers de B______, produits par les contribuables et réputés conformes au droit luxembourgeois, en procédant à l'interprétation des comptes de la société E______, détenue par B______.

5) Selon l'art. 13 al. 1 LHID, l'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette. Celle-ci est estimée en principe à la valeur vénale (art. 14 al. 1 LHID et 4 al. 2 aLIPP-III).

La valeur vénale correspond à la valeur à laquelle les titres peuvent être échangés sur le marché dans des conditions normales (arrêt du Tribunal fédéral du 25 mars 1974 in RDAF 1976 383 consid. 2).

Pour déterminer cette valeur, l'art. 5 al. 2 aLIPP-III pose des règles d'évaluation. Selon cette disposition, les actions, parts de coopératives et autres droits de participation non cotés en bourse sont évalués en fonction de la valeur de rendement de l'entreprise et de sa valeur intrinsèque.

Sous réserve d'exceptions visant des situations étrangères au cas d'espèce, la circulaire 28 est applicable, s'agissant du mode de calcul permettant de parvenir au but recherché par les art. 14 al. 1 LHID et 4 al. 2 aLIPP-III (art. 1 du règlement d'application de la aLIPP-III du 19 décembre 2001 - aRALIPP-III - D 3 13.01).

6) Le Tribunal fédéral a validé à de très nombreuses reprises l'application de la circulaire 28. Celle-ci n'a pas le caractère d'une loi ou d'une ordonnance, et relève de la catégorie des ordonnances administratives. Elle peut servir d'une manière générale de base d'estimation afin d'obtenir une évaluation uniforme des titres non cotés, à condition toutefois que les circonstances du cas particulier ne nécessitent pas de s'écarter de ce mode d'estimation schématique, voire ne l'excluent pas (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.3.1 et les arrêts cités ; ATA/303/2013 du 14 mai 2013 ; ATA/483/2012 du 31 juillet 2012 ; ATA/482/2012 du 31 juillet 2012).

En outre, la jurisprudence considère que selon l'observation faite, le cours des actions officiellement cotées en bourse dépend du rendement que ces dernières ont eu et qu'elles auront probablement, ainsi que de l'intensité du rendement de la société. Le cours est encore influencé par d'autres facteurs, comme la fortune de celle-ci, les liquidités de l'entreprise, la stabilité de l'exploitation, etc. Les mêmes facteurs entrent en considération pour l'estimation des titres non cotés. Le rendement n'influence cependant pas de la même manière la valeur d'une action dans les sociétés anonymes de famille ou qui n'ont qu'un unique actionnaire, et dans celles dont les actions sont répandues dans le public et auxquelles participent de nombreux actionnaires. L'effet serait moindre dans les premières que dans les secondes (Arrêt du Tribunal fédéral du 25 mars 1975 in RDAF 1976 383 ; ATA/303/2013 précité ; ATA/483/2012 précité ; ATA/482/2012 précité).

7) Concernant l'estimation des titres non cotés jusqu'au 31 décembre 2007, il convient d'appliquer la circulaire 28 dans sa teneur du 21 août 2006.

Celle-ci, applicable en l'espèce, prévoit que la valeur des holdings pures, des sociétés de gérance de fortune et des entreprises d'investissement correspond à sa valeur intrinsèque (ch. 46).

L'appréciation de la valeur intrinsèque se base sur les comptes annuels. Les actifs et passifs doivent être pris en considération dans leur intégralité. Seul le capital social versé est pris en considération pour l'estimation. Les passifs doivent être subdivisés en fonds étrangers et en fonds propres. Les réserves de crise, de réévaluation et de remplacement, les réserves latentes imposées ainsi que celles comptabilisées sous le poste « créanciers » seront également considérées comme des fonds propres (ch. 17-20).

S'agissant des actifs circulants, la circulaire 28 prévoit notamment que les titres cotés en bourse doivent être portés au bilan au cours de clôture du dernier jour de bourse et les titres négociés régulièrement hors bourse, au dernier cours disponible de la période fiscale correspondante (ch. 23). Les titres non cotés seront estimés d'après la circulaire 28, mais au minimum à leur valeur comptable ; on pourra s'écarter de cette règle dans les cas qui le justifient (ch. 24).

Les titres et les participations cotés en bourse doivent figurer au cours de clôture du dernier jour de bourse. Pour les titres et les participations négociés régulièrement hors bourse, on appliquera le dernier cours disponible de la période fiscale correspondante (§ 30). Les titres et participations non cotés seront estimés selon la circulaire 28, mais au minimum à leur valeur comptable ; on pourra s'écarter de cette règle dans les cas qui le justifient (ch. 31).

Les dettes résultant de ventes et de services ainsi que les emprunts doivent figurer à leur valeur nominale. Les provisions (y compris celles pour impôts) constituées en vue de couvrir des risques existants ou prévisibles à la date du bilan sont admises, pour autant qu'elles soient justifiées par l'usage commercial. Les corrections de valeurs, le ducroire en particulier, comptabilisés en vue de couvrir les charges et les pertes connues en date du bilan sont admis, pour autant qu'ils aient été acceptés par l'autorité chargée d'appliquer l'impôt fédéral direct (ch. 35-37).

Les titres étrangers cotés doivent figurer au cours de clôture du dernier jour de bourse, et les titres qui sont régulièrement négociés hors bourse doivent figurer au dernier cours disponible de la période correspondante. Les titres et participations étrangers non cotés seront estimés d'après la circulaire 28 (ch. 69 et 70).

8) Selon la jurisprudence fédérale, les comptes établis conformément aux règles du droit comptable lient les autorités fiscales et sont déterminants à cet égard, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices particulières (principe de déterminance ; ATF 137 II 353 consid. 6.2 ; ATF 136 II 88 consid. 3.1 ; 133 I 19 consid. 6.3 ; 132 I 175 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_499/2011 du 9 juillet 2012 consid. 4.4). Le droit comptable et le droit fiscal poursuivent en effet des objectifs différents, le premier étant orienté avant tout sur la protection des créanciers et le second recherchant une présentation qui fasse ressortir au mieux le résultat effectif et la réelle capacité contributive de l'entreprise. L'autorité fiscale peut s'écarter du bilan remis par le contribuable si le droit comptable n'est pas respecté ou si une base légale fiscale le prévoit. Les corrections consistent à remplacer des indications au bilan, non conformes au droit commercial, par des indications conformes. On admet que les autorités fiscales peuvent ainsi d'office procéder à des corrections de bilan (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 224 n. 2).

9) En l'espèce, la recourante fait valoir que l'estimation de la valeur intrinsèque de la société B______ devrait s'en tenir au principe de la déterminance, en se basant strictement sur les éléments comptables figurant au bilan de cette société. Cependant, au regard du principe de l'imposition en fonction de la capacité contributive, il demeure possible, pour l'autorité de taxation, de s'écarter des comptes présentés pour déterminer la valeur réelle de la société. La circulaire 28 citée plus haut le rappelle d'ailleurs à son § 31, prévoyant que l'estimation des titres et participations non cotés pourra s'écarter de leur valeur comptable dans les cas qui le justifient.

En conséquence, c'est à bon droit que la juridiction précédente a procédé à un examen de la valeur de la société E______ dans le but de déterminer éventuellement la valeur réelle de la société B______, au cas où cette valeur divergerait du montant retenu dans les comptes de B______.

10) La recourante fait ensuite valoir qu'aucun élément n'a été apporté par les contribuables prouvant la cessation d'activité de la société E______.

11) Selon un principe consacré, il incombe à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, alors que le contribuable supporte le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4 c.aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_477/2009 du 8 janvier 2010 consid. 3.5 et 2C_199/2009 du 14 septembre 2009 consid. 3.1 ; ATA/232/2014 du 8 avril 2014 ; ATA/532/2013 du 27 août 2013 et les références citées).

12) En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6ème éd., 2002, p. 403 s. ; Jean-Marc RIVIER, Droit fiscal suisse, L'imposition du revenu et de la fortune, 2ème éd., 1998, p. 139). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 et les références citées ; 2C_574/2009 du 21 avril 2010 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 ; 2A_374/2006 du 30 octobre 2006 consid. 4.2 ; ATA/558/2014 du 17 juillet 2014 ; ATA/226/2012 du 17 avril 2012 ; ATA/95/2012 du 21 février 2012 ; Martin ZWEIFEL, Die Sachverhaltsermittlung im Steuerveranlagungsverfahren, 1989, p. 109).

13) En l'espèce, les contribuables s'appliquent à démontrer que les états financiers de la société B______ qu'ils ont eux-mêmes produits ne correspondent pas à la valeur réelle de cette société. Ce faisant, ils tentent de démontrer la cessation d'activité de la société E______, détenue par B______, en apportant plusieurs indices.

Ils ont ainsi produit trois rapports du commissaire aux comptes de la société B______, portant sur les exercices 2006, 2007, 2008, qui indiquent que la valeur réelle de la participation E______, figurant aux comptes, n'a pas pu être vérifiée, les états financiers de cette société ne lui ayant pas été soumis ; un bilan et compte de pertes et profits de l'exercice 2005 de la société E______, indiquant des pertes reportées et des débiteurs, des créances dont le montant se retrouve au passif en tant que dettes envers B______, et des produits composés d'autres revenus équivalant aux montants des dépenses ; un extrait du registre du commerce de Curaçao concernant E______, daté du 2 août 2011, indiquant que les activités de la société auraient cessé dès le 12 mai 2006 ; un courrier du 6 mars 2006 de la société G______, invitant les contribuables à payer une créance d'honoraires facturés le 25 janvier 2006 pour des prestations en lien avec la société E______ ; et un courrier du 12 février 2007 de la société H______ portant sur la même créance.

Force est de constater que ces éléments ne sont pas propres à remettre en cause les états comptables de la société B______. En effet, ni les trois rapports du commissaire aux comptes de la société B______, ni le bilan et compte de pertes et profits de l'exercice 2005 de la société E______, ni les courriers des sociétés G______ et H______ ne sont de nature à apporter des indications sur la valeur au 31 décembre 2007 de la société E______. Quant à l'extrait du registre du commerce de Curaçao du 2 août 2011, celui-ci est contredit par un extrait plus récent produit par la recourante, lequel n'indique aucune cessation d'activité.

Par conséquent, les contribuables n'ont pas apporté d'éléments suffisamment probants qui commandent de s'écarter des comptes de la société B______, si bien que le grief de la recourante doit être admis.

14) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision sur réclamation de l'administration fiscale du 18 novembre 2013 rétablie.

15) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des contribuables, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 août 2014 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 juin 2014 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 juin 2014 ;

rétablit la décision sur réclamation de l'administration fiscale du 18 novembre 2013 ;

met à la charge de Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale à Me Sylvain Bogensberger, avocat des intimés, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance .

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :