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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1535/2010

ATA/643/2012 du 25.09.2012 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ; LICENCIEMENT ADMINISTRATIF ; EMPLOYÉ PUBLIC ; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL) ; INDEMNITÉ POUR ATTEINTE À L'INTÉGRITÉ ; COMPÉTENCE ; RÉINTÉGRATION PROFESSIONNELLE
Normes : LPAC.31 ; CO.342 ; LIPH.43.al1 ; LREC.2 ; LREC.7.al1 ; Cst.29.al2
Résumé : La demande d'indemnité pour licenciement abusif et celle pour tort moral sont rejetées faute de base légale. L'indemnité due en cas de refus de réintégration par l'autorité ayant licencié à tort ne peut pas être versée car la décision de licenciement n'a pas pu être examinée sur le fond et qu'elle est donc réputée conforme au droit.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1535/2010-FPUBL ATA/643/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 septembre 2012

 

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Jean-Luc Marsano, avocat

contre

ÉTABLISSEMENTS PUBLICS POUR L'INTEGRATION (EPI)



EN FAIT

1. Le 25 avril 2005, Monsieur X______ a été engagé en qualité d'animateur socioculturel par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) et affecté au Foyer A______, Secteur AI. Il était soumis aux dispositions légales et statuaires du personnel des HUG, en particulier à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

Dès le 1er janvier 2009, le Foyer des Bains est devenu un établissement public pour l'intégration (ci-après : EPI) au sens des art. 28 et ss de la loi sur l'intégration des personnes handicapées du 16 mai 2003 (LIPH - K 1 36). Nonobstant ce changement formel d'employeur, le statut de M. X______ est demeuré identique, les relations entre les EPI et leur personnel étant régies par la LPAC (art. 43 al. 1 LIPH).

2. Par courrier du 9 mars 2009, que M. X______ n'a pas voulu signer et qui lui a été adressé par pli recommandé le lendemain, les EPI ont licencié celui-ci pour le 30 juin 2009. Cette décision ne comportait aucune indication des voie et délai de recours.

Le 3 avril 2009, l'avocat de l’intéressé s'est adressé aux EPI pour s'opposer formellement au congé dès lors que celui-ci était abusif. Il invitait les EPI à lui remettre toutes les données en leur possession concernant son client, quel que soit le support qui les contenait, dans un délai maximum de trente jours, « conformément aux dispositions de la loi sur la protection des données ».

3. Par acte du 24 juin 2009, mis à la poste le 26 juin 2009, M. X______, agissant par l'entremise de son conseil, a saisi le Tribunal administratif, devenu le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'une demande en paiement, se référant aux art. 1 et ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations (CO - RS 220), notamment 319 et ss ainsi que toutes autres dispositions applicables. Il concluait à ce que les EPI soient condamnés à lui verser une indemnité pour licenciement abusif au sens de l'art. 336a CO et une indemnité pout tort moral.

Le 20 août 2009, les EPI se sont opposés à la demande, concluant principalement à son irrecevabilité et subsidiairement à son rejet. L'intéressé n'avait pas fait recours contre son licenciement et la demande d'indemnité pour licenciement abusif revenait à remettre tardivement en cause cette décision.

4. Par arrêt du 12 janvier 2010 (ATA/9/2012), le Tribunal administratif a, d'une part, déclaré irrecevable le recours de M. X______ du 3 avril 2009 contre la décision de licenciement du 9 mars 2009, faute de conclusions.

D'autre part, le Tribunal administratif a déclaré irrecevable l'action pécuniaire de M. X______ du 24 juin 2009 en raison d'un changement de procédure. Celui-ci découlait d'une modification législative entrée en vigueur le 1er janvier 2009. Depuis cette date, les prétentions pécuniaires des membres de la fonction publique devaient d'abord faire l'objet d'une décision de la part de l'autorité en cause. Dans un deuxième temps seulement, l'intéressé pouvait saisir la justice.

Afin de respecter cette nouvelle procédure, le Tribunal administratif a transmis aux EPI l'action pécuniaire de M. X______ du 24 juin 2009 pour qu'ils rendent une décision sujette à recours.

5. Par décision du 26 mars 2010, les EPI ont rejeté la demande de M. X______ tendant au versement d'une indemnité pour licenciement abusif et d'une indemnité pour tort moral.

6. Par acte du 28 avril 2010, M. X______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre cette décision. Il concluait à son annulation ainsi qu'à la condamnation des EPI à lui verser une indemnité pour licenciement abusif d'un montant de CHF 53'371.- avec intérêts et une indemnité pour tort moral d'un montant de CHF 15'000.- avec intérêts. Il concluait également, à titre préalable, à l’audition de témoins.

7. Le 7 juin 2010, les EPI ont conclu à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet.

8. Le 15 juillet 2010, le recourant a répliqué et persisté dans ses conclusions.

9. Le 11 août 2010, les EPI ont dupliqué et maintenu leur position.

10. Lors de l'audience de comparution personnelle du 12 novembre 2010, le Tribunal administratif a entendu les parties, qui ont campé sur leurs positions.

11. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 -aLOJ ; 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010).

3. Le recourant sollicite l'audition de témoins.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 2D_51/2011 du 8 novembre 2011 ; 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

En l'espèce, la chambre administrative dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer en connaissance de cause. Il n'est ainsi pas utile de procéder à d'autres mesures d'instruction.

4. Le recourant demande le versement de deux indemnités, l'une pour licenciement abusif et l'autre pour tort moral.

a. S'agissant du droit applicable au présent litige, il n'est pas contesté que la relation de travail entre le recourant et les EPI relève du droit public et qu'elle est régie par la LPAC (art. 43 al. 1 LIPH). La LPAC, entrée en vigueur le 1er mars 1998, est une législation cantonale réservée par l'art. 342 CO. Elle règle de manière exhaustive les rapports de travail de droit public, à l'exception des art. 331 al. 5 CO et art. 331a à 331e CO relatifs à la prévoyance professionnelle, non applicables in casu. Selon une jurisprudence constante de la chambre de céans, la LPAC ne laisse pas de place à une application du CO à titre de droit supplétif aux rapports de droit public, à moins que cette application ne soit expressément prévue par le statut du personnel applicable (ATA/908/2010 du 20 décembre 2010 et la jurisprudence citée ; ATA/260/1999 du 4 mai 1999). Tel n'est pas le cas de la LPAC, sous réserve de l'art. 44A de son règlement d’application du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01). L'art. 44A RPAC réserve expressément l'application des art. 336c et 336d CO relatifs à la résiliation en temps inopportun. Ceux-ci ne sont cependant pas pertinents dans le cas d'espèce. Le présent litige est dès lors exclusivement soumis à la LPAC et à ses règlements d'application.

b. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, il n'est pas possible de remettre en cause le licenciement lors de la demande de prétentions pécuniaires (ATA/4/2009 du 13 janvier 2009, consid. 6.d). En l'espèce, la décision de licenciement est entrée en force suite à l'ATA/9/2010 du 12 janvier 2010, qui n'a pas été contesté. De plus, il n'existe aucun motif de révision au sens de l'art. 80 LPA ou de nullité. Par conséquent, la décision de licenciement ne peut plus être remise en cause dans le cadre du présent recours. Elle est donc réputée conforme au droit.

c. La LPAC prévoit le versement d'une indemnité lorsque l'autorité compétente refuse la réintégration d'un membre du personnel (art. 31 al. 2 et 3 LPAC). La chambre administrative peut proposer une telle mesure lorsqu'elle retient que la résiliation des rapports de service est contraire au droit (art. 31 al. 2 LPAC). Or, en l'espèce, une telle constatation n'a pas pu être établie par la chambre de céans. Le recours contre la décision de licenciement ayant été déclaré irrecevable faute de conclusions, il n'a pas pu être examiné sur le fond. Au vu de ces circonstances, la réintégration du recourant ne peut être proposée aux EPI. De plus, le but de l'indemnité prévue à l'art. 31 al. 3 LPAC est de pallier au refus de l'employeur de réintégrer la personne qui aurait été licenciée à tort, et non de réparer un éventuel tort moral ou de sanctionner un licenciement abusif (ATA/530/2012 du 21 août 2012 et la jurisprudence citée). Par ailleurs, ni la LPAC ni le règlement relatif à la protection de la personnalité à l'Etat de Genève du 18 juin 2008 (RPPers - B 5 05.10) ne prévoient le versement d'une indemnité tendant à la réparation d'un préjudice (ATA/908/2010 précité).

La seule base légale pouvant éventuellement fonder le versement d'une indemnité pour tort moral est l'art. 2 de la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 (LREC ; RS A 2 40). Or, cette prétention ne relève pas de la compétence de la chambre administrative mais de celle du Tribunal de première instance, conformément à l'art. 7 al. 1 LREC et à la jurisprudence (ATA/908/2010 précité). La chambre de céans ne peut donc pas allouer au recourant le versement d'une quelconque indemnité. Les prétentions pécuniaires formulées dans son recours doivent en conséquence être rejetées.

5. Au vu de ce qui précède, le recours ne peut qu'être rejeté et la décision du 26 mars 2010 confirmée.

Nonobstant l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant.


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 avril 2010 par Monsieur X______ contre la décision des établissements publics pour l'intégration du 26 mars 2010 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

-  par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

 -  par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

 -  par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les articles 113 et suivants LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Luc Marsano, avocat du recourant ainsi qu'aux établissements publics pour l'intégration.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :