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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/426/2013

ATA/9/2014 du 07.01.2014 ( EXPLOI ) , REJETE

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ; MANDATAIRE; REPRÉSENTATION EN PROCÉDURE; DROIT DU TRAVAIL; LOI FÉDÉRALE SUR LE TRAVAIL DANS L'INDUSTRIE, L'ARTISANAT ET LE COMMERCE; HORAIRE D'EXPLOITATION; MAGASIN; FONCTION; GÉRANT(SENS GÉNÉRAL)
Normes : LPA.60.leta; LPA.60.letb; LPA.64; LPA.9.al1; CO.12; CO.14.al1; LTr.1.al1; LTr.3.letd; LTr.18.al1; LTr.19; OLT1.21.al1; LHOM.1; LHOM.2; LHOM.4.letb; LHOM.9.al1; LHOM.9.al2; LHOM.9.al3; LHOM.9.al4; LHOM.16; LHOM.30.al1; LHOM.30.al2; LHOM.32; RHOM.1.al1; RHOM.1.al2; RHOM.1.al3; RHOM.1.al4
Résumé : Suite à différents contrôles révélant des doutes concernant l'exercice réel de la fonction dirigeante élevée de M. Y., l'OCIRT a décidé de procéder à un examen approfondi de la situation de ce dernier. Jusqu'à ce qu'une décision soit prise, M. Y. n'était pas autorisé à travailler les dimanches et les jours fériés. Lors des contrôles suivants effectués au magasin de la rue du G., le service a pu constater que M. Y. travaillait en-dehors des heures d'ouverture légales sans y être autorisé. Cette situation a entrainé plusieurs fermetures du magasin pour une durée de cinq jours, dix jours et quinze jours, cette dernière décision faisant l'objet du présent litige. L'attention de la recourante a été attirée à plusieurs reprises sur cette situation et compte tenu de ses antécédents, le service était légitimé à considérer que la LHOM avait été violée de manière répétée et à prononcer une fermeture d'une durée de quinze jours, cette sanction étant prévue par la loi et conforme au principe de proportionnalité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/426/2013-EXPLOI ATA/9/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 janvier 2014

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et Cie

représentée par Assistance tous travaux administratifs et comptables S.à r.l. (ATTAC GE), mandataire

contre

SERVICE DU COMMERCE



EN FAIT

1) Madame et Monsieur A______, exploitent deux magasins d’alimentation, boissons et tabacs aux adresses rue de B______ ______, Ville de Genève (ci-après : magasin de la rue de B______) et rue du G______ ______ , commune de Carouge (ci-après : magasin de la rue du G______), sous la société en nom collectif A______ et Cie (ci-après : la société A______). Jusqu’au 31 juin 2012, ils exploitaient également un magasin d’alimentation, boissons et tabacs à l’adresse promenade des X______ ______, commune de Meyrin (ci-après : magasin de la rue des X______).

2) Par courrier du 5 janvier 2012, le service du commerce (ci-après : le service), dépendant depuis le 11 décembre 2013 du département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département), a confirmé à la société A______ l’enregistrement de M. N______ en qualité de membre du personnel avec fonction dirigeante élevée du magasin de la rue de B______. Ce magasin pouvait être ouvert au-delà des heures d’ouverture légales des magasins, ainsi que le dimanche et les jours fériés, à condition que le service à la clientèle soit exclusivement assuré par M. N______

3) Le 27 avril 2012, le service a également confirmé à la société A_______ l’enregistrement de M. Y______ en qualité de membre du personnel avec fonction dirigeante élevée du magasin de la rue du G______. Ce magasin pouvait être ouvert au-delà des heures d’ouverture légales des magasins, ainsi que le dimanche et les jours fériés, à condition que le service à la clientèle soit exclusivement assuré par M. Y______.

4) Le vendredi 22 juin 2012 à 22h00, le service a procédé à un contrôle au magasin de la rue du G______. Selon le rapport dressé suite à ce contrôle et daté du 25 juin 2012, M. N______ travaillait seul à la caisse sans être habilité à travailler en dehors des heures légales d’ouverture dans ce magasin. Enregistré en qualité de fonction dirigeante élevée du magasin de la rue de B______ depuis le 5 janvier 2012, M. N______ ne travaillait plus dans ce magasin et avait été remplacé par M. Y______.

5) Par courrier du 29 juin 2012, le service a rappelé à la société A______ les heures de fermetures légales des commerces genevois. Seuls les employés exerçant des fonctions dirigeantes élevées au sein de l’entreprise, et qui s’étaient annoncés comme tels auprès du service, étaient habilités à travailler au-delà des heures d’ouverture légales, ainsi que le dimanche et les jours fériés.

La société A______ devait procéder à l’annonce des membres du personnel avec fonction dirigeante élevée pour le magasin de la rue du G______ en envoyant une déclaration dûment signée et validée par le service. Dans l’intervalle, le magasin de la rue du G______ ne pouvait pas rester ouvert après les heures d’ouverture légales, ainsi que le dimanche et les jours fériés, à moins que le service à la clientèle ne soit exclusivement assuré par une personne exerçant une fonction dirigeante élevée dans ce magasin et reconnue comme telle.

6) A la même date, par l’intermédiaire de la société Assistance tous travaux administratifs et comptables S.à r.l. (ci-après : la société ATTAC), la société A______ a écrit au service. Suite à une réorganisation au sein de l’entreprise, et pour une durée de deux mois, M. Y______ travaillerait en qualité de membre du personnel avec fonction dirigeante élevée du magasin de la rue de B______, et Monsieur K______ travaillerait en qualité de membre du personnel avec fonction dirigeante élevée du magasin de la rue du G______. L’exploitation du magasin de la rue des X______ serait interrompue dès le 1er juillet 2012.

Ce courrier était signé uniquement par une collaboratrice de la société ATTAC.

7) Le samedi 14 juillet 2012 à 21h55, le service a procédé à un nouveau contrôle au magasin de la rue du G______. Selon le rapport dressé suite à ce contrôle et daté du 25 juillet 2012, Monsieur Z______ travaillait seul à la caisse sans être habilité à travailler en dehors des heures d’ouverture légales dans ce magasin.

8) Le jeudi 2 août 2012 à 22h05, le service a procédé à un troisième contrôle au magasin de la rue du G______. Selon le rapport dressé suite à ce contrôle et daté du 7 août 2012, Monsieur H______ travaillait seul à la caisse sans être habilité à travailler en dehors des heures légales d’ouverture dans ce magasin.

9) Le 3 août 2012, l’office cantonal de l’inspection et de relation du travail (ci-après : OCIRT), a écrit à la société A______. Les déclarations de fonctions dirigeantes élevées de MM. K______, Y______ et M. N______ faisaient l’objet d’un examen approfondi. Afin de pouvoir se prononcer, il souhaitait connaître leur pouvoir d’engager la société, l’étendue de leur pouvoir décisionnel, leur participation au chiffre d’affaire, le libre choix de leurs horaires et leurs vacances ou tout autre élément permettant de constater, au-delà des simples affirmations, qu’ils exerçaient de manière effective une fonction dirigeante élevée.

Jusqu’à ce qu’une décision soit prise, ces personnes n’étaient pas autorisées à travailler les dimanches et les jours fériés.

10) Par décision du 10 août 2012 remise en mains propres, le service a ordonné la fermeture du magasin de la rue du G______ avec effet immédiat pour une durée de cinq jours, soit du 10 août 2012 à 15h30 au 15 août 2012 à 15h30. Ce dernier était exploité en violation des prescriptions légales applicables aux heures d’ouverture des magasins, et ce de manière répétée.

Cette décision était exécutoire nonobstant recours.

11) Le dimanche 9 septembre 2012 à 11h15, le service a procédé à un nouveau contrôle au magasin de la rue du G______. Selon le rapport dressé suite à ce contrôle et daté du 27 septembre 2012, M. Z______ travaillait seul à la caisse sans être habilité à travailler en dehors des heures légales d’ouverture dans ce magasin.

12) Le samedi 6 octobre 2012 à 18h35, le service a procédé à un nouveau contrôle au magasin de la rue du G______. Selon le rapport dressé suite à ce contrôle et daté du 9 octobre 2012, M. Y______ travaillait seul à la caisse sans être habilité à travailler en dehors des heures légales d’ouverture dans ce commerce. L’OCIRT n’avait pas encore statué sur sa déclaration de fonction dirigeante élevée dans ce magasin.

Lors de ce contrôle, M. Y______ avait déclaré qu’il devait travailler également le lendemain, soit le dimanche 7 octobre 2012.

13) Par décision du 19 octobre 2012 remise en mains propres, le service a ordonné la fermeture du magasin de la rue du G______ avec effet immédiat pour une durée de dix jours, soit du 19 octobre 2012 à 15h30 au 29 octobre 2012 à 15h30. Ce dernier était exploité en violation des prescriptions légales applicables aux heures d’ouverture des magasins, et ce de manière répétée.

Cette décision était exécutoire nonobstant recours.

14) Le 21 novembre 2012, par l’intermédiaire de la société ATTAC, la société A______ a écrit au service. Suite à la période de flottement qui avait eu lieu durant l’été dans le cadre de la gestion de leurs magasins, elle priait le service de bien vouloir confirmer l’enregistrement de M. N______ en qualité d’employé avec fonction dirigeante du magasin de la rue de B______, ainsi que l’enregistrement de M. Y______ en qualité d’employé avec fonction dirigeante du magasin de la rue du G______.

Le courrier était signé uniquement par une collaboratrice de la société ATTAC.

15) Par courrier 28 novembre 2012 envoyé à l’adresse de la société ATTAC, le service a répondu à la société A______. MM. N______ et Y______ n’avaient pas été enregistrés en tant que membres du personnel avec fonction dirigeante élevée dans la mesure où la société A______ n’avait pas communiqué les renseignements complémentaires demandés par l’OCIRT en date du 3 août 2012. A ce jour, ces personnes ne pouvaient pas être employées au-delà des heures de fermeture normales des magasins, ainsi que les dimanches et les jours fériés.

16) Le 11 décembre 2012, le service a fait parvenir à la société ATTAC une copie du courrier envoyé le 3 août 2012 par l’OCIRT, qui était resté sans réponse. Les déclarations de fonction dirigeantes élevées établies en faveur de MM. N______ et Y______ étaient suspendues. Vu les changements récemment intervenus dans le cadre de la gestion des points de vente de la société, cette dernière était invitée à procéder à une nouvelle annonce de ses travailleurs, à laquelle elle devait joindre une copie de leurs contrats de travail, un extrait original du registre du commerce de la société, ainsi que tous documents permettant de constater que MM. N______ et Y______ disposaient d’un pouvoir de décision important dans l’entreprise. Dans l’intervalle, ces personnes n’étaient pas habilitées à travailler au-delà des heures d’ouverture légales des magasins.

17) Le 19 décembre 2012, la société A______ a transmis au service de nouveaux formulaires de déclaration de fonction dirigeante élevée établis en faveur de M. N______ pour le magasin de la rue de B______, et de M. Y______ pour le magasin de la rue du G______, auxquels étaient joints les avenants de leurs contrats de travail, réglant la question de leurs responsabilités au sein de ces magasins.

18) Le samedi 11 janvier 2013 à 22h35, le service a procédé à un nouveau contrôle au magasin de la rue du G______. Selon le rapport dressé suite à ce contrôle et daté du 15 janvier 2013, M. Y______ répondait à la clientèle du magasin sans être habilité à travailler en dehors des heures légales d’ouverture dans ce magasin.

Lors de ce contrôle, M. Y______ avait déclaré qu’il travaillait jusqu’à la fermeture du commerce fixée ce soir-là à minuit.

19) Par courrier non signé déposé le 14 janvier 2013 au guichet du service, la société A______ a prié le service de procéder à l’enregistrement de M. N______ en tant qu’employé avec responsabilités pour le magasin de la rue de B______, et à celui de M. Y______ en tant qu’employé avec responsabilités pour le magasin de la rue du G______.

20) Par décision du 1er février 2013 remise en mains propres, le service a ordonné la fermeture du magasin de la rue du G______ avec effet immédiat pour une durée de quinze jours, soit du 1er février 2013 à 15h30 au 16 février 2013 à 15h30. Ce dernier était exploité en violation des prescriptions légales applicables aux heures d’ouverture des magasins, et ce de manière répétée.

Cette décision était exécutoire nonobstant recours.

21) Par courrier du 4 février 2013 envoyé à l’adresse de la société ATTAC, le service a répondu sous la plume de Monsieur C______, chef de l’inspectorat, au courrier de la société A______ du 14 janvier 2013. Les déclarations de fonction dirigeante élevée concernant MM. N______ et Y______ devaient être classées sans suite. Après examen des deux formulaires de déclaration de fonction dirigeante élevée établis en leur faveur, ainsi que des avenants à leurs contrats de travail, ces personnes ne remplissaient pas les conditions nécessaires pour être enregistrées en tant que membres du personnel avec fonction dirigeante élevée. Les revirements incessants de la société dans le cadre de l’annonce de ses travailleurs avaient conduit à deux décisions de fermeture du magasin de la rue du G______ le 11 août 2012 pour une durée de cinq jours, et le 19 octobre 2012 pour une durée de dix jours, ainsi qu’à un examen approfondi des responsabilités de MM. N______ et Y______. Le fait d’être un employé avec responsabilités n’était pas suffisant pour remplir les conditions strictes posées par la jurisprudence.

22) Par pli recommandé du 4 février 2013, la société A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du service du 1er février 2013. Elle a conclu à son annulation « de toute urgence » et au prononcé de l’autorisation pour MM. N______ et Y______ à travailler en tant que membres du personnel avec fonction dirigeante élevée.

L’année 2012 avait été une période de tests lors de laquelle, elle avait déplacé les responsables de ses magasins à plusieurs reprises afin de déterminer lequel était le plus apte à gérer chacun de ses différents magasins. Suite à ces tests, elle avait décidé de confier définitivement le magasin de la rue de B______ à M. N______ et le magasin de la rue du G______ à M. Y______. Les formulaires de déclaration de fonction dirigeante élevée établis en faveur de ces personnes n’ayant pas été jugés suffisants par le service, elle avait conclu avec MM. N______ et Y______ des avenants à leur contrat de travail réglant clairement leurs responsabilités. Elle avait fait parvenir ces documents au service le 19 décembre 2012 avec des nouveaux formulaires de déclaration de fonction dirigeante élevée dûment remplis.

La décision du 1er février 2013 se basait sur des correspondances et des contrôles antérieurs à la nouvelle demande présentée le 19 décembre 2012. Alors qu’il n’avait pas daigné répondre à cette nouvelle demande envoyée en bonne et due forme, le service revenait sans cesse de manière abusive sur ces périodes de tests. M. C______ était particulièrement récalcitrant à reconnaître les rôles et responsabilités confiés à MM. N______ et Y______ dans la gestion des magasins de la rue de B______ et de la rue du G______.

23) Par deux décisions séparées du 6 février 2013 envoyées à la société A______ , le service a refusé d’entrer en matière sur la déclaration de fonction dirigeante élevée de M. Y______ pour le magasin de la rue du G______, ainsi que sur celle de M. N______ pour le magasin de la rue de B______. Compte tenu du montant de leurs salaires, de leurs taux d’activité, de leurs fonctions dans l’entreprise, de l’absence de pouvoirs de représentation et du risque économique non assuré en cas de déficit de l’entreprise, il n’était nullement démontré que MM. Y______ et N______ disposaient d’un pouvoir de décision important ou étaient en mesure d’influencer fortement des décisions de portée majeure concernant notamment la structure, la marche des affaires et le développement de la société.

24) Par courrier du 7 février 2013 envoyé à l’adresse de la société ATTAC, le juge délégué a demandé à la société A______ quelles étaient les personnes ayant signé le recours interjeté le 4 février 2013 et quelle était la formation et l’expérience de la collaboratrice signant la correspondance de la société ATTAC. Il demandait également si les mots « de toute urgence » utilisés dans le recours devaient être interprétés comme une requête en restitution de l’effet suspensif au sens de l’art. 60 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

25) Le même jour, par l’intermédiaire de la société ATTAC, la société A______ a écrit à la chambre administrative. M. C______ avait décidé de classer sans suite les déclarations déposées au guichet du service le 14 janvier 2013 alors que celles-ci ne lui étaient pas adressées directement. Un nouveau dossier relatif aux fonctions dirigeantes élevées de MM. N______ et Y______ avait été déposé le 19 décembre 2012. Tous les éléments de faits antérieurs à cette date n’étaient plus pertinents. Vu les responsabilités assumées par M. N______ depuis de nombreuses années, l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) avait exigé qu’il s’inscrive comme indépendant au registre du commerce. C’était bien la preuve que M. N______ devait être considéré comme une personne avec responsabilités. M. Y______ assumait les mêmes responsabilités que M. N______ Le statut d’employé avec fonction dirigeante élevée devait leur être reconnu.

Ce courrier était signé uniquement par une collaboratrice de la société ATTAC.

26) Le 8 février 2013, la société ATTAC a répondu aux questions du juge délégué. Elle assistait ses clients dans toutes leurs correspondances, ainsi que dans la tenue de leur comptabilité et de leurs documents fiscaux. Une assistance en cas de décision incompréhensible d’instances publiques et semi-publiques, et en cas de litige avec les fournisseurs, était également fournie. Ses collaborateurs ne disposaient pas du brevet d’avocat ou d’une formation de juriste mais ils avaient suivi des cours de droit dans le cadre de la formation menant au certificat fédéral de spécialiste en finance et comptabilité.

Le recours interjeté le 4 février 2013 avait été signé par une collaboratrice de la société ATTAC et contresigné pour accord par M. A______.

La fermeture du magasin de la rue du G______ plaçait M. Y______ dans une situation de grande précarité. Ne pouvant pas travailler, il devait se résoudre à aller demander l’aide sociale. Une semaine s’était déjà écoulée depuis que le service avait ordonné la fermeture du magasin. La société A______ et M. Y______ demandaient l’annulation rapide de cette décision.

27) Par pli recommandé du 12 février 2013, la société A______ a interjeté deux recours séparés auprès de la chambre administrative contre les décisions du service du 6 février 2013 refusant d’entrer en matière sur les déclarations de fonction dirigeante élevée de MM. N______ et Y______.

28) Le 15 février 2013, le service a conclu au refus de la restitution de l’effet suspensif à la décision du 1er février 2013. Dans la mesure où la réouverture du magasin ne serait possible que la veille de l’échéance de la décision querellée, la restitution de l’effet suspensif n’assurerait pas à la société A______, ni à M. Y______, la sauvegarde de leurs intérêts. En tout état de cause, les conditions d’une restitution de l’effet suspensif n’étaient pas réalisées. Les intérêts privés de la société A______ et de M. Y______ n’étaient pas prépondérant par rapport à l’intérêt public au respect de l’interdiction de travail nocturne et dominical. Le maintien de la mesure litigieuse jusqu’à son échéance n’entraînait pas de préjudice irréparable pour les intéressés.

29) Par décision du 15 février 2013 (ATA/84/2013), le vice-président de la chambre administrative a admis la demande de restitution de l’effet suspensif au recours interjeté le 4 février 2013. L’intérêt privé des intéressés, de nature économique, devait manifestement être reconnu, et ce même si la sanction avait été largement exécutée. Les intérêts publics mis en avant par le service n’apparaissaient pas déterminants à première vue. L’exécution d’une sanction avant que cette dernière ne soit définitive et exécutoire n’était en règle général pas justifiée et rendait le recours vide de sens dès lors qu’elle était le plus souvent entièrement exécutée avant que la chambre administrative n’ait pu trancher le litige. Si la sanction devait être confirmée, elle pourrait être exécutée au terme de la procédure.

30) Le 18 février 2013, la société ATTAC a écrit au juge délégué. Les différents documents qu’elle avait envoyés à la chambre administrative dans le cadre de son litige avec le service constituaient la documentation relative à l’analyse du fond de l’affaire et concernaient tous le même dossier. Ces documents devaient être tous regroupés sous la cause A/426/2013 et non pas être enregistrés sous de nouveaux numéros de cause.

31) Par courrier du 19 février 2013 envoyé à l’adresse de la société ATTAC, le juge délégué a écrit à la société A______.

Le 1er février 2012, le service avait notifié à la société A______ une première décision ordonnant la fermeture immédiate du commerce d’alimentation. Cette décision avait fait l’objet d’un recours enregistré au rôle de la chambre administrative sous le numéro A/426/2013.

Le service avait notifié à la société A______ une deuxième décision le 6 février 2013, aux termes de laquelle il refusait d’entrer en matière sur la déclaration de fonction dirigeante élevée établie en faveur de M. Y______, concernant le magasin de la rue du G______. Cette décision avait également fait l’objet d’un recours par acte du 12 février 2013 et la procédure avait été enregistrée sous le numéro A/565/2013. L’acte de recours n’était pas contresigné par M. ou Mme A______. Dès lors que des doutes quant à la qualité de mandataire professionnellement qualifié de la société ATTAC existaient, il était plus prudent que l’un des époux A______ se présente au greffe de la chambre administrative dans le délai de recours afin de contresigner ledit recours.

Le 6 février 2013, une troisième décision avait été notifiée par le service à la société A______ aux termes de laquelle il refusait d’entrer en matière sur la déclaration de fonction dirigeante élevée établie en faveur de M. N______, concernant le magasin de la rue de B______. Cette décision avait également fait l’objet d’un recours par acte daté du 12 février 2013 et la procédure avait été enregistrée sous le numéro A/566/2013. L’acte de recours avait été dûment contresigné par M. A______.

Dès lors que le service avait rendu trois décisions, chacune d’elle ayant fait l’objet d’un recours, il était normal que trois procédures aient été ouvertes et que trois avances de frais aient été requises. Si la jonction ultérieure des causes pouvait être envisagée, elle n’apparaissait pas souhaitable en l’état dès lors que des questions de recevabilité se posaient pour le recours enregistré sous le numéro de cause A/565/2013.

32) Par courrier du 20 février 2013, la société ATTAC a repris les éléments avancés dans son courrier du 18 février 2013 et prié le juge délégué de lui confirmer la jonction des causes A/426/2013, A/565/2013 et A/566/2013 sous le numéro de cause unique A/426/2013.

33) Par lettre du 1er mars 2013, le juge délégué a maintenu les termes de son courrier du 19 février 2013.

34) Le 27 mars 2013, le service a conclu au rejet du recours interjeté le 4 février 2013 dans la mesure où il était recevable. Bien qu’elle ne dispose pas de la qualité de mandataire professionnellement qualifié nécessaire pour le faire, la société ATTAC ne se limitait pas à formuler les griefs de la société A______ mais visait la défense de cette dernière.

M. Y______ avait travaillé en dehors des heures d’ouvertures normales des magasins bien que sa déclaration de fonction dirigeante élevée n’ait pas encore été enregistrée auprès du service. L’attention des intéressés avait été attirée à plusieurs reprises sur cette situation. En continuant à employer M. Y______ en dehors des heures légales d’ouvertures des magasins, la société A______ avait sciemment contrevenu à la législation et aux injonctions données par les autorités. La gravité ou la réitération des infractions précédentes justifiant le prononcé de la mesure litigieuse, il n’était pas abusif de se référer à des faits antérieurs à l’infraction constatée.

35) Le 8 avril 2013, le juge délégué a informé la société A______ que l’instruction de la cause était close et que, passé le 8 mai 2013, la cause serait gardée à juger, sauf requête supplémentaire. Elle n’a pas fait usage de cette faculté.

36) Le 16 avril 2013, la société A______ a retiré son recours interjeté le 12 février 2013 contre la décision du service du 6 février 2013, refusant l’entrée en matière sur la déclaration de fonction dirigeante élevée de M. Y______ pour le magasin de la rue du G______.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 LPA).

2) a. A teneur de l’art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/199/2013 du 26 mars 2013; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 et les références citées).

b. En l’espèce, dans la mesure où la décision litigieuse a été notifiée à la société, la chambre de céans admettra la qualité pour agir de celle-ci, bien qu’en tant que société en nom collectif, elle ne dispose pas du statut de personne morale.

3) a. En vertu de l'article 64 LPA, le recours est formé par écrit et adressé à la juridiction administrative appelée à en connaître.

A teneur des art. 12 ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) et notamment de l’art. 14 al. 1 CO, la forme écrite implique que la signature doit être écrite à la main par celui qui s'oblige.

De jurisprudence constante, la signature olographe originale est une condition nécessaire que doit respecter tout acte pour être considéré comme un recours (ATA/12/2006 du 10 janvier 2006 et les références citées).

b. Selon l’art. 9 al. 1 LPA, les parties, à moins qu’elles ne doivent agir personnellement ou que l’urgence ne le permette pas, peuvent se faire représenter par un conjoint, un ascendant ou un descendant majeur, respectivement par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié pour la cause dont il s’agit.

L’aptitude à agir comme mandataire professionnellement qualifié devant la chambre administrative doit être examinée de cas en cas, au regard de la cause dont il s’agit, ainsi que de la formation et de la pratique de celui qui entend représenter une partie à la procédure. Il convient de se montrer exigeant quant à la preuve de la qualification requise d’un mandataire aux fins de représenter une partie devant la chambre administrative, dans l’intérêt bien compris de celle-ci et de la bonne administration de la justice (ATF 125 I 166 consid. 2b/bb ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P 416/2004 du 28 septembre 2004 consid. 2.2, confirmant l’ATA/418/2004 du 18 mai 2004). Pour recevoir cette qualification, les mandataires doivent disposer de connaissances suffisantes dans le domaine du droit dans lequel ils prétendent être à même de représenter une partie (ATA/14/2013 du 8 janvier 2013 consid. 2b ; ATA/330/2005 du 10 mai 2005 consid. 1).

c. En l’espèce, contrairement à un certain nombre d’autres courriers portant uniquement la signature d’une collaboratrice de la société ATTAC sans bénéficier d’une procuration attestant de son pouvoir de représentation, le recours interjeté le 4 février 2013 a été contresigné par M. A______. De plus, la question de la qualité de mandataire professionnellement qualifié de la société ATTAC peut demeurer ouverte au vu de ce qui suit.

4) La loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11) s’applique, sous réserve des art. 2 à 4, à toutes les entreprises publiques et privées (art. 1 al. 1 LTr).

Sont notamment exclus du champ d’application de la LTr les travailleurs exerçant une fonction dirigeante élevée (art. 3 let. d LTr).

5) Aux termes de l’art. 18 al. 1 LTr, du samedi à 23h00 au dimanche à 23h00, il est interdit d’occuper des travailleurs. Les dérogations prévues à l’art. 19 LTr sont réservées.

Le jour de repos hebdomadaire est, sauf exception, le dimanche (art. 21 al. 1 de l'ordonnance 1 relative à la loi sur le travail du 10 mai 2000 - OLT 1 – RS 822.111).

6) La loi sur les heures d’ouverture des magasins du 15 novembre 1968 (LHOM - I 1 05) s’applique à tous les magasins sis sur le territoire du canton de Genève (art. 1 LHOM). Le département dont dépend le service est chargé de son application (art. 2 LHOM).

7) L’art. 4 let. b LHOM prévoit que les magasins ne sont pas assujettis, à condition qu'ils n'occupent pas de personnel les dimanches et jours fériés légaux, ainsi qu'au-delà des heures de fermeture normales des magasins ; ne sont pas considérés comme du personnel au sens de cette disposition les travailleurs exerçant une fonction dirigeante élevée au sens de la LTr et qui sont tenus de s'annoncer au département.

8) Sous réserve des régimes particuliers et des dispositions relatives aux fermetures retardées, l’heure de fermeture ordinaire des magasins est 19h00 (art. 9 al. 1 LHOM). L’heure de fermeture du vendredi est 19h30 (art. 9 al. 2 LHOM). Celle du samedi est 18h00 (art. 9 al. 3 LHOM). Les magasins peuvent rester ouverts un soir par semaine jusqu’à 21h00 (art. 14 LHOM).

Sous réserve de dispositions particulières de la LHOM, tous les magasins qui ne sont pas au bénéfice d’une disposition dérogatoire de l’ordonnance 2 relative à la loi sur le travail du 10 mai 2000 (OLT 2 - RS 822.112) doivent être fermés le dimanche et les jours fériés légaux (art. 16 LHOM).

9) Tout exploitant, gérant ou mandataire responsable d’un magasin est tenu de fournir en tout temps, sur demande, tous renseignements utiles pour l’exécution de la LHOM et de son règlement, au département ou aux agents désignés par lui à cet effet (art. 30 al. 1 LHOM). Les travailleurs exerçant une fonction dirigeante élevée au sens de l’art. 3 let. d LTr, visés par l’art. 4 let. b LHOM, sont tenus de s'annoncer au département (art. 30 al. 2 LHOM).

Ils remplissent à cet effet une déclaration ad hoc sur le formulaire édicté par le service. Tout changement de situation susceptible de modifier l'une ou l'autre des informations ainsi transmises au service doit lui être immédiatement communiqué (art. 1 al. 1 règlement d'exécution de la loi sur les heures d'ouverture des magasins du 21 février 1969 - RHOM - I 1 05.01). Le service peut en tout temps exiger la production d'autres documents justifiant la fonction dirigeante élevée (art. 1 al. 2 RHOM). A la demande du service, et en cas de doute de ce dernier concernant l'exercice réel d'une fonction dirigeante élevée au sens de la LTr, l’OCIRT donne son avis (art. 1 al. 3 RHOM). Le service tient un registre des déclarations des travailleurs exerçant une fonction dirigeante élevée (art. 1 al. 4 RHOM).

10) Indépendamment des sanctions pénales prévues à l’art. 34, le département peut ordonner le retrait de l’autorisation ou la fermeture pour une durée de deux semaines au plus, de tout magasin ou exposition dont l’exploitant aurait contrevenu de manière grave ou répétée aux dispositions de la LHOM ou de son règlement (art. 32 LHOM).

11) En l’espèce, suite à différents contrôles révélant des doutes concernant l'exercice réel de la fonction dirigeante élevée de M. A______, l’OCIRT a décidé de procéder à un examen approfondi de la situation de ce dernier. Jusqu’à ce qu’une décision soit prise, M. Y______ n’était pas autorisé à travailler les dimanches et les jours fériés. Lors des contrôles suivants effectués au magasin de la rue du G______, le service a pu constater que M. Y______ travaillait en-dehors des heures d’ouverture légales sans y être autorisé. Cette situation a entrainé plusieurs fermetures du magasin pour une durée de cinq jours, dix jours et quinze jours, cette dernière décision faisant l’objet du présent litige.

L’attention de la recourante a été attirée à plusieurs reprises sur cette situation et compte tenu de ses antécédents, le service était légitimé à considérer que la LHOM avait été violée de manière répétée et à prononcer une fermeture d'une durée de quinze jours, cette sanction étant prévue par la loi et conforme au principe de proportionnalité.

12) Dans la mesure où le recours interjeté le 12 février 2013 contre le refus de l’entrée en matière du service sur sa déclaration a été retiré par la recourante, l’enregistrement de M. Y______ en qualité de membre du personnel avec fonction dirigeante élevée ne sera pas traité par la chambre de céans, ce point ne faisant plus partie du litige.

13) Au vu de ce qui précède, le recours devra être rejeté.

14) Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA)

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 février 2013 par A______ et Cie contre la décision du service du commerce du 1er février 2013 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A_____ et Cie un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et Cie, représentée par Assistance tous travaux administratifs et comptables S.à r.l. (ATTAC GE), mandataire, ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :