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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2577/2016

ATA/861/2019 du 30.04.2019 sur JTAPI/1298/2017 ( ICC ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : PRESCRIPTION ; ASSUJETTISSEMENT(IMPÔT) ; SUCCESSION ; HÉRITIER LÉGAL ; IMPOSITION SELON LA CAPACITÉ ÉCONOMIQUE ; IMPÔT SPÉCIAL ; PRIMAUTÉ DU DROIT FÉDÉRAL ; VALEUR VÉNALE(SENS GÉNÉRAL) ; IMPÔT SUR LES SUCCESSIONS ET LES DONATIONS ; CALCUL DE L'IMPÔT ; FARDEAU DE LA PREUVE ; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LDS.73.al1.letd; LDS.73.al2; LDS.73.al3; LDS.1.al1; LDS.1.al2.leta; LDS.2.al1; LDS.8.al1; LDS.11.al1 1ère phr; Cst.3; Cst.9; Cst.5.al1; Cst.127.al1; Cst.127.al2; LDS.53.al1; LDS.54.al1; LDS.56
Résumé : Rejet du recours d'une héritière instituée recourant contre le bordereau de succession. Les actifs d'une fondation de droit liechtensteinois, lesquels avaient été pris en compte dans le patrimoine du défunt en application du principe de la transparence, doivent également être pris en compte dans les actifs de la succession, à leur valeur au jour du décès. Le fait que la recourante n'est aucun pouvoir de contrôle sur la fondation est sans incidence. L'administration est par ailleurs en droit de solliciter le paiement de l'entier des droits de succession auprès de la recourante en vertu du principe de solidarité de l'art. 54 al. 1 LDS, lequel n'est pas conditionné au principe de subsidiarité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2577/2016-ICC ATA/861/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 avril 2019

4ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Philippe Pulfer, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
11 décembre 2017 (JTAPI/1298/2017)


EN FAIT

1) a. Monsieur B______ (ci-après : le défunt), résidant genevois veuf et sans enfant, est décédé à Genève le ______2007.

b. À teneur de son testament olographe daté du 15 novembre 2004, il a prévu deux legs, francs de droits de succession, soit CHF 300'000.- en faveur de sa soeur ainsi que tous ses livres en faveur de son neveu, tous deux domiciliés en C______. Il a institué comme seule et unique héritière, Madame A______, domiciliée aux D______.

2) Le 15 mai 2007, Mme A______ a requis le bénéfice d'inventaire de la succession. Par ordonnance de la Justice de paix du 7 juin 2007, Maître E______, notaire, a été désignée pour dresser l'inventaire de la succession.

3) a. Un premier inventaire a été dressé par Me E______ les 4 et 11 mars 2008. À teneur de celui-ci, les actifs et passifs de la succession s'élevaient à respectivement CHF 5'625'422.91 et CHF 12'464'973.98. Ce dernier montant prenait en compte une créance de la société F______ de
CHF 12'409'582.98.

b. Mme A______, en sa qualité d'unique héritière, a contesté les prétentions formulées par F______.

c. Par ordonnance du 16 octobre 2008, la Justice de paix a suspendu la procédure en bénéfice d'inventaire de la succession jusqu'à droit jugé au fond sur la créance de F______.

4) Par courriers recommandés du 11 novembre 2011, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a ouvert une procédure de rappel d'impôt concernant le défunt pour les années fiscales 2001 à 2007. Il apparaissait que ce dernier avait omis de déclarer des prestations d'activités lucratives de sociétés et fondations offshore qu'il détenait directement ou indirectement, à savoir : G______, H______ (ci-après : H______), I______ (ci-après : I______), J______, K______ et L______ (ci-après : L______).

5) Par courriers des 2 décembre 2011, 7 février 2012 et 22 mars 2012,
Mme A______ a apporté différentes explications sur les entités précitées. Le défunt avait fondé la fondation H______, laquelle détenait I______, L______ et K______. Cette dernière était propriétaire de la maison à M______ (D______) dans laquelle elle habitait. J______ avait été vendue par H______. G______ était, quant à elle, entrée en liquidation en mai 1999.

Elle a notamment transmis les comptes consolidés de H______ de 2001 à 2007, les bilans de L______ de 2001 à 2006 ainsi que les « By-Laws » de H______ datés du 30 mars 2007 (ci-après : les statuts), rédigés en anglais, instituant le défunt comme premier et seul bénéficiaire de H______ (art. 1) et prévoyant les dispositions suivantes après son décès (art. 2, dont la teneur de la traduction n'est pas contestée par les parties) :

1)      Mme A______ deviendra propriétaire de K______, laquelle est propriétaire de la maison qu'elle occupe. Cette dernière a le droit d'y vivre aussi longtemps qu'elle le souhaite et elle peut aussi vendre l'immeuble et percevoir le produit de cette vente ;

2)      une somme de CHF 2'000'000.- devra être versée au directeur du N______, O______ à P______ (C______) ;

3)      une somme de CHF 1'000'000.- devra être versée à Q______ à R______ (C______) ;

4)      une somme de CHF 675'000.- devra être versée à Madame S______ à T______ (C______) ;

5)      une somme de CHF 200'000.- devra être versée à Madame U______ à Genève (Suisse) ;

6)      le solde disponible auprès de H______, après paiement des sommes susmentionnées, devra être versé à Mme A______.

L'art. 4 des statuts indiquait encore : « The Beneficiaries shall have no legally enforceable rights against the Foundation. Any Beneficiary who contests the validity of the Foundation or any condition included in the Articles or Regulations shall immediately lose any rights they may have had, to the benefit of the remaining Beneficiaries of the Foundation ».

6) Par courrier recommandé du 23 juillet 2012, l'AFC-GE a clos la procédure de rappel d'impôt des années 2001 à 2007 et notifié les bordereaux de rappel d'impôt pour les années 2001 à 2007.

À teneur de l'avis de taxation rectificatif pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2007 du même jour, la fortune imposable du défunt au jour de son décès (7 avril 2007) s'élevait à CHF 11'043'417.-. Selon le procès-verbal joint en annexe, la reprise de fortune s'élevait, pour l'année 2007, à CHF 6'821'859.-. Ce montant était composé des avoirs suivants : CHF 2'977'588.- (H______) ;
CHF 1'044'314.- (L______) ; CHF 2'799'957.- (I______), moins CHF 2.- (2 x CHF 1.- de capital initial de ces deux entités).

Non contestés, les bordereaux de rappel d'impôt sont entrés en force.

7) Par arrêt du 3 décembre 2013, le Tribunal fédéral a définitivement rejeté les prétentions de F______ contre l'hoirie.

8) Par ordonnance du 20 février 2013, la Justice de paix a notamment prononcé la reprise de la procédure en bénéfice d'inventaire et a invité Me E______ à modifier en conséquence l'inventaire de la succession.

9) Par courrier de son conseil du 26 février 2013, Mme A______ a sollicité de l'AFC-GE qu'elle lui transmette une estimation des droits de succession qu'elle devrait verser. Les avoirs de H______, L______ et I______ se montaient à CHF 4'290'288.46 au 30 avril 2011, comme cela ressortait du bilan figurant en annexe.

10) Le 3 avril 2013, l'AFC-GE a répondu que, selon l'inventaire authentique de
Me E______, elle avait ajouté les avoirs de H______ à hauteur de
CHF 4'290'288.46 et défalqué du passif les prétentions de F______ de CHF 12'409'582.98. Il en résultait un actif de la succession de CHF 9'860'320.-. Ces chiffres figuraient également dans un tableau et une feuille de calcul joints à ce courrier. L'AFC-GE précisait toutefois que ces prévisions de droits de succession étaient communiquées sous toutes réserves.

11) Dans le procès-verbal de carence liée à la succession du défunt du
10 décembre 2015, Me E______ a relevé que l'AFC-GE et Mme A______ n'étaient pas parvenus à un accord concernant les observations et commentaires qu'ils souhaitaient apporter à l'inventaire dressé dans le cadre de ladite succession. Deux inventaires distincts avaient dès lors été établis et seraient signés par les parties.

12) Les inventaires ont été signés par les parties, respectivement le 28 octobre 2015 par Mme A______ et le 23 décembre 2015 par l'AFC-GE.

Les deux inventaires faisaient état d'un total des actifs de
CHF 10'018'811.37 (incluant la valeur de la H______ de CHF 4'290'288.46 avec la mention « dont la valeur au décès a été estimée par [l'AFC-GE] en date du
3 avril 2013 ») et d'un total des passifs de CHF 1'040'982.60, soit un solde pour balance de CHF 8'977'828.77. Ils listaient également toute une série d'observations formulées par Mme A______, dont notamment le fait que Monsieur V______ était le seul à pouvoir disposer des actifs de H______ et a en avoir effectivement disposé depuis 2007, et que les actifs de ladite fondation ne seraient pas suffisants pour effectuer les versements
(CHF 3'875'000.-) aux bénéficiaires prévus par les statuts.

L'inventaire signé par l'AFC-GE mentionnait que : « le service des successions réfute expressément l'ensemble des observations ci-dessus qui ne pourront en aucune manière lui être opposées lors de la taxation de la succession [du défunt] », ainsi que « après lecture, les parties sous toutes protestations et réserves et le notaire, ont signé la présente minute [...] ».

13) Le 15 janvier 2016, Mme A______ a déclaré accepter la succession sous bénéfice d'inventaire.

14) Par bordereau de taxation d'office daté du 1er mars 2016 adressé à
Mme A______, en l'absence de remise de la déclaration de succession dans les délais, l'AFC-GE a fixé les droits de succession à un total de CHF 5'184'547.60 sur la base d'un avoir imposable total de CHF 10'018'815.-. Les droits de succession dus personnellement par l'intéressée s'élevaient à
CHF 3'433'042.60 pour un avoir imposable de CHF 5'843'815.-.

15) Suite à la réclamation de Mme A______ du 6 avril 2016, l'AFC-GE a remis un bordereau rectificatif des droits de succession, daté du
30 juin 2016, d'un montant total de CHF 6'730'114.30 calculé sur un avoir total de CHF 12'698'973.-. Les droits de succession dus personnellement par l'intéressée s'élevaient désormais à CHF 4'978'609.30 sur la base d'un avoir imposable de CHF 8'523'973.-.

La valeur de la villa de W______ devait être ramenée à
CHF 1'600'000.- au lieu de CHF 1'725'000.-. C'était en revanche à juste titre que la fortune de H______ avait été intégrée à la masse successorale. Cette dernière n'étant pas reconnue comme sujet fiscal en Suisse, ses revenus et fortune étaient imposables auprès du défunt en application de la théorie de la transparence. Faute de preuve d'une autre valeur de la fondation à la date du décès du défunt, le montant retenu était confirmé. En tant qu'héritière instituée, l'intéressée était par ailleurs solidairement responsable du paiement de la totalité des droits de succession. Enfin, la somme de CHF 3'844'273.- (soit CHF 1'044'315.- pour L______ et CHF 2'799'958.- pour I______) devait être ajoutée à l'avoir imposable, suite à la découverte dans une procédure de rappel d'impôt pour des avoirs non déclarés par le défunt.

16) Par acte du 2 août 2016, Mme A______ a interjeté recours par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision sur réclamation précitée, en concluant notamment à son annulation et à ce qu'il soit dit et constaté que les actifs détenus par H______ n'étaient pas sujets aux droits de succession dus par elle-même, subsidiairement que la valeur déterminante correspondait à la valeur des actifs détenus par H______ selon les comptes du 30 septembre 2011 et qu'elle ne devait s'acquitter des droits de succession que pour les parts des actifs successoraux qui lui seraient effectivement acquis.

Les statuts de H______ précisaient à l'art. 4 que la nature et les montants de toute distribution aux bénéficiaires étaient soumis au pouvoir discrétionnaire absolu du conseil de fondation. La succession du défunt faisait l'objet de plusieurs litiges civils en Suisse, au X______ et aux D______. Aucune distribution n'avait été effectuée par H______, compte tenu des procédures en cours.

L'AFC-GE avait violé son droit d'être entendu en ajoutant les nouvelles valeurs attribuées à L______ et à I______ sans l'en avoir préalablement informée. Ce vice de procédure pouvait toutefois être réparé en lui permettant de se déterminer sur ce point dans le cadre de la procédure de recours.

L'application de la théorie de la transparence pour intégrer la fortune de H______ dans la masse successorale était contestée. Le contrôle économique sur cette fondation de droit liechtensteinois s'était éteint avec le décès du défunt. Depuis lors, H______ était exclusivement contrôlée par son conseil de fondation, lequel exerçait un pouvoir absolument discrétionnaire. Elle n'était ainsi qu'une bénéficiaire parmi d'autres, sans pouvoir de décision et toute distribution en sa faveur dépendait d'un certain nombre de conditions. La position du défunt par rapport à H______ était comparable à celle d'un usufruitier. Au décès de ce dernier, l'usufruit n'était pas transféré aux héritiers, puisque celui-ci s'éteignait et c'était le nu-propriétaire, soit H______, qui retrouvait la pleine jouissance sur les avoirs de la fondation. En tout état, l'AFC-GE n'avait jamais démontré qu'elle exerçait un contrôle sur la fondation. Les droits de succession genevois ne constituaient pas un impôt sur la masse successorale, mais un impôt prélevé sur les héritiers eux-mêmes. Ces derniers ne pouvaient être imposés que sur ce qu'ils recevaient effectivement et économiquement, sous peine de violer le principe de la capacité contributive consacré à l'art. 127 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

L'AFC-GE devait s'adresser directement aux autres bénéficiaires de la succession pour leur réclamer le paiement des droits de succession, avant de mettre à sa charge la totalité des droits de succession.

Enfin, par courrier du 3 avril 2013 et en signant l'inventaire du 23 décembre 2015, l'AFC-GE avait accepté que l'évaluation des biens de H______ se fasse sur la base du bilan consolidé du 30 septembre 2011, retenant ainsi un montant de CHF 4'290'288.46. L'AFC-GE était dès lors liée en vertu du principe de la bonne foi. Elle devait à tout le moins fournir des motifs suffisants pour justifier le supplément mentionné dans la décision attaquée.

Étaient notamment joints un courrier du conseil de fondation de H______ du 12 juillet 2016 indiquant en particulier que Mme A______ n'était pas membre du conseil de fondation et que ce dernier rejetait l'idée que H______, L______ et I______ puissent être considérés comme étant contrôlés par cette dernière.

17) Dans sa réponse du 22 décembre 2016, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Elle n'avait fait que reprendre les montants déterminés par le service du contrôle ressortant du procès-verbal joint aux bordereaux de rappel d'impôts, non contestés, notifiés le 23 juillet 2012.

S'agissant de H______, le service du contrôle avait considéré que cette structure liechtensteinoise avait été mise en place uniquement dans le but d'économiser des impôts, réalisant ainsi les conditions de l'évasion fiscale. L'intéressée ne contestait pas le qualificatif de « fondation transparente » retenu dans le cadre de la procédure de rappel des impôts directs du défunt. Partant, tous les revenus et fortune de cette fondation devaient être imposés auprès de ce dernier, en application de la théorie de la transparence fiscale. Il en découlait que la totalité du patrimoine de la fondation au jour du décès du défunt devait être intégrée dans la masse successorale de ce dernier.

En tant qu'héritière instituée, l'intéressée était solidairement responsable pour la totalité des droits de succession et l'AFC-GE était parfaitement légitimée à lui en réclamer le paiement complet.

18) Le 20 mars 2017, Mme A______ a répliqué.

L'AFC-GE connaissait déjà en 2012 les avoirs non déclarés par le défunt concernant L______ et I______, ayant elle-même admis qu'elle n'avait fait que reprendre les montants découlant de la procédure de rappel d'impôt terminée le
23 juillet 2012. Elle aurait donc pu les inclure dans l'inventaire complémentaire qu'elle avait signé à fin décembre 2015 et dans son bordereau de taxation du
1er mars 2016. L'AFC-GE avait dès lors violé le principe de la bonne foi en procédant à une reformatio in pejus. Celle-ci devait donc être invalidée.

Elle n'était pas l'auteur de l'évasion fiscale justifiant l'application de la théorie de la transparence et n'exerçait aucun contrôle sur H______.

L'AFC-GE ne s'était pas prononcée sur le caractère subsidiaire du principe de solidarité. Il fallait en déduire qu'elle ne le contestait pas.

19) Dans sa duplique du 13 avril 2017, l'AFC-GE a persisté intégralement dans ses conclusions.

20) Dans ses observations du 25 avril 2017, Mme A______ a réitéré son argumentation sur un grief ne faisant plus l'objet de la présente procédure.

21) Par jugement du 11 décembre 2017, le TAPI a partiellement admis le recours sur un point ne faisant plus l'objet de la présente procédure.

S'agissant du supplément de droits de succession mentionné dans la décision sur réclamation litigieuse, l'AFC-GE avait fourni, dans sa réponse au recours, les explications et les pièces y relatives. L'intéressée ayant eu la possibilité de s'exprimer à leur sujet dans sa réplique, il y avait lieu de considérer que la violation du droit d'être entendu avait été réparée.

Il n'était pas établi que l'AFC-GE, en signant l'inventaire des biens du
21 décembre 2015, en avait accepté le contenu et laissé entendre que les droits de succession seraient déterminés sur cette base exclusivement, dès lors qu'elle mentionnait au contraire que le service des successions réfutait expressément l'ensemble des observations de l'intéressée. L'estimation faite par l'AFC-GE dans sa lettre du 3 avril 2013 ne liait pas non plus l'autorité, le courrier mentionnant expressément que les prévisions des droits de succession étaient communiquées sous toutes réserves. Faute de pouvoir établir quand le service des successions avait eu connaissance du supplément découlant de la procédure de rappel d'impôt concernant le défunt, on ne pouvait pas lui reprocher de ne pas l'avoir ajouté plus tôt à la masse successorale imposable. Dans ces circonstances, le principe de la bonne foi n'avait pas été violé.

Les actifs de H______ devaient être intégrés dans la fortune du défunt à la date de son décès en application de la théorie de la transparence. L'analogie avec l'usufruit n'était fondée sur aucune base juridique démontrée et se trouvait en contradiction avec la théorie de la transparence appliquée dans le contexte d'évasion fiscale. Admettre l'existence d'un usufruit dans un tel cas revenait à permettre au défunt, qui réalisait les conditions d'une évasion fiscale, de faire bénéficier ses héritiers et légataires d'une notable économie d'impôt sur le plan successoral. La question de savoir si H______ était une fondation contrôlée par l'intéressée était dès lors sans incidence. En outre, la date du décès étant seule déterminante, il n'y avait pas lieu de retenir la valeur des actifs de la fondation à la date du 30 septembre 2011, comme le souhaitait subsidiairement l'intéressée.

L'intéressée, en sa qualité d'héritière instituée, était tenue de s'acquitter de la totalité des droits de succession, charge à elle de se retourner contre les légataires, afin d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle avait payées pour eux.

22) Par acte mis à la poste le 12 janvier 2018, Mme A______ a interjeté recours contre le jugement précité par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation en tant qu'il confirmait le droit de l'AFC-GE de prélever l'impôt sur les successions auprès d'elle mais pas dans la mesure où il annulait l'amende prononcée par l'AFC-GE, à l'annulation de la décision sur réclamation de
l'AFC-GE du 30 juin 2016, à ce qu'il soit dit et constaté que les actifs détenus par H______ n'étaient pas sujets aux droits de succession dus par elle-même, subsidiairement que la valeur déterminante correspondait à la valeur des actifs détenus par H______ selon les comptes du 30 septembre 2011, et qu'elle ne devait s'acquitter des droits de succession que pour les parts des actifs successoraux qui lui seraient effectivement acquis.

Elle concluait à ce que soit écartée de l'assiette fiscale la valeur de H______ (CHF 4'290'288.46), dès lors qu'elle ne contrôlait pas cette fondation et n'avait aucun accès aux biens de celle-ci. La fondation ne pouvait être considérée comme étant « transparente » à son égard, et elle n'avait donc pas acquis les biens détenus par celle-ci. Partant, il n'y avait pas lieu de prélever l'impôt sur les successions auprès d'elle-même. Il en allait de même pour les actifs détenus par L______ et I______ (CHF 3'844'273.-), ceux-ci étant déjà compris dans le montant attribué à H______, celui-ci étant établi sur une base consolidée.

L'AFC-GE avait violé l'accord qu'ils avaient passé, de sorte que tant
l'AFC-GE que le TAPI violaient le principe de la bonne foi. C'était à tort que H______ lui avait été attribuée, alors même qu'elle n'était pas transparente à son égard. Le fait de vouloir imposer les actifs de cette fondation dans ses avoirs violait l'art. 127 al. 2 Cst. Même si la fondation devait tout de même lui être attribuée, le fait de retenir un supplément pour L______ et I______ relevait d'une constatation inexacte des faits.

C'était enfin à tort que le paiement de la totalité des droits de succession était exigé à son égard. Les règles sur la solidarité n'étaient, par définition, que subsidiaires.

Était notamment joint au recours un courrier d'un représentant du conseil de fondation de H______ du 25 février 2015 adressé à Me E______ à teneur duquel il estimait que les actifs de H______ ne faisaient pas partie de la succession.

23) Le 22 janvier 2018, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

24) Dans sa réponse du 16 février 2018, l'AFC-GE a conclu à la rectification partielle de l'assiette imposable, dans le sens de ses explications, et au rejet du recours pour le surplus.

Le montant de CHF 4'290'288.- ressortant de l'inventaire successoral et de son courrier du 3 avril 2013 avait bien été déterminé sur la base des comptes consolidés au 30 septembre 2011, comprenant les trois entités en cause (H______, L______ et I______), de sorte qu'une rectification devait effectivement être effectuée. En revanche, comme relevé par le TAPI, il était erroné de se fonder, pour les droits de succession, sur les valeurs de la fondation à la date du 30 septembre 2011, les titres et créances devant être estimés selon leur valeur à la date du décès, soit en l'occurrence le 7 avril 2007. Il était dès lors plus cohérent de se fonder sur les valeurs établies par l'AFC-GE lors des reprises en fortune de 2007. Les avoirs de H______ (sans L______ et I______) à prendre en compte s'élevaient donc à CHF 2'977'558.- [recte : CHF 2'977'588.-] auxquels il convenait d'ajouter les montants correspondant à L______ et I______, soit
CHF 1'044'315.- et CHF 2'799'958.-. Au final, le total des actifs bruts devait s'élever à CHF 12'425'384.- au lieu de CHF 13'738'088.-. Elle acceptait dès lors que la taxation litigieuse soit rectifiée dans ce sens. Le grief relatif à la constatation inexacte des faits invoqué par la recourante était dès lors sans objet.

Pour les mêmes raisons, le grief relatif à la violation du principe de la bonne foi devait être écarté. L'AFC-GE n'était pas liée par les montants fixés dans l'inventaire, les actifs successoraux ne pouvant pas être évalués selon leur valeur au 30 septembre 2011, laquelle ne correspondait pas à la date du décès, seule pertinente pour le calcul des droits. La recourante ne prétendait d'ailleurs pas que la valeur des actifs des trois entités précitées à la date du décès ne correspondait pas à celles fixées dans la cadre de la procédure en rappel d'impôt pour l'année 2007.

Pour le surplus, elle persistait intégralement dans ses décisions et écritures antérieures.

25) Mme A______ a répliqué le 23 mars 2018.

Il était exact que la date déterminante pour fixer l'assiette des droits de succession était celle du décès. Toutefois, alors même que la date de décès du défunt était un fait notoire dont l'AFC-GE avait connaissance dès le début de la procédure, l'intimée avait manifesté à deux reprises au moins, soit dans son courrier du 3 avril 2013 et lors de la signature de l'inventaire en décembre 2015, sa volonté d'être liée par les valeurs au 30 septembre 2011. Il ne pouvait ainsi être admis que l'AFC-GE modifie son approche en cours de procédure. C'était d'ailleurs à tort que l'AFC-GE ne s'estimait pas liée par sa propre signature de l'inventaire. À travers ladite signature, une assurance lui avait été donnée quant au traitement fiscal des éléments en question. En voulant dorénavant se fonder sur d'autres montants, l'AFC-GE adoptait un comportement contradictoire et violait le principe de la bonne foi.

En vertu du droit civil, H______ avait une personnalité juridique reconnue en droit suisse, lui permettant par exemple de conclure des contrats ou d'avoir la légitimation active ou passive dans le cadre d'actions en justice. Ce n'était que si certaines conditions étaient remplies que le droit fiscal pouvait exceptionnellement refuser de reconnaître cette personnalité, notamment en présence de soustraction d'impôts directs par le fondateur. Dans cette hypothèse, le droit fiscal permettait aux autorités fiscales de procéder selon la fiction de la transparence. En l'occurrence, il n'était pas question d'un impôt prélevé à l'égard du défunt ou de la masse successorale, mais d'un impôt sur les successions prélevé auprès d'un tiers qui n'avait commis ni évasion ni soustraction fiscale. Elle devait ainsi être imposée selon sa capacité contributive et non selon une fiction qui ne pouvait s'appliquer qu'au défunt.

L'exemple de l'usufruit démontrait que le droit suisse ne prévoyait pas nécessairement un transfert de valeur pour cause de mort. Le concept de la transparence repris des impôts directs ne s'imposait pas forcément aux droits de succession, puisque la transparence de la fondation était déjà fondée sur une fiction qui faisait figure d'exception.

26) Le 29 mai 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

27) L'argumentation détaillée des parties sera reprise, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 68 al. 1 de la loi sur les droits de succession du 26 novembre 1960 - LDS - D 3 25).

2) a. En droit public, la prescription doit être constatée d'office lorsqu'un particulier est débiteur de l'État (ATF 133 II 366 = JdT 2007 II 54 p. 56 ; 106 Ib 357 consid. 3a ; ATA/558/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3a et les arrêts cités).

b. En l'absence de déclaration de succession, le droit de l'état de taxer se périme dix ans après la première présentation de l'acte de décès (art. 73 al. 1 let. d LDS).

La prescription de la perception en matière de droits de succession est de cinq ans à compter de l'envoi du bordereau, et tout acte interruptif au sens de la jurisprudence susmentionnée fait courir un nouveau délai de cinq ans (art. 73 al. 2 et 3 LDS).

c. En l'espèce, la succession à l'origine de la présente procédure s'est ouverte le 7 avril 2007. Elle n'a pas fait l'objet d'une déclaration en bonne et due forme en temps utile, de sorte que l'AFC-GE a procédé à une taxation d'office le 1er mars 2016. La prescription n'est donc pas atteinte, ce que ne contestent au demeurant pas les parties.

3) a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/1197/2018 du 6 novembre 2018 consid. 3a).

En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/1197/2018 précité consid. 3a).

b. En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 513 n. 11). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 ; ATA/558/2014 du 17 juillet 2014 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 514 n. 12).

4) a. Les droits de succession sont un impôt frappant toute transmission de biens résultant d'un décès (art. 1 al. 1 et 2 let. a LDS). Ils sont dus par ceux qui, à la suite d'un décès ou d'une déclaration d'absence, acquièrent des biens ou en sont bénéficiaires (art. 2 al. 1 LDS). Le domicile et la nationalité de l'ayant droit sont sans effet sur cette obligation (al. 2).

Quel que soit le mode de liquidation de la succession, l'estimation des biens délaissés s'établit d'après leur valeur au jour du décès ou, s'il s'agit d'une déclaration d'absence, à la date à laquelle remontent les effets de cette déclaration (art. 8 al. 1 LDS). Les actions, obligations, parts sociales et autres titres sont estimés au cours ou à leur valeur au jour du décès (art. 11 al. 1 1ère phr. LDS).

Les droits de succession constituent un impôt spécial laissé dans la compétence des cantons en vertu de l'art. 3 Cst. À ce titre, les règles jurisprudentielles d'harmonisation fiscale ne leur sont pas applicables de manière impérative (ATF 128 I 102 consid. 6d ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.157/2006 du 8 mars 2007 consid. 4.4). En outre, ils n'entrent pas dans le champ d'application de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14 ; ATA/881/2014 du
11 novembre 2014 consid. 7b).

5) Dans un premier grief, la recourante considère que l'autorité intimée aurait constaté les faits de manière inexacte et violé les principes d'interdiction de l'arbitraire et de la bonne foi en ajoutant aux actifs de la succession la valeur de L______ et I______, s'écartant ainsi du montant des actifs de la fondation fixé à CHF 4'290'288.46 dans les inventaires signés par les parties.

L'autorité intimée conteste pour sa part être liée par les montants fixés dans les inventaires précités dès lors qu'ils ne correspondent pas aux valeurs à la date du décès, seules pertinentes pour le calcul des droits.

6) Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2015 du 6 janvier 2016 consid. 5.1).

Selon la jurisprudence, une décision ou un renseignement erroné de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition a) que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées,
b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et
c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 137 I 69
consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 ; 129 I 161 consid. 4.1).

Toutefois, en droit fiscal, qui est dominé par le principe de la légalité
(art. 5 al. 1 et 127 al. 1 Cst.), le principe de la bonne foi n'exerce qu'une influence limitée dans ce domaine du droit administratif, surtout s'il vient à entrer en conflit avec le principe de la légalité (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 118 Ib 312
consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1120/2015 du 26 avril 2017
consid. 6.3.2 ; ATA/1282/2018 du 27 novembre 2018 consid. 5.a).

7) Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ;
140 I 201 consid. 6.1 ; 138 I 305 consid. 4.4).

8) a. En l'espèce, l'autorité intimée a relevé, dans son mémoire de réponse du
16 février 2018, que le montant de CHF 4'290'288.- ressortant des inventaires signés par les parties avait effectivement été déterminé sur la base des comptes consolidés de H______ au 30 septembre 2011, lesquels comprenaient déjà les actifs de L______ et I______, admettant ainsi que les montants y relatifs n'auraient pas dû être ajoutés aux actifs de la succession. La chambre administrative ne peut, à la lecture du dossier, qu'approuver ce constat. Le montant de CHF 3'844'273.- (soit CHF 1'044'315.- pour L______ et CHF 2'799'958.- pour I______), ajouté à l'actif successoral dans l'avis de taxation rectificatif du 30 juin 2016, doit dès lors être annulé.

En revanche, et comme le relève à juste titre l'autorité intimée, le montant des actifs de H______ ne saurait être fixé à CHF 4'290'288.-, et ce malgré la signature des inventaires successoraux des 28 octobre et 23 décembre 2015. Il apparaît effectivement que ce montant a été établi, comme susmentionné, sur la base des comptes consolidés de H______ au 30 septembre 2011. Or, conformément aux art. 8 al. 1 LDS et 11 al. 1 1ère phr. LDS, l'estimation desdits actifs aurait dû être établie au jour du décès du défunt, soit le ______ 2007. Même à supposer, comme le prétend la recourante, que l'AFC-GE ait manifesté à deux reprises sa volonté d'être liée par les valeurs au 30 septembre 2011 - soit dans son courrier du 3 avril 2013 et lors de la signature de l'inventaire en décembre 2015 -, il convient de relever que le droit fiscal fait primer le principe de la légalité sur le principe de la protection de la bonne foi. Partant, la recourante ne peut être suivie en ce qu'elle réclame, en se prévalant du principe de la protection de la bonne foi, que seules les valeurs figurant dans le bilan 2011 de H______ soient prises en compte.

Par ailleurs, les références jurisprudentielles citées par la recourante à teneur desquelles le principe de la bonne foi s'opposerait à ce qu'un contribuable subisse les inconvénients d'un rappel d'impôt lorsque l'insuffisance de taxation est due à une erreur intellectuelle de l'administration est sans incidence sur ce qui précède. En l'occurrence, la taxation litigieuse ne fait pas l'objet d'un rappel d'impôt et n'est pas définitive.

Il en va de même s'agissant de la référence faite à l'art. 53 al. 1 LHID et au principe selon lequel les corrections d'évaluation ne peuvent pas servir de base à une correction fiscale rétroactive. Comme relevé pourtant par la recourante
elle-même dans son mémoire de recours ainsi que dans la jurisprudence susmentionnée, la LHID ne s'applique pas aux droits de succession. Or, il ne s'agit pas en l'espèce d'une taxation dans le cadre d'une procédure en rappel d'impôt, de sorte que la disposition et le principe précités ne sont pas pertinents.

b. La chambre de céans souscrit par ailleurs à la position de l'AFC-GE selon laquelle il convient de se fonder sur les valeurs établies lors des reprises en fortune effectuées dans le cadre de la procédure en rappel d'impôt du défunt portant sur l'année 2007. À teneur du procès-verbal joint en annexe aux bordereaux de rappel d'impôt du 23 juillet 2012 pour les années 2001 à 2007 - dont les reprises n'ont pas été contestées par la recourante en sa qualité d'héritière -, la valeur de H______, en 2007, a été fixée à CHF 2'977'588.-, tandis que celle de L______ et de I______ se montait respectivement à CHF 1'044'315.- et CHF 2'799'958.-.

c. Le grief de la recourante tendant à fixer le montant des actifs liés à H______ à CHF 4'290'288.- (comprenant L______ et de I______) sera dès lors écarté et il sera donné acte à l'AFC-GE de son intention de rectifier l'actif successoral dans le sens de ce qui précède, soit de ramener le poste « créance/titres » à
CHF 10'815'739.- en lieu et place de CHF 12'425.284.-.

9) La recourante conteste également le fait que les actifs de H______ aient été attribués à ses avoirs imposables dans le cadre des droits de succession. Elle estime notamment que ladite fondation ne peut être considérée comme étant
« transparente » à son égard, dès lors qu'elle n'exerce aucun pouvoir de contrôle sur elle, et qu'elle n'a donc pas acquis les biens détenus par celle-ci. La taxation de l'AFC-GE violerait notamment son droit à être imposée en vertu de sa capacité contributive consacré à l'art. 127 al. 2 Cst.

a. En vertu de l'art. 127 al. 2 Cst., dans la mesure où la nature de l'impôt le permet, les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés (ATF 140 II 157 consid. 7.1).

En présence d'impôts spéciaux, les principes de l'art. 127 al. 2 Cst. n'ont par définition qu'une portée restreinte (ATF 128 I 102 consid. 6d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 7.1 ; 2C_467/2008 du 10 juillet 2009 consid. 5.4 ; ATA/5/2015 du 6 janvier 2015 consid. 9b).

b. L'abus de droit consiste notamment à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger soit manifeste (ATF 138 III 401 consid. 2.2 ; 137 III 625 consid. 4.3 ; 135 III 162 consid. 3.3.1 ; 132 I 249 consid. 5 ; 129 III 493 consid. 5.1).

c. Le Tribunal fédéral a jugé que chacun peut en principe organiser son activité économique de manière à payer le moins possible d'impôts, en particulier adopter, parmi plusieurs structures juridiques envisageables, celle qui entraîne la charge fiscale la plus faible (ATF 102 Ib 151). Mais ce faisant, il ne doit pas commettre un abus de droit sur le plan fiscal (Jean-Marc RIVIER, Droit fiscal suisse, L'imposition du revenu et de la fortune, 1980, p. 61).

10) En l'espèce, il n'est pas contesté que les actifs de H______ et des entités contrôlées par celle-ci, à savoir L______ et de I______, faisaient partis de la fortune du défunt, en application du principe de la transparence. La recourante n'a d'ailleurs pas contesté les reprises en fortune effectuées par l'AFC-GE dans le cadre de la procédure en rappel d'impôt portant sur les années 2001 à 2007, ayant abouti à la notification de bordereaux le 23 juillet 2012. Elle considère en revanche qu'à la mort de l'intéressé, lesdits actifs n'ont pas été transférés dans la masse successorale du défunt. Dès lors qu'elle n'exercerait aucun contrôle sur H______, elle n'aurait ainsi rien acquis au sens de l'art. 2 al. 1 LDS.

Or, la chambre de céans ne peut se rallier à la position de la recourante.

D'une part, contrairement à ce que semble faire valoir la recourante, lesdits actifs ne sont pas sortis de la fortune du défunt au jour de son décès. Les statuts de la fondation prévoient expressément la répartition de ses actifs à son décès. Ils prévoient en particulier que la recourante devient propriétaire de K______, laquelle détient la maison qu'elle occupe aux D______. Ce faisant, la recourante ne peut prétendre n'avoir rien reçu. Elle admet d'ailleurs elle-même à teneur de son recours être « une bénéficiaire parmi d'autres ». Le fait que le conseil de fondation de H______ estime que les actifs de ladite fondation ne font pas partie de la succession est sans incidence sur ce qui précède, dès lors qu'il ne lui appartient pas de qualifier fiscalement la teneur et l'impact des statuts sur la succession. De même, le fait que la recourante n'ait pas encore effectivement perçu de fonds provenant de H______ - compte tenu notamment de procédures judiciaires en cours contre celle-ci dans différents pays - ne modifie en rien ses droits au jour du décès du défunt. En outre, c'est à juste titre que le TAPI a relevé que la question de savoir si H______ était une fondation contrôlée par la recourante était sans incidence dans la détermination des droits de succession. Comme susmentionné, il n'est pas contesté que les actifs de H______ et des entités contrôlées par celle-ci faisaient partis de la fortune du défunt, en application du principe de la transparence. Or, le défunt a précisément pris des dispositions, matérialisées par les statuts de H______, pour que l'ensemble des actifs de ladite fondation revienne à la recourante, sous réserve d'un certain nombre de legs préalables. Nul n'est dès lors besoin que la recourante dispose d'un quelconque pouvoir de contrôle sur la fondation pour recevoir les actifs de celle-ci. Le fait que des distributions doivent être faites en faveur de tiers, avant que le solde des actifs ne lui revienne, a été pris en compte dans la répartition des avoirs imposables faite par l'autorité intimée. Par ailleurs, contrairement à ce qu'invoque la recourante, l'art. 4 des statuts de la fondation ne prévoit pas que la nature et les montants des distributions sont soumis au pouvoir discrétionnaire absolu du conseil de fondation ; il empêche uniquement les bénéficiaires d'agir à l'encontre de la fondation, sous peine de perdre leur droit au profit des autres bénéficiaires. Le risque qu'à l'issue des procédures judiciaires en cours, les avoirs de la fondation soient insuffisants pour satisfaire les différents bénéficiaires, et à fortiori la recourante, est sans incidence, dès lors que seule la situation au jour de l'ouverture de la succession est déterminante.

D'autre part, l'absence de prise en compte des avoirs de la fondation dans l'actif successoral conduirait à un résultat choquant, puisqu'elle permettrait d'éviter la taxation d'éléments transmis à la recourante, soit notamment la propriété de la maison qu'elle occupe aux D______.

La recourante se réfère à la circulaire n° 30 du 22 août 2007 (ci-après : la circulaire n° 30) de la conférence suisse des impôts (ci-après : CSI), exposant que sa position fiscale devrait être assimilée à celle du bénéficiaire d'un trust discrétionnaire et irrévocable, ayant une simple expectative. Elle en conclut qu'une personne n'est pas imposable an titre d'une simple expectative, mais uniquement lorsque cette dernière se transforme en un véritable droit qui peut être exercé en justice par le bénéficiaire. Ce ne serait que dans ce cas que l'on pourrait parler de « contrôle ». Or, la recourante perd de vue que la circulaire n° 30 prévoit à son chiffre 2.4 que la fondation de droit du X______ - ce que constitue H______ - présente d'importantes différences par rapport à l'institution juridique du trust, de sorte qu'elle n'est pas traitée dans ladite circulaire. Par ailleurs, il apparaît que les développements contenus dans la circulaire n° 30 concernent exclusivement les impôts directs fédéral, cantonal et communal ainsi que l'impôt anticipé, comme cela ressort tacitement de ses chapitres 4 et 7 (arrêt du Tribunal fédéral 2C_996/2015 du 7 mars 2017 consid. 5.3), et non l'impôt sur les successions. Enfin, la question de savoir si la recourante exerce effectivement un contrôle sur H______ n'est pas déterminante en l'espèce, comme développé supra.

Pour le surplus, il sera encore relevé qu'il n'y a aucune raison permettant de considérer, comme le soutient la recourante, que la fondation devrait s'acquitter de droits de succession. Celle-ci n'est en effet bénéficiaire d'aucune somme ou legs dans la succession du défunt. Par ailleurs, l'analogie faite avec l'usufruit - lequel fait l'objet d'une règlementation dans la LDS - n'est pas pertinente, dès lors qu'elle ne vise pas des situations comparables.

Enfin, compte tenu des éléments qui précèdent, la taxation litigieuse est conforme aux dispositions légales applicables et donc identique à celle de tout autre contribuable placé dans une situation similaire. Les principes de l'égalité de traitement et de la capacité économique ne sont ainsi pas violés.

Le grief de la recourante sera dès lors écarté.

11) La recourante considère enfin que les droits de succession dus par les légataires ne devraient pas être mis à sa charge. Elle considère que les règles sur la solidarité découlant de l'art. 54 al. 1 LDS ne sont, par définition, que subsidiaires.

a. Aux termes de l'art. 53 al. 1 LDS, les héritiers légaux et institués, les usufruitiers, les légataires, les bénéficiaires et attributaires d'assurances, de rentes et de libéralités sont tenus d'acquitter les droits de succession, intérêts, amendes, frais et émoluments.

Dans tous les cas, les héritiers légaux et institués sont tenus, solidairement et sur tous leurs biens, au paiement des droits, intérêts, frais et émoluments dus sur les parts héréditaires, legs, rentes et autres libéralités (art. 54 al. 1 LDS).

Selon l'art. 56 LDS, au cas où les héritiers ont acquitté les droits dus par les légataires particuliers et autres bénéficiaires, ils peuvent exercer leur recours contre ces derniers, sauf dans le cas où le testateur aurait mis ces droits à la charge de la succession.

b. Dans une affaire présentant certaines similitudes, la chambre administrative a confirmé que même si le total des droits successoraux à régler par la succession était supérieur au montant attribué à la recourante - qui était l'héritière instituée de la succession -, c'est ce montant dont elle était responsable du règlement, en vertu des art. 53 al. 1 et 54 al. 1 LDS, sans qu'elle ne dispose d'un droit de se faire rembourser par les légataires, en raison de l'art. 56 LDS (le testament prévoyant des legs nets de droits de succession). Une telle situation était générée par la coexistence de dispositions de droit civil et de droit fiscal qui ne poursuivaient pas les mêmes finalités. Les premières accordaient à chaque personne physique la liberté d'organiser ce qu'il adviendrait de ses biens après son décès, tandis que les deuxièmes concernaient le traitement fiscal en faveur de l'État des valeurs revenant aux bénéficiaires, selon des règles qui s'imposaient à ces derniers et qui ne prenaient plus en considération la volonté du de cujus. (ATA/1310/2015 du 8 décembre 2015 consid. 6).

12) En l'espèce, contrairement à ce que prétend la recourante, le mécanisme de solidarité prévu à l'art. 54 al. 1 LDS n'est nullement conditionné à la subsidiarité. Si l'autorité peut effectivement réclamer le paiement des droits de succession auprès de chaque héritier et légataire, elle reste libre de réclamer l'entier des droits auprès de la recourante en sa qualité d'héritière instituée.

En outre, le fait que la législation genevoise aille plus loin que celle de plusieurs cantons en instituant la solidarité des héritiers sur tous leurs biens n'est pas pertinent, dès lors que l'impôt sur les successions est entièrement laissé dans la compétence des cantons en vertu de l'art. 3 Cst. (ATF 128 I 102 consid. 6d ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.157/2006 du 8 mars 2007 consid. 4.4).

Par ailleurs, le fait qu'il soit, selon la recourante, illusoire de penser que les autres bénéficiaires de la succession, tous domiciliés à l'étranger, accepteraient l'application de l'art. 56 LDS et lui rembourseraient les droits de succession leur incombant, est sans incidence sur ce qui précède. Le risque qu'elle ne puisse pas récupérer les droits de succession payés pour les autres bénéficiaires n'a aucune influence sur la portée de l'art. 54 al. 1 LDS. Par ailleurs, conformément à l'art. 56 LDS in fine, la recourante ne pourrait de toute manière pas se retourner contre les légataires dont les legs ont été prévus « francs de droits de succession ».

Pour le surplus, l'on ne voit pas en quoi le fait que l'AFC-GE réclame à la recourante le paiement de l'entier des droits de succession, conformément à
l'art. 54 al. 1 LDS, violerait le principe de la proportionnalité.

Partant, ce grief sera également écarté.

13) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement.

Le jugement du TAPI du 11 décembre 2011 sera annulé en tant qu'il confirme le montant des avoirs pris en compte par l'AFC-GE pour le calcul des droits de successions dans le bordereau rectificatif du 30 juin 2016, et confirmé pour le surplus. Le dossier sera renvoyé à l'AFC-GE pour qu'elle rectifie l'actif successoral et rende une nouvelle décision de taxation des droits de succession au sens des considérants.

14) Vu l'issue du litige, un émolument réduit de CHF 1'800.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de
CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 janvier 2018 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
11 décembre 2017 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 décembre 2017 en tant qu'il confirme le montant des avoirs pris en compte par l'administration fiscale cantonale pour le calcul des droits de succession dans le bordereau rectificatif du
30 juin 2016;

donne acte à l'administration fiscale cantonale de ce qu'elle s'engage à ramener le poste « créance/titres » de l'actif successoral à CHF 10'815'739.- en lieu et place de
CHF 12'425.284.- ;

l'y condamne en tant que de besoin ;

confirme le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 décembre 2017 pour le surplus ;

renvoie le dossier à l'administration fiscale cantonale pour nouvelle décision de taxation des droits de succession au sens des considérants ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de
CHF 1'800.- ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de
CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Pulfer, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, M. Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

K. De Lucia

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :