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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2439/2022

ATA/816/2022 du 18.08.2022 sur JTAPI/778/2022 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2439/2022-MC ATA/816/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 août 2022

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Francesco La Spada, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juillet 2022 (JTAPI/778/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______ (également connu sous cinq autres identités, notamment celle de B______), né le ______ 1984 et originaire d'Algérie, a déposé une demande d'asile en Suisse le 31 mai 2008.

Le 13 juillet 2008, il a été signalé comme ayant disparu.

Le 22 juillet 2008, sa demande a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière et de renvoi, entrée en force.

La prise en charge et l'exécution de cette mesure ont été confiées au canton du Tessin.

2) La demande de soutien à l'exécution du renvoi a été initiée en août 2009.

Le 22 novembre 2017, les autorités algériennes ont identifié M. A______ comme étant un ressortissant de leur pays.

3) Du 13 août 2009 au 11 novembre 2010 puis du 19 novembre 2015 au 4 janvier 2016, M. A______ a été détenu administrativement. Il a ensuite été libéré car son renvoi ne pouvait être exécuté.

4) Depuis son arrivée en Suisse, M. A______ a occupé à de nombreuses reprises les services de police et la justice.

Entre le 23 mai 2012 et le 6 décembre 2016, il a été condamné à dix reprises pour : entrée illégale, séjour illégal, dommages à la propriété, violation de domicile et vol.

5) Le 4 juillet 2018, M. A______ a été arrêté, après avoir tenté de prendre la fuite, par la police genevoise dans le cadre d'un cambriolage.

Il a, pour l'essentiel, reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Il était arrivé en Suisse en 2008, n'avait aucun lieu de résidence fixe ni aucun lien particulier avec la Suisse. Il était dépourvu de moyen légal de subsistance. Sa fille et la mère de celle-ci vivaient en Algérie.

6) Par jugement du 24 septembre 2018, le Tribunal de police (ci-après : TP) a déclaré M. A______ coupable de séjour illégal, de dommages à la propriété, de violation de domicile, de vol (au sens de l'art. 139 ch.1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), d'empêchement d'accomplir un acte officiel et de violation de domicile et l’a condamné à une peine privative de liberté ferme de cent cinquante jours, sous déduction de quatre-vingt-trois jours de détention avant jugement.

Le TP a également ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans.

7) Par jugement du 5 novembre 2018, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé d'accorder à M. A______ sa libération conditionnelle, considérant que ses chances de réinsertion sociale et les risques liés à un élargissement anticipé se présentaient sous un jour particulièrement défavorable au vu de ses innombrables antécédents et de l'échec de sa précédente libération conditionnelle. Sa situation demeurait inchangée et on ne percevait pas de réel effort de sa part pour la modifier. Il ne présentait aucun projet concret étayé, si ce n'était de se rendre à Paris nonobstant le fait qu'il ne disposait pas d'un titre de séjour en France. Le risque qu'il commette de nouvelles infractions, ce dont il était familier sans discontinuer depuis 2009, apparaissait particulièrement élevé, notamment du fait qu'il n'était pas en mesure d'exercer une activité lucrative légale en Suisse, où il ne cessait de revenir sans droit.

8) Le 14 novembre 2018, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a confirmé que l'intéressé était inscrit pour le « counselling » (ou entretien exigé par les autorités algériennes en vue de la délivrance d'un laissez-passer) du 13 février 2019.

9) Le 30 novembre 2018, au terme de l'exécution de ses peines, M. A______ a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

Le même jour, il a été entendu par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) sur la mesure d’expulsion judiciaire prononcée à son encontre et s’est vu notifier une décision de non-report de celle-ci.

Le même jour également, le commissaire de police a prononcé à son encontre un ordre de mise en détention administrative pour une durée de six mois.

10) Par jugement du 4 décembre 2018, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé cet ordre mais en a réduit la durée à trois mois, soit jusqu'au 28 février 2019.

11) Le recours interjeté par le commissaire de police contre ce jugement a été rejeté par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 28 décembre 2018 (ATA/1853/2019).

12) Le 2 janvier 2019, l'OCPM a ordonné la mise en liberté de M. A______.

À sa sortie de l'établissement de Favra, celui-ci a été remis entre les mains des services de police.

Le même jour, il s'est vu notifier par le commissaire de police une interdiction de quitter le territoire de la commune de Vernier pour une durée de douze mois.

M. A______ ayant ensuite été logé par l'Hospice général (ci-après : l’hospice) au centre d'hébergement collectif de la rue C______, à Carouge, une assignation à la commune de Carouge en lieu et place de Vernier lui a été notifiée.

13) Par arrêt du 18 novembre 2019 (2C_135/2019), le Tribunal fédéral a admis le recours déposé par le SEM contre l'arrêt de la chambre administrative du 28 décembre 2018, annulé celui-ci et confirmé la décision du 30 novembre 2018 du commissaire de police ordonnant la mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de six mois.

En substance, le prononcé de la mesure d'expulsion judiciaire avait ouvert un nouveau délai légal de détention administrative de dix-huit mois au plus. M. A______ ayant été condamné pour crime après ses deux premières détentions administratives, un nouveau motif de détention apparaissait.

14) L'intéressé avait dans l'intervalle disparu et le vol réservé en sa faveur a dû être annulé.

15) Par arrêt du 24 janvier 2020 de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de Genève, M. A______ a été condamné pour vol (art. 139 ch.1 CP), dommages à la propriété, violation de domicile, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée et rupture de ban, à une peine privative de liberté de neuf mois, sous déduction de deux cent vingt-cinq jours de détention avant jugement.

Une expulsion du territoire suisse pour une durée de vingt ans a également été prononcée à son encontre.

16) Le 16 décembre 2020, M. A______ a été une nouvelle fois interpellé par la police.

Il savait pertinemment qu'il n'était pas autorisé à demeurer sur le territoire suisse, mais n'avait entrepris aucune démarche pour quitter le pays, dans la mesure où il « aimait bien la vie ici ». Il avait une copine à Genève et ne souhaitait pas rentrer en Algérie. Sa fille âgée de quatorze ans vivait en Algérie.

Il a été maintenu en arrestation provisoire.

17) Par jugement du 11 février 2021, le TP a condamné M. A______ pour rupture de ban et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) à une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de cinquante-huit jours de détention avant jugement.

18) En détention depuis le 17 décembre 2020, M. A______ a été libéré le 15 juin 2021.

À sa sortie de prison, il a été remis entre les mains des services de police.

Le même jour, il a été entendu par l'OCPM sur la nouvelle mesure d’expulsion judiciaire prononcée à son encontre et s’est vu notifier une décision de non-report de celle-ci.

Le même jour encore, M. A______ a fait l'objet d'une nouvelle assignation à la commune de Vernier prononcée par le commissaire de police pour une durée de douze mois.

19) Le 24 février 2022, M. A______ a été condamné par le Ministère public du canton de Zurich pour rupture de ban et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée.

20) Le 19 juillet 2022, la police zurichoise a annoncé son acheminement à Genève pour le 27 juillet 2022, quand bien même sa détention était initialement prévue jusqu'au 26 août 2022.

21) Les démarches en vue de la réservation d'une place pour M. A______ sur un vol à destination d'Alger ont été immédiatement entreprises.

Selon les informations communiquées par le SEM le 9 juin 2022, un
laissez-passer pourrait être délivré en sa faveur dès que les vols à destination de l'Algérie seraient à nouveaux possibles, ce qui était le cas depuis le début de l'année 2022 pour les vols avec escorte policière.

22) Le 27 juillet 2022 à 17h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. b et h LEI et de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie.

Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au TAPI le même jour.

23) M. A______ a été entendu le 19 juillet 2022 par le TAPI.

Il n'était pas d'accord d'être renvoyé en Algérie. Il avait des problèmes avec sa famille là-bas. Il était en Suisse depuis quinze ans et y avait un enfant qu’il n’avait pas reconnu. Il avait déjà subi de nombreux mois de détention administrative et s'étonnait qu'un ordre de mise en détention administrative de quatre mois puisse encore être prononcé à son encontre. Il n'avait pas respecté son assignation à résidence et s’était rendu à Zurich afin de remettre un médicament à un cousin. Il s'agissait en réalité d'une tisane achetée à la rue de Lausanne par un ami.

La représentante du commissaire de police a versé à la procédure la demande de réservation de vol effectuée le 28 juillet 2022 pour M. A______. La durée de l’ordre de mise en détention était de quatre mois car il y avait une forte demande pour les vols avec escorte policière vers l'Algérie, lesquels n’étaient à nouveau possibles que depuis le début de l'année 2022. Seule une personne pouvait être embarquée par vol. Il en résultait un délai d'attente important. Dans le cas de M. A______, un vol DEPA avait d’emblée été demandé compte tenu du refus par ce dernier de quitter la Suisse pour l'Algérie. Il était en outre probable que son renvoi ne puisse être finalisé dans le cadre du premier vol réservé pour lui. L'ordre de mise en détention devait être confirmé pour la durée requise. C’était la seule mesure adéquate et proportionnée, l'intéressé ayant notamment démontré ne pas respecter les mesures d'assignation prises à son encontre.

Le conseil de M. A______ a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative et à la libération immédiate de celui-ci. L'ordre de mise en détention était disproportionné dans la mesure où le renvoi était inexécutable, à tout le moins dans un délai raisonnable. Le principe de célérité était également violé, les démarches initiées il y avait treize ans en vue du renvoi n'ayant jamais abouti et rien n'ayant été entrepris en vue du renvoi durant toute la durée de l’assignation à résidence.

La représentante du commissaire de police a exposé que le principe de célérité était respecté en l'espèce, vu notamment l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_135/2019, la suspension des vols vers l'Algérie durant la pandémie de Covid-19 et des nombreuses démarches effectuées depuis 2008.

24) Par jugement JTAPI/778/2022 du 29 juillet 2022, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 26 novembre 2022 inclus.

M. A______ faisait l’objet d’une décision de renvoi en force et de deux mesures d’expulsion judiciaire pour cinq respectivement vingt ans. Il avait été condamné pour des vols, qui constituaient des crimes, et pour avoir violé une interdiction de pénétrer dans une région déterminée. Depuis sa dernière détention administrative, il avait fait l’objet de trois nouvelles condamnations et de la seconde mesure d’expulsion. Il ne s’était jamais conformé à la décision de renvoi de 2008 et avait toujours exprimé son opposition catégorique à un retour en Algérie. Il avait déjà plongé dans la clandestinité par le passé et mis en échec l’exécution de son renvoi. Il pouvait être retenu un risque réel et concret qu’il se soustraie aux instructions de l’autorité lorsqu’il serait enjoint de monter dans l’avion pour l’Algérie. La détention était fondée et l’assurance de l’exécution de son renvoi répondait à un intérêt public certain. Le principe de célérité était respecté vu les démarches accomplies par les autorités. Si le renvoi de M. A______ n’avait encore pu être finalisé, c’était en raison de son comportement. Il n’avait rien entrepris pour son départ volontaire et avait disparu dans la clandestinité. Le commissaire de police avait expliqué pour quelles raisons son vol n’avait pu être réservé plus tôt et pourquoi une détention de quatre mois était justifiée. La durée de la rétention apparaissait proportionnée et adéquate et restait inférieure à la durée prévue à l’art. 79 al. 1 LEI ainsi qu’à la durée maximale possible prévue à l’art. 79 al. 2 LEI.

25) Par acte remis au greffe le 11 août 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation.

Les autorités suisses rencontraient des difficultés à appliquer l’accord avec l’Algérie sur la réadmission de ses ressortissants. Il avait déjà été remis en liberté en raison du caractère inexécutable de son renvoi. Le commissaire de police admettait qu’il y avait un délai important pour obtenir une place à bord d’un avion. Il ne pouvait être maintenu en détention sans qu’on sache combien de personnes étaient en attente avant lui, sous peine de rendre sa détention inappropriée et superflue, et contraire au principe de proportionnalité.

Les autorités suisses entendaient le renvoyer depuis 2008 et ne l’avaient toujours pas fait. Les vols n’avaient repris qu’au début de l’année 2022. La longueur de la liste d’attente était inconnue et il ne devait pas pâtir des difficultés organisationnelles. Le principe de célérité était violé.

26) Le 12 août 2022, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Le renvoi du recourant en Algérie était possible. Les autorités l’avaient reconnu comme citoyen en 2017, lui avaient délivré un laissez-passer en mars 2019 et un nouveau laissez-passer serait délivré dès la connaissance de la date du vol avec escorte policière. Si le recourant ne s’opposait pas à son retour, un vol pourrait être organisé dans les trois semaines. Les vols avec escorte policière restaient possibles, comme le démontraient des cas récents.

Les mesures nécessaires à l’identification du recourant avaient été prises dès 2009 et avaient abouti en 2017. Le recourant avait aussitôt été inscrit à une rencontre avec les autorités algériennes, qui avait eu lieu le 13 février 2019, et après laquelle un laissez-passer avait été disponible en mars 2019. Le recourant avait alors disparu et le vol réservé avait dû être annulé. La pandémie de Covid avait par la suite interrompu les opérations. Les délais résultaient de la lenteur des autorités algériennes et des contraintes imposées par celles-ci et par Air Algérie aux renvois, étant précisé que le grand nombre de ressortissants algériens en attente de renvoi ne faisait qu’« ‘obstruer’ et allonger » le processus.

27) Le recourant n’a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti au 17 août 2022.

28) Le 17 août 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 11 août 2022 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) Le recourant se plaint de la violation des principes de proportionnalité et de célérité, au vu de l’incertitude régnant quant à la possibilité effective d’exécuter son rapatriement en Algérie.

a. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

b. À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c, g et h LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement, elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif ou si elle a été condamnée pour crime. Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/730/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4 ; ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4).

Lorsqu'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI). Les ch. 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

c. En l’espèce, le recourant fait l’objet d’une décision de renvoi entrée en force du 22 juillet 2018 et de deux mesures d’expulsion judiciaire entrées en force, pour cinq ans le 24 septembre 2018 respectivement vingt ans le 24 janvier 2020. Les conditions d’une détention administrative fondée sur les l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et art. 75 al. 1 let. c LEI sont remplies, comme l’a relevé le TAPI. Elles le sont également au regard du fait que le recourant a été condamné pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEI) en raison de vols (art. 139 ch. 1 CP).

4) Reste encore à examiner si la détention ordonnée respecte le principe de la proportionnalité.

a. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

b. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

c. La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1436/2017 du 27 octobre 2017 consid.6a ; ATA/881/2015 du 28 août 2015 et les références citées).

d. En l’espèce, les autorités algériennes ont reconnu le recourant comme citoyen algérien en 2017 et délivré un laissez-passer en sa faveur en mars 2019. Rien ne laisse supposer et le recourant ne l’établit ni ne l’allègue, qu’elles ne délivreront pas un nouveau laissez-passer dès qu’un vol aura pu être réservé en sa faveur.

Les vols avec escorte policière demeurent possibles, ce que le recourant ne conteste pas. Il fait toutefois valoir le nombre élevé des candidats au rapatriement forcé, que le commissaire de police reconnaît d’ailleurs, mais n’établit pas qu’il constituerait un obstacle dirimant à l’organisation de son rapatriement. Cela étant, les retours volontaires vers l’Algérie sont possibles et peuvent être exécutés rapidement si la personne coopère (ATA/736/2022 du 14 juillet 2022 consid. 5d). Or, le recourant s’oppose à son renvoi, de sorte que c’est son manque de coopération qui fait obstacle à son rapatriement et qu’il ne peut tirer argument du nombre des candidats au rapatriement forcé.

Le recourant a par ailleurs disparu en 2008 et en 2019, compromettant lors de la seconde occurrence un rapatriement déjà organisé. Dans ces circonstances, aucune mesure moins incisive que la mise en détention administrative n’est à même de garantir sa présence lors de l'exécution du renvoi. La détention est ainsi apte à atteindre le but voulu par le législateur et s’avère nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison du refus du recourant d’être renvoyé en Algérie.

5) Le recourant se plaint de la violation du principe de célérité.

a. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a).

Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée
elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1132/2018 du 21 janvier 2019 consid. 3.3 ; 2C_1106/2018 du 4 janvier 2019 consid. 3.3.2).

b. En l’espèce, les mesures nécessaires à l’identification du recourant ont été entreprises dès 2009 pour aboutir en 2017. Le recourant a alors été inscrit à une rencontre avec les autorités algériennes, qui a eu lieu le 13 février 2019. Un rapatriement a été organisé et un laissez-passer a délivré en mars 2019. Le recourant a toutefois disparu et le vol réservé a dû être annulé. La pandémie de Covid a ensuite suspendu les opérations de rapatriement. Ainsi que l’a relevé le commissaire de police, les retards sont imputables aux formalités exigées par les autorités algériennes ainsi qu’à la pandémie. Le recourant lui-même s’est soustrait à un premier rapatriement sur le point d’être exécuté. Le nombre des candidats au rapatriement forcé accroît enfin l’attente. Aucun défaut de diligence ou de célérité ne peut dans ces circonstances être reproché aux autorités suisses.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6) La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 août 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Francesco La Spada, avocat du recourant, au commissaire de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l’Établissement de détention administrative Favra, pour information.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :