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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2433/2021

ATA/791/2021 du 28.07.2021 sur JTAPI/730/2021 ( MC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2433/2021-MC ATA/791/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 juillet 2021

en section

 

dans la cause

 

COMMISSAIRE DE POLICE

contre

M. A______
représenté par Me Pierre Gasser, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juillet 2021 (JTAPI/730/2021)


EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1995, est originaire d'B______.

2) Il est arrivé en Suisse le 10 août 2015 et a déposé le lendemain une demande d'asile au Centre d'enregistrement et de procédure du secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) à Vallorbe.

3) Le 31 août 2015, le SEM a informé l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM), que M. A______ était attribué au canton de Genève conformément à l'art. 27 loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31).

4) Le 18 janvier 2018, le SEM a rejeté la demande d'asile de M. A______ et, simultanément, a prononcé son renvoi de Suisse. Un délai au 15 mars 2018 lui a été accordé pour quitter le territoire helvétique, décision qui est entrée en force.

5) Le 15 février 2021, le commissaire de police a émis un ordre de rétention de M. A______ pour une durée de septante-deux heures, sur la base de l'art. 73 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI -RS 142.20), afin de permettre son acheminement à l'ambassade d'B______ à Berne, où les autorités de ce pays devaient évaluer la possibilité de lui délivrer un laissez-passer.

6) Le 3 mai 2021, l'ambassade d'B______ à Berne a confirmé l’identité de M. A______ et lui a délivré un laissez-passer valable jusqu'au 2 juin 2021.

7) Une place sur un avion de ligne devant assurer son rapatriement était confirmée pour le 22 mai 2021.

8) Le 19 mai 2021, M. A______ a été interpellé par les services de police. Le même jour, le commissaire de police a ordonné son placement en détention administrative pour une durée de soixante jours, sur la base de l'art. 77 LEI.

9) Par jugement du 21 mai 2021, le Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) a confirmé la détention administrative prononcée à l'encontre de M. A______ pour une durée de soixante jours, soit jusqu'au 16 juillet 2021 inclus.

10) Le vol du 22 mai 2021 a été annulé car les passeports des agents d'escorte avaient été perdus par la poste suisse. Un nouveau vol a été réservé pour le 19 juin 2021 à destination de l'B______.

11) Par arrêt du 8 juin 2021 (ATA/611/2021), la chambre administrative de la Cour de Justice (ci-après: la chambre administrative) a rejeté le recours déposé par M. A______ contre le jugement précité du TAPI.

12) Le 17 juin 2021, M. A______ a refusé de se soumettre à un test PCR dans l'établissement de Frambois et le vol du 19 juin 2021 de type DEPA (vol de ligne avec escorte policière) a été annulé, un tel test négatif étant nécessaire pour permettre l'entrée sur le territoire B______.

13) Le lendemain, M. A______ a été auditionné par les services de police. Il a déclaré que depuis son entrée en détention administrative il avait fait une tentative de suicide. Il a soutenu être persécuté dans son pays car il était recherché par une famille qui voulait régler une dette de sang et avait reçu des menaces de mort de la part des autorités en raison de son refus d'accomplir son service militaire. Il ne voulait pas quitter la Suisse.

14) Le 22 juin 2021, le SEM a informé les services de police que les autorités fédérales venaient d'entamer les démarches relatives à l'organisation d'un vol spécial pour l'B______ et le Soudan. Une évaluation était encore nécessaire pour décider si la Suisse devait organiser elle-même un vol Frontex ou si elle pouvait participer à un vol Frontex depuis un autre État Schengen.

15) Le 28 juin 2021, les services de police ont informé l'OCPM que la date du vol spécial à destination de l'B______ n'était pas encore fixée. Le test PCR serait également nécessaire pour le vol spécial mais le SEM était en pourparlers avec les autorités B______ afin de pouvoir assurer les rapatriements sans ledit test.

16) Le 9 juillet 2021, le SEM a informé les services de police qu'il avait été décidé que la Suisse organiserait elle-même le vol spécial à destination de l'B______, que la semaine pendant laquelle se déroulerait le vol avait été fixée et que les cantons devaient inscrire auprès de SWISSREPAT les candidats au rapatriement en B______ sur ce type de vol.

17) Le 12 juillet 2021, les services de police ont demandé à SWISSREPAT la réservation d'une place en faveur de M. A______ à bord du vol spécial à destination de l'B______.

18) Le 16 juillet 2021, à la fin de sa détention administrative basée sur l'art. 77 LEI, M. A______ a été acheminé depuis le centre de détention administrative au Vieil Hôtel de Police.

19) Le 16 juillet 2021, à 9h50, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, considérant que son comportement démontrait qu'il entendait se soustraire à son renvoi.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en B______, dans la mesure où il avait fui ce pays pour échapper à son service militaire et à une vengeance familiale.

20) Par jugement du 20 juillet 2021, le TAPI a annulé l’ordre de mise en détention administrative, ordonné la mise en liberté immédiate de M. A______ et renvoyé le dossier au commissaire de police afin qu'il prononce à son encontre des mesures de surveillance et de contrôle.

21) Le jugement précité a été reçu par l'établissement de détention administrative de Frambois le 20 juillet à 8h55. M. A______ a été libéré le jour même à 10h24.

22) Le 20 juillet à 15h05, le commissaire de police a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation et au rétablissement de son ordre de mise en détention. À titre de mesures provisionnelles, il a demandé le maintien en détention de l'intéressé.

23) La chambre administrative a adopté la mesure précitée à titre superprovisionnel et en a informé l'établissement de Frambois à 16h51, lequel a alors indiqué avoir procédé à la mise en liberté de l'intéressé le matin même.

24) Le 21 juillet 2021, le commissaire de police a complété son recours.

25) Le 22 juillet 2021, interpellé à cet égard par le juge délégué, le commissaire de police a déclaré maintenir son recours.

Il conservait un intérêt actuel à voir le jugement du TAPI mis à néant, en tant qu'il annulait arbitrairement son ordre de mise en détention, ordre dont la conformité au droit devait être confirmée, ne fût-ce que pour lui permettre de prononcer à nouveau cette mesure en cas de localisation et d'interpellation prochaine de l'intéressé.

26) M. A______ n’a pas été invité à se déterminer sur le recours.

27) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre de céans examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/710/2021 du 4 juillet 2021 consid. 3).

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers, du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

3) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l'intérêt s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; ATA/322/2016 du 19 avril 2016 ; ATA/308/2016 du 12 avril 2016).

d. Il est toutefois exceptionnellement renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ;
139 I 206 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2) ou lorsqu'une décision n'est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui vont perdurer (ATF 136 II 101 ; 135 I 79). Cela étant, l'obligation d'entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l'absence d'un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3).

4) En l'espèce, l'intimé a été libéré avant le dépôt du recours. Le recourant n'a dès lors plus d'intérêt actuel à la confirmation de son ordre de mise en détention. Reste à examiner s'il y a lieu de renoncer en l'espèce à cette condition de recevabilité.

Toutefois, si la mise à néant d'un ordre de mise en détention peut effectivement se reproduire, rien n'empêche le recourant d’en prendre un nouveau en cas d’interpellation de l'intimé. La légalité de ce nouvel ordre devra de toute façon être examinée par le TAPI, lequel pourrait en toute hypothèse – et donc même en cas de confirmation de l'ordre présentement litigieux – se prévaloir d'un changement de circonstances pour rendre une décision similaire. En d'autres termes, un contrôle judiciaire est prévu dans tous les cas, et les circonstances d'espèce ne seront pas semblables. Il n'y a donc pas lieu de renoncer à la condition de l'intérêt actuel.

Il reste cela étant loisible au recourant de conclure à l'avenir, devant le TAPI, à ce que l'éventuelle libération d'un détenu administratif ne soit pas prononcée de manière immédiate, mais différée d'un nombre d'heures suffisant pour pouvoir obtenir le cas échéant de la juridiction de céans un maintien en détention à titre superprovisionnel.

Vu ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable, l'intérêt actuel ayant disparu avant même le dépôt du recours, ceci sans échange d’écritures conformément à l’art. 72 LPA.

5) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 20 juillet 2021 par le commissaire de police contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juillet 2021 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à commissaire de police, à Me Pierre Gasser, avocat de M. A______, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :