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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/619/2000

ATA/700/2000 du 14.11.2000 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; ESCALIER; DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS; TPE
Normes : LDTR.9 al.1
Résumé : Sans motif (de l'art.9 al.1 LDTR), un escalier pour relier 2 appartements ne saurait être autorisé. En particulier, la condition de la nécessité n'est pas remplie, l'état de santé de la mère du recourant qui habite un des 2 appartements ne requérant pas l'assistance du recourant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 14 novembre 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur B__________

représenté par Me Christian Buonomo, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DE DÉFENSE DES LOCATAIRES

représentée par Me Carlo Sommaruga, avocat

 

et

 

Monsieur K__________

représenté par Me Carlo Sommaruga, avocat

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur B__________ habite dans l'immeuble sis _________ à Genève, propriété de la SI A__________, dont il est le propriétaire économique.

 

2. En 1988 ou 1989, il a construit un escalier en colimaçon reliant les appartements du 6ème étage de six pièces et demie et du 7ème étage de deux pièces et demie.

 

3. Monsieur K__________ est locataire d'un appartement situé juste au dessous des appartements de M. B__________. Gêné par le bruit généré par l'escalier il a, par l'intermédiaire de l'Association genevoise de défense des locataires (ci-après : Asloca), dénoncé au département des travaux publics et de l'énergie, devenu depuis le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département) l'existence de l'escalier qui, à son avis, n'avait pas été autorisé.

 

4. Un inspecteur de la police des constructions du département a effectué un contrôle sur place le 27 mars 1997 et a constaté la construction de l'escalier en colimaçon entre les appartements du 6ème étage et du 7ème étage.

 

5. Le 15 avril 1997, le département a invité M. B__________ à déposer, dans un délai de trente jours, une autorisation de construire pour l'escalier litigieux et la réunion des deux appartements.

 

6. Une demande d'autorisation de construire par procédure accélérée a été sollicitée le 3 juin 1997 (APA no 13257) par l'intermédiaire de M. L__________, architecte.

 

7. Le 9 juillet 1997, le département a fait part à M. L__________ de son accord d'envisager l'autorisation de réunir les deux appartements à condition que des améliorations phoniques soient proposées, vu les nuisances sonores provenant de l'escalier pour les locataires de l'immeuble.

 

8. Sans nouvelles de M. B__________, M. L__________ a informé le département, par courrier du 30 septembre 1997, qu'il ne représentait plus les intérêts de son mandant.

 

9. Le 17 octobre 1997, le département a demandé à M. B__________ de lui communiquer les mesures qu'il entendait prendre pour régulariser la situation illégale.

 

10. Le 2 juin 1998, un dernier délai de dix jours était imparti à M. B__________ pour transmettre le nom de l'architecte mandaté afin de régulariser la situation. Une amende d'un montant de CHF 1'000.- lui était également infligée.

 

11. Toujours sans nouvelles de M. B__________, le chef du département a, le 23 novembre 1998, ordonné la démolition dans un délai de 90 jours de l'escalier litigieux et le rétablissement des deux appartements distincts de six pièces et demie et deux pièces et demie. En outre, une nouvelle amende de CHF 5'000.- a été infligée à M. B__________.

 

12. Le 8 février 1999, M. B__________ a requis du département la reconsidération de la décision du 23 novembre 1998. M.  I__________, architecte, avait été mandaté afin de trouver une solution pour les problèmes des nuisances sonores liés à l'escalier litigieux.

 

13. Le 15 février 1999, le département a accepté de surseoir à l'amende et à l'ordre de démolition de l'escalier dans l'attente des propositions d'isolation phonique.

 

14. Une solution pour remédier au bruit lié à l'utilisation de l'escalier a été présentée le 21 mai 1999.

 

15. Sur requête du département, M. B__________ a signé, le 19 juillet 1999, un engagement selon lequel l'escalier de liaison entre les deux appartements était autorisé à titre provisoire. L'autorisation était valable pour une durée de dix ans à partir de l'inscription de la mention au Registre foncier, aucune garantie n'était donnée quant à son éventuelle prolongation, à requérir auprès du département. A l'échéance du délai ou en cas de départ, l'escalier de liaison devait être supprimé et les deux appartements réaménagés en deux appartements distincts et ceci à ses frais et de sa propre initiative.

 

16. Le département a finalement accordé, le 11 août 1999, l'autorisation pour la construction de l'escalier de liaison entre le 6ème et le 7ème étage. Elle était subordonnée à l'inscription au Registre foncier de la teneur de l'engagement pris par M. B__________ et mentionnait l'exécution des mesures de protection phonique dans un délai de 60 jours.

 

17. En temps utile, l'Asloca et M. K__________ ont déposé un recours contre l'autorisation auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission de recours).

 

18. Par décision du 5 mai 2000, la commission de recours a annulé l'autorisation de construire APA 13257, celle-ci étant contraire à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).

 

19. Par acte déposé au greffe le 5 juin 2000, M. B__________ a recouru par-devant le Tribunal administratif. Il a conclu à l'annulation de la décision de la commission de recours du 5 mai 2000. Lui-même habitait au 7e étage alors que sa mère, âgée et non autonome, habitait seule dans l'appartement du 6e étage. Séparé, il recevait régulièrement ses enfants. Souvent absent en raison de ses obligations professionnelles, il confiait à sa mère le soin de s'occuper de ses enfants, ce qu'elle pouvait faire plus aisément du fait de l'existence de l'escalier. La réunion des deux appartements était dès lors une nécessité à teneur de l'article 9 alinéa 1 lettre d de la LDTR. En outre, la commission ne tranchait pas la question de son intérêt à la réunion des deux appartements. Elle ne tenait pas compte du fait que l'autorisation était limitée dans le temps et que des travaux d'insonorisation allaient être effectués. Enfin, elle faisait preuve de formalisme excessif en écartant l'engagement signé par lui-même sous prétexte qu'il n'avait pas été signé par le propriétaire juridique de l'immeuble. Depuis, soit le 30 mai 2000, la SI A__________. avait signé l'engagement.

 

20. a. La commission de recours a persisté dans les termes de sa décision.

 

b. Le département s'en est rapporté à l'appréciation du tribunal de céans.

 

c. L'Asloca et M. K__________ ont conclu à la confirmation de la décision de la commission de recours et au rejet du recours.

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. La loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), entrée en vigueur le 23 mars 1996, est applicable aux demandes d'autorisation pendantes devant le département au jour de son entrée en vigueur, ainsi qu'à celles qui, à ce même jour, font l'objet de procédures pendantes devant la commission de recours ou le Tribunal administratif (art. 50 al. 2 LDTR). A fortiori, elle est applicable aux demandes d'autorisation déposées après son entrée en vigueur, ce qui est le cas dans la présente cause, la demande d'autorisation l'ayant été le 3 juin 1997.

 

3. M. K__________ est locataire d'un appartement situé juste au dessous des appartements du recourant et est directement touché par les nuisances causées par l'usage de l'escalier. C'est donc à juste titre que la commission a admis sa qualité pour recourir (cf ATA SI E. du 7 février 1995; P. et P. du 15 décembre 1992). De même, selon une jurisprudence constante du tribunal de céans, la qualité pour recourir de l'Asloca comme association est reconnue en matière d'application de la LDTR (art. 45 al. 6 LDTR; ATA Asloca-Rive c/ M. du 16 mai 2000).

 

4. Le Tribunal fédéral a considéré que la LDTR était l'expression d'une politique du logement en principe compatible tant avec l'article 26 (anciennement : 22 ter), qu'avec l'article 27 (anciennement : 31) de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101), même si elle peut avoir certains effets de politique économique (SJ 1991 p. 481, notamment 491).

 

5. La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones de construction mentionnées à l'article 2 LDTR, en restreignant notamment la transformation des maisons d'habitation (art. 1 al. 1 et 2 al. 1 LDTR). Sont considérés comme transformation les travaux qui ont pour objet de modifier l'architecture, le volume, l'implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 3 al. 1 let. a LDTR).

 

6. Le tribunal de céans a déjà eu l'occasion de considérer que la réunion de deux appartements en un seul appartement constituait une modification du style et de la distribution intérieure d'une maison d'habitation et cela quand bien même l'opération consistait à réunir deux logements et non à ne faire qu'un seul appartement de deux locaux séparés (ATA DTPE c/ SI P.S. du 30 janvier 1991, confirmé par ATF du 28.08.91; ATA R. et SI P.M."C" du 21 juin 1994; ATA C. du 10 octobre 2000). La construction de l'escalier reliant les deux appartements est donc bien soumise à la LDTR, ce que les parties ne contestent d'ailleurs pas.

 

7. Selon l'article 9 alinéa 1 LDTR une autorisation est nécessaire pour toute transformation au sens de l'article 3 alinéa 1; elle est accordée pour des motifs de sécurité ou de salubrité (let. a), d'intérêt public (let. b) ou d'intérêt général (let. c,d,e). L'article 9 alinéa 1 lettre d LDTR considère comme d'intérêt général les travaux répondant à une nécessité. La nouvelle LDTR a abandonné le principe de l'interdiction de transformer au profit d'un régime d'autorisation soumis au respect de certaines conditions. Les conditions posées pour l'octroi d'une autorisation ont néanmoins été reprises telles quelles de la version précédente de la loi, sous réserve de modifications rédactionnelles (O. BINDSCHEDLER et F. PAYCHERE, La jurisprudence récente du Tribunal administratif du canton de Genève en matière d'entretien des immeubles in RDAF 1998 p. 363 ss, notamment 364; Mémorial des séances du Grand Conseil 1995/V, p. 4541 ss, notamment p. 4565, 4570).

 

En l'espèce, aucune des conditions permettant une transformation au sens de l'article 9 LDTR n'est réalisée. En particulier, contrairement à ce que soutient le recourant, la condition de la nécessité n'est pas remplie. En effet, l'appartement du recourant se trouve juste en

dessus de celui de sa mère, de sorte que celle-ci comme le recourant et ses enfants peuvent utiliser les escaliers ou l'ascenseur de l'immeuble s'ils doivent se rendre d'un appartement à l'autre. De plus, il n'apparaît pas que l'état de santé de la mère du recourant requiert l'assistance de son fils puisque, de l'aveu même de ce dernier, il est souvent absent de son domicile pour des raisons professionnelles et qu'il lui confie parfois la surveillance de ses enfants. A cet égard, la mère du recourant, qui loge dans un appartement de six pièces et demie, peut accueillir ses petits-enfants chez elle lorsqu'elle en a la garde. L'escalier reliant les deux logements n'apparaît donc nullement nécessaire au sens de la LDTR.

 

8. En l'absence d'un motif énoncé à l'article 9 alinéa 1 LDTR permettant l'octroi d'une autorisation, une transformation doit être refusée, aucune autre mesure moins incisive n'étant prévue. En l'occurrence, aucune des conditions n'étant réalisée, l'autorisation ne peut pas être délivrée et elle doit être refusée. L'engagement signé par le recourant, le caractère provisoire de l'autorisation et la prise de mesures d'insonorisation ne permettent pas d'aboutir à une solution différente au regard de la LDTR.

 

Il n'existe pas, dans le cas d'espèce, un intérêt privé prépondérant qui justifierait, en application du principe de la proportionnalité, le prononcé d'une mesure moins incisive. L'intérêt privé du recourant doit céder le pas devant l'intérêt public à la préservation du parc locatif. Sous l'empire de l'ancienne LDTR, le Tribunal administratif avait déjà admis, en cas de réunion de deux appartements, le refus d'une dérogation au motif notamment que l'intérêt à l'octroi d'une dérogation ne saurait être de simple commodité (ATA R. et SI P.M."C" du 21 juin 1994).

 

9. Le recours doit dès lors être rejeté. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant et une indemnité de procédure de CHF 2'000.-- allouée à M. K__________ et à l'Asloca, à la charge de M. B__________.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 5 juin 2000 par Monsieur B__________ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 5 mai 2000;

 

au fond :

 

le rejette ;

 

met à la charge de Monsieur B__________ un émolument de CHF 1'000.-;

 

alloue à Monsieur K__________ et à l'Asloca une indemnité de procédure de CHF 2'000.-;

communique le présent arrêt à Me Christian Buonomo, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et à Me Carlo Sommaruga, avocat de Monsieur K__________ et de l'Asloca.

 


Siégeants : M. Thélin, vice-président, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, M. Paychère, juges, M. Bonard, juge-suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le vice-président :

 

V. Montani Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci