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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1159/2021

ATA/669/2022 du 28.06.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.09.2022, rendu le 16.03.2023, REJETE, 8C_515/2022
Descripteurs : INSTITUTION UNIVERSITAIRE;ENSEIGNANT;EXERCICE DE LA FONCTION;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;COMPORTEMENT IRRESPECTUEUX;HARCÈLEMENT SEXUEL(DROIT DU TRAVAIL);ENQUÊTE ADMINISTRATIVE;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF
Normes : Cst.29.al2; LU.13.al1; LU.9.leta; RPers.20; RPers.21; RPers.22; RPers.23; RPers.63; RPers.89; RPers.119; RPers.121; RPers.122; RPers.123; RPers.124; LEg.4
Résumé : Confirmation de la décision de non-renouvellement du mandat d’un professeur associé ayant contrevenu à ses devoirs de service en raison de son comportement. Rejet des recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1159/2021-FPUBL ATA/669/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 juin 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Nicolas Capt, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE
représentée par Mes Pierre Gabus et Lucile Bonaz, avocats


EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1973, a été nommé le 12 janvier 2016 par l’Université de Genève (ci-après : l’université) en qualité de professeur associé à la section de psychologie de la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (ci-après : la faculté), avec affiliation au centre interfacultaire en sciences affectives (ci-après : CISA), pour un mandat courant du 1er février 2016 au 31 juillet 2020. Il a pris la direction du laboratoire de modélisation multimodale de l’émotion et du ressenti (ci-après : le laboratoire) situé sur le campus « B______ », dans le quartier C______, dont les travaux portaient sur la modélisation computationnelle, la réalité virtuelle et la robotique en sciences affectives, avec un intérêt particulier pour l’imagination, la régulation des émotions et leur rôle dans les comportements normaux et pathologiques.

2) En début d’année 2020, la faculté a entamé la procédure d’évaluation du mandat de M. A______ en vue de son renouvellement.

3) Dans ce cadre, les collaborateurs de l’enseignement et de la recherche (ci-après : CER) ont été consultés et ont, le 17 janvier 2020, préavisé favorablement, sous réserves, le renouvellement du mandat de M. A______.

Les témoignages récoltés auprès des collaborateurs et de la majorité de l’équipe de M. A______ étaient partagés. Malgré des retours globalement positifs, des éléments problématiques étaient apparus, comme des conflits avec des collaborateurs concernant son style de gestion, d’une pression mise sur ceux-ci en raison de délais de remise de travaux trop courts, de l’encadrement des étudiants assuré par les collaborateurs, de l’arrêt de plusieurs étudiants de master en cours d’année ou encore de la proposition de sujets de master irréalisables dans le délai imparti. Des pistes d’amélioration étaient proposées, comme une planification à plus long terme, la focalisation sur des projets principaux ou encore une plus grande rigueur dans le management.

4) Le 29 janvier 2020, M. A______ a fait l’objet d’un entretien d’évaluation en vue du renouvellement de son mandat en présence de Mesdames D______ et E______, respectivement doyenne de la faculté et présidente de la section de psychologie de la faculté, à l’issue duquel l’accompagnement par un comité dédié lui était proposé.

Lors de l’entretien, M. A______ a expliqué avoir rencontré certaines difficultés au début de son mandat, qu’il avait pu surmonter, ayant désormais l’impression d’avoir constitué une équipe, élaboré des projets porteurs et encadré les étudiants de manière satisfaisante. Il admettait avoir des progrès à faire en matière de management, s’entretenant régulièrement à ce sujet avec la direction du CISA.

5) Le 20 février 2020, la commission chargée d’examiner le renouvellement du mandat de M. A______ (ci-après : la commission) a préavisé favorablement, à l’unanimité, ledit renouvellement du 1er août 2020 au 31 juillet 2025, tout en demandant à ce qu’il soit veillé aux points soulevés par les CER et à ce que l’amélioration des conditions de travail de son équipe suive son cours.

M. A______ avait certes satisfait aux exigences d’enseignement, de recherche et de gestion définies dans son cahier des charges, mais les éléments relevés par les CER de son équipe exigeaient que des solutions soient trouvées dans les meilleurs délais pour résoudre, sur son prochain mandat, ces problèmes.

6) Le 20 février 2020 également, le collège des professeurs ordinaires de la faculté (ci-après : le collège) a accepté la proposition du renouvellement du mandat de M. A______ par dix-sept oui et deux abstentions.

7) Le 10 mai 2020, le décanat a rendu son avis au sujet du premier renouvellement du mandat de M. A______.

Des éléments préoccupants avaient été relevés à la suite de la consultation de l’équipe de M. A______. Les entretiens individuels avec cinq de ses membres avaient fait apparaître que l’intéressé avait accepté d’encadrer de trop nombreux projets de master, ce qui l’avait conduit à demander à ses collaborateurs, eux-mêmes doctorants et parfois même pas membres des CER, d’encadrer certains de ces projets. En outre, la majorité des collaborateurs de M. A______ avait une formation initiale en informatique, alors qu’ils devaient encadrer des étudiants en psychologie. Plusieurs mesures d’accompagnement, selon un planning s’étendant de juin 2020 à avril 2021, étaient recommandées, comme la diminution du nombre d’étudiants de master, un guidage explicite et proactif sur la conduite des projets de recherche, la proposition de sujets cadrés pouvant être menés dans les temps et sur la base de leur formation pour les étudiants de master, ainsi que l’engagement de collaborateurs ayant une formation en psychologie.

8) Le 26 juin 2020, M. A______ a été reçu par le comité d’accompagnement, qui lui a présenté les recommandations formulées par le décanat ainsi que le processus de suivi à mettre en place pour l’année académique à venir.

9) À la suite de cet entretien, M. A______ a demandé au décanat de lui faire parvenir la liste des recommandations concernant la gestion de son équipe, ainsi que le calendrier des mesures de suivi. Il s’engageait à faire de son mieux pour améliorer son fonctionnement sur les points soulevés.

10) Le 29 juin 2020, le décanat a transmis à M. A______ la liste des points essentiels sur lesquels il lui recommandait d’être vigilant, reprenant en substance son courrier du 10 mai 2020.

11) Le 2 juillet 2020, Madame F______ a écrit au rectorat de l’université (ci-après : le rectorat) au sujet de M. A______, sous la direction duquel elle avait travaillé dans le cadre de son mémoire de master en 2016.

Avec d’autres étudiants, elle avait voulu effectuer un travail de master supervisé par M. A______, qui avait rapidement instauré une atmosphère informelle et leur avait dit que leurs recherches pourraient être publiées. Très vite, elle était devenue son étudiante favorite, son professeur n’hésitant pas à la qualifier de « star student » et à la présenter aux collaborateurs, notamment Madame G______, comme « incroyablement intelligente et professionnelle ». Elle avait toutefois été déstabilisée par la faculté de M. A______ à passer d’une très grande décontraction à des exigences élevées et des tâches à réaliser à brève échéance sans aucun suivi de sa part, l’intéressé laissant les étudiants dans le flou s’agissant de la direction à donner à leurs projets.

Il lui avait ainsi été impossible d’aborder avec M. A______ les détails de son projet, tant lors des réunions de groupe que des entretiens individuels. Ainsi, après un « lab meeting » en présence des autres étudiants, M. A______ lui avait dit qu’il n’avait pas le temps de la voir dans son bureau mais qu’elle pouvait l’accompagner en direction de son domicile en marchant pour en parler. La conversation avait toutefois porté sur sa vie privée, son avis sur la nature de la conscience, de la mort ou encore du désir sexuel, ce qui l’avait mise mal à l’aise, de même que la manière avec laquelle il la regardait. Arrivés devant les Bains des Pâquis, il l’avait invitée à boire un verre, ce qu’elle n’avait pas pu refuser étant donné qu’elle devait lui parler de son projet. À une autre occasion, il avait insisté pour qu’ils discutent en se promenant, au motif que les rendez-vous dans son bureau l’oppressaient. Il avait alors souhaité discuter dans le parc de la Perle du Lac. Au cours de l’entretien, elle n’avait pas non plus réussi à maintenir la conversation sur le développement de son projet, M. A______ divaguant sur de grands principes et lui demandant son avis sur la nature de la conscience et du désir sexuel, allant jusqu’à lui parler de programmes pornographiques en réalité virtuelle qu’il avait chez lui et qui pouvaient être utilisés dans un cadre de recherche.

Durant la même période, lors des « lab meetings », M. A______ la regardait avait insistance, commentant chacune de ses interventions avec un compliment. En automne 2016, il avait même ponctué l’une de ses suggestions par « F______, this is why I love you ! », suscitant les plaisanteries des autres étudiants, qui suggéraient qu’il était amoureux d’elle, ce qui l’avait alarmée étant donné qu’elle ne voulait pas ternir sa réputation. Constatant que son projet n’avançait pas, que M. A______ ne lui laissait aucun répit au niveau professionnel, malgré la tenue des examens, et qu’elle éprouvait un malaise grandissant en sa présence, elle avait décidé de changer de projet de master et d’être supervisée par un autre professeur de la faculté, ce qui lui avait fait perdre un semestre. Après en avoir fait l’annonce à M. A______, celui-ci lui avait envoyé des courriels qui ressemblaient à une rupture sentimentale de mauvais goût. Elle évitait autant que possible de le croiser dans les couloirs du campus, craignant pour son intégrité physique et psychique.

En janvier 2020, lorsqu’elle avait entamé un doctorat en neurosciences au CISA, sous la supervision d’un autre professeur, celui-ci lui avait proposé une collaboration avec M. A______, qu’elle n’avait pas été en mesure de refuser face à l’insistance de son directeur de thèse. M. A______ avait repris une attitude déplacée à son égard, lui lançant au surplus des « regards déshabillants », si bien qu’elle s’était adressée à Madame H______, conseillère aux études à la faculté, qui l’avait informée de ce que plusieurs cas similaires avaient été portés à sa connaissance et que des mesures avaient été mises en place pour que M. A______ gère mieux ses comportements inadéquats. Mi-juin 2020, alors qu’elle travaillait à son poste, M. A______ était venu engager une conversation informelle avec elle, insinuant qu’elle avait fait usage de son charme à l’égard de d’un membre de son équipe pour obtenir des faveurs professionnelles et qu’elle manquait d’investissement dans son travail. Elle s’était sentie en insécurité physique et psychologique, ce qui avait eu pour effet de réactiver la charge émotionnelle passée.

Elle avait eu un entretien en début du mois de juin 2020 avec une deuxième « victime » de M. A______, qui avait toutefois souhaité rester anonyme, et avait contacté la cellule confiance, qui l’avait dirigée vers Mme D______. Celle-ci l’avait reçue lors d’un entretien le 25 juin 2020 en présence de l’administratrice de la faculté, et lui avait fait part de l’existence d’une potentielle troisième « victime ». Les agissements de M. A______ avaient eu pour conséquence d’importants retards dans le développement de ses projets académiques et un grand sentiment d’insécurité sur son lieu de travail.

12) Le 3 juillet 2020, le décanat a écrit au rectorat au sujet des « plaintes concernant des comportements de type harcèlement psychologique et sexuel » du fait de M. A______.

Lors du renouvellement du premier mandat de l’intéressé, l’évaluation effectuée par les CER était apparue suffisamment alarmante pour qu’un comité d’accompagnement soit mis en place. Le 22 juin 2020, les CER impliqués dans la consultation de l’équipe de M. A______ avaient signalé deux cas de harcèlement sexuel, à la suite de quoi les ressources humaines (ci-après : RH) avaient été saisies. Une rencontre avec les deux personnes concernées et la doyenne avait été organisée de manière individuelle, étant précisé qu’une troisième personne s’était déjà confiée à la doyenne en 2016 ou 2017, sans plus se manifester par la suite. Les deux personnes en question étaient inquiètes des réactions que leur déposition pouvait susciter de la part de M. A______, craignant pour leur réputation et la suite de leur carrière académique. Les faits dénoncés devaient ainsi être instruits et, le cas échéant, le mandat de M. A______ devait être renouvelé de manière conditionnelle, le temps que l’enquête administrative aboutisse.

13) Par courriel du 7 juillet 2020, le recteur a informé M. A______ qu’il souhaitait le rencontrer, en présence de la directrice des RH de l’université, afin de discuter du renouvellement de son mandat.

14) Le lendemain, M. A______ a fait part au recteur du caractère inhabituel d’une telle démarche, lui demandant de lui communiquer l’objet et le contenu spécifique d’une telle rencontre.

15) Le même jour, le recteur lui a répondu que l’entretien concernait le renouvellement de son mandat et qu’il n’était attendu aucune préparation particulière de sa part, le décanat étant au surplus informé de la tenue de l’entretien.

16) L’entretien en cause s’est tenu le 13 juillet 2020 en présence du recteur et des RH, M. A______ étant assisté d’un avocat.

17) Le même jour, à l’issue de cet entretien, M. A______ a écrit au recteur concernant « des accusations de harcèlement sexuel », contestant avoir adopté envers quiconque un comportement tendancieux et demandant à consulter son dossier.

18) Le lendemain, M. A______ a fait savoir au recteur qu’après consultation de son dossier, la plainte déposée à son encontre n’y figurait pas. Il sollicitait par conséquent qu’elle lui soit communiquée avant toute prise de décision.

19) Toujours le 14 juillet 2020, le recteur a répondu à M. A______ que la plainte formée à son encontre et ses annexes lui seraient communiquées en même temps que les décisions à prendre.

20) Par décision du 15 juillet 2020, déclarée exécutoire nonobstant opposition, le rectorat a prononcé le renouvellement conditionnel du mandat de professeur associé de M. A______ pour une durée d’un an, soit jusqu’au 31 juillet 2021, conformément à l’art 124 al. 1 du règlement sur le personnel de l’université du 17 mars 2009 (ci-après : RPers).

La commission avait émis un préavis positif, estimant qu’il avait satisfait aux exigences de son cahier des charges, tout en préconisant la mise en place de mesures de suivi, compte tenu des difficultés relevées par les représentants des CER. À ces difficultés s’était ajoutée une plainte de Mme F______ concernant son comportement, qui l’avait menée à ordonner l’ouverture d’une enquête administrative afin de faire la lumière sur les griefs formulés à son endroit et de vérifier s’il avait, ou non, enfreint ses devoirs de service. À l’issue de la procédure disciplinaire, il serait statué sur la suite à donner à son mandat, conformément à l’art. 124 al. 2 RPers.

21) Également par décision du 15 juillet 2020, déclarée exécutoire nonobstant opposition, le rectorat a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. A______ et sa suspension provisoire, sans suppression de traitement.

Au vu de la plainte de Mme F______, qui indiquait craindre pour son intégrité physique et psychologique, et de la mention par celle-ci de comportements inappropriés de sa part à l’endroit d’autres membres de la communauté universitaire, l’ouverture d’une enquête administrative se justifiait afin de faire la lumière sur les griefs formulés et de vérifier s’il avait, ou pas, enfreint ses devoirs de service. Les manquements qui lui étaient reprochés étaient de nature à compromettre la confiance et l’autorité qu’impliquait l’exercice de sa fonction professorale au sein de l’université. Si d’autres éléments apparaissaient durant l’enquête, celle-ci serait étendue en conséquence, étant précisé que le nom de l’enquêteur lui serait communiqué au début du mois d’août 2020.

Était joint le courrier de Mme F______ adressé le 2 juillet 2020 au rectorat et ses annexes.

22) Le 24 juillet 2020, M. A______ a formé opposition contre la décision du 15 juillet 2020 ordonnant sa suspension provisoire, ne contestant en revanche pas l’ouverture d’une procédure administrative à son endroit.

23) Par décision sur opposition du 28 juillet 2020, le rectorat a annulé « la décision de suspension de fonction prononcée le 15 juillet 2020 » à l’encontre de M. A______.

Il était autorisé à poursuivre l’ensemble de ses activités dans le cadre de ses fonctions à l’université, hors des locaux de celle-ci, pour autant qu’il ne s’approche pas de Mme F______ ni n’évoque la teneur de la plainte et n’en discute avec toute personne concernée, étant précisé qu’il devait également s’abstenir de toute action de nature à entraver le déroulement de l’enquête administrative.

Cette décision n’a pas été contestée par M. A______.

24) Le 29 juillet 2020, M. A______ a formé opposition contre la décision du 15 juillet 2020 de renouvellement conditionnel, concluant à son annulation et au prononcé d’un renouvellement ordinaire.

Son droit d’être entendu avait été violé, puisqu’il n’avait pas pu prendre connaissance de la plainte de Mme F______ et se déterminer à son propos avant la prise de la décision litigieuse. Aucun motif ne permettait de s’écarter du préavis de la commission, qui avait préconisé le renouvellement ordinaire de son mandat. Les difficultés de management constatées avaient fait l’objet d’un suivi en vue d’y remédier et ne justifiaient pas, à elles seules, de s’écarter du préavis. La plainte de Mme F______ avait non seulement entraîné l’ouverture d’une enquête administrative, mais aussi motivé le renouvellement conditionnel, sur la base de sa seule version des faits. La décision litigieuse n’était pas non plus proportionnée, puisque des mesures moins incisives auraient permis d’atteindre le même but, comme un renouvellement ordinaire avec des mesures d’accompagnement.

25) Le 30 juillet 2020, M. A______ a déposé une plainte pénale contre Mmes D______ et H______ des chefs de violation du secret de fonction, diffamation, voire calomnie, enregistrée sous procédure n° P/1______.

Le courrier au rectorat de Mme F______ indiquait que Mme H______ lui avait révélé des informations secrètes sur son dossier, à savoir l’existence de cas similaires et la mise en place de mesures pour l’aider à gérer ses comportements inadéquats. Le même courrier indiquait aussi que Mme D______ aurait mentionné l’existence d’une troisième « victime » de ses prétendus agissements.

26) Le 6 août 2020, le rectorat a informé M. A______ que Madame I______, avocate à J______ (VD), avait été mandatée en qualité d’enquêtrice dans le cadre de l’enquête administrative diligentée à son encontre.

27) Entre août et octobre 2020, l’enquêtrice a procédé à l’audition d’une vingtaine de témoins, dont les suivants :

a. Entendue hors la présence de M. A______ mais avec son conseil, Mme F______ a expliqué qu’elle avait ressenti une intrusion dans sa vie privée du fait notamment des déplacements de rendez-vous professionnels dans un cadre hors de l’université, aux Bains des Pâquis et au parc de la Perle du Lac, alors qu’elle était sous pression en raison de l’annulation des précédents entretiens durant lesquels elle devait lui parler de son projet de diplôme. Les conversations qui s’étaient tenues dans ce cadre avaient eu trait à la conscience de la vie, de la mort et du désir sexuel et n’étaient pas de nature scientifique. Étant donné que M. A______ supervisait son master, elle n’avait pas été en mesure de se positionner comme elle l’aurait fait dans un cadre strictement privé. M. A______ avait également tendance à alterner la décontraction et les prises de position hiérarchiques autoritaires et posait des exigences académiques allant au-delà de ce qui pouvait être demandé à des étudiants. Il avait fait preuve de flatteries excessives à son égard, l’ayant à de nombreuses reprises complimentée sur son intelligence et sur ses capacités, disant qu’elle était sa « star student ». L’exclamation « F______, this is why I love you ! » lors d’un « lab meeting » avait en outre exacerbé des rumeurs déjà présentes parmi les autres étudiants. Lorsqu’elle avait parlé de sa situation à la doyenne, celle-ci lui avait indiqué avoir eu connaissance d’un autre cas au sein du personnel administratif et technique, sans lui révéler son identité.

b. Mme G______, entendue les 1er et 8 septembre 2020 hors la présence de M. A______ mais avec celle de son avocat, puis le 25 septembre 2020 à huis clos, a expliqué avoir été engagée par la faculté comme maître-assistante en septembre 2015 et avoir partagé son bureau à UniMail avec l’intéressé. Elle avait remis à ce dernier son numéro de téléphone, comme elle le faisait avec d’autres collègues. Étant donné qu’il était nouveau à Genève, elle avait accepté sa proposition de boire un verre en sa compagnie et celle d’un tiers. Elle avait été mal à l’aise lorsqu’il avait parlé de « date », n’ayant jamais été attirée par lui et étant alors en couple, si bien qu’elle avait dû clarifier les choses. À la suite de cette soirée, M. A______ lui avait envoyé des messages à connotation sexuelle qui l’avaient mise extrêmement mal à l’aise. Elle n’avait pas envoyé de messages similaires ni alimenté ceux de M. A______, mais, au contraire, tenté de ramener les conversations « vers des eaux moins troubles », c’est-à-dire que lorsqu’un sujet la mettait mal à l’aise, elle passait à un sujet différent.

S’agissant de leur contenu, elle avait envoyé le premier message pour clarifier que leur sortie n’était pas un « date » et l’explication qu’il lui avait donnée l’avait rassurée au sujet de ses intentions. À l’époque, M. A______ avait nouvellement emménagé dans un appartement qu’il qualifiait de vide et les premiers messages qu’elle lui avait envoyés étaient humoristiques, étant précisé qu’elle avait eu recours à de nombreuses stratégies pour éviter qu’il s’intéresse à elle, en se réfugiant dans le rationnel et le scientifique, l’humour, la dévalorisation et en abondant même dans son sens, comme l’indiquaient ses derniers messages. Elle lui avait en particulier fait savoir que dans une relation, il y avait une composante d’attachement, ce que M. A______ niait, afin de lui montrer qu’ils n’étaient pas sur la même longueur d’onde. Elle avait éprouvé des difficultés à mettre le « holà », étant donné qu’à l’époque M. A______ était professeur alors qu’elle n’était que maître-assistante, ce qui créait un déséquilibre l’empêchant d’adopter un ton sec avec lui. Elle n’avait pas porté plainte au regard de sa situation familiale et professionnelle, le fait de témoigner dans le cadre de l’enquête administrative étant déjà « suicidaire » pour sa carrière académique. Les messages de M. A______ n’étaient pas comparables aux plaisanteries non taboues, mutuelles et bienvenues, qui s’échangeaient au CISA entre des collègues, mais l’avaient mise suffisamment mal à l’aise pour demander à changer de bureau, ce qui avait été fait au mois de novembre 2020.

c. Selon Mme D______, les éléments remontés au décanat à la suite des auditions de l’équipe de M. A______ avaient trait à la gestion de celle-ci, sur laquelle reposait une charge trop importante au niveau de l’encadrement des étudiants de master, si bien qu’un comité d’accompagnement avait été mis en place. À ce stade, aucun élément ne s’opposait au renouvellement du mandat de l’intéressé. Ce n’était qu’en juin 2020 qu’elle avait reçu un message des CER faisant état de deux plaintes de harcèlement sexuel. Les personnes en cause, à savoir Mmes F______ et G______, avaient ensuite pris contact avec elle. Elle les avait reçues séparément, en présence de l’administratrice de la faculté, puis les avait dirigées vers la cellule confiance qui gérait ce type de cas. De son côté, elle s’était tournée vers les RH pour savoir comment procéder dans une telle situation. Elle avait été frappée de constater à quel point les personnes concernées craignaient pour leur réputation et leur carrière académique. En aucun cas, elle ne leur avait donné l’injonction de saisir le rectorat.

d. Mme H______ avait rencontré Mme F______ lorsque celle-ci était étudiante en master, après qu’elle eut mis un terme au travail initié sous la supervision de M. A______. Elle avait dit à Mme F______ que deux autres personnes lui avaient fait part de leurs inquiétudes sur l’organisation de leur mémoire, sans lien avec un quelconque harcèlement. M. A______ travaillait « à l’américaine », de manière « friendly ». Elle se souvenait que Mme F______ était très inquiète d’être sollicitée par M. A______ hors du canal strictement professionnel.

e. Monsieur K______, professeur ordinaire à la faculté et au CISA, a indiqué avoir reçu des remarques de la part de Mme F______ en 2016 ou 2017 au sujet de M. A______ ainsi que de Mme G______, à qui il avait recommandé de s’adresser au groupe confiance. L’ambiance au CISA était familière, le tutoiement étant pratiqué, même s’il n’était pas forcément la règle avec les étudiants en master.

f. Selon Madame L______, anciennement administratrice au CISA, tout le monde se tutoyait au sein du centre, où l’ambiance était détendue. Mme G______, qui était une amie, lui avait à l’époque parlé de messages à caractère sexuel envoyés par M. A______, qui l’avaient mise mal à l’aise et l’avaient poussée à changer de bureau.

g. Madame M______, assistante administrative au CISA, avait entretenu de bonnes relations avec M. A______, en présence duquel elle s’était sentie mal à l’aise par le passé, ce qui n’était toutefois plus le cas, l’intéressé ne l’ayant jamais harcelée. À l’époque, Mme G______ lui avait montré les messages reçus de M. A______ et lui avait parlé du malaise qu’elle avait alors ressenti, allant jusqu’à changer de bureau. En juillet 2020, Mme D______ lui avait demandé si elle avait eu des soucis avec M. A______ étant donné qu’une personne avait déposé une plainte à son encontre.

h. Madame N______ avait effectué un travail de master entre 2016 et 2018 sous la supervision de M. A______ qui portait sur le désir sexuel féminin testé dans le cadre d’un environnement virtuel. Lors d’un « lab meeting », elle se souvenait de son exclamation au sujet de Mme F______, ce que les autres étudiants avaient trouvé drôle. Ceux-ci l’avaient alors taquinée en lui disant qu’elle bénéficiait d’une attention spéciale, ce qui n’était pas du goût de Mme F______, si bien qu’ils avaient arrêté.

i. Madame O______ avait fait son mémoire de master sous la supervision de M. A______ de 2016 à 2018 et constaté que ce dernier aimait bien Mme F______, avant même qu’il en fasse la remarque lors d’un « lab meeting ».

j. Madame P______ était doctorante externe sous la supervision de M. A______ et avait encadré, durant son temps libre et alors qu’elle ne faisait pas partie des CER, plusieurs étudiants de master. Au CISA, l’ambiance était très familière et le tutoiement de mise.

k. Monsieur Q______ avait travaillé avec M. A______ dès son arrivée à la faculté et constaté que le nombre d’étudiants admis en master dans son laboratoire était sans commune mesure à l’augmentation générale du nombre d’étudiants à la faculté, ce qui avait conduit à une charge d’encadrement excessive. Il avait souvent entendu les étudiants se plaindre de l’encadrement dispensé par M. A______. Il était présent lorsque ce dernier avait proposé à Mme F______ de marcher vers son domicile en discutant, ce qui avait provoqué une réaction à la fois amusée et scandalisée des autres étudiants, qui considéraient cette proposition comme inappropriée. Les mêmes étudiants rigolaient en outre en prêtant à Mme F______ et à M. A______ une relation plus que professionnelle.

28) Entendu durant l’enquête administrative, M. A______ a expliqué qu’au début de son engagement, il avait un bureau à UniMail, qu’il partageait avec Mme G______ et dans lequel il se rendait très peu, ainsi qu’un autre situé sur le campus B______. Lors de son arrivée au CISA, il avait constaté que les relations étaient très familières et les discussions autour du sexe fréquentes. Au début de son engagement, il avait dû s’organiser pour construire le laboratoire, ses infrastructures et se débrouiller pour obtenir des fonds. Il avait été amené à effectuer beaucoup de choses seul, s’étant au surplus trouvé face à une horde d’étudiants. Il n’offrait pas à ces derniers un encadrement standard et scolaire, mais tendait à les initier à la vie de laboratoire et à la recherche scientifique, en les « challengeant ». Il avait en outre appris durant sa carrière aux États-Unis que la décontraction et l’efficacité pouvaient aller de pair.

Lors d’un « lab meeting », il avait dit de manière spontanée à Mme F______, à la suite d’une remarque brillante de sa part, « F______, this is why I love you ! ». Prise dans son contexte, cette phrase n’était pas inappropriée, pas plus que le fait de discuter en marchant ou d’aller boire un verre avec l’intéressée aux Bains des Pâquis. Il n’avait toutefois pas senti de malaise de sa part, étant précisé qu’elle était très ouverte et n’hésitait pas à lui proposer des « lunchs » sur le campus. Lors de ces balades, ils avaient parlé des grandes questions de psychologie en lien avec le rapport de l’être humain à la mort et au désir d’une manière générale. Il avait d’ailleurs l’habitude de poser des questions à ses étudiants au sujet de leurs centres d’intérêts afin d’ajuster l’objet de leurs recherches. Il avait aussi parlé à Mme F______ des logiciels de réalité virtuelle avec des composantes érotiques qu’il avait téléchargés en lien avec le projet de recherche d’une autre étudiante dont il supervisait le master. Il était au demeurant usuel que, dans une optique transversale, les projets des étudiants soient discutés avec l’ensemble de ceux-ci. Ses rapports avec Mme F______ avaient été cordiaux, enthousiastes, familiers, comme avec les autres étudiants, et il n’avait pas eu l’impression de problèmes particuliers, voulant seulement la soutenir dans son travail. Il n’avait pas non plus adopté d’attitude séductrice envers Mme F______. Il pouvait néanmoins imaginer, avec le recul, qu’elle ait pu vivre une situation interpersonnelle embarrassante, qui n’était pas due à sa remarque mais à ce qui en avait été fait par les autres étudiants.

Avant d’échanger des messages avec Mme G______, il avait senti de sa part une attitude témoignant d’un intérêt non professionnel à son égard. Dans le contexte de « grande déconnade » qui régnait au CISA, il avait dit, d’un air « bouffon », au sujet du rendez-vous avec l’intéressée « we have a date, we have a date ». Le 23 juillet 2016, il avait ainsi dîné avec Mme G______ en présence d’un tiers, tous trois ayant discuté tant de choses professionnelles que privées. Mme G______ lui avait parlé des perversions des gens du CISA et avait insisté pour connaître les siennes, ce qui l’avait mis mal à l’aise. Lors de leurs échanges, Mme G______ n’avait pas découragé la discussion et il n’avait senti aucun malaise de sa part, étant précisé qu’il ne lui aurait pas envoyé de tels messages si elle le lui avait clairement signifié.

Il n’avait pas tenté d’intimider la conseillère aux études en déposant une plainte pénale à son encontre avant son audition par l’enquêtrice, s’en étant remis à l’appréciation de son avocat et s’étant senti attaqué de toutes parts.

29) Le 16 septembre 2020, M. A______ a versé à l’enquête administrative une partie des messages échangés avec Mme G______ entre le 22 et le 25 juillet 2016, caviardant certains de ses propres messages, par « respect de sa vie privée ». Il précisait que lesdits messages avaient été échangés entre adultes consentants et s’inscrivaient dans une relation épistolaire bilatérale. Mme G______ ne lui avait pas répondu sous la contrainte et le ton familier, voire intime, employé, ne permettait pas d’entrevoir de malaise. Les messages contredisaient en outre les propos de Mme G______ lors de ses auditions, laquelle avait indiqué avoir tenté de ramener la discussion dans des « eaux moins troubles » alors qu’elle avait alimenté la conversation, allant même jusqu’à envisager d’avoir une relation romantique avec lui.

30) Le 21 septembre 2020, M. A______ a déposé plainte pénale à l’encontre de Mme G______ du chef de faux témoignage, procédure jointe à la n° P/1______, lui reprochant d’avoir fait de fausses déclarations durant l’enquête administrative. Elle n’avait ainsi pas tenté de ramener la conversation vers des « eaux moins troubles » mais explicitement parlé de ses préférences sexuelles et laissé entendre qu’il pouvait se passer quelque chose entre eux, alimentant la conversation.

31) Le 21 septembre 2020 également, M. A______ a transmis à l’enquêtrice un courriel que Mme G______ lui avait envoyé le 22 juin 2020 dont l’intitulé était « doublage de films porno en ch’ti – un échec commercial d’après les guignols ». Le message indiquait « c’est la minute culture raffinée » et comportait un lien internet vers une vidéo « YouTube » à teneur humoristique.

32) Le 22 septembre 2020, l’enquêtrice a requis de M. A______ la production des messages non caviardés échangés avec Mme G______, ce que M. A______ a refusé par courrier du lendemain.

33) À l’issue de son audition par l’enquêtrice, Mme G______ lui a transmis une version non caviardée de ses échanges de messages avec M. A______ entre le 22 et le 25 juillet 2016, dont il ressort ce qui suit :

Le 22 juillet 2016, Mme G______ envoyait un message à M. A______ selon lequel elle irait avec plaisir boire un verre en sa compagnie, précisant qu’il ne s’agissait pas d’« un date », ce qu’elle voulait clarifier, même si elle l’appréciait beaucoup. Le même jour, M. A______ le lui confirmait, dès lors qu’il souhaitait autant que possible éviter les relations, même s’il la trouvait charmante et qu’il était un peu séducteur en général. Le lendemain, les intéressés échangeaient des messages au sujet de leur sortie, qui aurait lieu le soir même, à 20h30, en présence d’un tiers. Le 24 juillet, à 1h07, Mme G______ écrivait « avant que je n’oublie : je n’avais pas fini ! À refaire donc bonne nuit ».

Le même jour, à 16h33, Mme G______ envoyait à M. A______ une photographie représentant un coussin sur lequel était écrit « 100 % si votre appartement est vide, tout ce dont vous avez besoin est un COCO-MAT » et indiquant « reste à savoir ce qu’est un "coco-mat" ». Toujours le 24 juillet, à 20h04, M. A______ répondait « l’appartement n’est pas vide mais j’ai un grand lit ». Le lendemain, à 8h21, Mme G______ lui envoyait un lien vers une page internet énumérant cinquante raisons de rester au lit et lui indiquait que « ça pourrait te permettre de le voir plus positivement », sur quoi M. A______ lui répondait qu’il pouvait y avoir d’autres raisons en plus, comme « des choses cochonnes », lui demandant si elle voulait « des détails !? ». Mme G______ lui répondait qu’étant donné l’accentuation de sa phrase, elle devait dire non. M. A______ lui indiquait qu’elle était libre et que c’était très explicite, sur quoi elle lui disait « Pour l’instant pas. Et mon imagination peut être bien plus graphique que la réalité ». M. A______ écrivait « disons que si tu étais dans mon lit là je pense que je commencerait pas (sic) te manger la chatte pour le petit déjeuner », « pas besoin de sortir du lit pour ça et une bonne raison d’y rester », « j’aime le sexe le matin », « je t’avais prévenu », « mais c’est assez générique ». Sur quoi, Mme G______ lui signifiait que « Matin = pic hormonal pour les hommes » était classique et qu’après samedi elle pensait qu’il avait « des perversions bien moins classiques ». M. A______ répondait « j’aimerais venir dans ta petite culotte et que tu ai (sic) la chatte couverte de sperme que tu gardes toutes la journée entre tes jambes et que je te baise le soir », sur quoi Mme G______ indiquait qu’il s’agissait certainement de curiosité mal placée de sa part. M. A______ lui demandait si elle avait des « choses moins classiques », sur quoi elle lui répondait en « termes de contenu ou d’intensité ? (désolée pour la référence aux théories bidimensionnelles) ». M. A______ lui indiquait alors « j’aime les choses psychologiques aussi avec des composantes sm assez perverses et sales (pour rester générique) ». Mme G______ lui signifiait qu’elle était assez ennuyeuse, même si elle n’excluait rien non plus, n’aimant pas dévoiler ses cartes. M. A______ répliquait que le sexe ennuyeux pouvait lui plaire « en se mettant dans le bon état d’esprit ». Mme G______ répondait « je dis juste que pour moi en tout cas pas besoin de créer des scénarios de folie ou tester le kamasutra pour que ce soit bien. Du moment que c’est intense » et connaître ses perversions était « rigolo », précisant « et ça m’arrive de me demander qui a quelle perversion au CISA ». M. A______ indiquait aimer « des choses assez radicales », « bref je bande maintenant », « disons le autrement, tu me fais bander ». Mme G______ lui répondait qu’elle ne savait pas pourquoi, étant donné qu’elle était « ennuyeuse », à quoi M. A______ répondait être « assez primitif de ce côté-là » et que le fait de parler lui donnait très vite des idées très concrètes, étant sûr qu’il aimerait s’ennuyer en sa compagnie. Mme G______ lui disait alors qu’il ne répondait pas à sa question et qu’il lui semblait qu’il avait « (très) faim ». Il lui répondait « j’ai souvent faim. La réponse à ta question abord (sic) ton corps, tes seins et quelque chose qui me dit que je pourrais te faire toutes sortes de choses parce que tu es ouverte comme tu dis ». Mme G______ poursuivait en écrivant « le plus frappant c’est que R______ avait prédit ça en février déjà » et « quand elle a su qu’on allait être dans le même bureau, elle m’a dit j’ai appris que tu allais partager ton bureau. Oulàlà ! ». M. A______ lui indiquait que le partage du bureau n’était pas tout mais que c’était lié à qui elle était et « je me suis imaginé que tu aimerais des choses cochonnes que ça pourrait être facile tranquille avec toi, qu’on pourrait baiser sans prise de tête en explorant toutes sortes de choses », mais qu’il pouvait parfaitement se tenir et être un très bon ami. Sur quoi, Mme G______ lui indiquait « je ne dis pas que c’est fau », « X », à quoi M. A______ répondait « si c’est une métaphore de ton trou du cul ce X alors tu m’as compris :-) ». Mme G______ lui disait que c’était en lien avec l’orthographe, à quoi M. A______ répondait « oui c’est bien cette obsession ça veut dire que tu es une anale, et j’aimerais bien jouer sur ta tendance à l’obsession », « tu aimes les cordes aussi ». Mme G______ lui répondait qu’elle avait une personnalité addictive et « ça te titille que tu ne saches pas exactement ce que je veux ». S’en suivait une orientation de la discussion sur le jeu et le pouvoir, M. A______ indiquant que c’était un prétexte pour faire « des choses sales », « très sales et décadentes ». Il se fichait des ragots, ce qui ne « devrait pas nous empêcher de baiser :-) ». Mme G______ remarquait qu’ils étaient collègues et qu’il s’agissait d’un frein beaucoup plus grand, sur quoi M. A______ répondait « en particulier si tu veux que je te badigeonne le cul et la chatte de sperme (oui collègue c’est un problème indépendant et sérieux, et on peut très bien ne rien faire, on parle ici c’est tout :-)) ». Mme G______ lui disait ensuite qu’elle devait y aller car elle avait des rendez-vous et qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle gravitait toujours dans son champ des possibles. M. A______ lui indiquait qu’il irait probablement se « masturber dans la douche » en pensant à elle. Mme G______ lui demandait si cela faisait un moment qu’il y pensait, sur quoi il répondait qu’il ne s’agissait pas d’une « barrière impénétrable » étant donné qu’ils n’avaient pas de relation hiérarchique, confirmant que cela faisait un petit moment. Mme G______ lui indiquait que c’était un jeu et qu’il maîtrisait donc ses pulsions et ses émotions et qu’elle était « très curieuse. On apprend souvent plus en posant des questions ». Il lui demandait si elle y pensait aussi, si elle avait envie des choses dont il lui parlait et si elle prenait des contraceptifs « parce que j’aimerais venir souvent à l’intérieur » et « j’aime l’idée de te voir au travail sachant que tu serais pleine de mon sperme ». Elle lui indiquait qu’elle ne se berçait pas d’illusions sur son « self-control », qu’elle savait qu’elle avait une personnalité addictive et que si elle commençait quelque chose « I tend to go all the way », ayant appris à « être prudente ». Elle sentait depuis des mois qu’il avait envie d’elle mais n’avait pas l’impression que c’était « end of the story », ne sachant pas encore si le « sexe est la seule chose qui se passerait entre nous », à quoi M. A______ répondait « si », « en ce qui me concerne », ne voulant pas d’une relation d’un autre ordre. Elle indiquait « tu as un côté touchant, que tu down play beaucoup mais qui n’en est pas moins là », qu’elle n’était pas sûre de vouloir ça, les barrières de ce style « l’emmerdant », et que d’office l’exclure lui paraissait fermé d’esprit, même si ce n’était pas ce qu’elle voulait forcément. Il poursuivait en indiquant qu’il se refusait à tout sentiment, sur quoi Mme G______ lui répondait « ça c’est nul » et que « ce n’est pas un signe de faiblesse d’avoir de l’attachement pour quelqu’un. Et jouer, même purement sexuellement, requière (sic) de faire confiance à l’autre ». M. A______ lui répondait qu’il avait l’intention de poursuivre leur relation d’amitié, qu’il ne voulait pas « foirer pour du sexe qui se transformerait en difficultés sentimentales ». Il poursuivait « c’est difficile de se masturbé (sic) d’une main et d’écrire de l’autre », lui demandant si elle était aussi en train « de se toucher ». Elle lui répondait par la négative puisqu’elle était dans la rue, sur quoi il lui indiquait « tu vois en fait la dominante dans cette relation c’est toi :-) ». Elle lui répondait « complètement. Et je sais que ça te titille ». M. A______ continuait, lui disant « n’hésite pas à me laisser ta petite culotte dans mon tiroir après l’avoir bien mouillée, ça me ferait très plaisir », à quoi Mme G______ répondait « whaouh, ça va les chevilles ? ». M. A______ écrivait « je n’implique pas que tu l’aimes mouillée en pensant à moi ». Mme G______ répondait « mais si tu me veux vraiment, ça va être beaucoup plus challenging », « et c’est sans garantie de quoi que ce soit ». M. A______ lui indiquait enfin qu’elle était la bienvenue dans son lit, ou ailleurs et « faire tourner ta culotte est toujours une option qui n’est pas dégradante », « moi aussi xoxox sur ton trou du cul :-) ».

34) Le 26 octobre 2020, M. A______ a produit des déterminations après enquêtes, indiquant notamment que le comportement trompeur de Mme G______ avait influencé Mme F______ dans ses conclusions à son égard, laquelle avait, à son tour, influencé la doyenne de la faculté, qui avait en retour, par le biais des confidences de Mme G______, influencé Mme F______ dans sa plainte.

35) Le 3 décembre 2020, l’enquêtrice a rendu son rapport au rectorat, que celui-ci a transmis le 8 décembre 2020 à M. A______.

Une vingtaine de témoins avaient été entendus, ainsi que M. A______ à trois reprises. En outre, suite à leur audition, trois témoins avaient écrit à l’enquêtrice pour lui faire part de corrections à effectuer dans les procès-verbaux. Il avait en outre été demandé à M. A______ de produire l’intégralité des messages échangés avec Mme G______, ce qu’il n’avait pas fait. Ce n’était que suite à l’audition de cette dernière que les messages en question avaient été versés au dossier dans leur intégralité.

Le comportement de M. A______ n’avait pas été celui attendu d’un professeur en 2016 dans les épisodes avec Mmes F______ et G______. Par des messages crus et désobligeants, il avait fait acte de harcèlement envers Mme G______, étant précisé qu’il avait néanmoins cessé ses agissements lorsque l’intéressée le lui avait demandé. Par des comportements ambigus à l’égard de Mme F______, faits d’une flatterie excessive, puis d’exigences scientifiques extrêmement importantes, M. A______ ne s’était pas comporté à son égard de manière correcte, tant comme personne que comme professeur chargé de son encadrement, certaines de ses remarques étant constitutives de harcèlement sexuel. La pression mise sur les étudiants lors des examens notamment pouvait être vue dans son contexte comme relevant du harcèlement psychologique. Le manque de temps qu’il consacrait à ses étudiants et la difficulté pour Mme F______ d’obtenir un sujet de recherche constituaient une violation de son obligation d’assurer une présence régulière et appropriée vis-à-vis des étudiants, l’intéressé n’ayant pas satisfait aux devoirs de sa charge. Il n’avait pas compris le bien-fondé de ce qui lui était reproché et les auditions avaient révélé qu’il se trouvait dans le déni, se positionnant comme une victime.

36) Le 15 janvier 2021, M. A______ a produit des déterminations sur rapport d’enquête.

La procédure d’enquête avait souffert de nombreux manquements, son droit d’être entendu n’ayant pas été respecté. Il n’avait ainsi pas pu se déterminer sur la personne de l’enquêtrice, laquelle avait auditionné Mme F______ hors sa présence et Mme G______ à huis clos, et ce sans aucune explication. L’attitude de l’enquêtrice, qui avait fait preuve d’animosité à son égard, était également surprenante, dès lors que les questions étaient orientées et que certains éléments n’avaient pas été retranscrits dans les procès-verbaux, comme l’avaient au demeurant fait remarquer certains témoins. À cela s’ajoutait qu’aucune mention n’était faite des contacts de Mme F______, après le dépôt de sa plainte, avec Mme G______, ce qui conduisait à relativiser leurs déclarations. Par ailleurs, les messages caviardés remis à l’enquêtrice permettaient de constater l’existence d’un jeu de séduction entre les protagonistes, ce qui était seul déterminant dans le cadre de l’enquête administrative.

37) Le 22 janvier 2021, M. A______ a transmis au rectorat un avis rendu le 19 janvier 2021 par Monsieur S______, avocat et professeur à Zurich, mandaté par l’intéressé, qui analysait de manière critique le déroulement de l’enquête et le rapport y relatif.

38) Le 24 février 2021, le décanat a informé le rectorat qu’il avait pris connaissance du rapport d’enquête concernant M. A______ et de l’ensemble des pièces du dossier, qui lui était transmis, mais qu’il n’était pas en mesure de se prononcer sur le renouvellement du mandat de l’intéressé. Il lui laissait ainsi le soin de décider de la suite à donner à ladite procédure.

39) Par décision du 24 février 2021, le rectorat a rejeté l’opposition formée le 29 juillet 2020 par M. A______ concernant le renouvellement conditionnel de son mandat.

Son droit d’être entendu n’avait pas été violé, dès lors qu’il avait pu s’exprimer lors de l’entretien du 13 juillet 2020, au cours duquel il avait été informé de la plainte déposée à son encontre par Mme F______, qui lui avait été communiquée le 15 juillet 2020, et que son mandat serait renouvelé de manière conditionnelle. Il avait en outre pu faire valoir ses arguments dans le cadre des procédures ouvertes à son encontre.

L’art. 124 al. 1 RPers avait été respecté. Malgré le préavis positif de la faculté, tant la commission que le décanat avaient fait état de difficultés et de lacunes préoccupantes, auxquels s’était ajoutée la plainte de Mme F______. Le fait que ladite plainte ait conduit à l’ouverture d’une procédure concomitante d’enquête administrative n’annihilait pas les effets et conséquences qu’elle pouvait avoir sur la procédure de renouvellement du mandat, tant les griefs pouvaient être constitutifs de très graves difficultés dans son accomplissement. Le renouvellement conditionnel de son mandat était dès lors conforme au droit. Il respectait également le principe de proportionnalité, puisqu’il ne constituait pas la mesure la plus incisive pouvant être prise. De plus, les griefs émis dans la plainte de Mme F______ avaient été valablement pris en considération car ils pouvaient être constitutifs de difficultés et de lacunes complémentaires à celles déjà relevées par la commission et le décanat, son interprétation, selon laquelle seuls des éléments académiques devaient être pris en considération, ne pouvant être suivie. Ainsi, la décision de renouvellement conditionnel du mandat d’une durée d’un an, le temps notamment que la procédure d’enquête administrative fasse la lumière sur les griefs formulés à son encontre, était proportionnée car propre à atteindre le but visé et ne lui portait pas préjudice, puisqu’il pouvait continuer à exercer son mandat au moins jusqu’au 31 juillet 2021. Par conséquent, compte tenu du fait qu’il était envisagé de ne pas renouveler son mandat au-delà du 31 juillet 2021, le renouvellement conditionnel décidé le 15 juillet 2020 était justifié.

40) Le 24 février 2021 également, le rectorat a informé M. A______ qu’il envisageait de ne pas renouveler son mandat de professeur associé au-delà de son échéance fixée au 31 juillet 2021 en raison de son attitude envers Mmes F______ et G______, de son attitude pendant la procédure d’enquête, notamment le dépôt de plaintes pénales à l’encontre de la doyenne, de la conseillère aux études et de Mme G______, et des réserves émises par la commission et le décanat. Un délai de vingt jours lui était accordé pour déposer des observations.

41) Le 11 mars 2021, M. A______ a requis du rectorat la suspension de la procédure de non-renouvellement jusqu’à droit connu sur le sort de la procédure judiciaire portant sur la question du renouvellement conditionnel, subsidiairement la prolongation du délai pour se déterminer.

42) Le 12 mars 2021, le rectorat a informé M. A______ qu’il n’entendait pas répondre favorablement à sa demande de suspension de la procédure, lui accordant néanmoins une prolongation de délai jusqu’au 22 mars 2021 pour présenter ses observations.

43) Le 18 mars 2021, M. A______ a demandé la reconsidération de la décision du rectorat refusant de suspendre la procédure de non-renouvellement.

44) Le 19 mars 2021, le rectorat a informé M. A______ qu’il n’entrait pas en matière sur sa demande de reconsidération. Le terme de son mandat ayant été fixé au 31 juillet 2021, une décision devait impérativement intervenir avant cette échéance, de sorte que la procédure initiée concernant son renouvellement ou non devait être poursuivie.

45) Le 22 mars 2021, M. A______ lui a répondu qu’il n’entendait pas se déterminer à ce stade dans ce qui lui apparaissait être un « simulacre de procédure » puisque la décision de se « débarrasser » de lui avait déjà été prise.

46) Par décision du 25 mars 2021, le rectorat a refusé de renouveler le mandat de professeur associé de M. A______ au-delà du 31 juillet 2021 pour les motifs précédemment annoncés dans son courrier du 24 février 2021. Il précisait en outre que la mesure d’éloignement prononcée le 28 juillet 2020 resterait en vigueur jusqu’à l’échéance de son mandat.

47) Par acte expédié le 29 mars 2021, enregistré sous cause n° A/1159/2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition du rectorat du 24 février 2021 concernant le renouvellement conditionnel de son mandat, concluant préalablement au prononcé de mesures provisionnelles, à savoir qu’il soit « fait interdiction au rectorat de renoncer à statuer » sur la procédure disciplinaire ouverte à son encontre, et principalement à l’annulation de la décision entreprise et à ce que le renouvellement ordinaire de son mandat soit prononcé, subsidiairement au renvoi de la cause à l’université pour nouvelle décision au sens des considérants.

L’enquête administrative avait été conduite en grave violation de ses droits de la personnalité et des bonnes pratiques en la matière. Il ressortait ainsi du rapport de l’expert privé qu’il avait mandaté que l’enquêtrice avait instruit à charge, que les accusations initiales de harcèlement avaient été transformées en « manque de distance » et que le seul harcèlement sexuel finalement retenu avait en réalité été commis à son encontre, du fait des messages envoyés par Mme G______.

La décision entreprise avait été prise en violation de l’art. 124 RPers. L’université s’était ainsi écartée des préavis positifs présidant au renouvellement ordinaire de son mandat, sans fournir aucune motivation à cet égard. À cela s’ajoutait la référence à la plainte de Mme F______, sur laquelle la décision de renouvellement conditionnel ne pouvait pourtant pas se fonder, puisqu’un tel cas de figure n’était pas appréhendé par l’art. 124 RPers et devait faire l’objet d’une procédure disciplinaire au terme de laquelle une sanction disciplinaire pouvait être prononcée. L’indication selon laquelle la décision serait prise au terme de la procédure disciplinaire démontrait que les reproches d’ordre organisationnel et managérial constituaient en réalité un prétexte, aucune occasion ne lui ayant été offerte pour bénéficier d’une période d’évaluation au terme de laquelle ses améliorations seraient évaluées et seul le sort de l’enquête disciplinaire apparaissant avoir été de nature à influer sur la décision litigieuse. L’université avait en outre statué sur son opposition sept mois après son dépôt. De plus, lors de la décision de renouvellement conditionnel, la plainte de Mme F______ n’était mentionnée que sous l’angle de situations assimilables à du harcèlement sexuel et non sous celui des problèmes de guidance et d’encadrement, l’université ayant, dans la décision sur opposition, procédé à une substitution de motifs inacceptable. Par ailleurs, une décision de confirmation ou de non-renouvellement ne pouvait se justifier par l’annonce d’une décision subséquente.

La décision litigieuse était également contraire au principe de proportionnalité. Elle se référait à une mesure plus incisive, sans pour autant la mentionner. En réalité, le but visé était purement disciplinaire et c’était à l’aune de ce seul objectif répressif que la proportionnalité avait été examinée, étant précisé qu’à ce jour aucune sanction n’avait été prononcée à son encontre. Elle était aussi contraire au principe de la bonne foi, au regard de la substitution de motifs, la décision litigieuse ne tenant compte plus que de griefs organisationnels ou de guidance, sans qu’il soit possible d’en saisir la gravité.

48) Le 1er avril 2021, le rectorat a fait savoir à M. A______ qu’étant donné que la décision de non-renouvellement lui avait été notifiée le 26 mars 2021, l’échéance de son mandat serait fixée au 30 septembre 2021, en application de l’art. 123 al. 2 RPers.

49) Le 26 avril 2021, M. A______ a formé opposition contre la décision du rectorat du 25 mars 2021 de non-renouvellement de son mandat, concluant préalablement à la suspension de la procédure de renouvellement et principalement à son annulation et au renouvellement de son mandat.

La plainte pénale déposée contre Mme G______ visait ses déclarations durant l’enquête administrative, ce qui justifiait la suspension de la procédure de renouvellement. Celle-ci devait aussi être suspendue jusqu’à droit connu sur le recours contre la décision de renouvellement conditionnel, prise en violation de l’art. 124 al. 2 RPers et détournée de sa finalité.

Sur le fond, les faits retenus à son encontre, qui résultaient exclusivement de l’enquête administrative, sans analyse de ses griefs ni prise en compte de l’avis de droit produit, ne pouvaient conduire au non-renouvellement de son mandat. Ainsi, l’enquête n’avait permis de retenir aucun élément en lien avec la plainte de Mme F______, pas plus que s’agissant des messages échangés avec Mme G______, laquelle avait alimenté la conversation, sans y mettre fin. Son comportement durant la procédure d’enquête ne pouvait pas non plus lui être reproché, puisqu’il s’était contenté de protéger ses droits en déposant les plaintes pénales à l’encontre des témoins. Il était tout aussi inadmissible de considérer qu’il aurait tenté de manipuler les témoignages en ne produisant qu’une version caviardée des messages échangés avec Mme G______, dès lors qu’il s’agissait d’éviter une atteinte à sa sphère privée.

50) Le 4 mai 2021, M. A______ a demandé la restitution de l’effet suspensif à la décision de renouvellement conditionnel du 24 février 2021 dans la cause n° A/1159/2021.

51) Par décision du 27 mai 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, le rectorat a rejeté l’opposition formée par M. A______ contre la décision de non-renouvellement de son mandat du 25 mars 2021.

Il n’y avait pas lieu de suspendre la cause jusqu’à droit connu sur la plainte pénale dirigée contre Mme G______, qui ne poursuivait pas le même objectif que la procédure administrative et pouvait suivre son cours indépendamment de cette dernière. Une éventuelle suspension allait également à l’encontre des impératifs de célérité, alors que son mandat arrivait à échéance le 30 septembre 2021. Dans la mesure où il avait connaissance de la teneur exacte des messages échangés avec Mme G______, laquelle ne les avait pas relus avant son audition, il avait pu orienter les questions qui lui avaient été posées, si bien qu’il ne pouvait pas non plus être reproché au témoin de n’avoir pas su s’en remémorer dans les détails. Il n’y avait pas non plus lieu de suspendre la présente procédure jusqu’à droit connu sur le recours dans la cause n° A/1159/2021, cette question étant pendante devant la chambre administrative.

Son droit d’être entendu n’avait pas été violé du fait de son absence aux auditions de Mmes F______ et G______, mesure qui se justifiait du point de vue de la manifestation de la vérité et de la protection de la personnalité des éventuelles victimes, étant précisé que son conseil était présent et que la possibilité lui avait été offerte de se déterminer sur le contenu desdites auditions. En outre, la troisième audition de Mme G______, menée hors sa présence et celle de son conseil, se justifiait aussi au regard des procédés déloyaux qu’il avait utilisés, étant précisé que ladite mesure n’avait pas non plus de caractère punitif mais visait à protéger la personnalité du témoin.

Ses explications ne pouvaient remettre en question les constats effectués en lien avec les épisodes des Bains des Pâquis et du parc de la Perle du Lac, au regard du contexte dans lequel ils s’étaient déroulés, à savoir qu’il avait proposé à Mme F______ d’aller boire un verre en dehors du campus et de se promener dans un parc en discutant du désir sexuel chez la femme et de matériel érotique en réalité virtuelle, sujets sans rapport avec son projet de master et abordés dans un cadre non professionnel, ce qui suffisait à établir un manque de distance de sa part. À cela s’ajoutait que Mme F______ s’était sentie gênée par cette situation et avait ressenti des soupçons de séduction de sa part. Il en allait de même de l’épisode du « lab meeting », durant lequel il s’était exclamé « F______, this is why I love you ! », dès lors que le lexique utilisé, adressé à une étudiante, était hautement informel de la part d’un professeur d’université et n’avait pas sa place dans une salle de cours. En outre, le manque d’encadrement de Mme F______ devait également être mis en rapport avec les épisodes susmentionnés, dès lors que le fait d’avoir discuté de son travail de master autour d’un verre ou durant une balade au lieu d’un rendez-vous sur le campus relevait d’un manque de distance et de disponibilité de sa part et n’était pas non plus respectueux pour l’étudiante, ce qui l’avait mise mal à l’aise et avait contribué à l’abandon de son mémoire sous sa supervision.

S’agissant de Mme G______, l’envoi du message lié au « coco-mat » intervenait au début de leur échange, soit avant qu’il rédige des messages crus et à forte connotation sexuelle, et n’était pas de nature à déclencher l’envoi de tels messages inconvenants, étant précisé que le lien vers une vidéo « YouTube » précédemment envoyé par l’intéressée s’inscrivait dans un contexte de plaisanteries non taboues ayant cours au CISA et ne visait pas directement l’intimité des protagonistes. En tout état de cause, l’analyse des messages échangés entre ceux-ci mettait en évidence un déséquilibre flagrant entre les siens et ceux de Mme G______, lesquels ne contenaient rien d’équivalent à ses propos, qui ne pouvaient s’inscrire dans des relations dignes et correctes entre membres du personnel, une limite ayant clairement été franchie. Ces messages avaient provoqué de la gêne et du malaise chez Mme G______, qui s’en était ouverte auprès de collègues et avait demandé à changer de bureau. Les déclarations de Mme G______, selon lesquelles elle avait voulu ramener la conversation vers d’autres thèmes, étaient corroborées par l’analyse des réponses données, ce qui aurait dû l’amener à comprendre que ses sollicitations sexuelles n’étaient pas désirées. Il avait cependant passé outre ces signaux émanant d’une collaboratrice qui occupait une fonction subalterne par rapport à la sienne et était de surcroît en période d’essai. Le fait qu’il n’ait pas souhaité produire l’intégralité de ces messages démontrait qu’il était conscient de leur caractère inconvenant. Par ailleurs, il avait également admis être « un peu séducteur », ce qui venait corroborer la concordance des témoignages de Mmes F______ et G______ sur les regards « déshabillants » qu’il leur avait lancés.

Les procédures pénales dirigées contre la doyenne et la conseillère aux études avaient été déposées sur la seule base de la plainte de Mme F______, avant même le début de l’enquête administrative. Une telle démarche était de nature à intimider les témoins appelés à être entendus dans le cadre de celle-ci et le fait qu’aucune ordonnance de non-entrée en matière ni de classement n’ait été rendue à ce stade n’y changeait rien. Il avait également passé sous silence, durant l’enquête administrative, qu’il détenait les messages échangés avec Mme G______, de manière à pouvoir donner une orientation aux questions posées au témoin lors de ses deux premières auditions, avant de former une plainte pénale à son encontre avant son troisième témoignage, ce qui constituait un procédé déloyal. Ce n’était que par la suite qu’il avait produit une version caviardée desdits messages, ne comportant pas ceux pouvant l’incriminer, en dépit de son devoir de collaborer à l’établissement des faits et malgré les demandes répétées de l’enquêtrice. Le lien de confiance devant présider aux relations entre l’université, en sa qualité d’employeur, et les membres de son personnel était ainsi irrémédiablement rompu.

S’agissant enfin de sa demande de restitution de l’effet suspensif de la décision du 25 mars 2021 dans la mesure où il lui était fait interdiction de poursuivre ses activités dans les locaux de l’université jusqu’à l’échéance de son mandat, il n’avait à aucun moment depuis l’ouverture de la procédure disciplinaire envisagé que son attitude, ses propos ou ses écrits aient suscités chez Mmes F______ et G______ de la gêne et du malaise. Une telle absence de prise de conscience des conséquences que pouvait engendrer son comportement justifiait le maintien de la mesure d’éloignement des locaux universitaires.

52) Par acte expédié le 7 juin 2021, complété spontanément le 14 juin 2021 et enregistré sous la cause n° A/1978/2021, M. A______ a interjeté auprès de la chambre administrative un « recours sur décisions incidentes » (sic), concluant à la restitution de l’effet suspensif « à la décision du 27 mai 2021 » (sic) en tant qu’elle portait sur la mesure d’éloignement du lieu de travail le concernant et sur le non-renouvellement de son mandat, ainsi qu’à la suspension immédiate de la procédure de non-renouvellement jusqu’à droit connu dans la cause n° A/1159/2021 et dans la procédure pénale n° P/2______ concernant la plainte déposée à l’encontre de Mme G______ pour faux témoignage.

53) Le 7 juin 2021 également, l’université a répondu au recours dans la cause n° A/1159/2021, concluant à son rejet et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Le litige était circonscrit à la validité de la décision de renouvellement conditionnel, et non en l’état au non-renouvellement du mandat de professeur associé de M. A______. Au cours de la procédure de renouvellement, une plainte avait été formée à son encontre émanant d’une ancienne étudiante, qui faisait état de comportements inappropriés de sa part, justifiant l’ouverture d’une enquête administrative pour établir les faits. Conformément à l’art. 124 RPers, son mandat avait été renouvelé de manière conditionnelle afin de déterminer, pendant la période considérée, si les conditions d’un renouvellement ordinaire étaient remplies ou si, au contraire, tel n’était pas le cas. Le fait que les préavis n’aient pas été suivis n’était pas pertinent, puisque lorsqu’ils avaient été donnés, ni la commission ni les CER, le collège et le décanat n’avaient connaissance des deux cas de harcèlement dénoncés. Le résultat de l’enquête administrative démontrait au surplus que la décision de renouvellement conditionnel était pleinement justifiée. Il était en outre douteux que le recours conserve un objet, puisque depuis lors le non-renouvellement du mandat de l’intéressé avait été prononcé de sorte que la validité du renouvellement conditionnel était sans pertinence.

54) Le 28 juin 2021, M. A______ a répliqué dans la cause n° A/1159/2021, persistant dans ses conclusions et insistant sur le fait qu’il découlait du texte clair de l’art. 124 al. 2 RPers qu’il revenait au recteur de fixer un délai d’observations assorti d’objectifs d’amélioration, ce qui n’avait pas été le cas.

55) Par acte expédié le 28 juin 2021, également enregistré sous cause n° A/1978/2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision sur opposition du 27 mai 2021 concernant le non-renouvellement de son mandat, concluant à son annulation, au renouvellement de son mandat à compter du 1er août 2021 et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Son droit d’être entendu avait été violé. Certains témoins avaient émis de graves critiques à la suite de leur audition par l’enquêtrice, ce qui devait conduire à l’invalidation de l’enquête administrative dans une large mesure et justifiait leur nouvelle audition, de même que celle de M. S______, lequel avait produit un rapport alarmant sur ladite enquête, qui n’avait pas été menée de manière contradictoire. À cela s’ajoutait que l’université ne s’était prononcée sur aucun de ses arguments, tant sur la forme que sur la manière par laquelle l’enquête administrative avait été menée, l’expertise privée n’étant pas même mentionnée.

Aucun acte de harcèlement ne pouvait lui être reproché, le seul ressenti subjectif de Mmes F______ et G______ n’étant à cet égard pas suffisant. S’agissant de Mme F______, la décision entreprise se limitait à retenir qu’il avait fait preuve d’un manque de distance à son endroit, ce qui créait une catégorie intermédiaire entre ce qui était attendu d’un membre du corps enseignant et le harcèlement sexuel prohibé. L’informalité dont il avait pu faire preuve ne pouvait être considérée comme un manque de distance pas plus que comme un manque d’encadrement. Les conclusions auxquelles était arrivée l’université concernant Mme G______ étaient tout aussi insoutenables, iniques et dépourvues de toute assise sérieuse, alors qu’un examen objectif du dossier mettait en évidence un bref épisode de séduction, osé et réciproque, entre deux adultes consentants. Ainsi, Mme G______ n’avait jamais déposé de plainte à son égard, lui avait envoyé un lien vers une vidéo humoristique faisant référence à un film pornographique, avait avoué qu’elle s’amusait à deviner les perversions des membres du CISA et avait eu des versions contradictoires au sujet d’une soirée passée en sa compagnie, étant précisé qu’une procédure pénale avait été ouverte à son encontre du chef de faux témoignage.

En rendant une décision de non-renouvellement, le rectorat avait en réalité pris une décision de révocation déguisée, tout en échappant à l’analyse fastidieuse de la proportionnalité de la mesure. Ainsi, le non-renouvellement reposait sur des motifs non fondés et contraires au droit, de sorte que la réintégration devait être ordonnée, subsidiairement proposée et, en cas de refus de l’université, une pleine indemnité devait lui être accordée. La décision de non-renouvellement n’était en particulier que la conséquence de la décision de renouvellement conditionnel particulièrement abusive puisque détournée de son but légal.

56) Par décision du 2 juillet 2021, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de mesures provisionnelles dans la cause n° A/1159/2021 puis, par décision du 20 juillet 2021, refusé de restituer l’effet suspensif au recours dans la cause n° A/1978/2021 et d’octroyer les mesures provisionnelles sollicitées. Elle réservait en outre le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

57) Le 20 août 2021, l’université a répondu au recours dans la cause n° A/1978/2021, concluant à son rejet et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Tant la décision de non-renouvellement que celle rendue sur opposition étaient motivées et expliquaient en détail leur fondement, les différents échanges d’écritures et les prises de position de M. A______ démontrant qu’il en avait saisi la portée.

La décision de non-renouvellement du mandat de M. A______ était conforme au droit. M. A______ ne disposait d’aucun droit au renouvellement de son mandat, les conditions devant être analysées à chaque échéance pour savoir si elles étaient remplies. À cet égard, l’un des aspects déterminants était l’incapacité objective de la personne à assumer correctement ses tâches en raison de son comportement. En parallèle à ladite procédure, une procédure disciplinaire pouvait être engagée, qui ne devait pas nécessairement aboutir au prononcé d’une sanction mais pouvait se terminer par un non-renouvellement des rapports de service, comme dans le cas de M. A______, à savoir une voie moins incisive qu’une révocation. Une réintégration n’était en outre possible que lorsque la fin du mandat reposait sur une révocation disciplinaire injustifiée, si bien que M. A______ ne pouvait prétendre qu’à une indemnité.

M. A______ avait violé de manière crasse l’ensemble des devoirs liés à sa fonction, tel que résultant des dispositions réglementaires applicables. L’attitude déplacée et inadéquate adoptée envers Mme F______ concernant les épisodes des Bains des Pâquis, de la Perle du Lac et lors d’un « lab meeting » ainsi que son manque d’encadrement étaient contraires aux exigences de la fonction de professeur associé et ne respectaient pas les devoirs incombant aux membres du corps enseignant. Il avait aussi adopté un comportement totalement inadéquat et choquant à l’égard de Mme G______, en lui adressant des messages constitutifs de harcèlement sexuel, étant précisé qu’il s’était permis, dans un premier temps, de ne produire que des extraits caviardés de cet échange, omettant les passages l’accablant et n’en faisant pas même mention dans son acte de recours de plus de deux cents pages. Par ailleurs, lors de l’ouverture de la procédure administrative, il lui avait été enjoint de s’abstenir de toute action propre à entraver le bon déroulement de l’enquête, ce qu’il n’avait pas respecté, multipliant les plaintes pénales à l’encontre des principaux témoins dans le but d’en entraver le bon déroulement. Il n’avait pas non plus reconnu une quelconque responsabilité dans les actes commis, se bornant à nier les faits, malgré leur évidence, et à rejeter la responsabilité d’un comportement inadéquat sur des tiers, si bien que le lien de confiance était irrémédiablement rompu.

58) Le 3 janvier 2022, la chambre administrative a ordonné la jonction des causes nos A/1159/2021 et A/1978/2021 sous le n° A/1159/2021 et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

59) Le même jour, elle a requis du Ministère public l’apport du dossier de la procédure pénale n° P/1______, qu’il lui a transmis le lendemain et qui a été versé au dossier de la cause n° A/1159/2021.

60) a. Il ressort de la procédure pénale susmentionnée qu’à la suite du dépôt des plaintes pénales de M. A______, le Ministère public a ouvert une procédure pénale à l’encontre de Mmes D______, H______ et G______ le 28 juin 2021, dans le cadre de laquelle elles ont été entendues, de même notamment que Mme F______ en qualité de témoin.

b. Mme D______ a expliqué s’être entretenue, en présence de l’administratrice de la faculté, avec Mme F______. Au cours de la discussion, elle avait fait part à cette dernière que, dans un contexte privé, une troisième personne lui avait confié, quelques années plus tôt et alors qu’elle n’était pas encore doyenne, avoir été victime du comportement déplacé de M. A______. Elle n’avait toutefois pas fait mention de l’identité de cette personne ni décrit la nature du comportement en cause, mais seulement communiqué ses initiales pour savoir si c’était la même personne dont Mme F______ parlait, ce qui s’était révélé ne pas être le cas.

c. Selon Mme H______, durant l’année académique 2018-2019 Mme F______ lui avait confié avoir rencontré des problèmes avec M. A______. Elle avait tenté de la soutenir, en lui disant qu’une ou deux étudiantes étaient venues la voir pour lui parler de difficultés organisationnelles rencontrées avec ce professeur, sans toutefois lui divulguer leur identité.

d. Mme G______ a indiqué avoir rapidement ressenti que M. A______, qui incarnait à l’époque une figure d’autorité puisqu’il serait impliqué dans toute promotion académique la concernant, était attiré par elle, par rapport à son regard « déshabillant », ce qui était loin d’être réciproque. En 2016, il lui avait proposé une sortie et, à la suite de cette soirée, ils avaient échangé des messages, desquels il était ressorti que M. A______ avait des intentions sexuelles à son égard. Elle avait essayé, par diverses manœuvres, de lui faire comprendre que les relations d’un soir ne l’intéressaient pas, contrairement à ce qu’il semblait rechercher, passant, en vain, par l’humour, la dévalorisation ou les thèmes scientifiques. Elle avait alors tenté de lui faire comprendre qu’elle n’était intéressée que par des relations sérieuses, raison pour laquelle elle faisait mention d’une « personnalité addictive », à savoir une personne qui s’investissait dans une relation affective. À la suite de ces échanges, elle s’en était ouverte auprès de collègues du CISA, puis s’était entretenue avec M. A______, lui demandant d’arrêter de lui envoyer des messages indélicats. Il avait cessé depuis lors. Elle n’avait pas eu peur de M. A______ mais s’était sentie mal à l’aise en raison de cette situation.

e. Mme F______ a expliqué que lors de son second entretien en août 2020, Mme H______ lui avait indiqué la mise en place de mesures de supervision en lien avec les difficultés managériales de M. A______, sans faire mention d’éventuels comportements inadéquats de sa part. En outre, les cas similaires dont elle lui avait fait part n’étaient pas directement en lien avec M. A______. Elle n’avait eu qu’un entretien avec Mme D______, à la fin du mois de juin 2020, lors duquel elle lui avait parlé d’une potentielle troisième « victime » de M. A______, sans mentionner son nom. Ladite personne n’avait jamais pris contact avec elle. À l’issue de l’entretien avec Mme D______, elle s’était sentie entendue et soutenue. Le fait de savoir que d’autres personnes étaient concernées l’avait amené à considérer qu’il n’y avait pas que son intérêt personnel, mais aussi un intérêt plus général à agir. Avant le dépôt de sa plainte, elle avait tenté de savoir si d’autres personnes étaient concernées et avait discuté avec Mme G______, laquelle lui avait fait des confidences en lui disant qu’elle ne souhaitait pas qu’elle les révèle.

61) Le 23 mars 2022, la chambre administrative a tenu une audience d’enquêtes.

a. Mme D______ a repris ses précédentes explications. Les plaintes contre M. A______ portées à sa connaissance le 22 juin 2020 étaient intervenues dans un contexte où les entretiens avec les différents membres de l’équipe de M. A______ faisaient état d’une certaine insatisfaction, à savoir un manque de cadrage et d’aide, voire d’empathie, même si les activités d’enseignements et de recherches ne présentaient pas de soucis majeurs. Après l’entretien avec Mme F______, celle-ci lui avait envoyé la plainte, qu’elle avait jointe au courrier qu’elle avait adressé au rectorat, à qui elle avait demandé la prise de mesures utiles afin de permettre à l’enquête administrative de faire la lumière sur les capacités de M. A______ à poursuivre son mandat. À peu près au même moment, M. Q______, qui avait précédemment été entendu dans le cadre des entretiens effectués avec l’équipe de M. A______, s’était également manifesté auprès d’elle et avait proposé d’appuyer les propos de Mme F______. En aucun cas elle n’avait joué un rôle d’instigatrice des différents acteurs de la procédure.

b. M. A______ a expliqué être sans emploi depuis octobre 2021, n’ayant pas retrouvé de poste dans le domaine académique. Il s’agissait d’une situation stressante et éprouvante pour lui et sa famille, dès lors qu’il était désormais marié et jeune père, étant au surplus suivi par un psychiatre et sous traitement médicamenteux. Il projetait néanmoins de créer une « start-up », à laquelle participeraient plusieurs membres de son ancienne équipe. Lors de l’enquête administrative, il avait eu l’impression que tout était joué d’avance, voire politisé, dans le sens d’une « tolérance zéro », l’enquêtrice ayant procédé de manière inquisitoire et menacé d’expulser son conseil des audiences à plusieurs reprises. À aucune étape de la procédure, son point de vue n’avait été pris en compte, si bien qu’il avait eu l’impression que l’université menait une « fishing expedition », où seuls des éléments à charge étaient récoltés, alors même que plusieurs témoins s’étaient plaints du déroulement de l’enquête et qu’un rapport d’expertise accablant avait été rendu au sujet de celle-ci. En déposant plainte pénale, il n’avait pas eu l’intention d’intimider les personnes concernées, ayant agi sur l’insistance de son avocat et des experts consultés. L’idée du renouvellement conditionnel émanait de la doyenne, qui voulait « donner du temps à l’enquête », aucun des autres intervenants, comme la commission, n’ayant proposé une telle mesure.

62) Dans ses observations du 25 mai 2022, l’université a persisté dans ses précédentes écritures.

Elle a notamment produit un avis du Ministère public du 13 mai 2022 de prochaine clôture d’instruction de la procédure n° P/1______, informant les parties qu’une ordonnance de classement serait rendue à l’égard de chacune des prévenues.

63) Le 27 mai 2022, M. A______ a également persisté dans ses recours.

Il ressortait en particulier de l’audition de Mme D______ et des pièces du dossier que celle-ci avait, en amont de toute procédure officielle, diligenté sa propre enquête, en parlant notamment avec Mme M______, soit la troisième « victime », et en lui recommandant de suivre la même procédure que celle initiée par Mme F______.

Comme la plainte de Mme F______ ne lui avait pas été remise avant la séance du 13 juillet 2020, il n’avait pas été en mesure d’exercer son droit d’être entendu avant la prise des décisions de renouvellement conditionnel, d’ouverture de l’enquête administrative et de suspension immédiate, l’université ayant, de ce fait, démontré un mépris total de sa personnalité et de ses droits.

Dans la décision de renouvellement conditionnel, l’université ne lui avait pas caché que cette mesure ne visait pas à instaurer une période d’observation pour évaluer les améliorations attendues, mais à créer artificiellement un terme de fin de mandat au 31 juillet 2021, dans l’attente du résultat de l’enquête disciplinaire. Par ailleurs, en rendant la décision d’ouverture de l’enquête administrative et de suspension, l’université s’était basée sur le seul ressenti subjectif de Mme F______, sans prendre la peine d’examiner les éléments en présence. Ayant fait opposition à cette dernière décision, il avait néanmoins été autorisé à poursuivre ses activités, l’université ne s’étant toutefois jamais prononcée sur sa requête demandant à ce qu’il soit fait interdiction à Mme F______ d’évoquer la teneur de sa plainte, ce qui montrait encore une fois le mépris total dont elle faisait preuve à son égard.

L’université avait attendu la fin de l’enquête administrative pour rejeter son opposition à la décision de renouvellement conditionnel. Or, au vu du dossier de renouvellement et de la plainte de Mme F______, elle aurait dû décider, d’une part, du renouvellement ordinaire de son mandat et d’autre part, de l’ouverture d’une procédure disciplinaire, avec une enquête administrative, pour faire toute la lumière sur les griefs de Mme F______. L’université avait toutefois préféré user de moyens alternatifs pour gagner du temps et mettre fin à son mandat sans avoir à statuer sur la procédure disciplinaire. L’application non conforme à leurs buts des procédures de renouvellement conditionnel et disciplinaire avait ainsi permis à l’université de procéder à sa révocation sans avoir à passer par la procédure idoine. Si les motifs de la décision de renouvellement conditionnel résidaient dans les difficultés d’encadrement et de guidance relevés par la commission, l’université devait, dans un premier temps, rendre une décision de renouvellement conditionnel puis, dans un second temps et après une période d’observation, soit confirmer le renouvellement, soit prononcer le non-renouvellement. En créant artificiellement un terme en 2021 à son mandat par le biais du renouvellement conditionnel, l’université avait ainsi usé d’une part de la « violence » de la révocation et d’autre part de la latitude offerte par un non-renouvellement, et ce en violation du principe de la légalité.

Sur le plan procédural, l’enquête administrative avait souffert de nombreux manquements, soit le fait de l’audition hors sa présence de Mmes F______ et G______, puis l’audition à huis clos de cette dernière, étant précisé que plusieurs témoins avaient ressenti l’instrumentalisation de leurs propos par l’enquêtrice. Le rapport d’enquête était tout aussi inacceptable, tant sur la forme que sur le fond, puisque seul un examen sommaire et expéditif des événements allégués y figurait. Rien n’était au surplus dit au sujet des nombreuses contradictions et fausses allégations figurant dans le témoignage de Mme F______. Seuls les événements en lien avec les Bains des Pâquis et son exclamation lors d’un « lab meeting » avaient été évalués, alors qu’il s’agissait d’événements objectivement anodins ne présentant aucune connotation sexuelle. L’enquêtrice avait également sorti de son contexte les messages échangés avec Mme G______, ignorant le rôle actif de celle-ci, étant précisé qu’une plainte pénale avait dû être déposée à son encontre étant donné le caractère insoutenable de ses déclarations.

Enfin, ce n’était que le 25 mars 2021 que le non-renouvellement de son mandat avait été prononcé, alors qu’aucun des reproches mentionnés ne justifiait une telle mesure, ce d’autant moins que l’université ne s’était jamais prononcée sur ses griefs en lien avec la crédibilité du témoignage de Mme G______, l’admission de son audition hors sa présence ou encore le courriel qu’elle lui avait adressé en juin 2016 sur une thématique sexuelle.

64) Le 10 juin 2022, par réplique spontanée, l’université a précisé qu’à l’échéance du premier mandant de M. A______, des faits nouveaux étaient apparus, qui nécessitaient d’être instruits. Dans ce contexte, il ne lui était pas possible, avant le résultat de l’enquête administrative, ni de renouveler de manière ordinaire le mandat de l’intéressé, ni de prononcer un non-renouvellement. La seule solution envisageable était alors de procéder à son renouvellement conditionnel, conformément à l’art. 124 RPers, dont les conditions étaient remplies. En effet, la plainte de Mme F______ avait fait apparaître des difficultés et/ou des lacunes de la part de M. A______ au cours de son mandat antérieur, faits que l’enquête administrative devait établir.

65) Le 10, puis le 15 juin 2022, M. A______ a répliqué spontanément aux écritures de l’université des 25 mai et 10 juin 2022 – laquelle évoquait notamment le classement annoncé de la procédure pénale par le procureur en charge de celle-ci. Il a persisté une nouvelle fois dans les conclusions de ses recours.

66) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 43 al. 2 de la loi sur l’université du 13 juin 2008 - LU - C 1 30 ; art. 91 du Statut de l’université, entré en vigueur le 28 juillet 2011 ; art. 36 al. 1 du règlement relatif à la procédure d’opposition au sein de l’université du 16 mars 2009 ; art. 218 RPers ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu sous différents aspects.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit d’obtenir qu’il soit donné suite aux offres de preuves des parties, à condition qu’elles soient pertinentes et de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_769/2021 du 11 mai 2022 consid. 3.1). Il n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

b. Le droit d’être entendu implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de sa portée et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_586/2021 du 20 avril 2022 consid. 2.1).

c. En l’espèce, le recourant considère qu’au regard des critiques émises à l’encontre de l’enquête administrative, les témoins devaient être entendus à nouveau. Il perd toutefois de vue que certains d’entre eux ont également été entendus durant la procédure pénale, à laquelle il est partie et qui a été versée à la présente cause. De plus, si les auditions de Mmes F______ et G______ par l’enquêtrice ont certes eu lieu hors sa présence, en application de l’art. 28A al. 3 let. b et 42 LPA, ce qui ne prête pas le flanc à la critique au regard des faits ayant conduits à l’ouverture de l’enquête administrative, il n’en demeure pas moins que le conseil de l’intéressé y a assisté, lequel a pu leur poser toutes les questions qu’il jugeait utiles. S’agissant de la dernière audition de Mme G______ du 25 septembre 2020, le fait qu’elle ait eu lieu hors la présence du recourant et de son conseil se justifie également en application des dispositions susmentionnées, étant précisé que ladite audition a eu lieu quelques jours seulement après le dépôt, par le recourant, d’une plainte pénale visant ce témoin. À cela s’ajoute que le recourant a pu se déterminer par écrit au sujet de ces auditions et des procès-verbaux qui lui ont été communiqués, ce qu’il a fait en multipliant les actes de procédure et en produisant de nombreuses et souvent prolixes écritures. Il a également produit un rapport d’expertise critiquant le déroulement de l’enquête. Dans ce cadre, il n’y a pas non plus lieu d’entendre M. S______, l’auteur dudit rapport, ce dernier figurant au dossier et étant relatif à une appréciation juridique de la situation et non à des faits. Le droit d’être entendu du recourant n’a pas non plus été violé du fait de la remise de la plainte de Mme F______ après la séance avec le rectorat le 13 juillet 2020, étant donné que lors de celle-ci, l’intéressé, assisté de son conseil, a pu s’exprimer à ce sujet, puis faire valoir l’ensemble de ses arguments par écrit et ensuite, par l’intermédiaire de son avocat, poser toutes les questions qu’il jugeait utiles à la plaignante lors de ses auditions.

Il n’apparaît pas davantage que l’enquêtrice se serait limitée à instruire à charge, comme le soutient le recourant en se prévalant du ressenti de trois témoins. En effet, d’une part, le rapport d’enquête ne retient que certains éléments figurant dans la plainte de Mme F______. D’autre part, l’intimée, dans ses décisions, ne se limite pas à renvoyer au rapport d’enquête, mais procède à sa propre appréciation des faits, retenant les seuls témoignages pertinents pour l’issue du litige.

C’est également en vain que le recourant prétend que l’intimée ne se serait pas prononcée sur ses arguments. Il ressort en particulier des décisions entreprises qu’elle a examiné chacun des griefs soulevés par l’intéressé, qu’elle a discuté, même brièvement, avant de les écarter. Ce faisant, le recourant se plaint en réalité de l’appréciation des faits effectuée par l’intimée, ce qui relève du fond du litige.

Il s’ensuit que les griefs du recourant en lien avec une violation de son droit d’être entendu seront écartés.

3) Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d’espèce.

4) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’université de procéder au renouvellement conditionnel du mandat de professeur associé du recourant pour une durée d’une année et de la décision de non-renouvellement dudit mandat à son échéance au 31 juillet 2021, reportée au 30 septembre 2021. La décision de suspension prononcée lors de l’ouverture de l’enquête administrative ayant été annulée par l’intimée dans sa décision sur opposition du 28 juillet 2020 au profit d’une poursuite des activités hors des locaux de l’université, qui n’a pas été contestée par le recourant, elle est, tout comme cette dernière, exorbitante à la présente cause.

Par ailleurs, le recourant ne semble, à juste titre, plus conclure à la suspension de la procédure administrative dans l’attente de l’issue de la procédure pénale, qu’il n’y aurait en tout état de cause pas lieu d’ordonner conformément à la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_612/2021 du 19 mai 2022 consid. 6.1.2).

5) a. Le statut des membres du corps enseignant de l’université est régi par la LU, dont l’art. 13 al. 1 dispose que l’université est l’employeur de son personnel. En qualité de membre du corps professoral (art. 9 let. a LU ; art. 4 al. 1, 2 et 3 let. b et 87 al. 1 let. b RPers), le recourant est soumis aux art. 126, 139, 140, 141, 142, 143 et 144 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), aux dispositions de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15) et, pour le surplus, au RPers, soit sa deuxième partie (art. 12 al. 1 LU ; art. 2 al. 1 RPers).

b. Les devoirs des membres du corps enseignant sont mentionnés aux art. 20 ss RPers.

Lesdits membres sont ainsi tenus au respect de l’intérêt de l’université et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPers). Selon l’art. 21 RPers, ils doivent, par leur attitude, entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ainsi que permettre et faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec les étudiants et le public (let. b), justifier et renforcer la considération et la confiance dont l’université et la communauté universitaire doivent être l’objet (let. c). Aux termes de l’art. 22 RPers, les membres du corps enseignant chargés de fonctions d’autorité sont en outre notamment tenus d’organiser le travail de leur structure et de leurs subordonnés (let. a), de les diriger, d’en coordonner et contrôler l’activité (let. b), de veiller à la réalisation des tâches incombant à leur structure (let. c) et à la protection de la personnalité des membres du personnel (let. f).

L’art. 23 RPers a trait à l’exécution du travail et prévoit que les membres du corps enseignant doivent remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (al. 1). Ils doivent respecter leur horaire de travail et assurer une présence régulière et appropriée à l’université compte tenu en particulier de l’exécution de leur cahier des charges (al. 2).

6) a. L’université veille à la protection de la personnalité des membres du corps enseignant et combat l’apparition ou la persistance de comportements constitutifs de harcèlement psychologique ou sexuel (art. 8 al. 1 RPers). Elle met en place un système de gestion des conflits global, accessible à l’ensemble de la communauté universitaire (art. 8 al. 3 RPers). Les art. 62 ss RPers définissent les règles applicables au processus de médiation et à la procédure de plainte pour atteinte ou suspicion d’atteinte aux droits de la personnalité d’un membre du corps enseignant, notamment en cas de harcèlement psychologique ou de harcèlement sexuel (art. 8 al. 4 et 62 al. 1 RPers).

L’art. 63 RPers définit ces notions. Est ainsi constitutif d’un harcèlement psychologique tout enchaînement de propos ou d’agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels une ou plusieurs personnes tendent à déstabiliser, à isoler, à marginaliser, voire à exclure une ou plusieurs personnes sur leur lieu de travail (al. 1). Est constitutif d’un harcèlement sexuel tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle qui porte atteinte à la dignité du collaborateur sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d’imposer des contraintes ou d’exercer des pressions de toute nature sur un collaborateur en vue d’obtenir de sa part des faveurs de nature sexuelle (al. 2). Tout harcèlement est une forme aiguë d’atteinte à la personnalité (al. 3).

b. La définition du harcèlement opérée par l’art. 63 al. 2 RPers est similaire à celle prévue par l’art. 4 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (loi sur l’égalité, LEg - RS 151.1), qui s’applique notamment aux rapports de travail régis par le droit public cantonal (art. 2 LEg). Bien que les exemples cités par cette disposition ne se réfèrent qu’à des cas d’abus d’autorité, la définition englobe tous les comportements importuns fondés sur le sexe, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple les plaisanteries déplacées, les remarques sexistes, les commentaires grossiers ou embarrassants, les propos obscènes et sexistes ou les regards qui déshabillent (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.1.1). Selon les procédés utilisés, plusieurs incidents peuvent être nécessaires pour constituer une discrimination au sens de l’art. 4 LEg ; la répétition d’actes ou l’accumulation d’incidents n’est toutefois pas une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel (ATA/390/2022 du 12 avril 2022 consid. 6a et les références citées).

Afin de juger du caractère importun des actes, il faut considérer non seulement le point de vue objectif d’une « personne raisonnable », mais aussi la perception de la victime, eu égard aux circonstances du cas d’espèce. L’existence d’un harcèlement sexuel ne saurait être écartée du seul fait que la personne concernée a aussi eu recours à un vocabulaire grossier ou « choisi » de travailler dans un milieu où ce type de langage est courant. Vu le rapport de subordination résultant du contrat de travail, on ne saurait inférer un acquiescement (consentement) tacite d’une collaboratrice victime de remarques déplacées à connotation sexuelle (sur son lieu de travail) du seul fait qu’elle n’a exprimé aucune plainte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.3 ; ATA/263/2022 du 15 mars 2022 consid. 2g et les références citées).

7) a. Selon l’art. 89 RPers, le professeur associé est responsable, au sein d’une subdivision, des recherches et des enseignements qui lui sont confiés dans un domaine spécifique et participe aux tâches de gestion et d’organisation qui y sont liées (al. 1). Il est nommé, par le recteur (art. 93 RPers), pour une première période de quatre ans au maximum, la nomination étant renouvelable pour des périodes successives de cinq ans au maximum (al. 2).

b. Le renouvellement du mandat d’un professeur associé est subordonné aux conditions de l’art. 119 al. 1 RPers, à savoir qu’il soit en mesure de continuer à se consacrer pleinement à son activité universitaire, compte tenu du taux d’activité et de la nature du mandat (let. a), que les aptitudes pédagogiques, scientifiques, d’organisation et de gestion administrative correspondent aux exigences de la fonction (let. b), que l’exercice de la fonction s’accompagne d’une activité de perfectionnement pédagogique et scientifique (let. c), que les activités accessoires et extérieures exercées soient compatibles avec l’exercice de son mandat et ne portent pas préjudice à l’accomplissement de sa charge (let. d), qu’il respecte les devoirs qui incombent aux membres du corps enseignant et qu’il soit bien intégré au sein de la structure (let. e), qu’il assume à satisfaction les activités de gestion des RH conformément aux exigences de la fonction (let. f). Une décision de ne pas renouveler un mandat doit être fondée sur un grief ou une carence au sens de l’al. 1 (al. 2).

La commission chargée d’examiner le premier renouvellement dudit mandat (art. 120 RPers) formule les propositions de renouvellement ou de non-renouvellement du mandat sur la base des critères mentionnés à l’article 119 al. 1 let. a à e RPers (art. 121 al. 1 RPers). Elle peut associer à ses travaux, avec voix consultative, d’autres membres du corps professoral et sollicite l’avis des CER des membres du personnel administratif et technique et des étudiants les plus à même de se prononcer compte tenu du domaine concerné (art. 122 al. 1 RPers). Les propositions formulées par la commission sont soumises au vote du collège des professeurs ordinaires, puis le dossier complet de la procédure de renouvellement est transmis au rectorat pour examen et décision (art. 122 al. 3 et 7 RPers).

Une décision de non-renouvellement de mandat doit être signifiée à l’intéressé par le recteur au moins six mois avant son terme s’il s’agit d’un professeur associé et, si ce délai n’a pas été observé, l’intéressé peut revendiquer une prolongation des rapports de service dans la mesure nécessaire au respect du délai de notification (art. 123 a. 1 et 2 RPers).

L’art. 124 RPers a trait au renouvellement conditionnel et prévoit que lorsqu’il ressort de la procédure de renouvellement que des difficultés ou des lacunes sont apparues au cours du mandat antérieur et qu’elles pourraient être surmontées à bref délai, le recteur peut prendre une décision de renouvellement conditionnel pour une période inférieure à la durée du mandat ordinaire (al. 1). Il fixe le délai à l’échéance duquel il décide, sur proposition de la faculté concernée, soit de confirmer l’enseignant dans sa fonction pour le terme ordinaire du mandat, soit de renoncer définitivement au renouvellement en tenant compte des délais fixés à l’art. 123 RPers (al. 2).

c. Lorsque le droit cantonal n’accorde pas un droit à la prolongation des rapports de service, l’autorité compétente est en principe libre de renouveler l’engagement d’un agent public ou d’y mettre fin, le collaborateur concerné ne disposant alors d’aucun droit au renouvellement desdits rapports (ATA/1296/2015 du 8 décembre 2015 consid. 6). Selon la jurisprudence, même si un fonctionnaire fédéral n’avait à l'époque aucun droit à être réélu, le non-renouvellement de ses rapports de service devait cependant être motivé par une raison pertinente, un motif objectif suffisant ou des motifs plausibles devant alors justifier une non-réélection (ATF 119 Ib 99 consid. 2a). Il ne doit toutefois pas nécessairement s’agir d’un motif qui justifierait également une sanction disciplinaire ou qui constituerait un juste motif de licenciement, dès lors que même des diminutions non fautives des capacités de travail justifient une non-réélection, une faute de la part de l’intéressé n’étant pas nécessaire. L’autorité de nomination doit considérer l’ensemble des actes de l’intéressé et déterminer sa capacité de continuer à remplir les devoirs de sa charge, l’impression d’ensemble étant, dans ce cadre, déterminante. Ainsi, des doutes sérieux sur la compétence de l’intéressé, des prestations insuffisantes ou un comportement insatisfaisant peuvent justifier une non-réélection. L’autorité de nomination dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour appliquer les concepts de « prestations insuffisantes » et de « comportement incorrect » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_770/2011 du 10 avril 2012 consid. 3.3 et 3.4 et les références citées).

d. Par ailleurs, les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire (ATA/506/2022 du 17 mai 2022 consid. 6d).

8) a. Selon les art. 142 al. 1 LIP et art. 80 al. 1 RPers, les membres du corps enseignant qui enfreignent leurs devoirs de service ou de fonction, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l'objet des sanctions suivantes, dans l’ordre croissant de gravité : prononcé par le doyen en sa qualité de supérieur hiérarchique ou le rectorat (let. a), le blâme (ch. 1) ; prononcées par le rectorat (let. b), la suspension d’augmentation de traitement pendant une durée déterminée (ch. 2), la réduction du traitement à l’intérieur de la classe de fonction (ch. 3), le transfert dans un autre emploi au sein de l’université avec le traitement afférent à la nouvelle fonction, pour autant que l’intéressé dispose des qualifications professionnelles et personnes requises (ch. 4), la révocation, notamment en cas de violation incompatible avec les missions d’enseignement et de recherche (ch. 5).

La révocation disciplinaire, qui est la sanction la plus lourde prévue par la loi, implique une faute grave, soit une violation particulièrement grave d’un devoir de service. Elle revêt l’aspect d’une peine, au vu de son caractère infamant, et s’impose en particulier lorsque le comportement de l’agent démontre qu’il n’est plus digne de rester en fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_335/2021 du 23 novembre 2021 consid. 3.3 ; ATA/390/2022 précité consid. 5a).

La violation fautive des devoirs de service n’exclut toutefois pas le prononcé d’un licenciement administratif. Si le principe même d’une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (ATA/294/2022 du 22 mars 2022 consid. 4f et les références citées).

b. Les dispositions de la LPA sont applicables à la procédure en cas de sanctions disciplinaires, en particulier celles relatives à l’établissement des faits (art. 18 ss LPA ; art. 143 al. 1 LIP ; art. 81 al. 1 RPers). Le rectorat peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises ; il doit le faire dans les hypothèses visées à l’art. 80 let. b ch. 4 et 5 (art. 143 al. 2 LIP ; art. 81 al. 2 RPers). L’intéressé est informé de l’enquête dès son ouverture et peut se faire assister d’un conseil de son choix (art. 143 al. 3 LIP ; art. 81 al. 3 RPers). L’enquête doit être menée à terme dans un délai de trente jours dès la première audition. En règle générale, il n’est procédé qu’à une seule audience au cours de laquelle les parties, ainsi que d’éventuels témoins, sont entendus. Les parties doivent communiquer d’emblée à l’enquêteur tous les moyens de preuve dont elles requièrent l’administration (art. 143 al. 4 LIP ; art. 81 al. 4 RPers). Une fois l’enquête achevée, l’intéressé peut s’exprimer par écrit dans les trente jours qui suivent la communication du rapport (art. 143 al. 5 LIP ; art. 81 al. 5 RPers). Le rectorat statue à bref délai (art. 143 al. 6 LIP ; art. 81 al. 6 RPers). La responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service ou de fonction et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l’enquête administrative (art. 143 al. 7 ; art. 81 al. 7 RPers).

c. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l’autorité établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l’on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d’autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Ce devoir comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 1C_276/2020 du 16 février 2021 consid. 4.5.2 ; ATA/508/2022 du 17 mai 2022 consid. 12a).

9) a. En l’espèce, les compétences du recourant en matière d’enseignement, de recherche et de gestion, telles que définies dans son cahier des charges, n’ont pas été remises au cause au cours de son premier mandat. En outre, le recourant ne conteste pas avoir rencontré, durant ledit mandat, des difficultés d’ordre managérial et d’encadrement, comme l’ont retenu la commission et le décanat lors de la procédure de renouvellement, ce qui a conduit à la mise en place d’un comité d’accompagnement, avec la fixation d’un certain nombre d’objectifs et de délais en vue de les atteindre.

b. S’agissant des faits ayant conduit l’intimée à considérer que le recourant avait enfreint ses devoirs de service, l’intéressé, sans pour autant les contester, en minimise la portée et procède à sa propre interprétation, considérant qu’ils ne permettaient pas, pris séparément, à l’université de prendre la décision de non-renouvellement. Dans ce cadre, il émet de nombreuses critiques au sujet de l’enquête administrative et de la manière par laquelle celle-ci aurait été menée, produisant une expertise privée à ce sujet (laquelle, conformément à la jurisprudence, équivaut à de simples allégations de partie ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_526/2015 du 16 octobre 2016 consid. 6.5 non publié de l’ATF 142 II 517) et tentant de faire retrancher du dossier, sans pour autant prendre de conclusions spécifiques à cet égard, différents témoignages en sa défaveur. Il perd toutefois de vue qu’en application du principe de la libre appréciation des preuves gouvernant la constatation des faits en procédure administrative (art. 20 LPA ; ATA/590/2022 du 3 juin 2022 consid. 4a), l’intimée ne s’est pas contentée de renvoyer au rapport d’enquête, mais a repris l’ensemble des faits reprochés au recourant en les discutant, y compris par rapport aux arguments avancés par l’intéressé, en tenant compte du contexte, des éléments figurant au dossier et des témoignages qu’elle estimait pertinents pour l’issue du litige. Ce faisant, elle est arrivée à la conclusion que le recourant avait contrevenu à ses devoirs de service, ce qui justifiait le non-renouvellement de son mandat.

c. Le recourant ne saurait reprocher dans ce contexte à l’intimée d’avoir procédé par substitution de motifs en lien avec la plainte initiale de Mme F______. Outre le fait que l’intéressé n’explique pas pour quelle raison un tel procédé serait prohibé, il ressort du dossier que l’intimée a considéré, à tout le moins de manière implicite et contrairement aux conclusions du rapport d’enquête desquelles elle s’est distanciée sur ce point, que les éléments mis en évidence durant l’instruction ne permettaient pas de retenir l’existence d’un harcèlement sexuel ou psychologique à son endroit, mais que son comportement n’en était pas moins constitutif d’une violation de ses devoirs de service, au vu du manque de distance et d’encadrement adopté en plusieurs circonstances.

Selon le recourant, l’informalité dont il avait fait preuve lors des épisodes des Bains des Pâquis, du parc de la Perle du Lac ou d’un « lab meeting » avec Mme F______ ne pouvait être considérée comme un manque de distance, notion imprécise ne permettant pas de retenir une violation de ses devoirs de service. Le recourant perd de vue que, de jurisprudence constante, le recours à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations des devoirs de service est largement admis, au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une telle violation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.2 ; ATA/130/2022 du 8 février 2022 consid. 5b). À cela s’ajoute que l’intimée n’a pas seulement retenu un manque de distance à l’égard de Mme F______, mais aussi un manque d’encadrement la concernant en lien avec les épisodes susmentionnés.

En effet, il n’est pas contesté qu’en 2016, alors que Mme F______ avait entamé un travail de master sous la supervision du recourant, elle l’a sollicité pour parler de son projet, l’intéressé lui ayant proposé à deux reprises de marcher en sa compagnie « en direction de son domicile », ce qui les a conduits respectivement aux Bains des Pâquis, où il l’a invitée à boire un verre, et au parc de la Perle du Lac. L’on ne saurait comparer, comme le fait le recourant, de tels entretiens hors du campus à des discussions effectuées lors de déplacements d’un lieu à l’autre ou à des « lunchs » effectués avec des étudiants, et ce malgré l’ambiance décontractée régnant au CISA. L’on ne voit en particulier pas pour quel motif, et le recourant ne l’explique pas, ces entretiens ne pouvaient se tenir dans le bureau du recourant, à tout le moins dans l’enceinte du campus. À cela s’ajoute que les sujets abordés par le recourant, à savoir le désir sexuel chez la femme ou le matériel érotique en réalité virtuelle qu’il détenait à son domicile, étaient d’autant plus inappropriés au regard du contexte de la discussion, qui a eu lieu dans un cadre non professionnel. Il importe également peu que lesdits sujets aient fait partie des domaines de recherche du CISA, dès lors qu’ils étaient exorbitants à la discussion que souhaitait avoir Mme F______ concernant son propre projet.

Le recourant a également admis avoir ponctué une intervention de Mme F______, qu’il jugeait brillante, par « F______, this is why I love you ! » lors d’un « lab meeting », en présence d’autres étudiants. Si l’on peut certes suivre le recourant lorsqu’il indique qu’il s’agissait d’une intervention dans le domaine académique, et non d’ordre privé, il n’en demeure pas moins que l’utilisation d’un tel lexique pour qualifier l’intervention d’une étudiante, dont le recourant supervisait au demeurant le travail de master, dénote un manque de distance non compatible avec le comportement attendu d’un professeur d’université. À cela s’ajoute que des rumeurs existaient déjà au sujet de Mme F______ et de sa relation avec le recourant, selon lesquelles celui-ci l’« aimait bien » et la faisait bénéficier d’une « attention spéciale », comme l’ont relaté Mmes O______ et N______, ainsi que M. Q______N, lequel a au surplus parlé d’une relation « plus que professionnelle » prêtée par les étudiants aux intéressés, ces trois témoins ayant été entendus durant l’enquête administrative en se voyant exhortés à dire la vérité. Ladite intervention a ainsi contribué non seulement à exacerber les rumeurs déjà présentes, mais également à augmenter le malaise ressenti par Mme F______, qui soupçonnait le recourant de vouloir la séduire. Mme F______ a d’ailleurs renoncé à poursuivre son travail de master sous la supervision du recourant au profit d’un autre professeur, notamment pour cette raison.

Ces éléments sont incompatibles avec le comportement que l’on est en droit d’attendre de celui qui occupe une fonction professorale à l’université et constituent non seulement un manque de distance de la part du recourant, mais aussi d’encadrement de Mme F______, laquelle n’a pas pu bénéficier du soutien académique nécessaire à la réalisation de son projet de master dont l’intéressé assurait la supervision.

C’est dès lors à juste titre qu’en lien avec ces faits, l’intimée a retenu que le recourant n’avait pas satisfait à la condition de l’adéquation des aptitudes pédagogiques aux exigences de la fonction ni à celle du respect des devoirs incombant aux membres du corps enseignant, tels que prévus aux art. 20, 21 let. b et c et 23 al. 1 LPers.

d. Le recourant ne conteste pas avoir échangé des messages avec Mme G______ le 25 juillet 2016, indiquant toutefois que celle-ci les aurait provoqués, qu’elle aurait alimenté la discussion et qu’il s’agissait d’un échange mutuel entre adultes consentants.

S’il ressort certes de la procédure que Mme G______ a envoyé au recourant le 22 juin 2020 un courriel avec un lien vers une vidéo « YouTube » à contenu humoristique intitulé « doublage de films porno en ch’ti – un échec commercial d’après les guignols » accompagné du texte « c’est la minute culture raffinée », ce seul message ne pouvait justifier, plus d’un mois plus tard, ceux envoyés par le recourant, et s’inscrivait dans le contexte de l’ambiance familière et détendue ayant cours au CISA, où des plaisanteries pouvaient être échangées entre les membres, comme l’a retenu l’intimée. Il en va de même des messages à contenu humoristique envoyés par Mme G______ le 24 juillet 2020 sur le thème « coco-mat », puis le 25 juillet 2020 comportant un lien vers une page internet énumérant cinquante raisons de rester au lit, au début des échanges avec le recourant et après leur sortie du 23 juillet 2020.

L’on ne saurait ainsi considérer que Mme G______ aurait provoqué, du fait de ces premiers messages, ceux à caractère ouvertement sexuel envoyés par le recourant dans le fil de la discussion et qui dépassent largement un « jeu de séduction » entre adultes, comme il l’allègue, mais concernent directement son interlocutrice dans son intimité. Tel est le cas lorsque le recourant lui fait savoir « disons que si tu étais dans mon lit là je pense que je commencerait pas (sic) te manger la chatte pour le petit déjeuner », « j’aimerais venir dans ta petite culotte et que tu ai (sic) la chatte couverte de sperme que tu gardes toutes la journée entre tes jambes et que je te baise le soir », « bref je bande maintenant », « disons le autrement, tu me fais bander », « j’ai souvent faim. La réponse à ta question abord (sic) ton corps, tes seins et quelque chose qui me dit que je pourrais te faire toutes sortes de choses parce que tu es ouverte comme tu dis », « je me suis imaginé que tu aimerais des choses cochonnes que ça pourrait être facile tranquille avec toi, qu’on pourrait baiser sans prise de tête en explorant toutes sorte de choses », « si c’est une métaphore de ton trou du cul ce X alors tu m’as compris :-) », « oui c’est bien cette obsession ça veut dire que tu es une anale, et j’aimerais bien jouer sur ta tendance à l’obsession », « tu aimes les cordes aussi », « ça ne devaient pas nous empêcher de baiser :-) », « en particulier si tu veux que je te badigeonne le cul et la chatte de sperme (oui collègue c’est un problème indépendant et sérieux, et on peut très bien ne rien faire, on parle ici c’est tout :-)) », « je vais probablement aller me masturber dans la douche en pensant à toi avant (si cela ne te dérange pas :-)) », « est-ce que tu prends des contraceptifs ? », « parce que j’aimerais venir souvent à l’intérieur », « j’aime l’idée de te voir au travail sachant que tu serais pleine de mon sperme », « c’est difficile de se masturbé (sic) d’une main et d’écrire de l’autre », « n’hésite pas à me laisser ta petite culotte dans mon tiroir après l’avoir bien mouillée, ça me ferait très plaisir »,« je n’implique pas que tu l’aimes mouillée en pensant à moi », « faire tourner ta culotte est toujours une option qui n’est pas dégradante », « moi aussi xoxox sur ton trou du cul :-) ».

Ces messages sont sans commune mesure avec ceux de Mme G______, qui, outre le fait qu’elle n’a employé à aucun moment des termes similaires à ceux du recourant, crus et à forte connotation sexuelle, a répondu par la négative à certaines questions posées, comme le fait de savoir si elle voulait des détails au sujet des choses « cochonnes » à faire dans son lit, ou n’y a pas même répondu, notamment lorsque le recourant lui a demandé si elle avait envie de ce dont il lui parlait et si elle prenait des contraceptifs. Elle n’a pas non plus réagi à ses relances, en particulier lorsqu’il l’a questionnée sur ses perversions, ce qui n’a pas empêché le recourant de continuer sur sa lancée, sans égard à sa remarque au sujet du fait qu’ils étaient collègues et des rumeurs pouvant avoir cours. Mme G______ s’est également montrée évasive face à ses sollicitations, a répondu à certains de ses messages avec humour (« Matin = pic hormonal pour les hommes »), a dévié la conversation sur des aspects plus scientifiques (« en termes de contenu ou d’intensité ? [désolée pour la référence aux théories bidimensionnelles] ») ou a tenté de se dévaloriser en indiquant qu’elle était ennuyeuse, le recourant lui ayant alors signifié que le sexe ennuyeux pouvait lui plaire « en se mettant dans le bon état d’esprit » et qu’il aimerait s’ennuyer en sa compagnie, sans pour autant prendre en compte les réponses de son interlocutrice. Il ressort également des messages de Mme G______ que celle-ci a tenté d’opposer son point de vue à celui du recourant, en lui faisant savoir qu’elle n’était pas intéressée, et ce de manière générale, par des relations d’ordre uniquement sexuelles, comme il l’entendait, mais qu’elle avait une « personnalité addictive », si elle commençait quelque chose, « I tend to go all the way », ne sachant pas encore si le sexe serait la seule chose qui se passerait entre eux et que s’il la « voulait vraiment, ça va être beaucoup plus challenging ».

C’est dans ce contexte, et non dans celui d’une opération de séduction de Mme G______, que les messages de cette dernière doivent être compris, comme elle l’a expliqué durant l’enquête administrative et la procédure pénale. Dans ce cadre, c’est en vain que le recourant se prévaut de la plainte pénale déposée à l’encontre de Mme G______ après ses deux premières auditions et quelques jours seulement après sa troisième audition par l’enquêtrice, dès lors qu’elle n’a pas varié dans ses déclarations sur ce point, tenant les mêmes propos au sujet de ses stratégies pour dévier la discussion « vers des eaux moins troubles » dans le cadre de la procédure pénale. Malgré les différentes techniques utilisées par Mme G______ pour mettre un terme aux messages à caractère sexuel du recourant, celui-ci n’a cessé de lui suggérer, pendant tout l’échange de messages, qu’il était très désireux d’entretenir une relation sexuelle avec elle, sans prendre en compte son point de vue, ni d’ailleurs le malaise qu’elle avait ressenti lorsqu’il lui avait parlé de « date » ou des rumeurs pouvant avoir cours à ce propos au sein du CISA. Par ailleurs, comme Mme G______ l’a expliqué, elle n’était pas en mesure d’adopter un ton sec avec le recourant, étant donné qu’elle occupait, à l’époque, la fonction de maître-assistante, alors que son interlocuteur faisait partie du corps professoral, ce qu’elle a du reste évoqué dans l’un de ses messages et qui lui faisait craindre pour la suite de sa carrière académique, tout comme le fait de déposer plainte en relation avec lesdits messages, ce qui n’est du reste pas déterminant dans le cadre de la LEg.

Au vu de l’échange de messages dans leur intégralité et des éléments susmentionnés, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il se prévaut de l’existence d’un jeu de séduction mutuel avec Mme G______, dont les messages ne contiennent rien d’équivalent à ceux de l’intéressé, lequel a eu recours à des propos crus et à forte connotation sexuelle, ce qui a eu pour effet de susciter un malaise chez son interlocutrice – ce qui aurait été le cas de toute personne raisonnable placée dans la même situation – et de provoquer son changement de bureau, rendant ainsi l’exécution de son travail plus difficile. Le fait que Mme G______ n’ait pas porté plainte ou que ladite discussion soit restée un acte isolé n’apparaît pas déterminant dans le cadre de la LEg, pas plus que l’absence de lien hiérarchique direct entre les intéressés, dès lors que ceux-ci étaient tous deux rattachés au CISA, où Mme G______ occupait une fonction subalterne par rapport à celle du recourant.

C’est également à juste titre que l’intimée a retenu que le recourant s’était livré à des regards déshabillants sur Mmes F______ et G______, ce que toutes deux ont évoqué, l’intéressé ayant au demeurant admis « être un peu séducteur » dans les premiers messages envoyés à Mme G______ le 22 juillet 2020.

Au regard de ce qui précède, l’intimée pouvait retenir que le recourant avait contrevenu aux devoirs incombant aux membres du corps enseignant, tels que définis aux art. 20, 21 let. a et c et 23 al. 1 LPers.

e. À ces éléments s’est ajoutée l’attitude adoptée par le recourant durant la procédure d’enquête administrative.

En effet, sur la seule base de la plainte de Mme F______ et peu après la décision de l’intimée ordonnant l’ouverture d’une enquête administrative, le recourant n’a pas hésité à déposer une plainte pénale contre la doyenne et la conseillère aux études, sans que celles-ci aient pu être entendues dans le cadre de ladite enquête administrative. Une telle manière de procéder peut être perçue comme une tentative d’intimidation des intéressées pour influer sur le cours de l’enquête administrative. Il en va de même de la plainte pénale déposée contre Mme G______ quelques jours seulement avant sa troisième audition par l’enquêtrice, alors que le témoin n’apparaissait pas avoir relu les messages échangés avec le recourant, contrairement à ce dernier, qui a au demeurant passé sous silence le fait qu’il les détenait. Une telle attitude apparaît d’autant moins loyale que le recourant avait été requis de s’abstenir de toute action pouvant entraver d’une manière ou d’une autre le déroulement de l’enquête administrative.

Le recourant n’a pas non plus satisfait à son obligation de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA), applicable à toute procédure administrative, y compris à l’enquête administrative ouverte par l’intimée. Malgré les demandes de l’enquêtrice, il n’a produit qu’une version caviardée des échanges avec Mme G______ et retranché l’ensemble des messages crus et à connotation sexuelle, de manière à suggérer que son interlocutrice tentait de le séduire. Seule la lecture de l’ensemble des messages a permis de constater que tel n’était en réalité pas le cas. Il a ainsi, de cette manière, tenté d’influencer l’enquête administrative, adoptant un procédé similaire dans le cadre de l’expertise privée versée au dossier, qui ne fait état que des seuls messages de Mme G______, sans égard à ceux du recourant.

C’est par conséquent également à juste titre que l’intimée a considéré que l’attitude du recourant durant l’enquête administrative avait fini par rompre le lien de confiance avec son employeur, déjà largement entamé au regard des autres éléments qui lui sont reprochés.

f. Au regard de ce qui précède, l’intimée n’a ni excédé ni abusé de sa liberté d’appréciation en considérant, à l’issue de l’enquête administrative, que le mandat de professeur associé du recourant ne pouvait être renouvelé, l’intéressé ne remplissant ni les réquisits de l’art. 119 al. 1 let. b RPers, ni ceux de l’art. 119 al. 1 let. e RPers (art. 119 al. 2 RPers).

Le recourant soutient que l’intimée aurait procédé à une révocation déguisée en procédant de la sorte. Il perd toutefois de vue qu’à l’issue de l’enquête administrative, l’intimée n’était pas tenue d’infliger au recourant une sanction administrative, sous la forme d’une révocation, mais pouvait mettre un terme aux relations de travail de manière ordinaire. Ce faisant, elle a également respecté le principe de la proportionnalité, sans contrevenir au principe de la bonne foi.

g. Dans ce cadre, le recours portant sur la décision de renouvellement conditionnel, qui aurait, selon le recourant, été détournée de sa finalité, devient sans objet. En effet, indépendamment de savoir si l’intimée pouvait renouveler le mandat de professeur associé du recourant d’une manière ou d’une autre, les violations de ses devoirs de fonction constatées ne permettaient en aucun cas la poursuite des rapports de service, qu’ils aient été reconduits de manière ordinaire ou conditionnelle. Sans égard à une éventuelle révocation, même en cas de renouvellement ordinaire, qui n’aurait au demeurant pas eu de sens vu les éléments découverts avant l’échéance du premier mandat et qui méritaient d’être instruits, l’intimée aurait pu procéder à une résiliation des rapports de service pour motif fondé, dès lors que l’art. 12 al. 1 LIP renvoie notamment à l’art. 141 LIP, qui prévoit ce cas de figure.

En toute hypothèse, les conditions permettant un renouvellement conditionnel étaient réalisées, au vu des éléments figurant dans la plainte de Mme F______ et qui laissaient suggérer notamment des problèmes au niveau de l’encadrement des étudiants, comme l’avaient déjà relevé les CER et pour lesquels des objectifs avaient été fixés. L’on ne saurait ainsi reprocher à l’intimée d’avoir fait application de l’art. 124 RPers au cas du recourant, ce qui n’apparaît du reste pas lui avoir porté préjudice.

Au demeurant, l’intimée a fait une correcte application de l’art. 123 RPers, puisqu’elle a prolongé les rapports de service jusqu’au 30 septembre 2021, de manière à respecter le délai de congé de six mois en cas de non-renouvellement du mandat.

Entièrement mal fondés, les recours seront par conséquent rejetés.

10) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'500.-, qui comprend les décisions sur mesures provisionnelles et sur effet suspensif ainsi que les mesures d’instruction, notamment les audiences, sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera accordée, pas plus qu’à l’intimée, qui dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 29 mars 2021 et 7 juin 2021 par Monsieur A______ contre les décisions de l’Université de Genève rendues respectivement les 24 février 2021 et 27 mai 2021 ;

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 2'500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas Capt, avocat du recourant, ainsi qu’à Mes Pierre Gabus et Lucile Bonaz, avocats de l’intimée.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Michon Rieben, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :