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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1855/2020

ATA/560/2021 du 25.05.2021 sur JTAPI/1137/2020 ( ICCIFD ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1855/2020-ICCIFD ATA/560/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mai 2021

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Guillaume Francioli, avocat
contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Monsieur A______
représenté par Me Guillaume Francioli, avocat

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

___________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
14 décembre 2020 (JTAPI/1137/2020)


EN FAIT

1) Le litige concerne l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) pour l'année fiscale 2018 de Monsieur A______, lequel vivait alors en concubinage avec Madame B______, mère de leurs deux enfants, nés respectivement en 2014 et 2016.

2) Dans sa déclaration fiscale 2018, M. A______a notamment mentionné ses deux enfants comme charges de famille. Il a fait valoir en déduction des frais de garde s'élevant à CHF 7'984.- pour l'ICC et à CHF 14'454.- pour l'IFD.

Était notamment jointe à sa déclaration une attestation d'une crèche genevoise indiquant que ses deux enfants avaient fréquenté l'institution durant l'année 2018 et que la famille avait payé un prix total de CHF 14'453.55.

3) Par bordereaux datés du 20 janvier 2020, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé le précité pour l'année 2018.

Pour l'ICC, elle lui a octroyé le splitting et lui a accordé une déduction pour frais de garde de CHF 3'992.-, deux demi-charges de famille (CHF 9'980.-), ainsi qu'une déduction sociale sur la fortune à hauteur de CHF 123'060.-.

Pour l'IFD, elle l'a imposé selon le barème parental et lui a accordé une déduction pour frais de garde à hauteur de CHF 7'227.- ainsi que deux demi-charges de famille pour ses enfants (CHF 6'500.-).

4) Le 22 janvier 2020, M. A______a formé réclamation à l'encontre de ces bordereaux.

Assumant la quasi-totalité de l'entretien de ses deux enfants, il avait déclaré la majorité des frais de garde. Or, les déductions requises ne semblaient avoir été prises en compte que pour un seul enfant. Il sollicitait ainsi une déduction pour frais de garde à hauteur de CHF 7'984.- pour l'ICC et CHF 14'454.- pour l'IFD. La déduction sociale sur la fortune devait se chiffrer à CHF 246'920.-, à savoir CHF 164'080.- + 2 x CHF 41'420.-.

La réclamation portait également sur d'autres points, lesquels ne sont plus litigieux.

5) Par décisions du 26 mai 2020, l'AFC-GE a admis la réclamation sur des points qui ne sont plus litigieux mais l'a notamment rejetée en ce qui concernait les déductions pour frais de garde et la déduction sociale sur la fortune.

En cas de concubinage, le barème parental et le splitting étaient accordés à celui des parents assumant la charge financière la plus élevée, soit à celui qui disposait du revenu brut le plus élevé. L'autre parent était taxé comme personne seule. De ce fait, les charges de famille et les frais de garde étaient admis par moitié chez chacun des deux parents.

Concernant la déduction sociale sur la fortune, le montant maximum admis chez chacun des parents se montait à CHF 123'060.-, à savoir CHF 82'040.- pour le contribuable et CHF 20'510.- par enfant.

Le même jour, l'AFC-GE a notifié au contribuable un bordereau d'ICC rectificatif pour tenir compte de l'admission partielle de sa réclamation.

6) Par acte du 25 juin 2020, M. A______a interjeté recours par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l'encontre des décisions précitées en concluant à leur annulation et à la modification des bordereaux du 26 mai 2018 dans le sens des considérants.

Dès lors qu'il bénéficiait de revenus plus élevés que ceux de sa concubine, il assurait pour l'essentiel l'entretien de leurs enfants communs. Il avait ainsi versé la somme totale de CHF 53'500.- en 2018 sur le compte bancaire commun utilisé pour les dépenses du couple et des enfants, tandis que sa concubine avait versé CHF 30'204.- sur ledit compte. Leurs participations respectives s'élevaient ainsi à 64 % pour lui et 36 % pour elle. Lors d'un échange de messages électroniques via la site internet de l'État de Genève, l'AFC-GE lui avait indiqué que, « si comme dans [son] cas, un des parentes contribue plus activement à des frais particuliers, ceux-ci peuvent être adaptés selon le pourcentage auquel il a participé. Des pièces justificatives doivent être présentées ».

Il résultait de l'information 2/2011 de l'AFC-GE du 16 février 2011 intitulée « imposition de la famille » (ci-après : l'information 2/2011) que dans le cas de parents mariés d'un enfant mineur à charge, vivant en ménage commun, en l'absence de versement d'une pension alimentaire, la déduction sociale sur la fortune devait être partagée par moitié. Les frais de garde effectifs devaient être répartis par moitié en principe, ce qui signifiait que cette proportion pouvait varier et être adaptée en fonction de la contribution effective à des frais de chaque parent. Or, son revenu excédait celui de sa concubine et il avait crédité le compte bancaire commun de montants plus élevés. Il avait ainsi droit à une déduction des frais de garde effectifs dans la même proportion.

La déduction sociale sur la fortune se chiffrait à CHF 205'500.-, à savoir CHF 164'400.- pour lui-même et CHF 41'100.- pour ses deux enfants.

L'intéressé a également remis en cause un autre élément de sa taxation, lequel n'est plus litigieux à présent.

7) Dans sa réponse du 28 août 2020, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les versements effectués par les concubins sur le compte commun n'étaient pas constants au regard de la clé de répartition alléguée et des sommes versées. En outre, en 2018, la déduction des frais de garde pour l'ICC était plafonnée à CHF 3'992.-.

S'agissant de la déduction sociale sur la fortune, les deux concubins pourvoyaient de manière égale à l'entretien des enfants, si bien qu'une répartition par moitié se justifiait. Le montant de la déduction sociale sur la fortune qui lui était accordée se montait à CHF 82'040.- plus CHF 20'510.-, sans quoi le montant de la déduction serait supérieur à celle d'un couple marié.

8) Le 22 septembre 2020, M. A______a relevé qu'il avait prouvé qu'il avait acquitté les frais de garde de ses enfants. Le paiement avait été effectué au moyen du compte commun qu'il avait alimenté à hauteur de 64 %, la part de sa concubine s'élevant à 36 %. Il avait ainsi contribué davantage que cette dernière à l'entretien des enfants. À suivre l'AFC-GE, les concubins devaient systématiquement payer leurs factures en deux paiements séparés afin de prouver une prise en charge distincte. La déduction devait être adaptée selon le pourcentage auquel le recourant avait participé, soit de CHF 5'110.- en ICC et de CHF 9'251.- en IFD.

9) Le 15 octobre 2020, l'AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

10) Par jugement du 14 décembre 2020, le TAPI a partiellement admis le recours.

Dès lors que l'intéressé vivait en ménage commun avec la mère de leurs enfants, il avait droit à la moitié de la déduction des frais de garde, à savoir
CHF 7'227.- pour l'IFD, mais seulement CHF 3'992.- pour l'ICC, en raison du plafonnement de la déduction instauré par l'art. 35 loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). Pour l'IFD, il aurait pu prétendre à une déduction plus importante, soit de CHF 10'100.- au maximum, s'il avait démontré qu'il avait acquitté les frais de garde de ses enfants dans une autre proportion, ce qu'il n'avait pas fait. Le fait que les montants qu'il avait versés sur le compte commun excédaient les versements de sa concubine n'était pas suffisant, les fonds se trouvant sur ce compte ayant nécessairement servi à d'autres buts que le règlement des frais de garde. En effet, les sommes versées par l'intéressé et sa concubine en 2018, à savoir respectivement CHF 53'500.- et CHF 30'204.-, excédaient manifestement le montant des frais de crèche des enfants.

Au sujet de la déduction sur la fortune, les parties s'accordaient sur le fait que la part de la déduction sociale sur la fortune afférente aux enfants s'élevait à quelque CHF 41'020.- (CHF 41'020.- + CHF 41'020.-) / 2. Elles divergeaient en revanche sur la déduction sociale pour lui-même. Dès lors que l'intéressé avait obtenu deux demi-charges de famille pour ses enfants, qu'il vivait en ménage commun avec eux et qu'il devait être considéré comme celui des parents qui en assurait pour l'essentiel l'entretien, puisqu'il disposait du revenu net le plus élevé, il avait le droit à une déduction sociale sur la fortune de CHF 164'040.- et non de CHF 82'040.-.

11) Par acte du 18 janvier 2021, M. A______a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité en concluant à son annulation partielle en tant qu'il retenait qu'il avait seulement droit à la moitié de la déduction des frais de garde pour l'IFD, à ce qu'il soit dit qu'il avait le droit à une déduction des frais de garde pour l'IFD à hauteur de CHF 9'251.-, à sa confirmation pour le surplus et à ce que l'État soit condamné en tous les frais et dépens.

Le TAPI avait relevé à juste titre qu'il avait versé des montants plus importants sur le compte commun. Par définition, toute dépense commune, effectuée par le couple depuis ce compte, respectait cet ordre de répartition. Le fait que ledit compte ait servi à d'autres dépenses communes que le règlement des frais de garde n'empêchait pas une répartition différente des frais de garde. À suivre l'avis du TAPI, les concubins devraient ouvrir un compte commun pour chaque poste de dépense qu'ils partageaient ou effectuer tout paiement en deux fois selon les proportions définies entre eux, ce qui ne pouvait raisonnablement être exigé.

12) Par acte du 19 janvier 2021, l'AFC-GE a également interjeté recours par-devant la chambre administrative contre le jugement précité en concluant à son annulation en tant qu'il accordait au contribuable une déduction sociale sur la fortune maximale de CHF 164'040.- et à la confirmation de sa propre décision du 26 mai 2020.

À suivre le TAPI, de la mise au bénéfice du splitting découlait pour le contribuable le droit de se voir accorder une déduction sociale sur la fortune de CHF 164'040.-. Toutefois, le texte de l'art. 58 al. 1 let. a LIPP était clair. Le contribuable devait tenir un ménage indépendant de ses enfants pour pouvoir bénéficier de la déduction maximale de CHF 164'000.-. Cette interprétation était confirmée par l'interprétation historique, les travaux préparatoires exprimant clairement la volonté du législateur. Seuls les contribuables vivant seuls avec leurs enfants étaient mis au bénéfice de la déduction maximale. Les art. 41 al. 3 LIPP et 58 al. 1 let. a LIPP étaient clairs ; ils devaient être distingués dans la mesure où leurs formulations et leurs buts étaient différents. L'intéressé ne remplissait pas la condition posée par l'art. 58 al. 1 let. a LIPP pour bénéficier de la déduction maximale, dès lors qu'il vivait en concubinage avec la mère de ses enfants et ne tenait donc pas ménage indépendant.

13) Dans sa réponse, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours du recourant, renvoyant à son propre recours du 19 janvier 2021, et à la confirmation de sa propre décision du 26 mai 2020.

L'intéressé, se fondant uniquement sur des extraits de compte commun, n'avait pas démontré avoir véritablement acquitté les frais de garde de ses enfants dans une proportion supérieure à la moitié de ces frais. Si les règlements effectués par celui-ci sur ledit compte étaient certes plus élevés, ils avaient servi au règlement d'autres dépenses, de la famille en général et des parents en particulier. Il n'avait été en mesure de prouver ses dires, notamment par la production d'une convention établissant la répartition effective des charges des enfants entre les deux parents. Il ne pouvait se contenter de réduire à un simple pourcentage découlant d'un calcul basé sur les versements effectués sur le compte commun pour prouver une répartition des frais de crèche autre que par moitié.

14) Dans sa réponse, le contribuable a principalement conclu à l'annulation partielle du jugement du TAPI du 14 décembre 2020 en tant qu'il avait retenu qu'il avait seulement droit à la moitié de la déduction des frais de garde pour l'IFD et à ce qu'il soit dit qu'il avait le droit à une déduction des frais de garde pour l'IFD à hauteur de CHF 9'251.-.

Si une application strictement littérale de l'art. 58 al. 1 LIPP devait être retenue, il n'aurait le droit à aucune déduction sur la fortune, n'étant concerné par aucune des hypothèses citées par la loi. La situation des concubins vivant en ménage commun n'était pas prévue par cette disposition. Aucune raison ne justifiait de traiter différemment les concubins vivant en ménage commun avec leurs enfants des époux vivant en ménage commun avec leurs enfants, dès lors qu'ils étaient traités de la même manière pour le taux applicable à l'impôt sur le revenu. C'était à juste titre que le TAPI avait considéré que l'art. 58 al. 1 LIPP était le pendant de l'art. 41 al. 2 et 3 LIPP.

15) Le 26 février 2021, l'AFC-GE a persisté dans les termes de son recours, relevant que la volonté du législateur n'était pas de traiter de la même manière, dans le cadre de la fixation du montant de la déduction sociale sur la fortune, le contribuable bénéficiant de l'apport financier direct ou indirect d'une personne faisant ménage commun avec lui et leurs enfants et le contribuable vivant seul avec ses enfants.

16) Dans sa réplique du 2 mars 2021, le recourant a persisté dans son recours.

La preuve stricte de la répartition des frais et charges liés aux enfants communs par une convention établissant la répartition effective des charges ou l'ouverture de comptes bancaires distincts pour le paiement des différentes dépenses était contraire à tout bon sens et constitutif d'excès de formalisme pour des parents vivant en ménage commun.

17) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du
4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Le litige a trait aux déductions pour frais de garde et à la déduction sociale sur la fortune que le recourant, qui vit en concubinage avec la mère de ses enfants mineurs nés hors mariage, peut faire valoir pour l'année fiscale 2018.

3) Le recourant demande à ce que la déduction des frais de garde pour l'IFD soit admise à hauteur de CHF 9'251.-. Il ne conteste dès lors plus la déduction retenue par l'autorité pour l'ICC.

4) L'art. 33 al. 3 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) prévoit qu'est déduit du revenu un montant de
CHF 10'100.- au plus par enfant dont la garde est assurée par un tiers si l'enfant a moins de 14 ans et vit dans le même ménage que le contribuable assurant son entretien et si les frais de garde documentés ont un lien de causalité direct avec l'activité lucrative, la formation ou l'incapacité de gain du contribuable.

5) D'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; ATA/1248/2020 du 8 décembre 2020 consid. 6a).

6) Le 21 décembre 2010, l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a émis à l'intention des administrations cantonales de l'impôt fédéral direct la circulaire n° 30 relative à l'imposition des époux et de la famille selon la LIFD (ci-après : la circulaire n° 30).

Ladite circulaire prévoit que la déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers est conçue comme une déduction anorganique et plafonnée par an et par enfant (p. 12).

Les parents non mariés qui vivent dans un ménage commun (union libre) avec des enfants communs peuvent demander la déduction pour les frais de garde lorsqu'ils exercent l'un et l'autre une activité lucrative, suivent une formation ou sont frappés d'une incapacité de gain et sont incapables d'assurer la garde de leurs enfants. Les parents non mariés qui détiennent l'autorité parentale en commun peuvent chacun déduire au maximum CHF 5'050.-. Les parents peuvent cependant demander une autre répartition à condition qu'ils se soient mis d'accord. C'est pourquoi ils doivent justifier et prouver cette autre répartition. Si le montant des frais dont la déduction est demandée par les parents dépasse le maximum de
CHF 10'100.-, la déduction est réduite en fonction du rapport entre les frais prouvés et ce maximum (p. 14).

La circulaire n° 30 donne l'exemple chiffré suivant :

Frais de garde :

Parent 1 CHF 6'000.-

Parent 2 CHF 9'000.-

Total CHF 15'000.-

Montant maximum : CHF 10'100.-

Taxation

Parent 1 10'100.- x 6'000.- = CHF 4'040.-

15'000.-

Parent 2 10'100 x 9'000.- = CHF 6'060.-

15'000.-

7) En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/412/2021 du 13 avril 2021 consid. 4c).

8) En l'espèce, il n'est pas contesté que les deux enfants du recourant, avec lesquels il fait ménage commun tout comme avec la mère de ceux-ci, ont fréquenté une crèche durant l'année 2018, et que le montant total des frais y relatifs s'est élevé à CHF 14'453.55, soit CHF 7'226.80 par enfant. Il est par ailleurs admis, notamment par l'autorité fiscale, que les frais de crèche ont été réglés au moyen du compte commun du recourant et de sa concubine, alimenté par ces derniers respectivement à hauteur de CHF 53'500.- et CHF 30'204.- durant l'année 2018.

La chambre de céans ne saurait souscrire à la position du TAPI selon laquelle le recourant n'avait pas démontré qu'il avait acquitté les frais de garde de ses enfants dans une autre proportion que celle retenue par l'AFC-GE. En effet, d'une part, la déduction maximale à laquelle pourrait prétendre le recourant, s'il parvenait par hypothèse à démontrer qu'il avait assumé seul ces frais relatifs à ses enfants, serait de CHF 20'200.- (CHF 10'100.- x 2), dès lors que le plafond fixé par l'art. 33 al. 3 LIFD l'est par enfant. D'autre part, le recourant a effectivement prouvé avoir alimenté le compte commun à hauteur de 64 % la part de sa concubine s'élevant à 36 % , au moyen des versements effectués sur le compte commun, dont il n'est pas contesté qu'il a servi, entre autres choses, au paiement des frais de crèche. Ainsi, il doit être considéré que celui-ci a pris à sa charge les frais de garde des enfants du couple à hauteur de 64 %, soit CHF 9'251.-.

La volonté des concubins d'établir une répartition selon laquelle le recourant prendrait à sa charge de manière prépondérante les frais de crèche est confirmée par les déclarations fiscales remises par ceux-ci, à teneur desquelles il apparaît que le recourant a déclaré l'entier des frais de crèche, tandis que la mère de ses enfants n'a déclaré aucun montant à ce titre.

Par ailleurs, on ne voit pas en quoi le fait que le compte commun ait servi au paiement d'autres charges du couple ou de la famille ce qui apparaît effectivement avoir été le cas amènerait à considérer, comme le soutient l'AFC-GE, que le recourant aurait échoué à apporter l'exactitude de ses allégations. L'autorité fiscale se borne à estimer que le recourant n'a pas apporté une preuve suffisante de la répartition des frais liés aux enfants. Celle-ci n'indique toutefois pas quelle pièce ou information précise elle aurait souhaité recevoir, invoquant exclusivement à titre d'exemple la production d'une convention établissant la réparation des charges des enfants entre les deux parents. Or, on ne saurait attendre d'un couple faisant ménage commun, sous peine de formalisme excessif, qu'il édicte et formalise une convention visant à définir les modalités de prise en charge financière de ses enfants mineurs avec lesquels il réside ; un tel document peut d'autant moins être exigé que, comme en l'espèce, l'accord des parents à ce sujet est corroboré par leur déclaration fiscale respective, qui exprime leur volonté d'une répartition des frais litigieux d'une manière différente que celle soutenue par l'AFC-GE.

Le grief du recourant sera dès lors admis.

9) L'AFC-GE reproche quant à elle au TAPI d'avoir admis une déduction sociale sur la fortune à hauteur de CHF 164'400.- pour le recourant lui-même à laquelle s'ajoute une déduction de CHF 41'020.- ([41'020 x 2] /2) pour ses enfants laquelle n'est pas contestée relevant que celle-ci ne pouvait s'élever qu'à CHF 82'200.-.

10) À teneur de l'art. 58 al. 1 LIPP, est déduit de l'ensemble de la fortune nette déclarée par les contribuables assujettis à l'impôt dans le canton CHF 82'200.- pour le contribuable célibataire, veuf, séparé de corps ou de fait ou divorcé (let. a), CHF 164'400.- pour les époux vivant en ménage commun et les contribuables célibataires, veufs, séparés de corps ou de fait ou divorcés qui tiennent ménage indépendant avec leur(s) enfant(s) mineur(s) considéré(s) comme charge(s) de famille au sens de la lettre b (let. b) et CHF 41'100.- pour chaque charge de famille au sens des dispositions qui traitent de l'impôt sur le revenu, la fortune personnelle de l'apprenti ou de l'étudiant étant cependant soustraite de cette somme de CHF 41'100.-.

Ces montants ayant été indexés, ils étaient, pour l'année 2018, de respectivement CHF 82'040.-, CHF 164'080.- et CHF 41'020.- (art. 15 al. 1 let. a RCEPF).

11) La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 144 V 313 consid. 6.1 ; 137 IV 180 consid. 3.4).

12) Dans les travaux préparatoires relatifs à la LIPP, il a été relevé qu'était prévu des dispositions prévoyant des déductions de prévoyance, de frais de garde, ainsi que des déductions sociales sur la fortune pour les familles monoparentales. Elles étaient toutefois restreintes aux familles monoparentales qui tiennent
« ménage indépendant ». Cette notion existait dans la loi actuelle, mais elle était difficile à définir. En pratique, cela se voyait souvent en commission de recours. Dès lors qu'une personne habitait avec quelqu'un, on estime qu'elle ne tenait pas
« ménage indépendant ». Il lui appartenait alors de prouver qu'elle tenait un ménage non dépendant en apportant une preuve négative, ce qui était difficile à prouver. Par ailleurs, tous les cas de figure existaient dans la pratique. Il fallait donc que les déductions soient données à toutes les familles monoparentales. Il était également relevé que, en 2005, un arrêt du Tribunal fédéral avait dit que, au sens de la loi fédérale, il était important que la norme tarifaire pour les familles monoparentales soit la même que pour les couples mariés. Pour ces deux raisons, il était bon de supprimer cette condition de « ménage indépendant » (MGC 2008-2009/IX A 11540).

13) Selon la chambre de céans, le « ménage indépendant » se définit comme « indépendant » de celui de l'autre parent et correspond au ménage commun avec enfants à charge (ATA/394/2011 du 21 juin 2011 consid. 4 b et la référence citée).

14) Tant dans le droit fiscal fédéral que cantonal, les concubins ne constituent pas une catégorie de contribuables. Ils sont imposés séparément comme les personnes vivant seules et il n'est pas tenu compte de la communauté de fait qu'ils forment, de sorte que chacun est imposé sur ses revenus propres et qu'aucune compensation n'est possible entre les revenus, les pertes et les déductions de l'un et de l'autre (ATF 118 Ia 1 consid. 3b ; ATA/287/2009 du 16 juin 2009).

15) En l'espèce, à teneur du texte clair de l'art. 58 al. 1 let. b LIPP, seuls les époux faisant ménage commun et les contribuables tenant ménage indépendant qu'ils soient célibataires, veufs, séparés de corps ou de fait ou divorcés avec leur(s) enfant(s) mineur(s) considéré(s) comme charge(s) de famille peuvent prétendre à la déduction sociale de CHF 164'000.-. Le recourant ne fait manifestement pas partie des personnes visées par cette disposition dès lors qu'il n'est pas marié et qu'il vit en concubinage, ne tenant ainsi pas de ménage indépendant de celui de la mère de ses enfants.

Il ressort par ailleurs des travaux préparatoires relatifs à la LIPP cités
ci-avant que la question de la suppression de la condition liée au « ménage indépendant » a été abordée. Il apparaît toutefois que ces discussions visaient en particulier à favoriser les familles monoparentales, ce qui ne correspond pas à la situation du recourant. Plus encore, si la notion de « ménage indépendant » a finalement été effectivement supprimée des dispositions relatives à aux déductions de prévoyance et de frais de garde, elle a été conservée à l'art. 58 LIPP relatif aux déductions sociales. Cette distinction relève manifestement d'un choix du législateur.

Ainsi, l'interprétation tant littérale qu'historique tendent à confirmer la position suivie par l'AFC-GE, selon laquelle le recourant ne peut pas prétendre à une déduction sociale de CHF 164'000.- compte tenu de son concubinage.

Le TAPI a admis la déduction sociale maximale ressortant de l'art. 58 al. 1 let. b LIPP en faveur du recourant, en sus de la déduction sociale pour ses enfants, en se référant notamment à une décision de l'ancienne commission cantonale de recours en matière administrative (DCCR/729/2010 du 17 mai 2010) à laquelle il a succédé depuis lors laquelle avait relevé que la condition de
« ménage indépendant » figurant aux art. 2 let. d, 7, 12 et 14 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (détermination du revenu net - calcul de l'impôt et rabais d'impôt - compensation des effets de la progression à froid) du
22 septembre 2000 (aLIPP-V - D 3 16) devait être abandonnée car contraire à l'art. 11 al. 1 2ème phrase de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID - RS 642.14).

Cette position ne saurait toutefois être suivie. En effet, les dispositions précitées de l'aLIPP-V concernaient des déductions sur le revenu et les barèmes d'impôt applicables. La décision DCCR/729/2010 s'est d'ailleurs prononcé dans ce cadre en relevant que la condition de « ménage indépendant » ne pouvait plus être retenue et que le barème « marié » devait être appliqué aux contribuables célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait avec leurs enfants mineurs ou majeurs, qui constituent des charges de famille, même s'ils vivaient en concubinage. Cette décision ne relevait dès lors pas de la fortune imposable comme en l'espèce.

Dès lors, le grief de l'AFC-GE sera admis. La déduction sociale sur la fortune du recourant admissible sera donc arrêtée à CHF 123'060.- (CHF 82'040.- + CHF 41'020.-).

Compte tenu de ce qui précède, tant le recours du recourant que celui de l'AFC-GE seront admis. Par mesure de simplification, le jugement querellé sera annulé. Le bordereau ICC 2018 du recourant sera confirmé et le bordereau IFD 2018 sera modifié afin qu'il intègre une déduction pour frais de garde à hauteur de CHF 9'251.- et confirmé pour le surplus. La cause sera renvoyée à l'AFC-GE afin qu'elle rende une nouvelle décision en ce qui concerne le bordereau IFD 2018.

16) Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu à perception d'un émolument (art. 87
al. 1 LPA) ou à l'allocation d'une indemnité de procédure, chacune des parties succombant et ayant gain de cause dans un volet de même importance de la procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 janvier 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2020 ;

déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2021 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
14 décembre 2020 ;

au fond :

admet le recours interjeté le 18 janvier 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2020 ;

admet le recours interjeté le 19 janvier 2021 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2020 ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre  2020 ;

confirme le bordereau d'ICC 2018 de Monsieur A______;

renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions dans le sens des considérants en ce qui concerne l'IFD 2018 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guillaume Francioli, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :